Une fuite radioactive
s'est produite mardi 15 février 2000, vers 19h30 (heure locale)
sur le réacteur numéro 2 de la centrale nucléaire
d'Indian Point, située à 55 km au nord de New York sur l'Hudson
River. Cette centrale comprend deux réacteurs à eau sous
pression d'une puissance de 1000 MWé (Indian Point 2 et 3). L'exploitant
(Consolidated Edison) a déclenché le niveau d'alerte 2 (sur
une échelle de 1 à 4, 4 étant le niveau maximum).
Le rejet radioactif est dû à la fuite d'un tube de générateur de vapeur. Le réacteur comprend trois générateurs de vapeur, chacun comportant 3500 tubes d'une épaisseur de l'ordre de 1mm Les tubes de générateur de vapeur séparent l'eau contaminée du circuit primaire (circuit fermé de refroidissement du coeur du réacteur) et l'eau non contaminée du circuit secondaire. La vapeur d'eau produite dans le circuit secondaire est utilisée pour la production d'électricité. En raison de la différence de pression entre les deux circuits, en cas de fuite d'un tube de générateur de vapeur, de l'eau radioactive du circuit primaire passe dans le circuit secondaire, ce qui peut entraîner un relâchement de gaz radioactifs dans l'environnement. D'après les informations disponibles, dans le cas d'Indian Point 2, le débit de fuite du circuit primaire vers le circuit secondaire aurait été de 18 mètres cubes par heure et les rejets radioactifs dans l'environnement auraient été de 18 mètres cubes par heure et les rejets radioactifs dans l'environnement auraient été de très courte durée. L'arrêt d'urgence du réacteur a été déclenché manuellement et le générateur de vapeur défaillant a été isolé. Lors de la conception des réacteurs à eau sous pression, la possibilité de fuite entre le circuit primaire et secondaire aurait été de 18 mètres cubes par heure et les rejets radioactifs dans l'environnement auraient été de très courte durée. L'arrêt d'urgence du réacteur a été déclenché manuellement et le générateur de vapeur défaillant a été isolé. Lors de la conception des réacteurs à eau sous pression, la possibilité de fuite entre le circuit primaire et secondaire est prise en compte, en supposant la rupture complète d'un ou de deux tubes de générateur de vapeur. L'incident d'Indian Point 2 est le douzième de ce type dans le monde depuis 1975 (voir tableau ci-dessous) . (suite)
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Les tubes des générateurs de vapeur font l'objet d'une attention particulière tant en termes de contrôles des tubes que de sensibilisation et de formation des opérateurs aux défaillances possibles de ces tubes, l'importance des rejets radioactifs associés dépendant de leur temps de réaction [1]. Les causes possibles de défaillance des tubes de générateur de vapeur sont multiples (usure par des corps étrangers ou "corps migrants", corrosion, fatigue vibratoire). Pour prévenir ce risque, les tubes des générateurs de vapeur sont attentivement surveillés (inspections télévisuelles, contrôles par sondes à courants de Foucault…) lors des arrêts de réacteur, et les tubes fissurés sont bouchés. Ainsi en 1998, EDF a bouché 104 tubes sur des réacteurs de 1300 MWé et 475 sur des réacteurs de 900 MWé. De plus, pendant la période de fonctionnement du réacteur, l'évolution des fuites éventuelles des tubes des générateurs de vapeur est suivie par des mesures d'activité dans le circuit secondaire. Par ailleurs, les générateurs de vapeur sont remplacés lorsque le taux de bouchage des tubes devient trop élevé (de l'ordre de 10 à 15 %). La première opération de remplacement de générateurs de vapeur en France s'est déroulée en 1990 sur le réacteur numéro 1 de la centrale de Dampierre, et a depuis été suivie par sept autres opérations du même type. Tous ces contrôles et opération font l'objet de programmes EDF soumis par l'Autorité de sûreté nucléaire à l'avis de l'IPSN. Pour conforter son expertise, l'IPSN mène par ailleurs des recherches sur le vieillissement des tubes de générateur de vapeur : - développement de nouvelles méthodes de contrôle : un prototype de sonde adaptée à la détection des défauts sur la paroi externe des tubes a été étudié; il appartient aux industriels de se prononcer sur l'utilisation de cette sonde dans leurs installations; - modélisation des phénomènes de corrosion des tubes de générateur de vapeur; - réalisation d'essais de comportement sur des modèles réduits de tubes de générateurs de vapeur. 1 Les rejets des incidents mentionnés dans le tableau ci-dessus ne comportaient que des gaz radioactifs (c'est sans doute aussi la cas d'Indian Point 2); avec des hypothèses pessimistes sur le temps de réaction des opérateurs, on peut imaginer un rejet d'eau primaire radioactive (plus ou moins contaminées, notamment en iode radioactif), avec des conséquences radioactives significativement plus importantes. retour au texte p.6
