GAZETTE NUCLEAIRE
LE COIN DES ASSOCIATIONS ET DES SYNDICATS

1)- RÉPONSE A LA LETTRE DES ASSOCIATIONS AUTOUR DE CIVAUX
Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche
et de l’Environnement Poitou-Charentes Bordeaux, le 6 août 1997


Madame,

     A l’occasion d’une présentation devant le conseil départemental d’hygiène de la Vienne du rapport annuel d’activité de la division nucléaire de la DRIRE, vous avez été amenée à poser un certain nombre de questions relatives à la centrale de Civaux auxquelles je n’avais pu répondre immédiatement, certaines d’entre elles nécessitant quelques recherches complémentaires. Vous avez complété cette première série de questions par un courrier en date du 13 juin 1997. Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les éléments de réponse en ma possession.
    1) Les réfrigérants de purge ont pour objectif de refroidir les eaux de purge des aérofrigérants avant rejet dans la Vienne. Ils n’ont pas de point commun avec les réfrigérants complémentaires du circuit d’eau brute secourue (circuit dit "sec"). Un seul réfrigérant de purge sera construit sur le site, à partir de la fin de l’année, car les eaux de purge issues d’un seul réfrigérant atmosphérique ne nécessitent pas un tel dispositif compte tenu des caractéristiques de la Vienne.
     La nature agressive des eaux de la Vienne est une donnée connue depuis de très nombreuses années, bien antérieurement à la constitution du dossier d’enquête publique de la centrale. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’évolution significative des caractéristiques physico-chimiques de la Vienne ces dernières années.
     Les matériaux composites utilisés pour certains circuits à Civaux (circuit d’eau brute secourue et tronçons maintenus en eau du circuit incendie) sont des matériaux traditionnellement utilisés dans d’autres industries (fibre de verre renforcée par une résine époxyde). 

     L’emploi de ce type de matériau, nouveau sur une centrale nucléaire française, amène à s’interroger sur trois points : d’une part la qualité de la construction (il a été nécessaire de développer de nouvelles techniques de contrôle non destructif), d’autre part la tenue dans le temps de ce matériel et enfin la résistance au feu des conduites remplies d’eau.
     Le premier point peut être aujourd’hui considéré comme résolu (un certain nombre de liaisons ont dû être reprises sur la tranche 1 après réalisation d’un contrôle). Le second point fait encore l’objet de débats techniques entre EDF et l’Autorité de sûreté, EDF s’appuyant dur le retour d’expérience dans l’industrie classique, supérieure à 20 ans, de ce type de matériaux. Un suivi particulier de ces canalisations sera mis en oeuvre sur Civaux, indépendamment des essais de vieillissement accéléré conduits en laboratoire par EDF. Ce point fera naturellement l’objet d’un suivi rigoureux par l’Autorité de sûreté. L’impact sur la sûreté de cet aspect "vieillissement" est nul dans l’immédiat (tout au plus pourrait-il remettre en cause, dans le pire des cas, la durée de vie des conduites concernées). En ce qui concerne le dernier point, EDF a procédé à des essais au feu de ces conduites qui lui ont permis de qualifier ce matériau pour ce type d’utilisation. L’Autorité de sûreté a demandé à EDF de lui fournir la nature précise de ces essais au feu. Par ailleurs, il a été demandé au CNPE de Civaux de nous fournir la liste des "points chauds" situés à proximité des conduites en fibre composite. Cette demande n’a pas été satisfaite pour l’instant, mais il est vrai qu’il s’agit d’un travail de recensement assez long à conduire si l’on veut qu’il soit exhaustif. La transmission de ces éléments sera un préalable au chargement de Civaux 1.
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     2) Les neuf modifications demandées à l’exploitant à l’issue de nos inspections en 1996 sont les suivantes :
     - mesures compensatoires suite à la non-conformité du ferraillage des poutrelles voie A tranche 1 sur le système RRI-SEC (circuit d’eau brute secourue et circuit de refroidissement intermédiaire);
     - remise en conformité du désenfumage de l’atelier de peinture de la société Présiozo;
     - mise en place de rétentions d’une capacité suffisante sur l’aire de stockage des peintures de cette même entreprise;
     - remise en conformité du désenfumage dans le local de charge des batteries;
     - suppression des poussières sur les armoires CONTRONIC;
     - obturation d’une baie de communication non occultée dans le local de charge des batteries;
     - retouches de peinture au sol dans le bâtiment de stockage de combustible (BK);
     - suppression de présence indue d’outillages dans le BK;
     - résolution d’un problème de fuite d’eau pluviale en toiture (sans communication avec le local piscine BK).
     Ces mesures sont, pour l’essentiel, d’ordre mineur. Toute modification notoire nécessite une étude préparatoire et un dossier justificatif.
     3) Le document que nous vous avons remis lors du CDH donne un taux de fuite global comprenant effectivement les fuites liées aux traversées mécaniques (parmi les diverses sources potentielles de fuites), représentatif d’une enceinte "en ordre de marche". Il est possible d’obtenir un taux de fuite traversée par traversée (c’est par exemple ce qui est fait par l’exploitant après une intervention sur ce type d’équipement pour valider la qualité de la remise en état).
     4) Les investigations concernant le décollement observé en peau externe de l’enceinte interne de confinement de la tranche 2 se poursuivent actuellement, sans qu’aucune explication satisfaisante n’ait encore pu être trouvée. Compte tenu de ce que j’ai pu lire par ailleurs, en particulier dans le bulletin d’information de l’association "Stop Civaux", il me paraît important de signaler que les défauts constatés sur l’enceinte de la tranche 2 ne remettent pas en cause la tenue de cet ouvrage. Si tel n’avait pas été le cas, il est évident que des mesures particulières auraient été exigées.
     5) Les problèmes constatés sur les pompes primaires de Chooz B1 ne sont pas liés à la vitesse de rotation des pompes, mais à leur point de fonctionnement (caractérisé par le couple débit-pression). Sur les paliers précédents (1300 MWé) il avait déjà été constaté que le débit primaire était supérieur au débit de conception, mais ce surdébit restait dans la plage de tolérance admise. La mesure du débit du circuit primaire n’est pas une opération simple à réaliser; la mesure la plus fiable s’effectue par bilan enthalphique et nécessite donc une puissance du coeur suffisante (30% de la puissance nominale). Lors de la première mesure à Chooz B1, il a été constaté que le surdébit dépassait le seuil maximum prévu. Un trop fort débit primaire peut avoir des conséquences sur la sûreté en entraînant un accroissement du temps de chute des grappes et un soulèvement des éléments combustibles (l’eau primaire circule de bas en haut dans le coeur du réacteur). Il a par la suite été montré que le surdébit diminuait lorsque la puissance du réacteur augmente, ce qui permet de respecter les critères de sûreté à 100% de puissance nominale sans aucune modification des installations. Aucun aménagement technique n’est donc programmé pour l’instant sur Civaux. 
suite:
     Le débit primaire sera naturellement suivi avec attention lors de la phase de démarrage du réacteur, de façon à s’assurer du respect des critères de sûreté.
     En ce qui concerne les grappes de commande, l’anomalie constatée sur les réacteurs du palier N4, initialement constatée sur la centrale chinoise de Daya Bay, est liée à une nouvelle conception des guides de grappe introduite par Framatone. Cette modification avait pour objectif de supprimer certains problèmes d’usure constatés sur les tranches 1300 MWé, qui conduisent à remplacer plus fréquemment qu’initialement prévu les grappes de commande. En l’espèce, le remède a été pire que le mal puisque les nouveaux guides ralentissent excessivement les grappes de commande. Il a donc été décidé d’installer sur le palier N4 (Chooz et Civaux) des guides de grappe similaires à ceux des tranches précédentes, qui ont fait leurs preuves (les grappes de commande sont aujourd’hui revêtues d’une couche spéciale qui améliore leur tenue dans le temps; elles font par ailleurs l’objet d’un contrôle systématique lors de chaque arrêt, toute grappe défectueuse ou non contrôlée étant remplacée).
     6) Le premier démarrage d’une tranche nucléaire est une opération longue, car il fait l’objet d’un grand nombre de tests spécifiques. La mise en service industriel de l’installation qui, d’une certaine façon, concrétise la fin de la phase de démarrage, a lieu après réalisation de certains essais particuliers ("grands transitoires") et un fonctionnement sans interruption de quelques mois.
     7) En ce qui concerne l’impact du traitement à l’eau de javel des eaux de réfrigération, je vous conseille de prendre l’attache de la direction départementale de l’équipement, chargée de la police de l’eau sur la Vienne. Des traitements similaires existent sur des centrales comme celles de Golfech, sans qu’aucune anomalie particulière n’ait été signalée à l’aval des installations.
     Le projet d’arrêté interministériel réglementant les rejets radioactifs liquides et gazeux de Civaux prévoit, dans sa forme actuelle, les normes suivantes en ce qui concerne l’acide borique :
     - Flux annuel : 70 000 kg;
     - Flux 24 h : 1 500 kg;
     - Flux 2h : 125 kg;
     - Concentration maxi (effluent) : 2 000 mg/l;
     - Concentration maxi (après dilution complète) : 0,1 mg/l.
     Ces valeurs sont strictement comparables à celles de Chooz (arrêté du 3 juin 1996, Journal officiel du 29 juin 1996). A titre d’information, les valeurs actuellement en vigueur à Golfech sont les suivantes :
     - Flux 24 h : 8 500 kg;
     - Flux 2h : 5 000 kg;
     - Concentration maxi (après dilution complète) : 0,5 mg/l.
     Vous pouvez constater que les normes proposées à Civaux sont, comme je vous l’avais annoncé, plus contraignantes que celles appliquées sur les autres sites.
     8) Après renseignements, l’étude mentionnée lors de la réunion sur le point zéro radiologique, relative à l’impact des rejets sur une rivière à faible débit, est une étude menée par la direction des études et recherches d’Électricité de France, et non par l’IPSN. Il s’agit d’une étude à caractère fondamental, qui n’est pas liée spécifiquement au point zéro de Civaux. Elle n’est pas encore achevée, des mesures effectuées sur la Vienne après le démarrage de la tranche 1 devant servir à l’alimenter. Cette étude ne servira pour l’établissement des normes de rejet de Civaux mais il est évident que ses résultats seront exploités ultérieurement.
p.26

