G@ZETTE NUCLÉAIRE

Conclusions du rapport n° 9
Commission Nationale d’Évaluation
Juin 2003


     Principales observations et perspectives 
     Les recherches menées suivant les trois axes de la loi de 1991, séparation et transmutation, stockage géologique profond, conditionnement et entreposage de longue durée, visent à offrir une palette de solutions utilisables en partie ou en totalité pour gérer les déchets radioactifs de haute ou moyenne activité à vie longue (HA/MA VL).

     AXE 1 
     Les recherches sur la séparation poussée des actinides mineurs et du césium sont résolument entrées dans la phase de démonstration de faisabilité technique. Cette étape est engagée sur des bases scientifiques et organisationnelles solides. Cependant la tenue du calendrier du programme d'ici 2005 dans l'installation Atalante (Marcoule) demandera une vigilance constante de la part du CEA. 
     En revanche, les études sur la transmutation sont à un stade préliminaire. Elles concernent la simulation de systèmes de transmutation et les calculs d'évolution sous irradiation des inventaires des éléments transmutables dans le cadre des études de scénarios. 
     En accompagnement, trois activités expérimentales sont menées. La première concerne la fabrication et le comportement de cibles réalisées avec des échantillons de composés d'actinides mineurs et de produits de fission à vie longue placés dans un réacteur d'irradiation, tel que Phénix. La seconde porte sur les sous-ensembles d'un système sous-critique assisté par accélérateur (accélérateur linéaire, cible de spallation, coeur sous-critique) qui est considéré comme un outil permettant la transmutation massive des actinides mineurs, voire de certains produits de fission à vie longue. La troisième enfin porte sur des études de base (matériaux, données nucléaires). 
     À ce jour, la démonstration de la faisabilité technique de la transmutation, notamment au niveau du difficile problème de la fabrication et du retraitement de cibles d'irradiation chargées en américium et curium, n'est pas acquise. Certains composés céramiques d'américium, en cours d'étude, semblent prometteurs. Seuls des résultats préliminaires concernent les irradiations dans Phénix, dont la Commission se félicite qu'il redémarre en 2003 pour une première campagne d'irradiation de 120 jours équivalents pleine puissance, seront disponibles avant 2006. Il s'agit d'une première étape indispensable mais l'étape cruciale de l'étude du comportement d'une aiguille et d'un assemblage complet dans un réacteur à neutrons rapides ne pourra vraiment être envisagée qu'avec le développement d'un réacteur dédié (comme aurait pu l'être Super Phénix). S'agissant des systèmes sous-critiques, l'effort mené au niveau européen se poursuit avec le 6ème programme cadre, l'élément nouveau de cette année étant la perspective d'un démonstrateur européen à partir du projet belge Myrrha. Celui-ci fait l'objet d'un consensus de la part de la communauté scientifique européenne et d'un accord de principe du CEN-SCK, organisme responsable des recherches nucléaires en Belgique. 
     Enfin, les études de transmutation qui visent à traiter en premier lieu les déchets déjà produits s'étendent aujourd'hui à certains réacteurs du futur - dits de Génération IV - dont un des objectifs est de pouvoir auto-recycler leurs propres radionucléides à vie longue, voire d'en produire moins, comme c'est le cas de la filière au thorium. La communauté scientifique nationale, regroupée au sein du GdR Gédépeon, est actuellement en voie de réorientation dans ce sens. 