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PAYS |
Réacteur |
Puissance du réacteur |
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Cause |
heure) |
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RÉSUMÉ
La fuite radioactive sur un générateur de vapeur (GV) du réacteur Indian Point-2 le mardi 15 février à 19h20 a entraîné le déclenchement d’une "Alerte" de niveau 2 qui semble correspondre au plan d’urgence interne (PUI) de niveau 2 comme celui que nous venons de connaître à la centrale du Blayais fin décembre. Des inspecteurs de l’autorité de sûreté NRC (Nuclear Regulatory Commission, équivalente à la direction de la sûreté des installations nucléaires DSIN) ont été dépêchés sur le site et des experts en sûreté nucléaire ont contrôlé les opérations depuis Philadelphie avec un centre opérationnel de la NRC établi à Rockville. Les autorités gouvernementales tant locales que de l’État de New-York ont été prévenues. Le réacteur a été arrêté manuellement à 19h29 puis le GV défaillant a été isolé. L’alerte a été maintenue jusqu’à mercredi 16 à 18h50, le réacteur ayant été mis en état d’arrêt à froid après baisse de la pression et de la température de l’eau du circuit primaire. Les autorités responsables - la NRC, l’exploitant et les autorités de l’État de New York- affirment qu’il n’y a eu aucun risque pour les employés et la population car "l’augmentation de radioactivité détectée au voisinage du site est négligeable". Cependant, d’après une dépêche de l’Associated Press, en dépit des assurances de l’exploitant «certains habitants ont toutefois exprimé des sentiments de peur et de colère pour n’avoir pas été avertis. Quelques 250.000 personnes vivent dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres et 15,5 millions dans un rayon de 80 km.» La fuite radioactive est due à la rupture d’un tube de l’un des 4 GV du réacteur Indian Point 2. C’est un réacteur PWR Westinghouse (comme nos réacteurs) d’une puissance nette de 994 MWé. Il a été couplé au réseau en juin 1973 et a donc plus de 26 ans. D’après le département de l’énergie des États-Unis (DOE) la licence d’exploitation du réacteur 2 est valable jusqu’en 2013. (suite)
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RAPPELS Rappelons que les GV sont les échangeurs de chaleur à tubes verticaux, entre l’eau du circuit primaire et du circuit secondaire. Très schématiquement, l’eau du primaire circule sous pression et haute température dans les tubes du GV et cède sa chaleur à l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur allant alimenter la turbine productrice d’électricité. Chaque GV est un bazar énorme de plus de 300 tonnes, d’une vingtaine de mètres de haut comportant un peu plus de 3300 tubes en U ( ce U est à l’envers, partie cintrée en haut). Les tubes, de diamètre extérieur 2,22 cm avec une paroi mince de 1,27 millimètre d’épaisseur, sont en Inconel 600, alliage très sensible aux phénomènes de fatigue vibratoire et de corrosion. Ces tubes peuvent donc se fissurer et une fissure importante peut entraîner la rupture brutale du tube. Un corps "migrant" peut aussi user un tube et provoquer sa rupture comme cela a été le cas à Tihange (Belgique) en juillet 1996. Une fraction des tubes est donc fissurée et ces tubes défectueux "fuient" : on mesure le débit de fuite pour qu’il ne devienne pas trop important (il y a un critère de débit de fuite dit "acceptable"). On bouche les tubes défectueux qui risqueraient de se rompre. Il faut donc contrôler l’intégrité des tubes (méthodes par courants de Foucault, inspection télévisuelle entre autres) mais cela représente environ plus de 50 km à contrôler ! POURQUOI CRAINT-ON LA RUPTURE DE CES TUBES ?
