- Origine : «Les sources d'information
du dosage de la radioactivité en Lorraine»
- Auteur : Docteur D. Briançon - Chouanière - Organismes responsables · Observatoire de la Santé et des affaires Sociales en Lorraine · Département de Santé publique de la Faculté de médecine · Comité Consultatif régional de la promotion de la Santé, DASS-Lorraine. Ce document est un extrait d'une étude faite en Lorraine, il complète bien le document du Var que nous publions aussi dans cette Gazette. Bonne lecture. RÉSULTATS DES MESURES
1. Précisions techniques
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Certains pourtant présents dans le nuage et ayant des effets biologiques ne figurent pas dans tous les tableaux car ils n'ont pas été mesurés. C'est le cas du strontium 90 qui se fixe sur l'os. Le CEA nous a précisé que l'activité en Strontium 90 trouvée dans les prélèvements d'herbes ou de végétaux (salades et épinards de la région parisienne) est de l'ordre de 1 à 10 % de l'activité en Césium 137. Les résultats chiffrés qui suivent doivent être replacés dans la situation habituelle d'exposition des individus. L'irradiation naturelle représente 1.10-3 Sievert (100 millirem [1]) provenant de l'irradiation terrestre, cosmique et corporelle ; le corps humain contient du Potassium 40 responsable à lui seul de 0,4 x 10-3 Sievert (40 millirem/an) (ce qui correspond à une activité de 2'000 Bq environ). L'irradiation liée au développement des techniques (écran cathodique, montre, etc...) et à l'irradiation médicale représente 1.10-3 Sievert (100millirem) supplémentaire par an. Le seuil admissible pour le public est de 5 x 10-3 Sievert (0,5 rem par an) et pour les travailleurs exposés de 5 x 10-2 Sievert (5 rem par an). 2.Air
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Un laboratoire de la Faculté de Sciences a enregistré
par le passé en continu cette radioactivité, mais faute de
moyens, a cessé cet enregistrement quelques mois avant «Tchernobyl».
Le «bruit de fond» de nombreux appareils de détection des rayonnements a été augmenté, mais aucune mesure systématisée n'a été réalisée. On nous a signalé une augmentation de celui-ci de 40 à 80 % dans les locaux de travail. Les résultats des mesures faites par le SCPRI à Vioménil sont présentés en moyenne par semaine de la radioactivité totale. Ils ne donnent pas non plus le niveau de radioactivité de chaque radio-élément au jour le jour, mais une moyenne sur 16 stations pour tout le mois de mai. Nous n'avons donc pas les concentrations des radioéléments aux périodes des risques maximaux pour Vioménil. Le CEA donne, par contre, pour certaines stations, des résultats par radio-éléments au jour le jour. Mais d'une part, entre les différents documents émanant de cet organisme, on relève pour la station de Saclay, le 1er mai, des valeurs maximales différentes: 18 Bq/m3 sur 2 premiers documents, 10 Bq/m3 et 2 Bq/m3 sur les données du dernier rapport. D'autre part, il n'y a pas forcément de suivi dans les résultats. Si pour les stations d'Orsay et Verdun, nous disposons de toutes les mesures des radio-éléments du 29 avril au 9 mai (1er rapport), nous n'avons pas ensuite ces conséquences pour les autres stations, ce qui empêche de repérer les valeurs maximales. De plus, les différents radio-éléments n'ont pas leur valeur maximale le même jour. Un radio-élément peut être à son maximum tel jour à telle station, mais le sera un autre jour dans une autre L'hétérogénéité des mesures rend-elle compte de concentrations variables des différents produits de fission du nuage au même moment, d'une grande variabilité de celui-ci dans le temps, ou d'une confusion dans les dates ? 3. Dépôts au sol
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Les seules stations officielles chargées de ces contrôles sont à Apach pour la Moselle, à Chooz pour la Meuse, et à Vioménil pour les précipitations. L'Ecole Nationaie Supéneure d'Agronomie des Industries Alimentaires (ENSAIA) trouvait encore le 27 mai, dans les eaux de pluie recueillies sur le plateau de Brabois, entre 100 et 120 Bq/l pour l'activité totale b). La comparaison entre les valeurs de mars et mai 1986 montre (en activité totale): - pour les eaux de pluie (en activités volumiques) de Vioménil, un passage de moins de 0,25 à 920 Bq/g (entre le 1er et le 11 mai), soit une multiplication par 3'700. - pour l'eau de la Moselle de la station d'Apach · eau filtrée : 0,21 à 0,74 Bq/l (multiplication par 3,5) · résidu de filtration :1,5 à 54 Bq/g de cendres (multiplication par 35) · boue de décantation :1,2 à 17 Bq/g calciné (multiplication par 14). L'hétérogénéité du coefficient d'augmentation est, elle aussi, paradoxale. Les mesures pour mai 1986 ne sont pas détaillées, mais données par une moyenne sur le mois. 5. Lait
6. Végétaux
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Nous disposons des résultats pour les 13-14-15 mai en Meurthe-et-Moselle
uniquement.
