G@ZETTE NUCLEAIRE
No 149/150, avril 1996
Tchernobyl: 10 ans déjà,

et ce n'est pas fini !!!
Editorial


     J'ai rassemblé pour ce numéro les dernières données sur Tchernobyl. Tristement je dirai que ce que nous avions publié il y a 5 ans est toujours d'actualité, en particulier le livre de R & B Belbéoch (Tchernobyl une catastrophe, Editions ALLIA 16 rue Charlemagne 75004 Paris, disponible au GSIEN) vous donnera tous les détails. 10 ans après, les populations souffrent toujours des séquelles de cet accident. et cela a plutôt empiré.
     La première manifestation, reconnue officiellement, a été les atteintes à la thyroïde. La Gazette a fait part des craintes des médecins dès 1989, craintes confirmées en 1991, la relation avec l'accident est certaine puisque les augmentations les plus fortes sont dans les régions les plus contaminées. Il y a encore des polémiques pour savoir si c'est l'irradiation externe qui a un effet prépondérant ou si l'iode-131 fixée sur la thyroïde aurait aussi une part de responsabilité. Ce qui semble aussi se faire jour c'est l'impact de l'ensemble des iodes (iode 132,133,134 à période très courte, 131 et 129 (vie très longue), ainsi que probablement l'ajout du césium. Les études menées jusqu'à Tchernobyl avaient montré que l'exposition à une irradiation externe aiguë est un facteur de risque pour cette pathologie. Le rôle carcinogène de l'iode-131 n'avait pas été établi. Il est maintenant indéniable que, si d'autres facteurs interviennent, on ne peut pas nier le rôle des iodes dans les cancers des enfants. Il faut admettre que Tchernobyl bouleverse les idées sur ce type de cancers radioinduits. De plus les cas continuent de s'accumuler et l'effort de dépistage et de traitement précoce doit être amplifié.
     La situation reste très préoccupante dans les territoires des 3 Républiques contaminées. En 1991 nous avions souligné que si la situation sanitaire dégradée était admise, elle était attribuée pour une grande partie à la radiophobie.
     D'une part les officiels des républiques ont dû accepter la réalité de l'épidémie de cancers radioinduits de la thyroïde chez les enfants. D'autre part d'autres effets sont apparus qui, comme les cancers de 1991, doivent être mieux étudiés et caractérisés mais ces effets s'imposent progressivement comme par exemple l'atteinte cardiovasculaire, l'altération de la santé des nouveau-nés, les effets immunologiques.
     Nous avions, aussi, souligné le rôle néfaste des instances officielles de tous les états - Est comme Ouest - qui minimisaient autant que faire ce peut les conséquences de Tchernobyl.
suite:
Cette tendance est toujours utilisée. Les symptômes relevés chez les liquidateurs, asthénie, troubles de la mémoire et douleurs sont attribués à l'effet "STRESS". Il est bien évident que ce sont des effets niés jusqu'à présent. Cette négation était relativement facile car il y avait peu de cas. Avec Tchernobyl ce n'est plus vrai, simplement le suivi n'est pas toujours à la hauteur de l'ampleur des dégêts. Par exemple pour les liquidateurs, même s'il est parfois difficile de faire des relevés de doses, des études sérieuses devraient être menées. Car, pour partie il s'agit de doses relativement faibles dont il serait judicieux de mieux cerner les effets. A cette occasion rappelez-vous les déclarations en faveur des 350 mSv-vie ou 35 Rem, c'est alors difficile de faire confiance aux études menées par ceux-là même étaient signataires et niaient les effets possibles.
 A ce propos il convient de signaler que, enfin, il est fait état de l'impact sanitaire en France. Je vous rappelle que dans la Gazette no 86/87 on avait publié des extraits des mesures effectuées par l'IPSN en régions Provence Alpes Côte d'Azur et Lorraine. L'IPSN a donc fait un suivi de l'impact de Tchernobyl. Les estimations de dose moyenne à la thyroïde sont pour l'année 1986 adultes 0,4 mSv (0,1 à 0,8 selon régions) enfants 1,6 mSv (0,5 à 3,4 mSv selon régions).
     Il y a en cours une estimation des cancers pour l'ensemble de la population et plus spécialement pour le Sud-Est de la Corse. Si les données de mortalité dans la France entière ne montrent pas d'effet en leucémie ou cancers thyroïdiens, c'est d'une part par ce que l'étude doit porter sur la morbidité et d'autre part être plus ponctuelle en fonction des dépôts en 86. En ce qui concerne le Sud-Est et la Corse, le registre des cancers fait apparaître 17 cancers à la thyroïde entre 84-94 (taux d'incidence annuelle 1,6 par million à comparer au 1 par million des pays nordiques). Les études sont loin d'être terminées et il faut faire pression pour qu'elles le soient. La sécurité des populations n'a pas de prix.
     La situation est et restera préoccupante de nombreuses années. Souhaitons que nous n'ayons jamais ce suivi à faire en France. Cependant dès à présent nous devons, quant à nous, faire le suivi autour de la Hague, dans les régions d'exploitations minières et autour de tous les sites.
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     Tchernobyl concentre les efforts mais en ex-URSS il existe d'autres contaminations, les sites militaires, les réacteurs vieillissants à l'Est et il faut prendre le problème dans son ensemble et utiliser les données pour éviter les pollutions et sauvegarder les populations.