p.7
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En effet, dans
le cas contraire, d’après Jacques Libmann, (Approche et analyse
de la sûreté des réacteurs à eau sous pression,
INSTN, 1987) si les opérateurs laissent l’installation se comporter
sous la seule influence des automatismes et que la situation se prolonge
sans intervention humaine " on finirait alors par dénoyer les
éléments combustibles provoquant la rupture des gaines et
le transfert direct des produits de fission volatils vers l’environnement,
situation véritablement catastrophique[souligné
le GSIEN)". L’auteur ajoute aussitôt pour nous rassurer que
cette situation est heureusement invraisemblable, des procédures
détaillées ont été étudiées et
mises au point et que dans ces conditions les rejets peuvent être
limités à des valeurs acceptables. En somme, il faut vraiment
compter sur la compétence des opérateurs et leur rapidité
d’exécution . L’auteur ne définit pas ce qu’il entend par
"valeurs acceptables" des rejets. Acceptables par qui ? Par l’exploitant
? On n’a pas demandé à la population ce qu’elle jugeait "acceptable".
SIGNE PRÉCURSEUR DE LA RUPTURE : LE DÉBIT
DE FUITE AUGMENTE MAIS RESTE DANS LES NORMES ; AUCUNE ACTION CORRECTRICE
N’EST EFFECTUÉE.
QUELQUES REMARQUES
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A ce propos il ne faudrait pas oublier que les lignes de vapeur principales de nos réacteurs plus récents présentent aussi nombre de défauts métallurgiques qui sont souvent d’origine, présents dès la mise en route. Il y a bien longtemps qu’on n’a plus entendu parler des défauts de Saint-Alban, etc.. On aimerait être sûr qu’il y a bien un suivi métallurgique de ces parties sensibles. Ceci revient aussi à insister sur le fait que les incidents qui ne donnent pas lieu à classification dans l’échelle INES peuvent avoir des conséquences importantes dans les séquences incidentelles et accidentelles ultérieures. Il faut se souvenir que l'échelle INES est une échelle de communication et pas une échelle de sûreté. L’incident d’Indian Point nous rappelle fort à propos que "les études probabilistes pour une sûreté au meilleur coût" effectuées actuellement par les chercheurs d’EDF aboutissent à augmenter la taille des défauts jugés critiques pour les tubes de GV. Espérons que le programme de bouchage des tubes ne sera pas conditionné par une optimisation de ce genre fondée sur des critères strictement économiques ! (Gazette Nucléaire 165/166, avril 1998, p.29 et cette gazette : VD2 Fessenheim) . Pour terminer ajoutons que, concernant Indian Point-2, l’examen de l’efficacité de ce réacteur (rapport entre l’énergie électrique réellement fournie et l’énergie qui aurait dû être fournie si le réacteur avait fonctionné normalement à sa puissance nominale) montre que les problèmes d’Indian Point-2 datent de plusieurs années. Nous donnons ici les efficacités de ce réacteur depuis 1989:
Ces données sont
extraites d’Electronuc mémento publié en France par
le Commissariat à l'Énergie Atomique. Elles révèlent
les dysfonctionnements rencontrés par ce réacteur au point
de faire chuter son efficacité à moins de 30%. Ce réacteur
Westinghouse n’est pas un succès économique ! Ce pourrait
être le prochain réacteur à être arrêté
définitivement. D’après la NRC la dégradation des
tubes de GV a contribué à la décision d’arrêt
définitif du réacteur Trojan dans l’Orégon. Dans les
5 prochaines années 11 centrales américaines vont procéder
au changement des générateurs de vapeur. Cependant "d’autres
exploitants peuvent choisir la fermeture des réacteurs au cas ou
la réparation ou le changementdes composants [défectueux]
s’avèrent
prohibitifs du point de vue économique".
p.8
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