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    AXE 2 
    L'Andra a défini les options de base du stockage en profondeur des principaux déchets B et C dans l'argilite du Callovo-Oxfordien, roche qui sera étudiée dans le laboratoire de Bure. Ces options qui se veulent simples et robustes intègrent la réversibilité en permettant une gestion par étapes des colis et des installations. Un laboratoire souterrain est un élément essentiel à l'étude du stockage des déchets HA/MAVL.
     L'Andra a entrepris, sur le site de Bure, la construction d'un tel laboratoire dans une formation argileuse relativement homogène située a 480 mètres sous la surface du sol. Les travaux de fonçage du puits principal et du puits auxiliaire ont commencé au cours de l'été 2000. Ils ont été suspendus à la profondeur de 228 mètres dans le puits principal, le 15 mai 2002, suite à un accident mortel. Le fonçage a repris dans le puits auxiliaire le 30 avril et dans le puits principal le 26 mai 2003. Tenant compte de ce retard, l’Andréa a établi début 2003 un programme de recherches profondément révisé, prévoyant qu'une première niche expérimentale située au-dessus du niveau envisage pour un stockage serait achevée dans le puits principal au troisième trimestre 2004 et que le creusement de la première galerie de reconnaissance située au niveau-cible serait entrepris dans le puits auxiliaire fin 2004.
     Pour remettre fin 2005 un rapport sur ces bases évaluant la faisabilité d'un éventuel stockage souterrain dans cette formation, le calendrier est maintenant tendu à l'extrême, parce que beaucoup d'expérimentations à mener in situ sont délicates et longues. L'Andra en est bien consciente. Deux aspects doivent être pris en compte : les qualités de la roche non perturbée et les propriétés de confinement du champ proche, milieu qui sera très perturbé par le creusement des infrastructures et par les colis. Une reconnaissance in situ de la couche hôte aura été entreprise fin 2005, mais elle ne pourra présenter une étendue suffisante pour qu'on puisse conclure à l'absence de discontinuités à l'échelle d'un éventuel stockage. Elle vise à une première évaluation des propriétés d'homogamie de la roche et de la présence éventuelle de fractures et de leur rôle dans la galerie qui aura pu être creusée.
     La Commission s'est préoccupée de cette situation et elle a recommandé dans son rapport n° 8 l'exécution de forages supplémentaires, dirigés à partir de la surface qui permettraient de reconnaître horizontalement la formation choisie pour le laboratoire. L'Andra réalisera au moins un forage de ce type. 
     Par ailleurs, les forages hydrogéologiques en cours et les efforts de modélisation qui seront entrepris sur les aquifères devraient fournir une image plausible de 1’hydrogéologie, mais celle-ci demandera des confirmations et des expériences nouvelles, à faire après 2006. Les effets perturbateurs de la construction du stockage sur ses capacités de confinement concernent principalement la zone endommagée (EDZ) qui constitue une voie potentielle de transfert vers la biosphère, dont il est essentiel d'évaluer l'importance.
     L'Andra prévoit un programme expérimental de scellement et d'interruption de l'EDZ. Ce programme, très important, comporte une expérience qui devrait être la première d'une série destinée à déterminer les vitesses de migration et de diffusion des radionucléides à travers une clé d'ancrage. Il semble difficile d'espérer de ces essais des résultats autres que préliminaires pour le dossier 2006. L'étude des modifications chimiques réciproques entre bétons et argilite en présence d'eau a progressé. La perturbation alcaline des argiles est comprise et modélisée. L'action de matériaux métalliques sur ces milieux en présence d'eau est étudiée parallèlement. 
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     Quant à l'observation des effets de l'endommagement de la roche par le percement des ouvrages, elle ne peut se faire que dans la durée, une fois les galeries creusées. La Commission considère que le programme de recherches révisé, présenté par l'Andra en janvier 2003, constitue un programme pertinent compte tenu des délais impartis et le minimum acceptable pour une acquisition in situ de données permettant de construire le dossier scientifique de 2005. La réalisation de deux ou trois forages dirigés depuis la surface et dûment instrumentés avec les meilleures diagraphies existantes permettrait d'élargir utilement le champ d'investigation. Bien que de tels forages ne puissent en aucun cas remplacer le laboratoire souterrain si le programme expérimental de l'Andra ne pouvait être réalisé d'ici 2005, ils constitueraient alors le seul élément de reconnaissance horizontale de la formation à verser au dossier. 
     La CNE recommande que la qualité et la cohérence du programme scientifique ne soient pas mises en cause par l'existence du rendez-vous de 2006. Il vaut mieux disposer d'observations géologiques et de travaux scientifiques de qualité, même incomplets, plutôt que d'y renoncer pour atteindre au plus vite le niveau cible. 
     L'Andra et le CEA font un très gros effort pour développer les outils de simulation et rattraper le retard constaté par la CNE dans ses rapports précédents. Des calculs multidimensionnels seront effectués, mais il reste probable qu'en termes de calculs tridimensionnels, on ne pourra pas prendre en compte tous les détails du site de stockage. La partie thermique sera découplée de la partie hydrologique et du calcul de convection-diffusion des radionucléides. Ces calculs serviront à se faire une idée de l'évolution du site sur les premiers millénaires et à proposer des conditions aux limites pour un calcul de champ lointain simulant le devenir des radionucléides. 
     Cependant, on peut penser que les simulations seront exploitables dans un premier temps au regard des grandes incertitudes sur certains paramètres géologiques (présence éventuelle de fractures, effet de l'endommagement, etc.) et sur certains phénomènes à modéliser (évolution des colis et notamment de leurs matrices, mode de transfert des radionucléides dans la roche saine et dans la zone endommagée, évolution des propriétés géochimiques du champ proche, etc.). Après 2006, ces calculs devront être repris.

