Le 11 septembre dernier, New York
et Washington ont été le théâtre d'une tragédie
au retentissement planétaire. Au seuil du XXIeme siècle,
dont la première décennie est dédiée à
la promotion " d'une culture de paix et de non-violence au profit des enfants
du monde " par l'ONU, nous voici à nouveau plongés dans l'horreur.
Nous qui espérions que le terrorisme international et les crimes
de masse relevaient du siècle d'avant, celui de Guernica, d'Auschwitz,
d'Oradour, de Srebrenica et de Kigali, nous voici brutalement ramenés
en arrière.
La raison commande-t-elle que nous consacrions toujours plus de milliards en armements pour nous prémunir contre la violence des "fous d'Allah"? Ne sommes nous pas invités précisément à rompre cette logique de guerre, à combattre partout l'injustice et la misère, terreau sur lequel se développe insidieusement le fondamentalisme ? Nos missiles nucléaires et les sous-marins qui les emportent au fond des océans, sont-ils d'une quelconque utilité face à la menace terroriste d'Al Quaïda ? MM Chirac et Jospin soutiennent contre vents et marées que la commande d'un 4ème SNLE est indispensable au maintien en opération de deux submersibles. Nos capitaines ont-ils perdu le Nord ou bien le Sud ? Qui peut croire encore que les batailles de notre siècle se livreront avec un sous-marin nucléaire ou un porte-avions de plus ? 1/ Les réponses des députés
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Fort bien. Et vous comptez faire quelque chose ? Certes oui, “ dès que les autres puissances nucléaires auront réduit en conséquence leurs arsenaux, la France acceptera d’entrer dans un cycle de négociations multilatérales. ”. Plus martial : “le renoncement au quatrième sous-marin SNLE-NG serait un acte de désarmement inconsidéré ” menace Robert Poujade, député RPR de la Côte d’Or. Et si “ les dépenses pour la défense coûtent cher ” comme il le reconnaît, “ leur refus, dans notre histoire, a coûté beaucoup plus cher. ”. Plus attentionné, Roland Francisci (RPR) a pris connaissance de cette campagne “ avec une très grande attention ”, nous prie d’être “ persuadé ” qu’il comprend nos “ préoccupations à ce sujet ” et précise encore que nos “ craintes ” ne lui ont “ pas échappé ”. Pragmatique toutefois, “ il ne faut pas négliger les retombées positives de la construction d’un équipement aussi important qu’un sous-marin nucléaire : une telle commande génère de nombreux emplois ” explique fort à propos le à la fois député/maire ET conseiller général de Corse ! D’autre part conclut-il, “très souvent les programmes militaires sont à la source de grandes innovations dans les domaines civiles. ”. Encore plus pédagogue : “en matière de dissuasion, la politique française vise à développer au niveau européen une situation de mutuelle dépendance, garante de l’indépendance collective ” ne s’emmêle pas les pinceaux Jean-Pierre Brard, député communiste de Seine St Denis. “La dissuasion stratégique française consiste donc à sauvegarder nos intérêts vitaux dans une philosophie de non-emploi des armements ”, poursuit-il. Plus concret, enfin : Daniel Vachez(PS) et André Aschieri (apparenté Verts) et “ attentif aux enjeux environnementaux attenants à [nos] revendications ”) relaient nos arguments auprès d’Alain Richard. Le premier par le biais d’un courrier, le second en l’interpellant via le Journal Officiel (JO du 25 juin 2001). Ils pointent tous deux les problèmes de la compatibilité d’un 4ème sous-marin avec les Traités de Non-Prolifération, de risque de relance de la course aux armements, des coûts importants, de sa pertinence “ au regard des nouveaux enjeux de la Défense nationale ”… Doctrine unique. La doctrine de la dissuasion
nucléaire fait peut-être l’objet d’un “ large ” consensus
dans l’opinion française, elle fait surtout l’unanimité de
ses parlementaires !
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Oui, notre pays “ s’est
juridiquement soumis à l’obligation de désarmement nucléaire
contenue dans l’article 6 du traité de 1992 ”, mais “ cet
article lie explicitement le désarmement nucléaire à
un désarmement général et complet. ”. Ainsi, “
tant
qu’un désarmement général et complet ne sera pas réalisé,
l’arme nucléaire demeurera une nécessité. ”. Dans
l’attente, “ la participation à des négociations internationales
spécifiques de réduction des armes nucléaires n’est
donc pas d’actualité. ”.
Quant au 4ème
sous-marin, il doit devenir l’une des “ pièces maîtresses
” de la composante océanique de la dissuasion. “ Cette
dernière, pour répondre à la mission qui lui a été
confiée par les autorités politiques (…), doit disposer impérativement
de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (…) de nouvelle
génération, plus discret et donc moins vulnérable
“
.
Ces
quelques questions pour finir :
* Que faire face à un tel festival de langue de bois, de “ réalisme
” bureaucratico-guerrier, et face à cette fantastique capacité
d’interprétation et d’adaptation de l’ ”esprit ” des traités
internationaux aux tambouilles nationales, européennes…
* Comment peser dans un débat qui fonctionne ainsi en vase clos,
auto-alimenté par des arguments officiels, toujours les mêmes
? Ne préfère-t-on pas, du côté du pouvoir, maintenir
le cap coûte que coûte (c’est très cher !) et quelles
que soient les considérations stratégiques, plutôt
que de se déjuger ?
* La “ transparence ” du débat ? Et si en disant beaucoup pour en
dire si peu, nos parlementaires n’avouaient pas, de fait, la persistance
d’une institution militaro-industrielle surtout soucieuse de sa pérennisation,
et à ce titre à la recherche de tout ce qui pourrait lui
fournir une raison d’être, c’est-à-dire sûrement pas
du côté de la réalité des menaces ou de son
contrôle démocratique par la société civile.
Après les attentats anti-US, moins que jamais un SNLE de plus ne
va nous protéger des menaces terroristes. Mais la réponse
de nos responsables politiques est déjà sur les lettres-types
de (presque) chaque groupe parlementaire :
“ une menace n’exclut pas l’autre ”…
3/
Objections nucléaires
Parmi
les arguments qui nous sont opposés, nous avons choisi de répondre
aux six objections qui reviennent régulièrement sous la plume
des députés et des membres du gouvernement.
