GAZETTE NUCLEAIRE
No 8-9 avril-mai 1977
1) LES DIFFICULTES TECHNIQUES


     La Gazette a déjà abordé plusieurs de ces difficultés: les surgénérateurs (Gazette numéro 1), l'approvisionnement en uranium (Gazette numéro 3), le retraitement des combustibles irradiés (Gazette numéro 4), la radioprotection (Gazette numéro 5).
     Nous reprendrons ces divers points, pour les actualiser nous conseillons au lecteur de se reporter, pour plus d'informations, aux  Gazettes  elles-mêmes.
     La liste d'incertitudes qui existent tant en ce qui concerne le matériel classique (alternateur, transformateur...) que le matériel du bâtiment réacteur (générateur de vapeur, robinetterie, câbles, etc.) serait longue. Aussi nous ne donnerons ici que quelques brefs aperçus sur les difficultés techniques rencontrées dans l'exploitation des centrales elles-mêmes. Il ne s'agit pas d'un exposé exhaustif. Il s'agit au contraire de montrer, à partir de quelques faits précis que, contrairement à ce qui était affirmé il y a deux ans, la technologie nucléaire est mal dominée.
· Nous rappelons qu'une centrale nucléaire PWR utilise pour combustible de l'uranium enrichi, d'où des problèmes spécifiques tout au long du cycle de ce combustible: forte consommation d'uranium naturel dont les réserves estimées sont très limitées (cf. infra), retraitement éventuel d'un combustible très irradié... Les surgénérateurs «brûleraient» quant à eux du plutonium, fourni par les centres de retraitement (si ceux-ci fonctionnent suffisamment bien pour satisfaire la demande!).
     Nous abordons donc tout d'abord la question de l'approvisionnement en uranium. On nous dit: «grâce au nucléaire la France va obtenir son indépendance énergétique». Pour juger du peu de sérieux de cette affirmation, signalons deux faits:
     - les réacteurs PWR brûlent de l'uranium enrichi. Jusqu'au démarrage d'Eurodif (1980, 82, 84?), la France dépendra des Etats-Unis pour son approvisionnement en uranium enrichi. Ceux-ci disposent donc ainsi d'un formidable moyen de pression.
     - les réserves d'uranium de la France représentent dix ans de consommation qui sera la sienne en 1985 si le programme est maintenu. Au-delà, il faudra aller s'approvisionner à l'étranger.
On nous dira, bien sûr, que les surgénérateurs arriveront à ce rnoment-là pour prendre le relais. On verra plus loin que les choses ne sont malheureusement pas si simples.

A.a. L'uranium et son approvisionnement
     Nous avons indiqué dans la Gazette numéro 3 que les réserves mondiales d'uranium sont approximativement de 1.800 milliers de tonnes pour un prix de 30 dollars la livre (au 1er janvier 1975). Or, les besoins mondiaux jusqu'en 1990 étaient évalués par l'OCDE à 1.700 milliers de tonnes en 1973, c'est-à-dire avant la grande course au nucléaire!
     Aussi  deux  types  de problèmes se posent actuellement
     a) Il n'est pas sûr que, compte tenu des limitations en combustible, l'énergie nucléaire puisse jamais fournir les quantités d'énergie demandées.
     b) Ce qui est sûr, c'est que cette énergie va devenir de plus en plus chère, et que la part du combustible dans son coût, aujourd'hui négligeable, augmentera dans des proportions considérables.
     Dans ces conditions, c'est tout le problème de la rentabilité du nucléaire - pièce maîtresse de l'argumentation officielle - qui est en cause.

suite:
     Un certain nombre de déclarations et de documents très récents vont nous permettre de montrer que la situation, dans ce domaine de l'approvisionnement, tend à devenir effectivement de plus en plus catastrophique, confirmant en cela notre première analyse.