     AXE 3 
     Les recherches sur le conditionnement des déchets se poursuivent avec les études de matrices de conditionnement, de matériaux de fabrication de conteneurs, de corrosion et de modèles opérationnels d'altération, notamment ceux des verres et des combustibles usés. 
     Deux matrices d'immobilisation des actinides mineurs séparés, sélectionnées en 2002 pour leurs propriétés de confinement, font l'objet d'études de faisabilité technique dans l'installation Atalante à Marcoule. Deux autres sont étudiées à Karlsruhe en collaboration avec l'Institut des Transuraniens. Il s'agit de montrer que l'on peut confiner dans ces matrices des quantités significatives d'actinides mineurs en étudiant leur tenue au rayonnement, notamment en utilisant le dopage au plutonium 238. Ces programmes doivent permettre d'ici fin 2005 de commencer la modélisation de l'altération des matrices et du relâchement éventuel des éléments. Les matrices envisagées pour le confinement de l'iode et du césium sont en cours de caractérisation définitive. 

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     Les colis d'entreposage sont majoritairement conçus pour être identiques aux colis de stockage, afin de concourir à la continuité entreposage-stockage. La CNE se félicite que des démonstrateurs de conteneurs d'entreposage aient été fabriqués fin 2002. Des entrepôts conçus pour la longue durée sont étudiés en surface et en subsurface. Les études portent uniquement sur des sites virtuels, ce qui leur confère, dans le cas des entrepôts de subsurface, un caractère très préliminaire car elles ne permettent pas d'aborder tous les problèmes pratiques qui seront rencontrés au plan de la géologie, de l'hydrologie et de la thermique.
     Suite à la réflexion en cours, des critères de choix de site devraient être établis. Des dispositions pour assurer la robustesse de ces entrepôts, autant que possible passives, sont recherchées, mais les études de durabilité et de sûreté montrent qu'une surveillance et une maintenance des installations seront toujours requises. Une perte de maintenance, même de durée limitée, pourrait avoir des conséquences notables pour la surveillance radiologique, sur la corrosion des conteneurs et la composition de l'atmosphère de l'installation.
     En conclusion sur l'axe 3, il semble à la Commission que, dans l'attente d'un stockage géologique, les conteneurs et leurs dispositifs de fermeture pour toutes les catégories de déchets constituent une protection adaptée contre les phénomènes naturels (ordinaires ou extraordinaires) ou humains (erreurs ou malveillances), pour les travailleurs et les populations concernés, notamment pendant les transports et dans les futurs entreposages. Cette protection serait aussi utile pendant le stockage. Tout cela n'est pas atteint à ce jour. Les travaux entrepris sur les conteneurs devraient concourir à démontrer qu'il est possible de prévenir les détriments, tels que ceux liés à la radioactivité, de la majorité des déchets. Le programme en cours va dans ce sens.