1. Toutes les réponses que nous avons enregistrées éludent
l’annonce faite en début de la Conférence de révision
du Traité de non prolifération nucléaire, en mai 2000
à New York. Les cinq puissances ont annoncé “un engagement
sans équivoque à accomplir l’élimination totale de
leurs arsenaux nucléaires ”. Certes, cet engagement n’est pas assorti
d’un calendrier précis mais deux conditions qui s’opposaient à
cette obligation immédiate ont été levées par
les 187 États-parties représentés à New York.
Dans le document final, il n’est plus fait référence au concept
d’objectif ultime s’agissant du désarmement nucléaire. Il
est curieux que cette analyse des décisions finales de la Conférence
se tenait pourtant à New York et pas dans le triangle des Bermudes
!
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2. “La France a déjà accompli des pas significatifs en
matière de désarmement nucléaire. Nous avons souligné
dans notre argumentaire l’intérêt des engagements unilatéraux
de notre pays en indiquant que notre gouvernement s’était attaché
à retirer du service des armements obsolètes ou jugés
“indésirables” de sa panoplie nucléaire. La commande du 4ème
sous-marin est intervenue après la Conférence de New York
où les Cinq se sont engagé à consentir de “ nouveaux
efforts pour réduire leurs arsenaux nucléaires ” (Paragraphe
9). Cette commande constitue donc la preuve d’un double langage.
3.Le conseiller d’Hubert Védrine nous fait remarquer que le
nombre de nos sous-marins lanceurs de missiles balistiques est passé
de 6 à 4 à partir de 1996 sur décision du chef de
l’État et que les sommes consacrées à l’arme atomique
ont été réduites de moitié en 10 ans. Cette
réduction du nombre de nos submersibles stratégiques n’est
en aucune manière imputable à une volonté clairement
exprimée par la France de respecter ses obligations internationales
mais très prosaïquement au doublement du coût de fabrication
entre un sous-marin du type Redoutable (première génération)
et un SNLE de nouvelle génération comme Le Téméraire,
mis en service début 2000. C’est précisément“ cet
effort de renouvellement et de modernisation de nos forces nucléaires”
que nous dénonçons dans la campagne lancée en mai
dernier.
La loi de programmation militaire qui sera présentée au Parlement
l’année prochaine retient une augmentation des ressources affectées
au “ systèmes des forces dissuasion ” de 13% par rapport à
l’exercice précédant (cf. Bulletin de Stop Essais ; Sept.
2001). Aucune justification stratégique ne vient à l’appui
de cette augmentation importante des crédits accordés à
la modernisation des composantes sous-marines et aéroterrestres
de notre force de dissuasion..
4. La France a adopté le principe de “ stricte suffisance ”,
, comprenez qu’elle détient les armes qui sont strictement nécessaires
à sa sécurité et à la préservation de
ses “ intérêts vitaux ”. Cet énoncé contient
2 expressions dont la définition se trouve nulle part dans les documents
officiels. Connaissez-vous le sketch de Fernand Raynaud caractérisant
le mieux l’arrogance de la gent militaire sur “ le refroidissement du
fût du canon ?”. L’adjudant répondit au bidasse avec l’assurance
que lui confère son grade que la bonne réponse est : “un
certain temps ”. Avec cette notion de “ suffisance ”, nous sommes brutalement
ramenés au “crétinisme” politique.
5. Il est souvent noté que les 4 grandes formations politiques
françaises sont favorables à la dissuasion. Ce soi-disant
“consensus nucléaire” devient un véritable “dissensus” s’agissant
de la modernisation de notre dissuasion, combattue à la fois par
les Communistes et par les Verts de la “majorité plurielle”. A-t-on
jamais pris l’avis des Français dans cette affaire d’État,
la plus ténébreuse et secrète de la République.
6. On aimerait enfin saluer les coups de butoir de notre diplomatie
contre les faucons du Pentagone, les idolâtres du feu nucléaire
mais ni à Genève, ni à New York, la France ne soutient
la position des pays formant la coalition du “ Nouvel Agenda ”. Dans toutes
les enceintes où se fait entendre la voix du désarmement
nucléaire, nos diplomates sont aphones !
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Nucléaire civil et militaire
sont intimement liés aussi pour éviter le développement
futur du nucléaire et stopper le nucléaire actuel, il ne
faut pas oublier de promouvoir le désarmement nucléaire et
la lutte contre la prolifération. Les deux exemples suivants en
sont une preuve intéressante.
Le plutonium pourrait être interdit de production prochainement
Lors de la réunion de la Conférence de Révision du
Traité de Non-Prolifération à New-York en mai 2000,
le texte suivant a été publié en compte-rendu de la
conférence:
"La Conférence insiste sur la nécessité de négocier
lors de la prochaine conférence sur le désarmement sur un
Traité non-discriminatoire, multilatéral, international,
et autorisant des vérifications, qui concerne l'interdiction de
matériaux fissiles pour arme nucléaire ou pour tout autre
dispositif conduisant à des explosions nucléaires, et ceci
dans un double but de désarmement nucléaire et de non-dissémination".
"La prochaine conférence sur le désarmement est vivement
encouragée à mettre au point un programme de travail qui
prenne en compte une mise en oeuvre immédiate de négociations
sur un traité de façon à aboutir dans un délai
de cinq ans".
Donc l'usine de La Hague doit prévoir l'arrêt de sa production
de plutonium d'ici environ 5 ans car le plutonium séparé
à La Hague fait bien partie des matières fissiles pouvant
permettre des explosions nucléaires. Les américains ont d'ailleurs
fait exploser une bombe au plutonium extrait de réacteur (mélange
des isotopes 239 et 240) pour s'assurer que cela était possible.
Le texte de la conférence est encore plus contraignant puisqu'il
faudra neutraliser le plutonium actuellement séparé...!!!