     Le caractère particulier du tritium fait qu’il n’est pas possible, dans l’état actuel des techniques, de réduire significativement les normes de rejet (on ne sait pas techniquement retenir cet isotope de l’hydrogène, dont la production est proportionnelle à la puissance du réacteur). Le projet d’arrêté interministériel prévoit de soumettre tout rejet éventuel lorsque le débit de la Vienne est compris entre 20 et 30m3/s (à noter que la DSSIN avait demandé 30m3/s et que l'arrêté donne 27m3/s...), ainsi qu’entre 350 et 400m3/s, à accord préalable de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) qui fixera les conditions particulières à respecter. Par ailleurs, la concentration en tritium calculée après dilution est limitée à 80 becquerels par litre, ce qui constitue une autre barrière de défense du milieu récepteur. Cette valeur après dilution est identique à celle imposée aux autres centrales.
     9) Les débits des effluents seront fixés dans l’arrêté ministériel en cours de signature. Ces débits dépendants naturellement de la nature des effluents concernés. Dans l’état actuel du dossier, les valeurs proposées sont identiques à celles retenues pour la centrale de Chooz B (arrêté du 3 juin 1996 précité) et varient, en débit maximal instantané, de 35m3/h à 300m3/h selon le type d’effluent. Comme indiqué plus haut, les rejets ne pourront être effectués que pour des débits de la Vienne supérieurs à 20m3/s, et seront soumis à accord préalable de l’OPRI si le débit de la Vienne est inférieur à 30m3/s.
     10) Le décret d’autorisation de création (D.A.C.) de Civaux ne prévoit pas l’utilisation de combustible de type MOX. Si l’exploitant souhaitait utiliser un tel combustible, ce qui n’est pas prévu pour l’instant à ma connaissance, il conviendrait de reprendre le D.A.C. et donc de procéder à une nouvelle enquête publique. Le recours au MOX nécessite effectivement certaines modifications techniques sur l’installation, ou plus exactement des modifications des modalités techniques d’exploitation.
Je me tiens naturellement à votre disposition pour vous expliquer l’origine et la nature de ces modifications si vous le souhaitez.
     11) La DRIRE n’a pas en sa possession le point zéro réalisé en 1996-1997. Je vous conseille de prendre l’attache du C.N.P.E. pour obtenir ce document, dont je ne suis pas certain qu’il soit totalement finalisé aujourd’hui.
     12) Je n’ai pas connaissance d’étude épidémiologique particulière dans la région concernant les cas de cancers et de leucémie. Il conviendrait de vous renseigner, le cas échéant, auprès de la DDASS ou de l’OPRI pour obtenir des informations plus précises. La réalisation d’études épidémiologiques autour des installations nucléaires de base fait aujourd’hui l’objet de nombreux débats d’experts (notamment en ce qui concerne le nombre d’études à réaliser pour avoir une idée statistiquement fiable de la situation)
Christophe QUINTIN