PERSPECTIVES POUR LE RENDEZ-VOUS DE 2006 

     Pour l'ensemble des axes, les recherches en chimie conduites depuis dix ans sur les actinides et les produits de fission auront donné de nombreux résultats, qu'il s'agisse de leur séparation des combustibles usés, de leur confinement dans des solides ou de leur comportement dans divers milieux aqueux et aux interfaces liquide-liquide et solution-solide. Les connaissances ainsi acquises permettront d'asseoir des dossiers scientifiques appuyant des choix concrets. Pour autant, les expériences de chimie ne devront pas s'arrêter en 2006, quelles que soient les décisions stratégiques qui seront prises.
     À cet égard, le passage au stade de la faisabilité industrielle de procédés de séparation, comme celui de séparation poussée des actinides mineurs qui aura probablement subi avec succès celui de la faisabilité technique, suppose qu'une stratégie industrielle ait été préalablement adoptée. La transmutation de radionucléides à vie longue contenus dans les combustibles usés permettrait de réduire les risques radiologiques potentiels à long terme associés au stockage des déchets nucléaires en couches géologiques profondes. La voie de la transmutation n'a cependant pas le même statut que le stockage profond et ce pour deux raisons essentielles. En premier lieu, elle ne peut se substituer au stockage profond, ne serait-ce que parce que certains radionucléides à vie longue (notamment des produits de fission) ne sont pas transmutables de fait et que les opérations de séparation-transmutation produiront des déchets ultimes, notamment de moyenne activité, non stockables en surface pour des raisons de sûreté. 
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     La mise en oeuvre de la transmutation à grande échelle supposerait la construction d'un nombre important de réacteurs dédiés (entre 10 et 50% de la puissance totale d'un parc de réacteurs de production d'électricité, selon les scénarios). Un tel parc ne permettrait d'atteindre une stabilisation des inventaires des éléments à transmuter qu'après plusieurs décennies de fonctionnement. En d'autres termes, la transmutation ne peut s'inscrire que dans le cadre d'un nucléaire durable. En tout état de cause, un long effort de R&D, allant bien au-delà de l'échéance de 2006, apparaît nécessaire avant une mise en oeuvre industrielle de la transmutation. Son ampleur est telle qu'il devra être mené en collaboration internationale.
     À cet égard, le rendez-vous de 2006 pourrait constituer l'occasion de décider ou non de la participation française à un projet de démonstrateur de système hybride, éventuellement autour du projet Myrrha. Pour l'étude du stockage géologique, si le programme révisé de l’Andra se déroule conformément au nouveau planning présenté, qui est tendu à l'extrême, une première estimation des capacités de confinement de l'argilite du Callovo-Oxfordien du secteur de Bure aura été faite. La réalisation de forages dirigés dans l'argi1e à partir de la surface constituerait une assurance précieuse de résultats, face aux aléas des travaux miniers. 
     Il est nécessaire que le dossier 2005 contienne au minimum des données sur l’homogénéité de la roche et l'absence, ou non, de fractures conductrices dans la couche, des mesures physiques et géochimiques faites sur des échantillons de taille importante prélevés directement dans la couche, ainsi que des données sur la zone endommagée suite aux travaux miniers. Le dossier 2005 pourrait alors permettre aux pouvoirs publics de prendre ou non la décision de sélectionner cette roche et de lancer le projet de qualification du site de stockage, ce qui implique notamment de reconnaître la roche hôte sur une grande étendue, bien au-delà de la zone reconnue par forages, puits et galeries d'ici 2005. 