L'usine de La Hague pourra donc re-conditionner le plutonium dans des déchets
radioactifs pour le rendre inutilisable.
Beaucoup de travail en perspective quand on sait qu'un réacteur
produit environ 250 kg de plutonium par an. L'industrie nucléaire
n'a pas à craindre d'être au chômage...
Le Mégajoule prépare l'industrie nucléaire civile
du futur
Le laser Mégajoule en construction près de Bordeaux est à
but explicitement militaire et destiné à mettre au point
les armes nucléaires des années 2020-2050 pour le France.
L'idée est de maîtriser la fusion de l'hydrogène ce
qui permettrait aux militaires de réaliser des bombes nucléaires
à fusion pure et allumage laser...et donc sans l'allumage actuel
qui passe par une bombe au plutonium.
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On
obtiendrait ainsi des bombes nucléaires de puissance modulable,
sans pollution de plutonium, et avec des flux de neutrons beaucoup plus
intenses, donc des bombes beaucoup plus meurtrières pour les vies
humaines. En particulier une version "fusion pure" des "mininukes" américaines
actuelles (dont la pression de l'opinion publique a empêché
l'utilisation en Afghanistan) permettrait de tuer les hommes dans leurs
abris sans pour autant pénétrer très profondément
dans le sol.
Mais les militaires pourraient aussi avoir envie de recycler vers les civils
la maîtrise de la fusion et vendre d'ici 30 ans un réacteur
à fusion. Les flux intenses de neutrons engendrés par de
tels réacteurs produiront des quantités importantes de bétons
et d'aciers rendus radioactifs par "activation" et l'isotope d'hydrogène
utilisé, le tritium, risquera de se répandre dans la nature
créant de l'eau radioactive, de l'eau tritiée, qu'il sera
impossible de neutraliser. La période radioactive du tritium est
de 12 ans et il faudra donc attendre des dizaines de périodes, voire
plus, pour retrouver des conditions viables en cas d'accident. Après
la civilisation du plutonium on risque de tomber dans l'industrie du tritium.
Enfin, le Laser Mégajoule viole le Traité d'arrêt des
essais nucléaires signé et ratifié par la France et
à ce titre, il faut se mobiliser pour faire arrêter ce projet
(voir sur le site www.obsarm.org). Ce laboratoire réalisera de véritables
explosions nucléaires qui pourront correspondre jusqu'à l'équivalent
de 5kg de TNT.
Conclusions
Bien sur, le nucléaire civil d'aujourd'hui est détestable,
et nous en héritons car le choix du plutonium a été
guidé par la production de bombes nucléaires dans les années
1950. Et cinquante ans après nous avons une énorme industrie
qu'il est bien difficile de remettre en cause. Méfions nous de la
période actuelle qui nous prépare un autre nucléaire
pour 2050.... Les gouvernements des États nucléaires, ont
officiellement signé des Traités pour sortir du nucléaire
militaire, mais pratiquement perfectionnent leurs arsenaux. La France en
tête avec de nouveaux équipements (nouveaux missiles, nouvelles
têtes nucléaires, nouveau sous-marin, Mégajoule) budgétisés
au niveaux de 60 milliards d'euros pour les dix prochaines années.
L'arrêt du nucléaire militaire est une condition sine-qua-none
d'un arrêt du nucléaire civil, et peut-être un objectif
encore plus difficile à atteindre.
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N° 2868 ASSEMBLÉE NATIONALE - CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 janvier 2001. Mesdames, Messieurs les Député(e)s Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Gouvernement français décida d'engager des recherches sur l'énergie atomique, n'excluant pas la possibilité pour la France de se doter de l'arme nucléaire. Dès 1952, des études montraient la faisabilité d'un programme militaire. Décision fut prise, en 1958, de mener des expérimentations en ce sens.
Le premier essai nucléaire a été réalisé
le 13 février 1960, dans le Sahara algérien. Au total, quatre
essais aériens ont été effectués au Centre
Saharien d'Expérimentations Militaires (CSEM), situé à
l'oasis de Reggane ; par ailleurs, treize essais souterrains ont eu lieu
dans le massif du Tan Afela, au Centre d'Expérimentations Militaires
des Oasis (CEMO).
La signature des accords d'Evian en 1962, tout en conférant l'indépendance
à l'Algérie, signifia la fermeture des CSEM et CEMO. Après
décontamination, démontage des installations techniques,
nettoyage et obturation des galeries, les sites ont été rendus
aux autorités algériennes en juin 1967.
Entre-temps, dès 1962, les atolls polynésiens de Mururoa
et de Fangataufa furent choisis comme nouveaux sites d'essais pour tester
la filière thermonucléaire. Le Centre d'Expérimentation
du Pacifique (CEP) fut ainsi créé le 21 septembre 1962. Le
premier essai aérien y a été réalisé
le 2 juillet 1966. De cette date jusqu'au moratoire de 1992, puis de 1995
à 1996, quarante et un tirs aériens, suivis de cent quarante
essais souterrains y ont été effectués.
Le but de ces expérimentations était de rendre la dissuasion
nucléaire française crédible en validant, améliorant
et renouvelant l'arsenal nucléaire et thermonucléaire national.
Cet objectif a été atteint, contribuant par là à
assurer la sécurité du territoire national depuis une quarantaine
d'années.
Avant d'aller plus avant dans l'analyse, il convient d'apporter quelques
réponses à deux questions fondamentales.
Tout d'abord, qu'est-ce qu'un essai nucléaire ?
Une arme nucléaire est un assemblage complexe d'explosifs et de
matières fusibles et fissiles, dont le fonctionnement multiplie
par un million de milliards, en quelques microsecondes, l'énergie
de l'impulsion électrique qui permet sa mise à feu.