     L'analyse de la pollution des sols et des plantes a fait apparaître des phénomènes nouveaux et préoccupants. Si le césium semble diminuer, en revanche le strontium se stabilise ou même augmente. Comme le strontium était signalé dès 1986 comme le futur problème majeur, ce n'est donc que la confirmation de son importance. Rappelons aussi la contamination plutonium qui peut accompagner le strontium (Gazette no 109/110, page 6).
     La situation reste difficile et comme les contre-mesures coûtent cher de 200 à 354'000 FF pour éviter un homme sievert on peut se représenter la situation. Tchernobyl c'est terrible et ça ne va pas aller en s'améliorant. Il reste non seulement les terrains contaminés mais le sarcophage, les autres réacteurs, etc.
     Maintes fois nous avons souligné que les pays de l'Ouest n'ont pas fait leur travail. Pour preuve l'Allemagne de l'Ouest a fermé tous les réacteurs de celle de l'Est et les a aidé à se faire un nouveau programme énergétique. Pourquoi n'avons-nous pas fait la même chose quand il était temps de le faire. Maintenant nous sommes anxieux à cause de Koslodhui, d'Erevan, des autres Tchernobyl et à part donner des conseils, créer des commissions nous n'arrivons à rien. Il est temps de reprendre le problème en essayant de les aider à trouver leur solution, pas en les traitant de nuls et en créant des commissions pour les conseiller. Du concret!
     En 1991 nous faisions remarquer que, à cause de Tchernobyl tout le monde nous faisait des risettes. C'est tristement toujours vrai. Tchernobyl a réveillé les consciences, a montré les limites de tout le monde mais ce n'est pas suffisant. Il y a encore trop de personnes qui s'imaginent que les questions sont superflues et trop aussi qui, si elles arrivent à accepter les questions, sont incapables de dire la vérité.
     Par exemple la commission de la Hague (CSPI) a fait des remarques sur le projet de fermeture de l'ANDRA, a critiqué l'enquête publique. L'ACRO a fait de même et ayant reçu des documents supplémentaires a pu étayer encore davantage ses critiques. Et que croyez-vous qu'il se soit passé?
     L'ACRO a été insidieusement menacée parce que, produisant des documents internes à l'ANDRA, elle était, somme toute, coupable de délation. Et voila comment il est impossible de redresser une situation. Car si les seules informations qui ont droit de cité sont «les mensongères mais qui ne font pas de mal» on n'ira pas loin !
suite:
     Le bilan du nucléaire de l'Est militaire et civil n'est pas brillant. Répétons-le le seul pays qui a eu un réflexe salvateur est l'Allemagne de l'Ouest qui a fermé tous les réacteurs de celle de l'Est au moment de leur réunification. A contrario les Européens n'ont pas réussi à trouver une solution pour les autres. L'aide qui leur a été accordée n'a pas portée tous ses fruits. D'une part il n'était pas évident que nous puissions les aider pour résoudre leurs besoins en nous cantonnant à celui de l'énergie. Nous leur avons offert du nucléaire, il eut été plus raisonnable de prendre en compte leurs demandes d'énergie alternatives. D'autre part la prise en charge de milliers de personnes est une entreprise lourde qui doit être assumée au niveau des gouvernements.
     Il y a un point (en plus de tous les autres) sur lequel nous devons être vigilant. Une partie des équipes a surtout travaillé sur les fortes doses, sur l'utilisation des radioisotopes en médecine. Elles ont du mal à être objectives sur l'effet des radiations car elles les voient sous leur aspect bénéfique. Pourtant il est indispensable d'admettre cet effet et de travailler à éviter tout emploi abusif, à minimiser les rejets, pour que le recours au nucléaire ne tourne pas à la catastrophe. Si on ne veut pas admettre cet aspect il est évident que le nucléaire ne sera jamais fiable, le sera-t-il jamais d'ailleurs.
     Défendre son outil c'est savoir l'évaluer avec ses avantages et ses inconvénients. C'est un exercice délicat mais incontournable. Il est vrai que le nucléaire a tellement bénéficié d'appuis que ce n'est pas facile de devoir se justifier ou simplement d'admettre qu'il taut y mettre toutes les précautions. Le plus dur est de devoir admettre que peut-être il faudra renoncer à ce nucléaire si on ne parvient pas à le dominer.
     De toute façon ce qui compte c'est que la prise en compte des problèmes et la recherche de solutions soient vraiment en place. Cela fait 20 ans qu'on se bagarre pour cela alors espérons que le but est proche.
     A part Tchernobyl qui est et restera un sujet de préoccupations pour encore très longtemps, j'ai repris le problème de la simulation des essais nucléaires avec un article bien documenté qui a été présenté au colloque organisé à l'assemblée Nationale par les 146 organisations (tous les textes sont disponibles dans la revue des médecins dont vous avez l'adresse dans ce numéro). Vous avez aussi un texte de Info-Uranium sur la pollution résiduelle des mines allemandes (les françaises ne sont pas mieux). Vous avez un rappel sur les rejets d'iode de la Hague (je publierai un peu plus dans un prochain numéro) et pour finir la politique de stockage des déchets dans tous les pays du monde (texte de la commission qui suit l'application de la loi de 1991).
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DERNIÈRE MINUTE , DERNIÈRE MINUTE...