Commentaire Gazette
     Nous avons expliqué que ce défaut de conception des barres de contrôle recouvre une grave erreur dans la vérification des modifications proposées par le constructeur. Qui a vérifié et fait les essais ?
     Sur quelle base l’Autorité de Sûreté a-t-elle permis la modification ?
     En ce qui concerne les enceintes, je vous livrerai le petit dossier que j’ai sur le sujet
     Quant au surdébit nous l’avons signalé pour Chooz et il est clair que cela entraîne des problèmes pour la conduite du réacteur.
     En ce qui concerne les enquêtes épidémiologiques, on les attend toujours. Il n’y a que celle de la Hague qui soit lancée.
début p.27

2) "les pieds dans le plat "
Bulletin d’information de la section syndicale FORCE OUVRIÈRE de l’UTO N° 33
juillet 97
NUCLÉAIRE : SANS FOI, NI LOI !
     C’est ainsi qu’aurait pu s’intituler "La Marche du Siècle" du 18 juin 1997, même si elle n’a pas épuisé le sujet.
     Claude SERILLON avait également été contacté. Mais il n’a pas été sensible à la cause des 25000 nomades du nucléaire et aux conséquences du management pervers d’EDF sur la Sûreté. Questionné sur la suppression de ce "C’est à suivre", lors de la séance du CMP du 31 janvier 1997, Monsieur HULLIN, Directeur des ressources humaines de la DEPT-EDF, répondit qu’il n’était pas question de cautionner une émission au cours de laquelle des propos partiaux seraient tenus à l’encontre d’EDF. Autrement dit, ceux qui ne n’ont pas d’accord avec la Direction d’EDF, n’ont pas le droit d’expression.
     Jean-Marie CAVADA et son équipe ont relevé le défi. C’est tout à leur honneur, d’avoir accepté de faire une émission sur le nucléaire, domaine tabou sur lequel le corps des mines a mis une chape de plomb et que les parlementaires de tout poil ont fui jusqu’ici. Remercions J.M. CAVADA, malgré les critiques qui peuvent être formulées sur la préparation de l’émission et sur le direct. 
     En effet, cette première sur la face cachée du nucléaire a le mérite d’exister. Non seulement elle peut donner l’envie à d’autres de s’intéresser au sujet (il y a d’autres désordres profonds à dénoncer et des propositions à formuler), mais elle ne laissera pas les responsables indifférents. En tout cas, ils ont matière à déclencher une enquête. Celle-ci peut permettre d’éviter une catastrophe à laquelle nous emmenaient tout droit les "magiciens" nucléocrates. Dans l’hypothèse où ni CHIRAC, ni JOSPIN, ni VOYNET, ne donneraient suite, la vidéo de l’émission est à conserver et à classer parmi les précurseurs de crises majeures dans l’électronucléaire français.

NUCLÉAIRE : LA POLITIQUE DE L’AUTRUCHE !

     La direction d’EDF a menti ! Elle a connaissance de nombreux dysfonctionnements liés à la sous-traitance et à sa politique productiviste !
     * Les tracts syndicaux en relatent fréquemment. Ces tracts sont soigneusement collectés, puis analysés, par les antennes sociales de la Direction.
     * Des courriers spécifiques ont été adressés à tous les niveaux de l’entreprise. Le plus souvent ils sont restés sans réponse ! Quand il y en a eu, elles étaient hors sujet !
fin p.27

     * Si EDF a pris l’initiative de signer une charte de progrès avec les entreprises sous-traitantes, c’est dans le but d’enrayer l’idée d’une convention collective des sous-traitants du nucléaire. Cette revendication trouve son origine dans le refus des travailleurs d’un retour à l’esclavagisme (voir par exemple la récente incorporation de travailleurs clandestins dans une équipe de maintenance nucléaire). Mais la Direction a préféré signer une charte (un papier qui n’a aucune valeur juridique et que personne n’est obligé de respecter) avec les "manitous" des sous-traitants, plutôt que de négocier une convention collective avec les représentants du personnel.
     * Depuis que la Direction d’EDF a décidé de décupler la sous-traitance (1990), plus d’une centaine d’articles ont été publiés dans les quotidiens nationaux et régionaux, sur les nomades, les négriers qui les exploitent, la vulnérabilité des intérimaires et les possibles conséquences sur la sûreté. Un recueil en sera fait prochainement.
     * La Direction d’EDF n’ignore pas que le Sénat a été saisi en 1994, par Marie-Claude Beaudeau, sénatrice du val d’Oise. EDF a d’ailleurs participé à l’élaboration de la réponse de Gérard LONGUET alors Ministre de l’industrie. Questions et réponses figurent au JO, et ça peut servir un jour !
     * EDF, "état dans l’état", s’assoit d’autre part sur les nombreux procès verbaux des Inspecteurs du Travail (notamment dépassements de la durée du travail) et sur les lettres de la DSIN réclamant par exemple une assurance de la sécurité et une meilleure prise en compte des facteurs humains. L’administration est conciliante avec EDF. Est-ce parce que les 2 entités ont les mêmes tutelles ? Est-ce parce qu’elles sont sous l’influence du Corps des Mines ?
     * La Direction a, elle même, porté plainte en justice pour des actes liés de près ou de loin à la sous-traitance, tels que fraudes sur des contrôles de matériels important pour la sûreté, sabotages, malversations financières

LE MANAGEMENT PAR L’EXEMPLE

     L’explication de cette attitude, c’est que la Direction est affectée de cécité sélective, comme Gérard TARALL a eu l’occasion de l’écrire au Président Edmond ALPHANDERY, en insistant sur l’existence de carences éthiques graves. Responsable au plus haut niveau de l’entreprise, de la sûreté nucléaire et du dialogue social, celui n’a pas répondu.
     C’est d’ailleurs devenu un système de gouvernement : quand EDF ne veut pas traiter un problème, sa stratégie consiste à en nier l’existence (c’est l’une des caractéristiques des régimes fascistes!).
     Le 15 mars 1995, le Conseil Supérieur Consultatif des CMP (Comité Central d’Entreprise) avait organisé un colloque national sur la maintenance et la sous-traitance nucléaire. La Direction d’EDF a refusé de venir débattre avec des délégués de toutes les entités nucléaires, et avec des représentants de la DSIN, de l’INSERM, du CEA…Cette journée a été vidéofilmée par l’IFOREP !
     Refus de dialogue sur des questions concernant la sûreté et la santé, mensonge public dans un domaine comportant des risques majeurs, prise de décisions en lieu et place du Parlement, constituent des fautes graves. Seront-elles sanctionnées ? La rentrée de septembre nous permettra de savoir si le 1er Ministre fait le poids par rapport au lobby nucléaire.