Quelques oracles «dignes de foi».... 
(à titre d'exemple)
     Il y a en effet des inconnues dont nous ne sommes pas maîtres dans le cycle du combustible. Mais les incertitudes sont plutôt moindres que celles d'autres secteurs, dont le pétrole de la Mer du Nord par exemple.
     Pour le minerai, tout dépendra du degré de cartellisation de la profession. De 1970 à 1974, les producteurs d 'uranium ont dû brader leur production, la demande s 'étant avérée très inférieure aux prévisions faites quelques années avant. Aujourd'hui, c'est le contraire, et il faut attendre que les capacités nécessaires d'extraction aient été mises en place pour retrouver des prix plus nornaux. Comme les ressources sont réparties un peu partout à travers le monde, il y a quand même des chances que les lois du marché jouent.

(Marcel Boiteux.
Interview de Pétrole Informations
janvier 1976)
     L 'accroissement de la demande mondiale en uranium destiné à alimenter les centrales nucléaires a appelé l'attention sur l'avenir de l'offre. Les réserves d'uranium actuellement connues pourront répondre à la demande jusque vers 1985, mais de graves problèmes d'approvisionnement risquent de se poser par la suite, à moins que l'on ne parvienne à découvrir et à exploiter d'importants gisements nouveaux.
(d'après le Courrier Scientifique de l'AIEA)
     Les obstacles essentiels sont d'ordre financier et relatifs à l'approvisionnement en uranium. La prospection, l'extraction et la préparation mobiliseront, dans les dix prochaines années des capitaux considérables, tandis que le comportement de nombreux fournisseurs d'uranium amène à craindre que l'approvisionnement des centrales ne sera pas assuré. Les tendances nationalistes qui se manifestent sur le marché mondial de l'uranium renforcent cette crainte.
(Etude de la National Electric Reliability Concil
sur la situation aux USA et au Canada.
Bureau européen d'informations charbonnières
no1 - 1977).
     En ce qui concerne 1'énergie nucléaire, quelques problèmes non encore résolus ont rendu à vrai dire assez irréalistes les projets ambitieux initialement envisagés par certains pays. Je pense que ces problèmes doivent être pris très au sérieux. Au cas où l'énergie nacléaire ne pourrait fournir la contribution sur laquelle on comptait pour passer à l'«ère post-pétrolière», il y aurait lieu de craindre:
     1. que de nouveaux relèvements des prix de l'énergie, et même éventuellement des déficits d 'approvisionnement, ne pèsent à nouveau sur la conjoncture mondiale;
     2. que la dépendance des pays de l'AIE à l'égard de l'extérieur ne s'accroisse davantage;
     3. et que les difficultés des pays du Tiers-monde pauvres en énergie ne s'aggravent encore, et ne provoquent une détérioration de nos rapports avec eux.
(Déclaration du Président de l'AIE
15.3.1977)
p.4