Un service de médecine nucléaire de la Faculté de Médecine de Nancy qui a réalisé des mesures sur des salades de la banlieue nancéienne, les 7 et 8 mai et 25 novembre a trouvé pour l'activité de l'Iode 131 1'222 Bq/kg en mai contre 222 Bq/kg en novembre 1986. L'antenne de Vioménil fournit des résultats sur les végétaux les 5 et 12 mai. Compte tenu de la situation météorologique, il aurait été tout à fait souhaitable d'avoir des résultats pour les 3-4 mai pour des légumes feuilles (épinards, salades) et pour juger de la concentration. Par ailleurs, le SCPRI ne donne pas le résultat de la concentration en Strontium 90 le 12 mai. La comparaison entre les mesures faites à Vioménil les 2 mars et 5 et 12 mai 1986 montre une augmentation - de moins de 0,2 à 88 Bq/g de cendres (5 mai) pour l'activité de l'Iode 131 (multiplication par 440 au moins) - de 0,029 à 0,14 Bq/g - 11 Bq/g de cendres (le 12mai) pour le Césium 137 (multiplication par 150 au moins) - de moins 0,075 à 10 Bq/g (le 12 mai) pour le Ruthénium 103 (multiplication par 130 au moins) - de moins de 0,2 à 2,8 Bq/g (le 5 mai) pour le Baryum 140 (multiplication par 14 au moins). La possibilité des comparaisons s'arrête là, puisque le CEA et le SCPRI n'ont pas les mêmes méthodes de mesures.... Le CEA mesure sur des légumes frais, le SCPRI sur les cendres dont l'origine n'est pas précisée (s'agit-il de salades, de carottes ou d'autres légumes ?). Il aurait été intéressant de rechercher, si elles existent, les tables de conversions entre les deux méthodes. Mais là aussi cette enquête préliminaire n'a pu aborder cet aspect. 7. Produits animaux
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8. Commentaires L'ensemble des éléments mesurés et rapportés ici montre clairement que la Lorraine a subi une importante exposition. Le réseau parallèle de contrôle a bien fonctionné : 7 laboratoires ont fait des mesures. Mais ne disposant pas d'étalons en Iode 131, ou de valeurs de référence antérieures à l'accident, ils émettent des réserves quant à la diffusion ou à la précision des valeurs. Notons cependant qu'aucune mesure ne peut être surévaluée mais au contraire sous-évaluée. Le SCPRI est l'auteur des mesures non seulement pour ses antennes, mais il a également travaillé pour la Direction de la Concurrence, les DDASS. Il n'y a pas de mesures officielles réalisées en Lorraine. Le plus proche laboratoire officiel pour notre région est à Colmar. Enfin, on peut constater qu'il n'existe pas de différences importantes entre les résultats du réseau officiel et ceux du réseau parallèle. Les mesures ont dépassé les limites recommandées d'après les chiffres publiés par Science et Vie pour les salades du 2 mai à Cadarache (CEA), pour la concentration atmosphérique en émetteur b total, en Iode 131 à Vioménil et probablement pour les thyroïdes de bovins, toujours à Vioménil (SCPRI). Cependant, la notion de limite recommandée en matière de radioactivité ne relève pas d'un calcul précis comme pour la dose maximale admissible (DMA) en toxicologie. Pour les denrées alimentaires, ces limites ont d'ailleurs varié durant l'épisode Tchernobyl, servant plus à protéger économiquement les productions agricoles nationales que la santé des habitants. Le problème de la toxicité des faibles doses reste entier et a bien été mis en évidence par les discussions durant cet épisode. On peut espérer qu'un effet positif de Tchernobyl sera de permettre de mieux cerner ce problème et que l'épidémiologie des cancers et malformations congénitales sera renforcée en Europe (du Nord en particulier). Il faudrait, par ailleurs, pour être objectivement rassuré sur les conséquences de cette pollution, avoir des résultats: - géographiquement plus précis. Nous disposons, en Lorraine, cette étude le montre, d'un important réseau de laboratoires : ces ressources auraient pu être utilisées à établir une carte très précise de mesures en tenant compte des phénomènes météorologiques locaux (prélèvements des principaux légumes et fruits sur les zones sous précipitations orageuses, et/ou sous vents contaminés). - établis plus vite: le nuage est passé le 1er mai, des orages se sont abattus le 3 mai, les eaux de la Moselle étaient probablement les plus contaminées les 3-4-5 mai, de même pour le lait et les produits végétaux. Les antennes de Vioménil et d'Apach disposent-elles des résultats ? Ils ne nous ont pas été communiqués pour ces jours-là. - diversifiés: l'absence de coordination a fait que, sous la nécessité de l'exportation, tous les efforts se sont localisés sur les mesures des produits laitiers ; les autres produits alimentaires et l'eau de consommation n'ont pas soulevé le même intérêt. p.21
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ET SA CIRCULATION Cette étude n'aurait pas dû avoir
lieu, au moins en tant qu'enquête à caractère scientifique.