NUCLÉAIRE : LA DICTATURE DU LOBBY

     De l’aveu même de Jean-Marie CAVADA (exprimé pendant et après le direct), les pressions sur l’équipe de journalistes ont été considérables. Le rapprochement avec les pratiques des sectes a été fait. Nos collègues de la CGT parlent, dans un document intitulé "j’accuse" de "méthodes de barbouzes".
suite:
     Étant donné les engagements de Lionel JOSPIN sur la nécessité d’un moratoire et le rétablissement de la morale civique, ce serait très inquiétant qu’une poignée de technocrates puisse continuer de faire la loi dans une entreprise publique, et maintienne le cap sur le "tout nucléaire", au détriment du Service Public, de la sûreté et avec un coût humain insupportable.
     EDF fait de la publicité (beaucoup d’argent qui pourrait être mieux utilisé) pour faire croire qu’elle défend l’intérêt des consommateurs. Dans les faits, les consommateurs et les citoyens sont soumis à la désinformation orchestrée par le lobby, alors que ce sont eux qui paient la publicité. Ils ne sont pas informés contradictoirement, ni appelés à s’exprimer démocratiquement et ce sont les technocrates qui continuent à décider seuls. Les parlementaires sont, en effet, soigneusement tenus en dehors du débat.

RESPONSABLE, MAIS PAS COUPABLE ?

     Le Directeur Général d’EDF, Pierre DAURES, était-il favorable à la tenue de cette émission, ou y était-il hostile?
     Dans cette seconde hypothèse, on ne voit pas comment Lionel JOSPIN, qui a pris des engagements, (cf. campagne électorale et discours de politique générale du 1er Ministre), pourrait appeler une homme opposé à la transparence, à la succession d’Edmond ALPHANDERY, succession qui semble ouverte.
     Dans le cas où il était favorable au débat, les "méthodes de barbouzes" étaient alors des initiatives de la hiérarchie subalterne. Mais une Direction Générale qui tolère que ses subordonnés puissent mettre impunément en cause l’image d’EDF, en attentant au droit d’expression (malgré le risque nucléaire), est-elle vraiment à la hauteur ?

RETOUR SUR LE DIRECT

     * De cette émission, il restera d’abord un reportage vidéo bien fait sur la vie des intermittents du nucléaire. C’est remarquable car si les anomalies sont fréquentes, les travailleurs qui acceptent de témoigner sont rares en raison des menaces de licenciement qu’ils subissent et des exemples réels qu’ils ont en mémoire.
     * En revanche, ceux qui sont de la partie, ont pu trouver le débat décevant.
     * Est-ce EDF qui a imposé 5 intervenants coté "pouvoir", contre 3 seulement coté contre-pouvoir ?
     * Est-ce la raison qui a rendu le contre-pouvoir peu offensif? Nous ne développerons pas, dans le présent bulletin, les scandales qui, a minima, auraient dû être évoqués. Ils sont nombreux et l’on peut leur consacrer un livre et plusieurs émissions (avis aux amateurs).
     * Pourquoi le contre-pouvoir est-il intervenu sur ce plateau, sans s’entourer de compétences notamment dans le domaine de la sûreté ? Pourquoi n’y avait-il pas de représentants d’autres organisations syndicales et d’associations de défense des citoyens et des consommateurs ?
     * Le docteur BAILLEUL, médecin du travail imposé, la veille de l’émission, par la Direction d’EDF, aura sans nul doute une promotion rapide. Cela arrangera bien ses affaires car son crédit auprès du personnel de TRICASTIN, a dû en prendre un sérieux coup.
     * Jo DAIRIN, représentant le GIIN, est si unique en son genre, qu’EDF a fait spécialement affréter un hélicoptère pour aller le quérir (quand on aime, on ne compte pas ! )
 
 p.28

     * Laurent STRICKER, s’est engagé devant des millions de français : il traitera "personnellement" les cas qui lui seront soumis. Malheureusement, il ne pourra pas tenir ses promesses, puisque la Direction a déjà annoncé qu’il allait quitter le secteur nucléaire pour prendre en charge le pôle classique. D’ailleurs, tant que le gouvernement n’aura pas nommé une Direction qui soit digne de la confiance du personnel, il vaut mieux envoyer les anomalies dont vous avez connaissance, aux "canards" et aux "Politiques". C’est plus efficace et c’est moins risqué pour les individus car les carences éthiques sont toujours là!
     En parlant de carences éthiques, pour les détails sur le "savon" passé par J.M. CAVADA aux dirigeants d’EDF présents au pot traditionnel qui suit l’émission, lire "Le Canard Enchaîné" du 2 juillet.
     * Le "gendarme du nucléaire", André-Claude LACOSTE a parlé avec précaution. On ne peut pas vraiment lui reprocher d’avoir menti, sauf probablement par omission et par ignorance. Il a raison de prêcher pour une centralisation et une meilleure organisation de tout ce qui concerne le contrôle externe du nucléaire. Mais ce n’est pas suffisant pour en garantir l’efficacité et la fiabilité : il faut en plus couper les liens avec le lobby dont les intérêts ne se confondent pas avec ceux du Service Public.
     * Claude BIRRAUX, député et rapporteur de l’Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a dénoncé la faillite de l’État. En revanche, pour la question de la sûreté nucléaire, l’Office Parlementaire apparaît de moins en moins utile : il n’est pas indépendant et ne va pas au fond des choses (il faut plus de courage pour dénoncer les failles du management d’EDF que pour dénoncer la faillite de l’État).

REFUSER UNE SOCIÉTÉ DÉCADENTE !

     Cette émission illustre à sa façon, les limites de la société de consommation que nous ont imposée nos élites.
suite:
     Entre : les industriels qui trichent, les dirigeants qui provoquent, les Hauts Fonctionnaires qui copinent, les parlementaires qui se défilent, la justice qui se complaît dans le manque de moyens, et les Gouvernements qui tergiversent, il est clair que notre société n’a pas la maturité nécessaire pour assurer la maîtrise des systèmes complexes, et a fortiori la gestion de situations dégradées résultant de la déstructuration sociale provoquée par la "secte" néolibérale.
     Même si Dominique VOYNET gagne la partie qu’elle a, paraît-il, engagée pour rendre le contrôle du secteur nucléaire indépendant du lobby, elle ne devra pas s’en contenter. Il lui faudra en plus rétablir la cohésion du corps social et mettre de l’ordre dans la maison EDF. Dominique LA VERTE et Lionel LE JUSTE, laisseront-ils en poste les cadres supérieurs, ayant largement dépassé l’âge de la retraite et disposant de revenus plus que confortables.
     Parmi eux se trouvent beaucoup d’adeptes des thèses néolibérales. Ils ont le cynisme d’exercer des pression sur les salariés ayant de faibles revenus, pour qu’ils "choisissent" les 32 H avec pertes de salaires. Ils continuent de déstabiliser le corps social et d’accroître la précarité et les inégalités, (sans parler des autres politiques néfastes au Service Public).

ET DEMAIN ?

     Si le gouvernement ne prenait pas rapidement ses responsabilités, des crises accidentelles et/ou médiatiques frapperaient le nucléaire civil. Ce serait désastreux pour la France (population et économie) ainsi que pour EDF (travailleurs et entreprise).