La mise au point d'une arme de cette nature exige des expériences
et des simulations extrêmement diverses :
- des expériences en laboratoire, destinées à l'étude
des phénomènes de base dans des conditions qui se rapprochent
le plus possible de celles rencontrées lors des explosions ;
- des expériences en vraie grandeur sur les explosifs, dans lesquelles
la matière nucléaire est remplacée par des matériaux
inertes dont le comportement est proche, afin de tester le comportement
de ces matériaux lorsqu'ils sont soumis à des chocs intenses
;
- des modélisations mathématiques ;
- des simulations numériques ;
- des essais nucléaires en vraie grandeur destinés, jusqu'à
1996, à valider les hypothèses et les modèles, à
acquérir des connaissances inaccessibles jusqu'alors en laboratoire,
et à déterminer l'influence de matériaux difficilement
modélisables.
C'est de cette dernière catégorie d'essais dont il est question.
Comment ont été réalisés les essais nucléaires
?
Les expérimentations aériennes reposaient sur différents
types de techniques :
- les largages à partir d'une tour (essais à Reggane exclusivement);
- les essais sur barges ancrées dans les lagons de Mururoa et Fangataufa
(quatre en tout);
- les largages à partir d'avions en vol (trois expériences
de ce type);
- les essais sous ballons captifs, en altitude, pour limiter les retombées
radioactives (trente quatre essais).
Les essais souterrains ont été effectués, jusqu'en
1981, par des tirs dans des puits creusés verticalement et profondément
dans la roche basaltique de Mururoa et Fangataufa, c'est à dire
au-dessous de la couronne corallienne des atolls. Par la suite, l'espace
limité disponible et le progrès des techniques de forage
ont conduit à procéder à des essais nucléaires
sous les lagons.
Les essais nucléaires ont fait l'objet de nombreuses contestations
quant à leurs conséquences écologiques et sanitaires.
Les puissances nucléaires ont pris en compte ces critiques, en appliquant
le traité de Moscou (1) et le traité TTBT (2) qui ont limité
ce champ expérimental particulier, en interdisant les essais atmosphériques,
extra-atmosphériques et sub-aquatiques pour le premier, et en prohibant
les essais souterrains d'une puissance supérieure à 150 kilotonnes
pour le second. Plus récemment, elles ont accepté l'interdiction
complète de tout essai réel en adhérant au traité
CTBT. (3)
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La France a également signé les protocoles du traité
de Rarogonta sur la zone dénucléarisée du Pacifique
sud, et notamment le protocole n° 3, qui interdit tous les essais nucléaires
en son sein.
Depuis le démantèlement définitif du CEP, les inquiétudes
ne portent plus sur la tenue des expérimentations ; leurs conséquences,
cependant, sont toujours au centre de débats.
En 1997, au nom de l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix
Scientifiques et Technologiques, notre collègue Christian Bataille
a rédigé un rapport très complet au sujet des déchets
nucléaires militaires de haute activité et des conséquences
des essais nucléaires français (4). Résultat objectif
des travaux d'un organisme parlementaire totalement indépendant
du Gouvernement et des administrations, ce rapport a fait des propositions
intéressantes tout en dressant un état des lieux sans complaisance
des conséquences des expérimentations nationales. Souhaitant
aller plus loin, Madame Marie-Hélène Aubert et dix de nos
collègues ont déposé une proposition de résolution
“ tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les conséquences économiques, sociales, environnementales
et sanitaires des essais nucléaires français ”.
C'est cette proposition n° 2607 que, conformément à l'article
140 du Règlement de notre Assemblée, il convient d'examiner
maintenant.
Selon les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du
17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires,
“
les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des
éléments d'information soit sur des faits déterminés,
soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales,
en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les
a créées ” ; de plus, “ il ne peut être créé
de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à
des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en
cours ”.
L'article 140 du Règlement de notre Assemblée ajoute que
la proposition “ doit déterminer avec précision soit les
faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics
ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion
”.
L'objet de la proposition de résolution de nos collègues
est bien de recueillir des éléments d'information sur des
faits déterminés, puisqu'il s'agit d'établir l'impact
économique, social, environnemental et sanitaire de l'ensemble des
essais nucléaires réalisés par la France au Sahara
et en Polynésie, entre 1960 et 1996.
Au demeurant, les thèmes devant être abordés font l'objet
d'une énumération précise, puisque sont mentionnés
par l'exposé des motifs : la contamination des atolls et lagons,
l'évaluation des risques émanant des déchets radioactifs
accumulés dans les sous-sols des atolls, l'impact des essais atmosphériques,
l'impact économique, social et culturel des essais sur les populations
des archipels, la stabilité géologique des atolls.
Par ailleurs, par lettre en date du 5 octobre 2000, le Président
de l'Assemblée nationale a interrogé Mme Elisabeth Guigou,
alors Ministre de la Justice, conformément aux dispositions de l'article
141 de notre Règlement. Dans sa réponse écrite en
date du 8 novembre 2000, la nouvelle Garde des Sceaux, Mme Marylise Lebranchu,
a précisé qu'aucune poursuite judiciaire n'est en cours à
ce jour sur les faits ayant motivé la proposition de résolution.
Cette dernière apparaît donc conforme aux conditions de recevabilité
posées par les textes en vigueur. La suggestion de créer
une commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires
français se heurte néanmoins à plusieurs objections
sérieuses quant à son opportunité.
En effet, l'exposé des motifs de la proposition de résolution
de nos collègues repose sur un argumentaire qui soutient difficilement
un examen approfondi.
La création d'une commission d'enquête est présentée
comme le moyen de pallier les carences des évaluations effectuées
par les organismes techniques. L'étude conduite par l'Agence Internationale
de l'Énergie Atomique (AIEA) y est décrite comme “ loin
d'être globale, exhaustive et indépendante étant donné
qu'elle ne se réfère que très partiellement aux essais
atmosphériques ”. Son objectivité est également
mise en doute du fait “ qu'une grande partie des données ont
été fournies à l'AIEA par le ministère de la
Défense ”. De surcroît, les conclusions d'un autre rapport,
émanant de l'Institut National de la Santé et de la Recherche
Médicale (INSERM), seraient entachées par la présentation
incomplète qu'en aurait fait le ministère de la Défense.
De tels considérants mettent en doute l'indépendance et le
sérieux des organismes en cause, aux motifs que les informations
qui leur ont été transmises auraient été partielles.