Qu'est-ce qui ne va pas?
     Concrètement, on peut citer quelques faits d'actualité bien précis à l'appui de ces nombreuses craintes:
     - l'Australie vient d'annoncer à ses clients qu'elle allait être obligée de différer ses livraisons de trois ans car, pour différentes raisons, elle ne parvient plus à fournir...
     - la politique australienne en matière d'exportation de son minerai ne paraît pas encore bien claire par suite, notamment, des pressions de l'opinion publique et des syndicats concernant les risques sur l'environnement et surtout les risques de prolifération de l'arme nucléaire. On notera que l'Australie est le 2ème producteur après les EtatsUnis...
     - les Etats-Unis, qui ont suspendu leurs livraisons d'uranium enrichi à la Communauté européenne, viennent de les reprendre, mais assortis de conditions beaucoup plus draconiennes concernant le contrôle de l'utilisation et le transport. Les livraisons unitaires seraient de l'ordre de 15 kg
     - les négociations CEE-Canada sur l'uranium sont dans l'impasse: le pessimisme est tel, paraît-il, chez certains, «qu'il se pourrait bien que l'on n'ait plus besoin de se rencontrer». On notera que le Canada est le 3ème producteur d'uranium...
     On pourrait bien envisager de se tourner vers les victimes habituelles de l'exploitation capitaliste, les pays du Tiers-Monde, mais hélas, la Conférence de Genève sur les matières premières vient de se terminer sur un «échec complet» (Le Monde, avril 77), ce qui constitue par ailleurs une menace sérieuse pour l'ensemble du «dialogue Nord-Sud». Où est donc passée la «sacro-sainte indépendance énergétique française grâce au nucléaire»? Comment va-t-on faire marcher nos belles centrales nucléaires sans uranium? Le nucléaire est décidément bien mal parti!!
     En tous cas, mis à part la mise en exploitation sur notre territoire, à Sévignon (71), d'une fabuleuse mine qui doit fournir quelques heures d'électricité «nucléaire»pour le parc français de 1985, on n'entend pas beaucoup parler de nouvelles découvertes...
     Heureusement, il reste la mer, cette source «inépuisable» et qui appartient à tout le monde: on nous apprend (AFP Science du 8.1.1977) que le Japon a décidé de débloquer une provision de 480.000 dollars pour lancer les études d'une usine capable d'extraire de l'eau de mer environ 1.000 tonnes de combustible par an. On remarquera que pour obtenir de quoi charger un réacteur PWR de 900 MW (72,5 tonnes d'uranium enrichi à 3%), il faut (compte tenu de la faible teneur de l'eau de mer en uranium) en pomper et en traiter un débit égal à 6 fois celui de la Seine au Havre, et cela pendant un an et avec un rendement de 100% (pour simplifier)!... Alors bonne chance!

A.b. Démantèlement des centrales
     Les «responsables» du programme nucléaire ont toujours été très discrets et quel  que peu embarrassés sur la question de savoir ce qu'on fera des centrales nucléaires à la fin de leur existence productrice... Le problème est en effet très épineux, car on se trouvera alors avec une usine comportant une quantité impressionnante de produits radioactifs de fission et d’activation, ce qui rend toute manipulation extrêmement dangereuse et, de toute façon, très «coûteuse en hommes-rems » (voir Gazette no 5). Voici donc les dernières nouvelles sur cette question.
      On apprend qu'il faut se rassurer car le CEA et EDF étudient conjointement le problème: les études menées n'ont pas abouti à des règles précises, mais il apparaît simplement qu'après enlèvement du combustible et de ses déchets, on attendra une vingtaine d'années avant de procéder au démantèlement, afin que la radioactivité des installations ait un peu décru. La seule certitude, paraît-il, est que les sites seront réutilisés pour de nouvelles centrales... Quant au prix de revient, il est évalué à 5 à 10 % du coût de construction de la centrale. Comme on le voit, tout cela est vraiment très précis...
 

suite:
     Mais, hélas, qui croire? Si l'on se tourne du côté des USA, on trouve une étude importante effectuée par un groupe privé américain «Nuclear Energy Services» pour le compte de «l'Atomic Industrial Forum».  (Nuclear lndustry, février 77). C'est donc le dernier cri de la technique... et la première étude sérieuse du genre.
     C'est ainsi que deux solutions possibles sont envisagées:
     a) la mise sous surveillance (technique et  gardiennage de sécurité) pendant cent ans avant démantèlement;
     b) la construction d'une enceinte de protection en béton pour condamner totalement l'accès pendant également une période de cent ans (cette solution réduit le gardiennage).

     Pour une centrale PWR, les coûts estimés par cette étude sont les suivants (en millions de dollars 1975):

     Le démantèlement immédiat après l'arrêt a été estimé possible également, et chiffré à environ 27 millions de dollars, mais cette solution paraît exclue par les auteurs par suite des risques trop élevés dus à la radioactivité: il faut donc attendre cent ans avant de pouvoir envisager de réutiliser le site...
     Soyons extrêmement clair: en ce qui concerne les installations industrielles où rien n'a été prévu initialement pour le démantèlement, on ne sait rien des difficultés techniques que l'on rencontrera, ni des coûts réels correspondants. Les études actuelles ne fournissent rien de plus qu'un argument sans fondement aux pronucléaires, pour répondre aux questions, à juste titre inquiètes, de l'opinion publique.
     En effet, dans tous les cas de figure (mise sous surveillance, réutilisation du site pour y installer une autre centrale...) un site nucléaire sera définitivement condamné.