A QUI PROFITE LE CRIME ?

     Il n’y a pas de loi concernant le secteur nucléaire, dans le pays qui arrive au deuxième rang des pays les plus nucléarisés de la planète, et au 1er rang pour le pourcentage d’électricité d’origine nucléaire (75%) !
début p.29

3) J’ACCUSE
F.N.E.-CGT
Extraits à propos de l’émission du 18 juin 1997 sur les "nomades du nucléaire"
     L’émission de FR3 "La Marche du Siècle" du 18 juin était consacrée aux "nomades du nucléaire "
     Préparée et présentée avec une grande rigueur journalistique, elle a permis à des millions de téléspectateurs d’approcher une terrible vérité : le culte de la loi du fric auquel se livre le microscome qui a confisqué la direction de l’entreprise nationalisée, sacrifie la vie de dizaines de milliers de salariés et menace la sûreté nucléaire. La responsabilité de cette poignée d’individus est terrible. Et comme ils le savent, ils se comportent avec un inconcevable cynisme.
     L’équipe de journalistes qui a préparé l’émission dit avoir subi des pressions qu’elle n’avait jamais connues qu’une fois auparavant : quand elle avait enquêté sur l’église de scientologie.
     L’image est d’autant plus saisissante quand on sait que ces mêmes personnages ont eu recours aux sectes au cours de ces dernières années, en toute connaissance de cause, sous couvert de formation professionnelle, de modifier les consciences, de déstabiliser les salariés, de les manipuler. Les méthodes de barbouzes qui ont été utilisées pour tenter de peser sur le cours de l’émission seraient inacceptables de la part de quelqu’entreprise que ce soit dans un pays civilisé.
     Mais elles sont d’autant moins admissibles de la part d’une grande entreprise nationalisée sur la base du programme du Conseil National de la Résistance, et dont le Président et le Directeur Général sont nommés par décrets pris en conseil des ministres du gouvernement de la République.

Il faut en tirer toutes les conséquences.

     L’image de marque de l’entreprise nationalisée qui a été livrée en pâture aux téléspectateurs au travers du représentant d’EDF, a été terriblement atteinte. Cela est insupportable lorsque l’on connaît les efforts des seuls personnels pour assurer, dans des conditions dégradées, le service public de l’électricité et du gaz auquel est si attachée la population.
     De plus, celui qui a été finalement envoyé au feu (parce que personne d’autre ne voulait se mouiller) est un militant acharné des entreprises privées ;: début février 1997 il avait réuni au CNIT les 37 patrons des entreprises employées dans les secteurs les plus lourds du point de vue dosimétrique, afin de bâtir un plan de pression auprès du ministère pour empêcher l’extension de l’arrêté de 1993 "Interdiction d’emplois précaires aux travaux sous rayonnements".
     La sincérité des hommes et des femmes qui ont témoigné de leur vie et des souffrances qui leur sont imposés a crevé l’écran. La dignité humaine était de ce côté-là.
     Mais il est clair maintenant que cette situation a percé le mur du silence. Personne ne peut échapper à cette évidence : on ne peut en rester là.
     D’autant que si l’émission n’avait comme seul thème la sous-traitance et l’intérim dans le nucléaire, cette stratégie est développée dans l’ensemble des activités des deux entreprises nationalisées: production, transport, distribution, dans le seul but de diminuer la rémunération du travail, de contourner le statut national du personnel des industries électrique et gazière adossé à la loi de Nationalisation, de précariser les salariés de ce pays....
fin p.29
     La Fédération CGT de l’Énergie qui se bat depuis des années pour dénoncer la situation faite à ces salariés de la sous-traitance et de l’intérim et ses conséquences potentielles sur la sûreté des installation, se félicite que cette émission ait eu lieu.
     Elle tient à rappeler qu’il ne peut y avoir de nucléaire sans démocratie, sans l’existence de garanties collectives et individuelles pour tous les salariés. Elle salue le courage de ceux qui ont témoigné ainsi que celui des journalistes qui ont résisté aux pressions.

4)- 10ème anniversaire du Collectif National Stop Mélox.
De qui se MOX-t-on ?
Extrait de COMBAT-NATURE BP 3046 24003 Périgueux
Par Marc Faivet
     Le Collectif National Stop Mélox et MOX créé en 1987 par le regretté André Sevin, membre des Amis de la Terre et de la CRII-RAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), va fêter ses dix années d’existence lors de son assemblée générale annuelle qui aura lieu, avant fin 1997, dans une localité du sud de la France proche soit de Marcoule (Mélox) soit de Cadarache où COGEMA fabrique le MOX allemand.
     Nous rappelons, pour ceux qui n’ont pu lire les nombreux communiqués parus dans "Combat Nature" concernant le collectif et le MOX, l’historique du combat que mène cette association depuis dix ans.
     En 1987, les Amis de la Terre, sous la présidence de Pierre Samuel, publient un document annonçant la prochaine fabrication d’un nouveau combustible pour les centrales nucléaires : le MOX (mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium).
     Autour des membres des Amis de la Terre de Vaucluse présidés par Marc Faivet se regroupent des associations et des particuliers pour constituer le premier collectif dont l’action principale conduite par André Sevin portera sur l’enquête publique déposée par la Compagnie Générale des Matières nucléaires (COGEMA) dans les communes du Gard et du Vaucluse pour l’autorisation de la construction de l’usine Mélox à Marcoule.
     · Les premières actions consistent à informer les populations et les élus. Réunions publiques, manifestations pacifiques et interventions diverses avant la fin de l’enquête publique permettent d’obtenir, pour la première fois dans une région fortement nucléarisée, trois avis défavorables de communes de Vaucluse voisines de Marcoule. Ce succès relatif explique le développement du collectif qui, bien soutenu par les Amis de la Terre, prend une dimension nationale.
     · En avril 1990, le Collectif participe, à Paris, à un colloque sur le MOX avec des scientifiques parmi lesquels on remarque la présence de Monique Sené et Michèle Rivasi. La rumeur se précise : le gouvernement Rocard s’apprête à signer l’autorisation de construction de l’usine.
     · Le ministre de l’Environnement qui doit, lui aussi, accorder sa signature est Brice Lalonde. Il convoque très officieusement dans son cabinet les groupes d’écologistes et syndicalistes défavorables au projet Mélox. Autour de la table se trouvent notamment les Amis de la Terre, Greenpeace, Robin des Bois, la CFDT…et le Collectif.
     Brice Lalonde nous demande si nous sommes capables en quelques semaines de lever une protestation populaire importante contre le projet. Nous ne pouvons pas, c’est évident, mettre en place un tel mouvement si, lui-même, écologiste ne nous aide pas. D’autre part nos forces sont faibles et dispersées. Seuls Les Verts français s’intéressent à notre contestation. 
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Ils n’ont pas les moyens de procéder à une levée en masse des populations. Nous quittons le cabinet Lalonde fort déçus mais déterminés avec l’espoir que peut-être Brice Lalonde ne signera pas le décret d’autorisation. Le 21 mai, le décret présenté par le Premier ministre, est signé par les ministres de l’Industrie et de l’Environnement.