On peut s'interroger, dans de telles conditions, sur l'utilité à
accorder à la création d'une commission d'enquête,
dont l'essentiel des informations émaneraient elles-aussi du ministère
de la Défense ou des instituts incriminé
De deux choses l'une :
- soit le ministère de la Défense a satisfait au souci de
transparence affiché par le Ministre sur ce point, auquel cas les
études menées par l'AIEA et l'INSERM sont suffisamment sérieuses
et complémentaires pour dresser un bilan objectif des essais nucléaires
français ;
- soit la dépendance vis-à-vis des informations du ministère
de la Défense rend leur exploitation peu intéressante, auquel
cas la création d'une commission d'enquête ne constitue pas
le meilleur moyen d'investigation parlementaire, compte tenu notamment
des limites inhérentes au “ secret défense ” et à
la technicité scientifique d'un tel sujet auxquelles elle ne manquerait
pas de se trouver confrontée.
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Pour sa part, et s'en tenant aux
faits, votre Rapporteur accorde plus de crédit au premier terme
de l'alternative.
L'étude de l'AIEA s'est appuyée sur les programmes français
de surveillance mais aussi sur les résultats d'échantillonnages
terrestres et aquatiques réalisés en toute indépendance
en juillet 1996. Elle a été menée par un groupe de
cinquante-cinq scientifiques internationaux en provenance de dix-huit pays
et de quatre organisations internationales. En parallèle, des études
géologiques et géomécaniques ont été
réalisées par la Commission Géomécanique Internationale
(CGI) composée d'experts internationalement reconnus et présidée
par le Professeur Fairhurst. L'AIEA a bien recueilli des données
auprès du ministère de la Défense ; elle y était
fondée parce que c'est la Direction des Centres d'Expérimentations
Nucléaires (DIRCEN) qui était historiquement chargée
de la sécurité et de la surveillance du champ de tir.
L'INSERM, quant à lui, a réalisé deux études
: l'une sur la mortalité par cancers en Polynésie française
entre 1984 et 1992 ; l'autre sur les incidences des cancers en Polynésie
française entre 1985 et 1995. Aucune n'a permis d'établir
un quelconque lien de causalité entre l'incidence ou les décès
par cancers et la distance par rapport aux sites d'expérimentation
français dans le Pacifique. Actuellement, l'INSERM effectue une
étude épidémiologique sur les cancers de la thyroïde
en Polynésie. Indépendants du ministère de la Défense,
rien ne permet d'affirmer que les experts de l'INSERM n'aient pu travailler
en toute objectivité.
S'agissant du défaut de disponibilité en France des documents
en question, on peut regretter à bon droit que le rapport technique
de l'AIEA ne soit accessible qu'auprès du siège de l'agence.
On relèvera cependant que tous les documents qui ont été
fournis aux experts de l'AIEA ainsi que le rapport du CGI sont disponibles
à la Documentation française. De même, les rapports
de l'INSERM peuvent être adressés à qui en fait la
demande.
Certes, un surcroît d'information d'origine indépendante,
s'il n'apparaît pas véritablement nécessaire, ne serait
pas inutile. Votre Rapporteur ne conteste pas la pertinence d'un droit
de regard parlementaire sur ces questions. Il n'en demeure pas moins qu'une
commission d'enquête ne disposerait ni du temps nécessaire,
sa durée de vie étant limitée à six mois, ni
de l'appui scientifique indispensable pour mener à bien de telles
investigations.
En revanche, l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques
et Technologiques, dont plusieurs signataires de la proposition de résolution
n° 2607 sont membres, semble être une structure parlementaire
plus appropriée pour ce faire. En effet, aux termes de l'article
6
ter de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement
des assemblées parlementaires, il “ recueille des informations,
met en oeuvre des programmes d'études et procède à
des évaluations ” ; il est également assisté par
un “Conseil scientifique composé de vingt quatre personnalités
choisies en raison de leurs compétences dans les domaines des sciences
et de la technologie ” ; enfin, il dispose de pouvoirs importants,
susceptibles d'être identiques à ceux d'une commission d'enquête
“ en cas de difficultés dans l'exercice de ses missions ”.
Le recours à l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix
Scientifiques et Technologiques apparaît donc, en l'espèce,
plus judicieux que la création d'une commission d'enquête.
L'exigence de transparence soulignée avec force dans l'exposé
des motifs de la proposition de résolution repose sur trois motivations
: “une énorme incertitude, due à l'accès difficile
aux rapports et aux conditions d'élaboration desdits rapports
”, ce qui conduit à une “ demande d'ouverture des archives
” relatives aux essais ; deuxièmement, “le principe de précaution
en matière d'environnement, de santé et de sécurité
alimentaire ”, afin de suivre les populations avoisinant les atolls
de Mururoa et de Fangataufa ; enfin “ l'intérêt des populations
concernées (...), le fait que le gouvernement des États-Unis
ait reconnu ses responsabilités vis-à-vis de l'atoll de Bikini
rendant) peu crédible que les essais français n'aient eu
aucune influence sur l'environnement et la santé des habitants
” de Polynésie.
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Les États-Unis ont certes déclassifié certains documents,
mais ils appliquent strictement le Nuclear Act qui protège par le
secret les documents concernant les armements nucléaires. La France
ne fait qu'adopter une attitude similaire en protégeant les documents
intéressant la défense nationale. Les archives classées
“ secret ” sont soumises aux termes de la loi de 1979 pour une durée
de soixante ans.
Toutefois, comme en attestent l'ensemble des études scientifiques,
sanitaires et épidémiologiques, les données relatives
à la protection des personnes et de l'environnement ont été
rendues accessibles. Sur ce point, il convient d'ajouter que le Ministre
de la Défense a annoncé à notre Assemblée,
lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001 en séance
publique (5), qu'un projet de décret favorisant la transparence
sur les informations utiles en matière de santé publique
et d'environnement est en cours d'élaboration.
Pour le reste, votre Rapporteur tient à apporter des précisions
de nature à démontrer que les préoccupations formulées
dans l'exposé des motifs sont déjà largement prises
en considération par les autorités compétentes.