     Les expériences de diffusion utilisant des traceurs n'auront duré que de six à dix-huit mois et ne fourniront que des données entachées de larges incertitudes car ceux-ci seront à peine sortis de la zone endommagée par la mise en place des expériences. Les travaux de qualification en vue de l'implantation d'un éventuel stockage devront donc être menés après 2006 pour étendre en profondeur la reconnaissance par galeries, étudier leur comportement mécanique sur le long terme et poursuivre les expériences de migration in situ pendant plusieurs années, afin de s'assurer du bon confinement des radionucléides qui y seraient déposés.
     En ce qui concerne un autre type de roches ou un autre site potentiel, peu de choses seront disponibles d'ici 2006, hormis les études faites depuis la surface sur les sites du Gard et de la Vienne, mais sans laboratoire souterrain. L'Andra présentera une synthèse des travaux étrangers sur le granite ainsi qu'une classification des granites français, mais les résultats ne pourront être au mieux qu'indicatifs, car chaque site géologique comporte des caractéristiques propres très difficilement transposables.
     En outre la situation particulièrement favorable des boucliers canadien et scandinave, stables depuis un milliard d'années ne se rencontre pas en France, n'offrant donc pas les mêmes avantages pour un stockage. L'entreposage est une réalité industrielle pour les déchets vitrifiés. Les études menées dans le cadre de l'axe 3 par le CEA et l'expérience acquise par la COGEMA confirment que les connaissances techniques existent pour assurer un entreposage centralisé de déchets HA/MAVL et de combustibles usés pendant un siècle. 
     Certains conteneurs sur lesquels repose la sûreté pendant ce stade seront normalement prêts à l'état de prototype en 2004. Un entreposage de subsurface pose des problèmes spécifiques, notamment en raison de la sollicitation thermique élevée que subira le milieu naturel. Une réflexion approfondie sur les critères de choix de site, et notamment sur la température maximale acceptable, devra être conduite avec vigueur pour que des résultats soient disponibles avant l'échéance de 2005.
     En ce qui concerne les colis de déchets MAVL, les conditions d'entreposage restent à étudier pour qu'ils soient préservés des atteintes de la corrosion. 
     Il a été envisagé que des entreposages de déchets C ou de combustibles usés soient périodiquement renouvelés et ainsi se prolongent pendant des siècles voire des millénaires. Une telle solution postule la stabilité des sociétés humaines et la pérennité de leurs institutions et de leurs technologies. La Commission recommande que cette approche, qui lui semble poser de nombreux problèmes, ait été analysée en détail pour 2005 afin que le Parlement soit informé à la fois des avantages, des risques et de l'importance des contraintes économiques et techniques que cette solution ferait porter sur les sociétés futures. Le Parlement pourra ainsi évaluer cette option au regard du stockage géologique en profondeur qui affranchit de ces incertitudes. 
     Il apparaît donc que pour les trois axes de la loi, pourvu que les calendriers des études soient tenus et que les dernières recommandations évoquées ci-dessus soient suivies d'effet, le corpus d'études réalisées de 1991 à 2006 devrait permettre au Parlement d'avoir le choix sur le plan scientifique entre plusieurs solutions envisageables pour assurer le devenir des déchets et matières nucléaires. 
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COMMENTAIRE GSIEN