A.c. Le retraitement du combustible
     Ce secteur est un point-clé de l'industrie, car il conditionne:
     - l'usage économique ou non du combustible : le taux d'enrichissement en 235U d'un barreau de PWR après trois ans de passage dans le réacteur est encore de 1%, c'est-à-dire supérieur à celui de l'uraniun» naturel.
     - l'accès au plutonium en grande quantité, c'est-à-dire: le développement industriel des surgénérateurs et... la prolifération de l'arme atomique.
     - la politique des déchets et de leur stockage.
     En raison surtout de son aspect militaire le retraitement est un domaine essentiellement politique. Peut-on faire du stockage ou faut-il retraiter et quelle est la situation tant française qu'internationale: voilà l'objet de ce chapitre. Nous rappelons que la Gazette no 4 a déjà abordé ces problèmes.

Stockage
ou traitement différé?

     Le stockage n'est pas satisfaisant dans la mesure où il ne règle aucun problème à moyen et à long termes. Même à court terme, il exige une structure industrielle adéquate:
     1. Il nécessite en effet la construction de piscines profondes (14-15 m) permettant d'assurer la protection biologique lorsque l'on extrait le combustible du chateau déposé au fond de la piscine.
     2. En cas d'accident de manutention (depuis la sortie du coeur du réacteur) on peut être contraint de retraiter un combustible comportant une rupture franche.
     3. Les microfissures du combustible évoluent dans le temps et l'on observe une contamination croissante de l'eau de la piscine dont il faut assurer en permanence la filtration. Au-delà de 10-4 Ci/m3, les problèmes se posent de façon aiguë. Une fissure peut rapidement conduire à des contaminations de l'eau de l'ordre de 1 à quelques dizaines de Ci/m3.
p.5

     L'eau est alors à renouveler complètement, ce qui exige soit un traitement dans une installation spécialisée, soit un rejet qui pose des problèmes non négligeables (mille mètres cubes d'effluents à raison de quelques Ci par m3).
     4. Il est nécessaire de disposer d'installations de décontamination des outils, engins de lavage, château de transport, etc., qui ont été en contact de l'eau contaminée.
     5. La piscine doit être «couverte»,car au voisinage de 10-2 Ci/m3, la contamination de l'air (par évaporation, projections, etc.) ne devient plus négligeable.
     Cette énumération qui n'est pas exhaustive, montre la fragilité de l'argument «stockage» qui est une solution chère car le retraitement devient inéluctable au bout de quelques années, car les gaines se corrodent très rapidement dans la piscine. C'est en définitive reculer pour «moins bien sauter».