Est-il besoin de rappeler que le contrôle et le suivi de la radioactivité
en Polynésie française sont réalisés de différentes
manières, sur la base d'analyses complémentaires ? Ainsi,
aux études régulières des services du ministère
de la Défense et du Commissariat à l'Énergie Atomique,
se sont ajoutées les recherches de missions scientifiques françaises
et étrangères (missions Tazieff en 1982, Atkinson en 1983,
Cousteau en 1987), ainsi que des analyses comparatives de prélèvements
par des laboratoires nationaux et étrangers (en 1991 et en 1994
notamment). Des laboratoires australiens, néo-zélandais,
allemands, suédois, anglais et américains ont participé
à la dernière de ces missions. Il ressort de ces analyses
qu'une proportion marginale des quelque 5 000 personnes ayant participé
directement à la mise en oeuvre des expérimentations souterraines
depuis 1975, ont effectivement été exposées à
des rayonnements ; aucune dose n'a atteint la norme annuelle à ne
pas dépasser pour les travailleurs affectés et seul un petit
nombre de doses annuelles au total ont dépassé la limite
autorisée pour le public (6).
Rappelons également que le rapport Atkinson conclut que les doses
de radiations auxquelles sont soumis les quelques 2 500 habitants vivant
dans un rayon de 500 kilomètres autour des atolls de Mururoa et
de Fangataufa, en raison du rayonnement naturel et des retombées
des essais, sont plus basses que les niveaux moyens mondiaux. Des contrôles
radiologiques des denrées alimentaires ont été effectués
et deux stations de référence de la Direction des Centres
d'Expérimentations Nucléaires à Tahiti et Mururoa
ont continué de surveiller l'environnement physique des sites d'essais
après 1996, en vérifiant la radioactivité de l'air,
celle de l'eau de pluie et celle de l'irradiation ambiante.
Sauf à engager de nouvelles études scientifiques qu'il n'appartient
pas à une commission d'enquête parlementaire de mener, les
objectifs de la proposition de résolution apparaissent ainsi déjà
largement satisfaits. Une saisine de l'Office Parlementaire d'Évaluation
des Choix Scientifiques et Technologiques pourrait néanmoins utilement
compléter ce suivi, l'assistance d'un Comité scientifique
lui permettant d'émettre un point de vue scientifiquement argumenté
et indépendant.
Les thèmes d'investigation que l'exposé des motifs propose
d'assigner à la commission d'enquête dont la création
est soumise à l'examen de notre Assemblée sont nombreux et
justifient également que l'on s'y attarde.
- Le premier d'entre eux a trait à l'examen de “la contamination
des atolls et des lagons par l'uranium ou d'autres éléments
radioactifs ”. A l'appui de cette préoccupation, il est fait
état d'études contredisant les conclusions de l'AIEA, dont
les références ne sont pas indiquées. Or, les analyses
nationales et internationales précitées soulignent que :
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|
- les concentrations de plutonium
ou de césium dans l'eau du lagon de Mururoa (qui sont des traces
des anciens essais aériens), représentent un millième
des limites admises pour l'eau potable ;
- la radioactivité naturelle est deux à cinq fois plus faible
en Polynésie qu'en France ;
- la radioactivité artificielle en Polynésie est équivalente
à celle du territoire hexagonal.
Ces conclusions ne présentent pas un quelconque caractère
alarmant. Au demeurant, une commission d'enquête ne disposerait pas
du temps nécessaire pour mener son propre programme d'évaluation,
l'ordonnance du 17 novembre 1958 fixant à six mois, la durée
maximale de ses travaux.
- Le second de ces thèmes, consiste en une “ évaluation
des risques émanant des déchets radioactifs accumulés
dans les sous-sols des atolls ”, l'objectif étant de se prononcer
sur l'éventuel classement des sites en “ installations nucléaires
de base ” soumises à une surveillance continue.
Sur ce point, votre Rapporteur rappelle que les essais souterrains ont
été réalisés dans la roche basaltique des atolls
de Mururoa et Fangataufa, qui reposent sur des volcans éteints depuis
plus de dix millions d'années ; les produits radioactifs créés
par explosion ont été confinés dans les cavités
créées au sein du basalte, et pour leur totalité,
dans la lave liquéfiée qui se solidifie rapidement en une
sorte de verre insoluble. De fait, cette radioactivité profondément
enfouie est sans conséquence pour l'environnement et l'homme au
regard des normes de radioprotection et des normes sanitaires en vigueur.
Par ailleurs, le rapport de M. Christian Bataille sur les déchets
nucléaires à haute activité, au nom de l'Office Parlementaire
d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, reconnaît
que l'enfouissement des déchets dans deux puits de forage était
techniquement “ la moins mauvaise solution" (7). Cet objet, au demeurant
largement traité par le rapport en question, ne justifie donc pas
la création d'une commission d'enquête.
La proposition de résolution évoque, en troisième
lieu, la levée du “ voile sur l'impact des essais atmosphériques
”. Il est suggéré en conséquence de poursuivre “ des
études épidémiologiques (...) auprès des personnels
polynésiens et métropolitains - civils comme militaires -
qui ont travaillé sur les sites d'essais et doivent être considérés
comme des groupes à risques ”.
Le rapport principal de l'AIEA précité explique que “ les
quantités de matières radioactives résiduelles déposées
(...) à la suite d'un essai atmosphérique dépendent
de la hauteur de l'explosion. En général, plus l'altitude
de l'essai est élevée, plus les matières sont rejetées
dans la troposphère ou la stratosphère, d'où elles
sont largement réparties tout autour de la planète. Les explosions
à faible altitude, au cours desquelles la boule de feu peut interagir
avec la surface de la terre, donnent lieu à davantage de retombées
locales (8).
Treize essais aériens ont été effectués dans
le Sahara de 1960 à 1962 ; ils furent quarante et un dans le Pacifique
sud, de 1966 à 1974. Comme le relève l'AIEA, “ à
l'exception des quatre essais sur barge ” effectués à
Mururoa et Fangataufa, “ les dispositifs utilisés pour les essais
atmosphériques français ont tous explosé à
une altitude suffisamment élevée au dessus des atolls pour
que la boule de feu résultant de l'explosion ne touche pas le sol
(9).