Ses objecteurs relèvent plus d'une démarche d'information
à laquelle tout citoyen peut prétendre que d'un travail apportant
une plus-value à la connaissance générale.
1. L'accès à l'information
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De plus, la centralisation en période critique manque de souplesse. Il s'agissait de répondre vite à des problèmes simples : «cette salade, arrosée le 3 mai par l'orage, alors que la concentration atmosphérique était maximale, est-elle consommable ou non ?» La solution pouvait se trouver sur place moyennant une bonne organisation régionale ou départementale. Etait-il alors utile d'envoyer cette salade au SCPRI qui, vu l'afflux des demandes, avait besoin outre le temps d'acheminement, d'un délai pour répondre. 2. Circulation de l'information
(1) Ndlr : le CEA de Cadarache n'a pas indiqué
aux autorités sanitaires de Lorraine qu'il avait fait une étude
de contamination du bassin versant de la Moselle.
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Les responsables des laboratoires non officiellèment
mandatés ont, de même, fonctionné en parallèle
entre eux, et en parallèle par rapport aux circuits officiels. La
plupart de nos interlocuteurs ne connaissaient ni les missions, ni les
possibilités des circuits officiels. Ainsi, dans notre région,
chacun a cherché, s'est débrouillé (d'où le
nombre de mesures «sauvages»), sans profiter de toutes les
possibilités techniques et administratives. 8 des 9 questionnaires
qui apportent des avis aux questions d'opinions sur Tchernobyl mentionnent
la nécessité d'une coordination entre les différents
laboratoires : «se connaître, se rencontrer, standardiser les
méthodes...».
PROPOSITIONS La situation créée par Tchernobyl
ne rentrait dans aucun plan pré-établi. Nos institutions
ont dû faire face à une situation de relative urgence, imprévue
et ont réagi avec la centralisation et la lenteur ordinaire, inadéquate
dans ce cas.
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Il est normalement chargé de cette surveillance continue. Encore faut-il que cette information soit accessible. Jusqu'à présent les rapports (annuels, trimestriels et mensuels) de ces relevés étaient adressés exclusivement aux préfectures. Les DDASS et les DRASS ne les recevaient pas directement. Les précisions citées plus haut, demandées au SCPRI, ne nous ont pas été apportées - Un réseau régional pour établir ces taux de références de base. Certains laboratoires l'ont proposé et sont prêts à le réaliser. Cela permettrait de couvrir les départements de la Meuse et la Meurthe-et-Moselle, dépourvus d'antennes SCPRI - Un plan d'utilisation des ressources régionales en cas d'accident similaire prévoyant les nécessités techniques (approvisionnement en étalons), l'organisation des contrôles en fonction des compétences, etc. Sur les 17 répondants aux questionnaires, 9 ont manifesté leur souhait de voir se créer un tel réseau et d'y participer. Cette étude, faite à l'initiative de 3 organismes sur des crédits limités et prélevés sur leurs fonds propres, n'a pas la prétention d'avoir étudié le problème dans son ensemble. Ses limites en ont été signalées au fil du rapport. Certains aspects pourraient etre approfondis. Ils ont été également pointés précédemment, mais l'heure n'est plus au constat, mais à une démarche pragmatique de concertation, de stratégie, d'organisation. Si Tchernobyl se reproduisait, que ferions-nous de mieux aujourd'hui ? L anniversaire de «Tchernobyl» a entraîné la production d'un certain nombre d'articles, de bilans, de revues spéciales. La revue Que Choisir a publié en avril 1987 un numéro spécial sur «Tchernobyl ce qui est noté radioactif». Ce bilan réactualise les conclusions de ce rapport sur la nécessité d'une cellule de coordination dont la première mission pourrait être l'organisation du contrôle de l'environnement et des denrées alimentaires et de l'information de la population Lorraine. p.23
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