Le traitement du combustible
en France

     Les centres de production du CEA ont mené une longue grève à la Hague, Marcoule et Miramas. M. Giraud a pris à sa manière le virage industriel en procédant tant à la Hague qu'à Marcoule au premier lock-out réalisé dans le secteur public. Ce «couplage au réseau industriel», comme on dit à EDF mérite d'être salué...
     Le centre de la Hague, appelé à traiter le combustible oxyde s'est mis en grève principalement pour des raisons de sécurité: la dérive des installations, le vieillissement des divers organes mécaniques, l'inadéquation des dispositifs compte tenu des activités traitées, l'augmentation croissante des contaminations et des irradiations, l'extension du port des tenues actives là où voici deux ans l'on ne portait qu'une blouse, les dizaines de rads que l'on mesure là où l'on ne comptait que des milli-rads, des gaines de ventilation que l'on répare... à la toile adhésive, etc., etc., toute une série de glissements qui avaient conduit à la cote d'alerte.
     M. Giraud, en admettant la réunion non-stop d'une commission d'hygiène et sécurité élargie à des représentants syndicaux des syndicats nationaux, admettait implicitement:
     - l'acuité des problèmes techniques et humains,
     - la capacité des travailleurs d'appréhender les problèmes de leur usine.
     Alors que le «constat technique» tire à sa fin et que des choix doivent être pris pour remettre en état la machine, le directeur du centre et son équipe (en majeure partie contestée tant sur le plan humain que technique) réitèrent les maladresses qui ont conduit à la grève. Et ce, alors que la direction du CEA affirme la nécessité du traitement surtout parce que celui-ci permet d'extraire le plutonium, combustible des réacteurs surgénérateurs. Elle y voit aussi, à travers la création de sa filiale COGEMA (résultant de la filialisation de sa Direction des productions) un marché intéressant pour:
     1) l'exportation d'usines de retraitement,
     2) la fourniture d'un «service de location» du combustible (le plutonium extrait du combustible usé serait gardé en France et les déchets renvoyés à l'utilisateur une fois conditionnés).
     M. Giraud, Administrateur général du CEA affirme que la technique du traitements des combustibles de la filière à eau ordinaire doit réussir à l'usine de la Hague et qu'il y consacrera le temps et les moyens nécessaires pour assurer le respect de la sécurité.

SITUATION INTERNATIONALE

Politique du retraitement ou
retraitement... et politique?

     L'industrie du traitement des combustibles irradiés, issus des réacteurs nucléaires est remise en question par les Etats-Unis.

suite:
     S'appuyant sur une vue politique de non prolifération (objectif mis en avant) et prenant en compte les sérieuses difficultés techniques rencontrées (motivation inavouée), les USA prennent pour le moment position en faveur du «gel du retraitement». Ce choix politique débouche sur un choix technique: le stockage en piscine des combustibles irradiés. Rappelons en effet que l'usine de la Hague est la seule au monde qui essaie encore de  fonctionner.  Morris (USA), Windscall (Grande-Bretagne), NOL (Belgique), Wak (RFA) ont toutes été arrêtées en 1974 du fait des difficultés techniques rencontrées, du relèvement des normes de sécurité aux USA, de la sous-estimation générale des coûts (cf. Gazette numéro 4).
     La France décidait, le 16 déc. 1976, de «ne plus autoriser. jusqu'à nouvel la signature de contrats bilatéraux portant sur la vente à des pays tiers d'installations industrielles de retraitement des combustibles irradiés ».
     Afin de prendre, pour le moins vertement, ses distances vis-à-vis des USA, le  communiqué de l'Elysée précisait:
     «1 - Le contrat avec la Corée a été annulé par une décision purement française prise par le chef de l'Etat,
     2. la politique de non-prolifération définie par la France pour son propre Compte, comme en témoigne l'ensemble des décisions prises et des principes affirmés par le conseil de politique extérieure nucléaire.
     Si l'objectif visé est la non-prolifération du plutonium militaire, il faut s'interroger sur l'impact réel de telles décisions.
     L'explosion indienne de 1074 montre à l'évidence que le refus de vendre des installations de retraitement est une option nécessaire pour éviter toute prolifération massive de l'arme nucléaire, mais elle n'est pas suffisante.
     Depuis une vingtaine d'année, les technologies mises en oeuvre pour le retraitement sont du domaine public. Le retraitement de quelques tonnes de combustible opéré, dans des installations quasi-artisanales (avec risques humains importants) avec l'aide de quelques radio-chimistes, permet d'obtenir les quelques kilos nécessaires à la construction d'une bombe A rudimentaire.
     IL APPARAîT DONC QUE LA PREMIERE BARRIERE RESIDE EN LA NON-DISSEMINATlON DES CENTRALES NUCLEAlRES.
 
DE LA FIABILITE DES
GÉNERATEURS DE VAPEUR (G.V.)