Et l'AIEA de conclure : “ les essais menés en altitude
n'auront donc guère contribué à la présence
de matières radioactives résiduelles à Mururoa et
Fangataufa (10).
Les faits tendent à conforter ces conclusions. A partir de 1970,
les systèmes de commandement, les moyens techniques du CEA et même
les logements des personnels furent installés sur les sites. Si
les personnels avaient été gravement exposés aux conséquences
des essais atmosphériques, jamais la décision de transférer
les installations des navires à terre aurait été prise.
(suite)
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suite:
Et
quand bien même des pathologies graves auraient été
subies dans une proportion anormalement élevée par ces derniers,
l'attention du ministère de la Défense ou des représentants
de la nation aurait sans aucun doute été attirée sur
cette situation, comme l'illustre l'exemple des vétérans
victimes de ce que l'on appelle communément “ le syndrome de la
guerre du Golfe ”, sujet dont la commission de la Défense nationale
et des Forces armées a décidé de se saisir en créant
une mission d'information le 2 octobre dernier.
L'apport des essais atmosphériques en radioactivité artificielle
était évalué, en 1995, à un pour cent par le
laboratoire de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire
(IPSN) à Tahiti ; les essais souterrains n'ont conduit à
aucune exposition supplémentaire des populations. A titre de comparaison,
le niveau d'activité en césium 137 déposé au
sol à Mururoa est plus de cent fois inférieur à celui
mesuré sur l'atoll de Bikini. De surcroît, chaque année,
l'IPSN a fourni un rapport de surveillance radiologique à l'ONU
(UNSCEAR).
En Algérie, sur le site de Reggane, les choses pourraient être
tout autres, compte tenu des conditions expérimentales initiales.
Mais comme le relève M. Christian Bataille dans son rapport déjà
cité, “ la puissance des vents sahariens et les phénomènes
d'érosion ont dû disperser les éléments radioactifs
sur une très grande surface, ce qui rendrait aujourd'hui les contrôles
pratiquement inopérants ”. (11)
Il n'apparaît donc pas d'opacité particulière, s'agissant
des essais réalisés dans l'atmosphère en Polynésie.
Tout au plus l'évaluation pourrait-elle être scientifiquement
affinée. A cet égard, la proposition de faire réaliser
un bilan de santé à tous les personnels du CEP qui le souhaiteraient,
bien qu'ils aient fait l'objet de visites annuelles obligatoires, ne suscite
pas d'objection particulière de la part de votre Rapporteur ; cependant,
la création d'une commission d'enquête apparaît nullement
nécessaire pour le permettre.
L'“ impact économique, social et culturel ” des essais nucléaires
français est également au nombre des thèmes relevant
du champ des investigations de la commission d'enquête proposée
par nos collègues. Votre Rapporteur est bien conscient que l'installation
du CEP s'est traduite par des bouleversements économiques et sociaux
pour la région polynésienne, notamment en raison des créations
d'emplois qui en ont résulté.
Sans contester l'intérêt d'un examen attentif des mutations
culturelles, économiques et sociales de la région depuis
la création du CEP, force est de reconnaître que les difficultés
sont bien plus nombreuses depuis l'arrêt définitif des essais.
Au demeurant, il paraît difficile de voir dans le choix du site des
essais un facteur déstructurant de l'identité polynésienne,
l'atoll de Fangataufa n'ayant jamais été habité, alors
que les cocoteraies de l'atoll de Mururoa n'étaient plus exploitées
depuis le cyclone qui a dévasté la région en 1903.
On peut donc s'interroger sur l'opportunité de faire porter une
nouvelle étude sur les éventuelles conséquences économiques
et sociales des essais nucléaires français.
S'agissant de l'accompagnement de l'arrêt des expérimentations,
il convient de rappeler que lors de la suspension de s essais en
avril 1992, un certain nombre de mesures avaient déjà été
prises dans le cadre du pacte de progrès de janvier 1993, puis de
la loi d'orientation pour le développement économique, social
et culturel du territoire, adoptée le 5 février 1994. La
Polynésie était ainsi engagée dans un développement
moins dépendant à l'égard des transferts publics,
lorsqu'a été prise la décision de démanteler
le CEP.
En 1996, le Président de la République a décidé
le maintien pendant dix ans des flux financiers résultant de l'activité
du CEP. A ce titre, le ministère de la Défense contribue
au financement du développement du territoire, dans le cadre d'un
plan de reconversion, au moyen d'un fonds d'intervention ; il concourt
également à l'équilibre territorial en compensant
les recettes douanières affectées par la fin des essais.
A titre d'illustration, il convient de noter que des crédits d'un
montant de 600 millions de francs ont été inscrits à
cet effet au budget du ministère de la Défense, dans le projet
de loi de finances initiale pour 2001. Par ailleurs, des reconversions
ont été proposées au personnel local du CEP.
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Dernier objet d'enquête
sur les conséquences des essais nucléaires français,
l'évaluation de la “ stabilité géologique des atolls
” vise à faire connaître les résultats du programme
de surveillance radiologique et géomécanique mis en place
depuis quelques mois par la France.
Une telle démarche d'information du grand public n'est pas inutile.
On peut cependant objecter qu'une commission d'enquête ne constitue
pas le cadre le plus approprié à cette fin, ses travaux ne
pouvant excéder six mois alors que le programme en question porte
sur une dizaine d'années. Selon toute vraisemblance, les données
recueillies au cours des six prochains mois ne seraient pas totalement
exploitables, ni vraiment pertinentes pour en tirer des conclusions conformes
au principe de précaution. S'il faut souhaiter que ces études
reçoivent un large écho auprès de l'opinion publique,
il ne semble pas qu'une commission d'enquête en valoriserait comme
il se doit les conclusions.