Recours devant la justice française et européenne
     · Le recours devant le Conseil d’État avec l’avocat Corinne Lepage.
     En apprenant que le décret est signé, le Collectif se réunit en assemblée générale pour préciser son but et ses actions. Le but est l’action en justice pour obtenir l’annulation du décret du Premier ministre Rocard. Il dépose, avec l’aide de Corinne Lepage, un recours devant le Conseil d’État qui, en 1994, rejette le recours et condamne le Collectif à verser 10 000 F à la COGEMA alors que le recours concerne l’État.
     Cette démarche juridique qui dura quatre ans fut soutenue par un fort mouvement écologiste à base d’associations diverses souvent antinucléaires. Venues de toutes les parties de la France où les centrales nucléaires s’implantent, elles adhèrent chaleureusement au Collectif. Leurs aides avec celles des Verts européens présidés par le député européen belge du pays qui inventa le MOX. Lannoye, et les députés Verts français, Didier Anger et Gérard Monnier-Besombes, seront très précieuses pour honorer les frais d’avocat et informer les populations, par un bulletin et diverses plaquettes.
     Le Collectif participe à de nombreuses manifestations, réunions et colloques au niveau local, national et même européen (la réunion annuelle de la connection Anti-Plutonium). Il met en place très difficilement un réseau de correspondants Stop à Mox mais des difficultés d’ordre politique apparaissent dans le conseil d’administration. Le Collectif, désirant garder son indépendance, se voit amputé d’une partie de ses adhérents. Les anciens membres se regroupent au Forum Plutonium avec lequel le Collectif garde des contacts, cordiaux mais mesurés. L’écologiste bienfaiteur Édouard Goldsmith, sollicité par le Collectif, donne généreusement une somme importante pour le financement d’une plaquette sur le transport du plutonium et du MOX. C’est Forum Plutonium qui réalisera le projet avec WISE Paris. Parallèlement, le Collectif publie une plaquette plus accessible au grand public, distribuée gratuitement dans les stands et facile à photocopier.
     · La plainte devant la Commission Européenne.
     Le Collectif, mis en demeure par un huissier, verse les 10 000 F à la COGEMA. Il décide alors de porter l’action devant la Cour Européenne de Justice. Mais les émoluments demandées par l’avocat sont beaucoup trop lourds. Une plainte est cependant adressée à la Commission Européenne pour pouvoir accéder à la Cour Européenne de Justice. Les arguments de cette plainte ne sont pas recevables. 

p.30

     Le député européen Noël Mamère s’intéresse au dossier mais ne peut trouver les moyens pour payer les experts. De nouveau c’est l’impasse et le Collectif va, à la prochaine réunion du groupe européen "Anti-Plutonium Connection", demander aux députés européens écologistes présents de reprendre le dossier et de le faire valoir auprès des instances de la justice européenne. Le contexte semble très favorable actuellement vu les réactions des populations quant au transport du plutonium et du MOX.

La MOXification de la France est-elle possible ?
     Les plaintes et recours devant la justice nationale ou européenne devenant de plus en plus compliqués et coûteux, le Collectif, pour son dixième anniversaire, a décidé de redéfinir ses objectifs.
     En effet, les nouvelles sont plutôt bonnes car EDF s’affronte avec la COGEMA sur le coût de la filière de retraitement d’où est issu le MOX. Un article du journal "Libération", paru le 4 avril 1997, sous le titre de "EDF trouve l’addition du plutonium trop salée" est révélateur d’une situation nouvelle. Ainsi que les deux pages du journal "Le Monde", daté du 17 avril 1997. L’article bien documenté indique que le MOX "coûte beaucoup plus cher à fabriquer que l’uranium enrichi, carburant ordinaire des centrales".
     · La fin du cycle (retraitement, Superphénix, MOX)) engloutit 14 milliards de pertes soit 4 à 5 centimes par kilowattheure;
     De plus, question de rentabilité, le MOX, en fait, n’arrive pas au niveau de son aîné, le combustible à uranium enrichi, l’UO2. Le taux d’irradiation maximum n’excède pas 43 GW J/T pour le MOX contre plus de 50 GW J/T pour l’UO2 qui a, en outre, une durée de fonctionnement plus longue, environ plus de 25% et des performances supérieures. De surcroît, le plutonium qui entre dans la composition du MOX est considéré comme gratuit et ne serait pas comptabilisé !
     ·Mais, le plus grave, ce sont les risques écologiques.
     Avec le MOX, le plutonium est distribué sur tout l’hexagone et même à l’étranger. C’est pour les nucléocrates "une banalisation" indolore mais pour les écologistes la "connection plutonium".

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     Car enfin, les risques de contamination particulièrement en alpha, au cours de la fabrication, du transport et de l’utilisation sont évidents. Les ingénieurs reconnaissent que le pilotage des réacteurs chargés en MOX est délicat et qu’il n’est pas sans danger.....
     En réalité, ce MOX, avec toute la filière du retraitement a pour but final de "MOXer" toute la FRANCE et cela sans qu’on lui ait demandé son avis ! Huit réacteurs, répartis sur tout le territoire, au nord, à l’ouest, à l’est…sont déjà chargés par EDF de MOX.
     Pour ces chargements, les transports vont considérablement augmenter, aggravant les risques nucléaires dans tout le pays. Ces transports secrets et banalisés qui utilisent les autoroutes, sont évalués, actuellement, à 400 par an de matière contenant du plutonium.

Le dixième anniversaire du Collectif
     C’est dire que le Collectif a encore beaucoup à faire et se propose pour être plus efficace de redéfinir ses objectifs afin notamment de coordonner un réseau de correspondants nécessaires pour suivre les allées et venues du MOX dans le paysage nucléaire français.
     Le Collectif Stop Mélox et MOX qui comprend des associations d’obédience nationale parmi lesquelles les Amis de la Terre, des élus, notamment des conseillers régionaux, et une centaine de particuliers fidèles, prépare une petite fête pour ce dixième anniversaire;
     Ne faut-il pas lui souhaiter un bon anniversaire pour une nouvelle étape, une nouvelle décennie, à moins que la mort du MOX n’ait lieu pour causes économiques.

l A lire sur ce sujet :

- "Recours en justice contre MOX-Mélox" par Marc Faivet, "Combat Nature" N°93 - Mai 1991, page 41;

- "Le MOX, produit de l’inconscience" par Jean-Pierre Morichaud, "Combat nature" n°95-Novembre 1991, page 38;