     Le Gouvernement supprime le COLLÈGE de la PRÉVENTION des RISQUES TECHNOLOGIQUES.
     Par un article de 2 lignes, inséré dans un décret du 21 mars 1996 concernant le Conseil Supérieur de la Langue Française, le gouvernement a abrogé le décret du 8 février 1989 et mis fin à l'existence du Collège.

     Nous avons publié de nombreuses recommandations du Collège à propos de Superphénix, des déchets, des pollutions chimiques, etc. Cet organisme, placé près du Premier ministre se caractérisait par la diversité et l'indépendance de ses membres. Outre les consultations dont il était l'objet de la part du Gouvernement, il pouvait examiner, de sa propre initiative, toute questions relevant de sa compétence et assurer en toute liberté la publications de ses avis. Or il vient de terminer sa vie sans préavis. Quel gachis!!

     Les officiels ont compris qu'il fallait tenir compte de l'avis des populations et qu'il fallait assurer la sûreté, écrivions-nous dans nos différents numéros.

     VOUS Y CROYEZ ? EH BIEN LA GAZETTE SE POSE DE MOINS EN MOINS DE QUESTIONS. SI NOUS NE RÉAGISSONS PAS ET VITE, LA VIE VA ÊTRE TRÈS DURE. LE SITE MANCHE POURRA POLLUER, SUPERPHÉNIX FUIR et MÉLOX PROSPÉRER.

     A vos députés, vos conseillers: il faut réagir et vite.


LE COLLECTIF STOP MELOX A RÉALISE UNE PLAQUETTE SUR LES TRANSPORTS DE PLUTONIUM.
Si vous voulez les aider à continuer leur lutte contre l'usine MELOX et les aider à faire prendre des mesures pour que la sûreté des transports soit plus grande, contacter:
Marc FAIVET, Saint Hilaire, 84650 MENERBES pour lui acheter des brochures
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SOMMAIRE
Les Tournesols d'Ukraine, poème de NINA
Dossier Tchernobyl: L'accident; contamination des sols, cancers de la thyroïde; état sanitaire en 1996
Hiroshima Nagasaki
L'impact des mines sur l'environnement; Réponse Journal Officiel sur les essais; Le vrai visage de la simulation!
Petite bibliographie
Rejets d'iode dans l'environnement de la Hague
Annexe 4 du rapport CNE des déchets; programmes étrangers

Année 1996
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REnews 1996: Base de données environnementale internationale