En revanche, les précédentes considérations relatives
à la pertinence d'une saisine de l'Office Parlementaire d'Évaluation
des Choix Scientifiques et Technologiques s'avèrent tout à
fait adaptées pour satisfaire les préoccupations exprimées
par les signataires de la proposition de résolution soumise à
notre examen.
D'ailleurs, une délégation composée du Sénateur
Henri Revol, Président, et des Députés Christian Bataille,
Claude Birraux, Jean-Claude Lenoir, s'est rendue à Mururoa au début
du mois de septembre 2000. Les participants à ce déplacement
ont reconnu que l'essentiel des recommandations du rapport de M. Christian
Bataille sur la gestion des déchets nucléaires à haute
activité (12) étaient satisfaites par la surveillance maintenue
par les autorités françaises. Dans un courrier adressé
au Président Paul Quilès le 17 octobre 2000, le Vice-Président
de l'Office, M. Jean-Yves Le Déaut, a rappelé la vigilance
de l'ensemble des membres de cette délégation parlementaire
sur le sujet, ainsi que leur disposition à compléter, si
besoin, l'étude de M. Christian Bataille.
Il semble donc plus pertinent de confier la tâche de ce contrôle
parlementaire à l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix
Scientifiques et Technologiques, d'autant que cet organisme commun à
l'Assemblée nationale et au Sénat a toujours su dépasser
les clivages partisans pour examiner des questions relevant de l'intérêt
de la nation. De plus, il dispose de la durée et du recul qu'une
commission d'enquête ne peut avoir.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre Rapporteur considère que la
création d'une commission d'enquête sur les conséquences
économiques, sociales, environnementales et sanitaires des essais
nucléaires français ne se justifie pas. Une saisine de
l'Office d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques
par la Commission de la Défense, conformément à l'article
6
ter paragraphe V de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement
des assemblées parlementaires, lui paraît préférable.
Cette saisine porterait sur les incidences environnementales et sanitaires
des essais nucléaires réalisés par la France entre
1960 et 1996.
Il vous demande donc de rejeter la proposition de résolution n°
2607.
La Commission de la Défense a examiné la proposition de résolution
n° 2607 lors de sa réunion du 17 janvier 2001.
Dans la discussion générale qui a suivi l'exposé du
rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus.
Le Président Paul Quilès a remercié le rapporteur
pour la qualité et la précision de son analyse.
Soulignant à son tour l'excellente qualité du rapport, M.
Antoine Carré a déclaré que son groupe en acceptait
toutes les conclusions.
Désapprouvant les attitudes tendant à cultiver les psychoses,
M.
Jean Briane s'est déclaré en accord avec les conclusions
du rapporteur et a estimé qu'il était de bonne politique
de s'en remettre à l'organisme parlementaire disposant des moyens
d'expertise scientifique appropriés.
(suite)
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suite:
Tout en admettant que le délai de six mois prévu pour le
fonctionnement des commissions d'enquête était trop court
pour mener une enquête sérieuse, M. Aloyse Warhouver a
exprimé son soutien aux objectifs de la proposition de résolution
dont il est co-signataire. Il a toutefois reconnu l'intérêt
d'une saisine de l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques
et Technologiques sur les questions faisant l'objet de cette proposition
de résolution.
Après avoir félicité M. Bernard Grasset pour l'étendue
des recherches qu'il avait menées dans la préparation de
son rapport, M. Michel Voisin a rappelé qu'à chaque
fois qu'il s'était rendu sur le site des essais nucléaires
français, démonstration lui avait été faite
que toutes les précautions étaient prises, comme l'a d'ailleurs
confirmé le rapport de l'AIEA. Il a également jugé
que la proposition du rapporteur de soumettre de nouveau la question des
conséquences éventuelles de ces essais à l'organisme
parlementaire adapté allait dans le bon sens, tout en rappelant
que le sujet avait d'ores et déjà fait l'objet de très
nombreux débats. Il a à ce propos évoqué les
controverses ayant entouré en 1995 la reprise des essais nucléaires
et la levée de boucliers qu'ils avaient provoquée, notamment
dans les partis de l'actuelle majorité parlementaire.
M. Jean-Yves Le Deaut a indiqué que le groupe socialiste approuvait
les conclusions d'un rapport qu'il a jugé complet et pertinent.
M. Bernard Grasset a estimé qu'il pourrait être intéressant
de demander à l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix
Scientifiques et Technologiques de procéder également à
des investigations sur les conséquences des essais britanniques
en Australie ainsi que des essais chinois.
M. Michel Voisin a alors évoqué les conséquences
des essais soviétiques.
A l'issue de ce débat, la Commission de la Défense a rejeté
la proposition de résolution n° 2607.
La Commission a décidé à l'unanimité de
saisir l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques
et Technologiques d'une demande d'étude sur les incidences environnementales
et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France
entre 1960 et 1996.
2868
- Rapport de M. Bernard Grasset d'une commission d'enquête sur les
conséquences économiques, sociales, environnementales et
sanitaires des essais nucléaires français (commission de
la défense)
1.
Traité du 5 août 1963, ratifié par la France en
1975.
2.
Threshold
Test Ban Treaty du 3 juillet 1974.
3.
Comprehensive
Test Ban Treaty du 24 septembre 1996, ratifié par la France en 1998.
4.
L'évolution
de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires à
haute activité, Rapport n°541 de M. Christian Bataille au nom
de l'office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques, 15 décembre 1997.
5.
Séance
du 6 novembre 2000, première lecture.
6.
L'exposition
naturelle moyenne en Polynésie est de 1 millisiviert (mSv) ; l'exposition
à ne pas dépasser pour le public est de 5 mSv ; celle à
ne pas dépasser pour les travailleurs est de 50 mSv.
7.
L'évolution
de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires à
haute activité, Rapport n°541 de M. Christian Bataille au nom
de l'office parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques, 15 décembre 1997, p.112.
8.
Situation
radiologique sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, rapport principal
d'un comité consultatif international, AIEA, 1998, p.41
9.
Ibidem,10.
Ibidem, 11. Ibidem, p.98, 12 Ibidem
p.30
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