- "Comment gérer les déchets radioactifs ?" par Michel Prieur, "Combat Nature" n°98-Août 1992, page 49;

- " Les dangers inhérent au MOX à Cadarache" par Lucien Barbaroux, "Combat Nature" n°115-Novembre 1996, page 49;

p.31

Soutien au
COLLECTIF NATIONAL STOP MELOX et MOX
association déclarée à la préfecture d’Avignon
     Le Collectif STOP MELOX demande à tous ceux et celles qui luttent contre l’introduction du Plutonium dans les combustibles utilisés par les réacteurs nucléaires de soutenir les actions du Collectif. C’est le cas pour les réacteurs des centrales de Le Blayais, Dampierre, St Laurent des Eaux, Gravelines et Tricastin, et bientôt Chinon…etc.
     MELOX est l’usine de MARCOULE, dans le GARD, qui fabrique une centaine de tonnes par an de MOX, combustible composé d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium éléments très radiotoxiques.
     Le Collectif STOP MELOX depuis 1987 essaie de faire interdire l’exploitation de ce nouveau combustible par les voies légales. En 1990, le Collectif a déposé, avec l’aide de l’avocat Corinne Lepage, devant le Conseil d’État, un recours en annulation du décret créant l’usine MELOX. Mais, le Conseil d’État a débouté le Collectif et l’a condamné à verser 10 000 frcs de frais de procédure à la COGEMA. Le Collectif a dû verser cette somme mais il a réagi en déposant une plainte devant la Commission des Communautés Européennes. Cette plainte n’a pas été retenue. Il faut rechercher de nouveaux éléments susceptibles de démontrer une infraction au droit communautaire. Alors nous déposerons une nouvelle plainte.
     Mais pour cela, nous devons nous faire aider par des hommes de loi.
     D’autre part, le Collectif met en place des correspondants chargés de l’informer sur le chargement en MOX des réacteurs des centrales nucléaires. Si vous êtes concerné vous pouvez nous aider en devenant correspondant.
     Nous vous demandons de ne pas rester insensible et de répondre à notre appel en remplissant le bulletin ci-dessous. Merci
Je soussigné :

adresse :

adhère (cotisation 100F) ou fais un don afin d’aider le Collectif National STOP MÉLOX à faire arrêter la fabrication et l’utilisation du combustible MOX.

Chèque à adresser au Collectif STOP MÉLOX

C/O Marc FAIVET - Quartier Saint Hilaire

84560 MÉNERBES

début p.32

LE FORUM PLUTONIUM
5)-La lettre n°2 -Août 1997 -(extraits)-
J.P. Morichaud - Hameau des Oliviers- 26110 Venterol
Éditorial
Le 15 janvier 1997, le Forum Plutonium a reçu une longue lettre du Ministre de l’Environnement, Corinne Lepage, l’informant sur deux points :
     - la vigilance accrue de ses services sur le respect des réglementations sur le transport des matières radioactives (1);
     - le lancement d’une étude gouvernementale, qui sera "un bilan économique et écologique de la filière MOX" devant se terminer fin juin.
     Même si l’annonce de cette étude et d’une remise en cause gouvernementale de la politique de retraitement du combustible, qui pourrait s’en suivre, sont de nature à nous réjouir, le combat pour un monde sans plutonium se poursuit. Par contre, nous pouvons nous féliciter d’une avancée incontestable : c’est la place prise par le mot "plutonium" dans les média depuis un ou deux ans. Le titre en première page de Libération du 9 avril est "EDF fait une indigestion de plutonium" sans que,, dans le glossaire joint à la page 20, le mot "plutonium" soit commenté. Nous osons espérer que les 500 dossiers de Wise-Paris sur les transports, adressés aux élus locaux et à la presse, les enveloppes illustrées de nos amis de MDPL que vous avez utilisées, les 1000 signatures accumulées à ce jour pour un monde sans plutonium…sont pour quelque chose dans la place prise, dans les esprits, par ce fléau industriel moderne.
Incohérence et abus de pouvoir
     Cependant, sans attendre les propositions de cette étude annoncée sur la fin du cycle du combustible, le 14 février s’ouvrait à Chinon une enquête publique sur la nécessité d’introduire du MOX dans les quatre réacteurs de la centrale EDF. Le Forum diffusait alors, auprès de ses adhérents et de ceux qui avaient en avril 96 diffusé le rapport "Transport Pu", la consigne de demander un report de l’enquête à l’automne.
     Le 1er avril, Monsieur Syrota, le PDG de COGEMA annonce dans Le Midi Libre du Gard, la signature d’un contrat de fourniture de 10 tonnes de MOX à un électricien japonais. L’usine Melox ne serait donc plus réservée aux besoins d’EDF et "sa capacité doublée avant l’an 2000" annonce-t-on à Marcoule. Monsieur Syrota, président d’une société d’État, aurait-il le feu vert de son ministère de tutelle, l’Industrie, pour signer de nouveaux contrats de fourniture de MOX à l’étranger? D’ailleurs, il a qualifié selon l’article de Libération du 9 avril sur le Mox à EDF, l’étude gouvernementale sur l’aval du cycle du combustible, de simple "os à ronger concédé par Matignon au Ministre de l’Environnement". C’est la démocratie française, vue par Monsieur Syrota, ancien responsable du tout-puissant Corps des mines.

Une gesticulation médiatique ou un grand espoir : la mission Mandil-Vesseron ?
     Le Directeur Général de l’Énergie au Ministère de l’Industrie, Claude Mandil, l’auteur de "L’énergie nucléaire en 113 questions" et le Directeur de la Prévention et des Risques au Ministère de l’Environnement, Philippe Vesseron, ont été désignés par le Gouvernement Juppé pour coprésider le comité de pilotage de la mission annoncée par Madame Lepage, devenu ainsi "mission sur les déchets nucléaires". Selon l’A.F.P. du 21 mars, ils proposent dix scénarios pour le demi-siècle à venir concernant l’aval du cycle nucléaire. L’objectif est d’éviter "des scénarios impossibles à mettre en oeuvre, des décisions d’investissements trop lourds et sans intérêt" a déclaré M. Mandil. 

 
suite:
     "On s’interroge évidemment sur l’arrêt du programme MOX, objectif du retraitement" a dit M. Vesseron questionné par Libération. Ce travail d’analyse doit déboucher sur "un plan de l’aval du cycle" qui devra ensuite être approuvé par le Gouvernement. Aujourd’hui, celui de M. Jospin.
     Cette mission gouvernementale est composée des représentants de six ministères concernées, de la DSIN, de l’IPSN, et de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques. Cet organisme est le seul représentant de la société civile. Nous avons écrit à Madame Lepage et à l’Office Parlementaire pour le regretter et demander d’être consulté sur le sujet. Madame Lepage a transmis notre demande à M. Vesseron. Assistent, par contre aux séances de travail, les grands opérateurs du nucléaire (EDF, CEA, COGEMA, ANDRA et Framatome).
     Par ailleurs, les deux numéros de Contrôle, la revue de la DSIN, d’avril et de juin, portent sur l’aval du cycle. Le Forum a été invité à s’y exprimer sur deux pages en juin. Ce qui a été fait. Nous vous rappelons que l’abonnement à Contrôle est gratuit sur simple demande à la DSIN, 101, rue de grenelle, 75353 Paris 07 SP.