     On ne trouve pas deux générateurs de vapeur identiques car au fur et à mesure qu'on résoud les problèmes, il en apparaît d'autres! Heureusement, on apprend de M. Bebin, spécialiste de FRAMATOME, qu'il n'y a plus de problème de corrosion pour nos G.V. français (aux USA, malgré des modifications dans le traitement chimique de l'eau, les tubes continuent toujours à se détruire à un rytllme très élevé!).
     Une des recettes utilisées pour accomplir ce miracle de la technologie française, c'est l'augmentation de la vitesse d'écoulement de l'eau de circulation dans le G.V., ce qui diminue les dépôts de boues, responsables de la corrosion. Mais on semble oublier qu'en augmentant la vitesse d'écoulement, on risque de faire vibrer les faisceaux de tubes notamment au niveau des coudes (appelés «épingles»), ce qui est au moins aussi dangereux pour les tubes
     Tout cela est du meilleur effet pour la longévité de la centrale: en effet, les G.V. n'étant ni réparables ni remplaçables (car ils sont coincés dans l'enceinte de confinement), la seule chose qu'on sache faire quand un tube est percé, c'est de le boucher... jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de tube! Mais on est obligé de s'arrêter bien avant.
     Quant aux travailleurs (ou plutôt leur santé), on remarquera au passage que  ces opérations de «bouchage» sont loin d'être inoffensives: à Chooz, par exemple, au cours d'une inspection d'un G.V. pour obturer 4 tubes, 18 personnes ont dû «se partager» une dose de 55 rems pour effectuer l'opération.

p.6
(suite) OUF! on a eu chaud à Tihange!

     Les raisons en sont connues: corrosion sous tension de l'accès ferritique (non inoxydable) des goujons par l'acide borique s'échappant du circuit primaire par la fuite.
     Conséquences possibles: il aurait pu se produire une rupture de proche en proche d'un certain nombre de goujons entraînant éventuellement une brèche importante et brutale dans le circuit primaire: c'est ce qu'on appelle un «accident de référence»!
     L'ennui est que les fuites sont toujours possibles et que, au moins pour ce qui concerne Fessenheim (si ce n'est même toute la série des autres tranches prévues) les pompes et une partie de la boulonnerie du circuit primaire sont également en acier ferritique aussi fragile... - Aucun doute heureusement qu'EDF et le service des  Mines en  sont  parfaitement conscients!?!... Mais en est-on si sûr?
     Dès la mise en service du réacteur, on constatait l'existence d'une fuite (eau +  acide borique) sur la pompe no 3 du circuit primaire, au joint entre la volute et le corps de la pompe. Après détection, cette fuite (d'ailleurs faible) a été suivie à l'aide d'une caméra de télévision pendant environ 1 an de marche du réacteur.
     Au moment du démontage pour réparation, on vient de constater les résultats qui, eux, étaient passés totalement inaperçus:
     - Erosion importante au niveau du joint
     - Corrosion considérable des trois ou quatre goujons de liaison (situés en regard de la fuite) entre le corps de la pompe et la volute: le diamètre de ces goujons était ainsi réduit du quart!

Le batiment réacteur
est-il une enceinte étanche?

     Les officiels du nucléaire nous affirment qu'en cas d'accident, la vapeur et les produits radioactifs sont contenus à l'intérieur du bâtiment réacteur dont l'enceinte est étanche précisément dans ce but. On peut en douter:
     - Cette enceinte, d'un volume très important, a un taux de fuites admissible spécifié par rapport à son volume global. Or, l'étanchéité d'une enceinte d'un tel volume pose des problèmes techniques très difficiles.
     - Le taux de fuite doit être vérifié périodiquement (tous les 4 ans par exemple à Chooz, qui ne fait que 320 MW). Et l'expérience montre qu'il faut bien 8 à 10 jours pour colmater les fuites qui sont apparues dans cet intervalle et ramener la fuite à son taux spécifié.
     Il serait donc très intéressant de connaître la fréquence d'épreuve prévue pour les batiments réacteurs des tranches 9oMW. Et nul doute bien entendu que le taux de fuite reste faible dans l'intervalle. Mais au fait, quelle est donc sa valeur?
 


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