     Les conclusions sont présentées selon les 3 axes de la loi de 1991.
     Axe 1:
     Transmutation : “les études sur la transmutation sont à un stade préliminaire” et “les études de transmutation (..) s’étendent aujourd’hui à certains réacteurs du futur dont un des objectifs est de pouvoir auto-recycler leurs propres radionucléides à vie longue, voire d’en produire moins..” 
     Comme quoi la transmutation avance quasi aussi vite que la fusion. De fait, la transmutation on sait faire mais dans une éprouvette. Quant à passer au stade industriel le pas est un peu difficile.. Et de toute façon cette fameuse transmutation ne diminue pas les résidus des mines, les déchets de démantèlement. Elle ne sert que pour les combustibles si on les retraite, ce qui mérite réflexion (même si AREVA ne veut pas de réflexion  ).
     De toute façon la CNE précise “La mise en oeuvre de la transmutation à grande échelle supposerait la construction d’un nombre important de réacteurs dédiés (entre 10 et 50 % de la puissance totale d’un parc de réacteurs de production d’électricité). Un tel parc ne permettrait d’atteindre une stabilisation des inventaires des éléments à transmuter qu’après plusieurs décennies de fonctionnement.”

     Axe 2 :
     Le laboratoire. D’abord il n’y en a qu’un ce qui ne permettra aucun choix. Ensuite, le fonçage des puits est à moitié chemin (environ 290 m) en fin 2003. Il y a donc aucune chance que des études puissent être menées puis analysées d’ici 2006, sauf à faire du mauvais travail, ce qui serait très dommageable vu l’importance du sujet. 

     Axe 3 :
     Les fameuses matrices de conditionnement sont toujours en étude. Quant aux conditionnements ils sont en cours de caractérisation. Cette part est de toute façon incontournable pour entreposer et gérer les déchets existants et à venir. Pour le moment la reprise des déchets anciens est encore en étude (à la Hague, on prévoit des reprises jusqu’en 2030 au moins..)
Une série de groupes développe des stratégies, des recherches, j’aime particulièrement le GEDEPEON. Il me rappelle la commission PEON des années 70. Ce fut cette commission qui nous a mené où nous sommes. GEDEPEON est encore pour développer des réacteurs : soit pour transmuter, soit pour mettre en place des réacteurs à haute température et à gaz. 
     L’inventaire des déchets est toujours en gestation.      Cependant le passé ne sera pas assez caractérisé et surtout la reprise et le conditionnement de tels déchets sont encore en étude.
     Quant à la partie sanitaire il reste beaucoup de travail pour prendre en compte non seulement la nocivité radiologique mais aussi la nocivité chimique.
     A ce sujet notons une réflexion de la CNE: “Aussi la Commission juge dépourvue de sens la comparaison qui est souvent faite entre d’une part la radiotoxicité du combustible usé en fonction du temps et selon qu’il est, ou non, retraité pour enlever les actinides et d’autre part la radiotoxicité du minerai qui a permis de préparer le combustible neuf.
     La CNE s’intéresse à l’état des recherches en ce qui concerne un  ADS (Système de transmutation assisté par un accélérateur). Or leurs informations sont entachées de fortes omissions (Voir l’article in memoriam sur le rubbiatron dans cette Gazette).
     En effet les expériences au PSI ont raté: en ce qui concerne la sécurité, la discussion abonda sur un des points faibles du rubbiatron: L'interface entre l'accélérateur et le réacteur, c'est-à-dire la fenêtre de tungstène qui sépare le vide du plomb fondu.
     En particulier, des calculs détaillés effectués par Jacques Maillard et son étudiante de thèse Fabienne Bacha montraient qu'une telle fenêtre pouvait se rompre au bout de quelques heures en raison de l'intense bombardement par les protons accélérés. Il fallu attendre la première expérience tant soit peu réaliste, l'expérience LISOR au Paul Scherrer Institut (PSI) près de Zurich, pour vérifier que leur prédiction était correcte. Le 5 juillet 2002, après 36 heures d'irradiation à pleine puissance, la fenêtre se fendit, et un jet de plomb-bismuth fondu légèrement radioactif arrosa l'appareillage. “
     Le programme MEGAPIE est donc retardé. C’est le moins qu’on puisse dire à son sujet.
     Une telle présentation laisse planer des doutes sur les quelques conclusions de la CNE.

     Il est inadmissible qu’une commission d’évaluation ne fasse pas l’effort de montrer les points forts et les points faibles des recherches. Son rôle n’est pas de garantir qu’il y aura une réponse en 2006 mais que des recherches sérieuses sont faites;
     Les recherches doivent être évaluées réellement et pas dans un souci de ne pas déplaire. S’il y a des faiblesses il convient de les apprécier et de les expliciter.
     Le problème des déchets ne souffre pas l’à peu près.

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