Le retraitement : nécessité écologique ou seulement source d’activité industrielle ?
     La position du Forum Plutonium sur l’aval de la chaîne du combustible n’a pas varié. L’option du retraitement imposée dans les années 80 par COGEMA à EDF et aux clients étrangers d’UP3 se révèle aujourd’hui dispendieuse, proliférante, polluante et inutile (compte tenu du prix de l’uranium et de l’avenir incertain de l’électronucléaire). La voie raisonnablement acceptable aujourd’hui est celle du stockage du combustible en l’état, en surface et sous contrôle permanent. L’armée ne stocke-t-elle pas ainsi des tonnes d’explosif depuis des décennies ? Le caractère proliférateur de l’industrie des matières nucléaires ne nécessite-t-il pas déjà des méthodes militaires, comme celles utilisées pour surveiller leurs transports ?
     Au lieu de cela, le CEA investit dans toutes sortes d’études sur la séparation, extraction et vitrification des actinides et des produits de fission, contenus dans le combustible usé.
     Ces études sur les méthodes de séparation chimique, poursuivis dans le cadre d’Atalante à Fontenay-aux-Roses (92) et Marcoule (30), portent les jolis noms de Diamex et Sésame (Clefs-CEA de l’automne 96). Les actinides seront "incinérés", selon le procédé CAPRA (A.F.P. le 20 février 97) dans Superphénix, avec le plutonium en excès extrait à La Hague…ou venant, éventuellement, des surplus militaires américains ou russes. Les produits de fission ainsi obtenus seront centralisés dans les laboratoires souterrains où ils seront conditionnés pour les stocker à 800 mètres sous terre.
     EDF, à la tête d’un parc de 56 réacteurs vieillissants, qui grèvent tous les jours un peu plus le prix du kWh, va devoir se tourner vers d’autres formes de production d’électricité. Des syndicalistes d’EDF le disent, le lobby y croit aussi puisqu’il commence à craindre que l’on aille trop vite vers un épuisement des énergies fossiles qu’il serait plus "écologique" (sic) de laisser aux Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie. Il faut bien dire que faire tourner un alternateur avec une turbine à vapeur a toujours été d’un rendement inférieur à 40%, qu’utiliser un réacteur nucléaire au lieu de brûler du charbon et du fuel pour produire cette vapeur ne pouvait, globalement, que grever le coût industriel de l’opération, même si le "combustible" nucléaire est bon marché. Dans d’autres pays, on a vérifié qu’une turbine à gaz (semblable à un turboréacteur), une éolienne, une turbine hydraulique sont plus efficaces. EDF, qui subit maintenant la concurrence européenne, va devoir en tenir compte.

fin p.32

     Donc la quantité de combustible usé à stocker va diminuer et la part énorme des dépenses de Recherche et Développement en énergie, consacrée à l’avenir de l’électronucléaire, de sa sûreté et de ces déchets n’est pas justifiée (tableau ci-dessous).

Dernières nouvelles du nucléaire
     Enquête publiques sur le MOX à Chinon, Gravelines…
     Bien que 10 réacteurs seulement soient moxés à ce jour, EDF persiste dans sa demande de passer le nombre des autorisations d’emploi du MOX, de 16 à 28 réacteurs. La première demande a concerné Chinon, objet de l’enquête publique citée plus haut. Le Commissaire Enquêteur a remis son rapport le 15 avril . Une enquête semblable, prévue à Gravelines (59) en septembre, a été reportée par décision du Directeur de l’usine, qui souhaite attendre la suite donnée à celle de Chinon. A suivre….
     Les décisions du Gouvernement Jospin :
     La fermeture de Superphénix est promise, mais les uns et les autres restent mobilisés car le délai reste à préciser. Va-t-on renoncer aux deux charges préparées en hâte par le CEA ?

     Les effluents de La Hague, dont on sait qu’ils peuvent être comme ceux de Marcoule, de 10000 à 1000000 fois ceux des centrales d’EDF, font parler d’eux à marée basse. Au nom du principe de précaution, Dominique Voynet a interdit depuis le 10 juillet la pêche et la navigation de plaisance aux abords de l’usine COGEMA de La Hague. C’est la première fois en France que ce principe, décidé mondialement à Rio en 92 et repris dans la Loi française sur l’Environnement de 95, est appliqué au nucléaire. Cependant c’est toute la filière du plutonium que ce principe remet en question. Ne l’avons-nous pas déjà assez répété ?

Décision Européenne sur les seuils de libération :
     Le 13 mai 96 le Conseil de Communautés Européennes a défini des seuils de radioactivité au-dessous desquels les radioéléments deviennent des déchets ou des matériaux ordinaires. Les Pays Membres ont jusqu’à l’an 2000 pour adopter des règles nationales semblables en dessous de ces seuils. La Criirad, qui a déjà obtenu qu’aucune réglementation semblable soit adoptée en France, où aucun déchet ou matériau radioactif n’est banalisé, a participé activement le 10 avril 97 à Strasbourg à la constitution d’un "Comité Européen sur les Risques de l’Irradiation" chargé de coordonner les actions de contrôle des décisions dans chaque pays de la Communauté. On peut se procurer le texte de loi sous le n° L159 du 29 juin 1996, au J.O. Services des C.E. 26 rue Desaix 75727 Paris Cédex 15. Pour action voir la Criirad, 471 bd Victor Hugo, 26000 Valence. 04 75 41 82 50.

p.33
Évolution des crédits publics de Recherche et Développement en France
dans le domaine de l’énergie (en millions de francs)
 
1990
% du total
1993
% du total
1995
% du total
Économies d’énergie

Pétrole et gaz naturel

Charbon

Énergies renouvelables

Énergies nucléaire de fission

Énergie nucléaire de fusion

295

216

29

75

2281

238

9%

7%

1%

2%

73%

8%

64

174

29

29

2240

192

2%

6%

1%

1%

83%

7%

47

189

33

30

2856

207

1%

6%

1%

1%

84%

6%

Total
3134
 
2728
 
3362
 
Source OCDE/ADEME, document "Energy policy in countries" (édition 94 et 95)
(1) le 12 juin, Libération révèle qu’un "texte allégeant les contraintes sur le transit des matières nucléaires" a fait l’objet d’un marchandage entre le Ministère de l’Industrie Borotra et Corinne Lepage, refusé par cette dernière.
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