GAZETTE NUCLEAIRE
PROBLÉMATIQUE DE LA RADIOPROTECTION DANS LE CONTEXTE DU CYCLE DU PLUTONIUM ET DE L’URANIUM DE RETRAITEMENT

DOCUMENT de l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire -1996

INTRODUCTION

     Depuis environ vingt ans le cycle du combustible nucléaire a été marqué par une évolution considérable tant au niveau des procédés industriels que de la radioprotection.
     La maturité du parc électronucléaire français a abouti comme prévu à l’arrivée de l’uranium de retraitement dans les usines de fabrication du combustible.
     Parallèlement, les enjeux économiques et la nécessité de ralentir la croissance de l’inventaire de plutonium ont conduit la France au choix du recyclage du plutonium sous forme de combustible MOX dans les réacteurs à eau sous pression. Les perspectives à long terme sont une extension du nombre de réacteurs chargés en MOX et l’augmentation de la fraction d’assemblages de ce combustible dans les réacteurs. La croissance de la production de MOX va de pair avec ces objectifs.
Enfin, la Commission Internationale de Protection Radiologique a profondément remanié sa philosophie en introduisant le concept de facteurs de dose par unité d’incorporation (DPUI) qui conduit à la notion de "LAI spécifiques"(1). Dans le même temps, l’évolution des connaissances a permis l’élaboration de nouveaux modèles dosimétriques et la prise en compte, pour le calcul des doses, de paramètres jusque là négligés.
     Devant ces évolutions, les industriels et les personnes impliquées par la radioprotection se trouvent face à un nouveau défi qu’il faudra relever au bénéfice des travailleurs;

     I - LES ENJEUX
     I . 1 - Les composés
     Luranium de retraitement enrichi (URE) se différencie des autres types d’uranium, et en particulier de l’uranium naturel enrichi (UNE), par l’enrichissement en U-234 ainsi que par la présence d’U-232 et d’U-236. Cela se traduit par :
     - une augmentation du risque d’exposition interne due à la teneur plus élevée en U-234 et à la présence d’U-232;
     - une augmentation du risque d’exposition externe due aux descendants émetteurs gamma de l’U-232, en particulier le Thallium (TI-208, g de 2,6 MeV).
     Le plutonium de retraitement est obtenu après cisaillage et dissolution nitrique (extraction liquide-liquide par le TriButylPhosphate ou TBP) des crayons combustibles MOX irradiés, puis la séparation des autres éléments (uranium et produits de fission). L’efficacité du procédé est telle que la teneur en produits de fission résiduels dans le plutonium est caractérisée par une activité largement inférieure à 3105 Bq/g. Il est ensuite converti en poudre d’oxyde de plutonium (PuO2) par précipitation oxalique et calcination sous oxygène. Il est finalement incorporé sous cette forme avec les oxydes d’uranium pour donner le combustible MOX.
     Le plutonium se trouve ainsi sous différentes formes chimiques depuis le retraitement du combustible irradié jusqu’à la fabrication du nouveau combustible. Son comportement biologique, en particulier sa solubilité dans le poumon, dépend tout particulièrement de :
· la structure cristalline;
· la composition isotopique;
· la taille des particules inhalées;
· la présence d’autres métaux, notamment la proportion d’uranium dans le MOX.
     La solubilité du plutonium sur le plan biologique varie selon les composés industriels, des plus transférables (le complexe Pu-TBP ou les nitrates) aux moins transférables (PuO2 et MOX).
     Les propriétés du plutonium (radiotoxicité élevée, aptitude à la fission, puissance calorifique, radiolyse de l’eau) nécessitent qu’une organisation appropriée soit mise en place dans la conduite des installations du cycle.
     I . 2 - Les risques et les impacts
     Toute installation où sont manipulées des matières radioactives représente une source potentielle de différents risques pour le personnel :

suite:
· l’incendie
· la dissémination radioactive
· la criticité (matières fissiles)
· l’exposition externe
· l’exposition interne
     Le risque d’incendie constitue une préoccupation sur le plan radiologique car il peut conduire à une dissémination radioactive. D’autres circonstances peuvent aussi être à l’origine d’une dispersion accidentelle plus ou moins importante de matières radioactives : défaut du système de ventilation, fuite d’un circuit, mauvaise manipulation par un opérateur,…etc.
     La protection du personnel et de l’environnement contre les risques de cette nature est un impératif essentiel à prendre en compte dès la conception de l’installation et tout au long de son exploitation. Les solutions techniques de prévention mises en oeuvre doivent être adaptées aux risques encourus.
     Dans le cas de l’uranium naturel, seules certaines parties d’une usine de fabrication du combustible comportent des équipements parfaitement étanches (par exemple ceux mettant en oeuvre l’UF6). Pour le reste, la prévention du risque de dissémination repose sur la ventilation des installations et le "capotage" de certains équipements. La ventilation est réalisée de manière à établir des gradients de pression entre le procédé, le laboratoire et l’environnement et à filtrer les contaminants atmosphériques libérés en situation normale ou accidentelle. Enfin, le port d’un masque respiratoire est obligatoire pour certaines opérations.
     Concernant le plutonium, le confinement total des matières radioactives est indispensable. Il est assuré par la mise en place d’une succession de barrières physiques (boîtes à gants, cellules et bâtiment) et d’un système de ventilation (confinement dynamique).
     L’architecture de toute installation est conçue selon un principe de sectorisation tant pour le confinement que pour l’incendie (isolement en cascade des différents réseaux de ventilation, depuis la boîte à gant jusqu’à la sortie du bâtiment). Des réseaux de détection sont mis en place à différents niveaux pour contrôler en "temps réel" l’efficacité des barrières de confinement. La contamination éventuelle des agents et des matériels aux postes de travail est également contrôlée à la sortie des locaux et des bâtiments (contrôleurs d’extrémités, des vêtements, des matériels).
     Les atmosphères de travail ainsi que l’environnement proche sont contrôlés par des prélèvements journaliers ou hebdomadaires (filtres) et des moniteurs de contamination. Ces derniers doivent délivrer une alarme le plus rapidement possible en cas de présence anormale de radionucléides artificiels. La précocité de l’alarme dépend d’une part de la position du moniteur et d’autre part de sa limite de détection. Nous reviendrons plus loin sur les études menées à l’IPSN sur les problèmes de transfert de l’aérocontamination dans les installations [1].
      Concernant l’uranium de retraitement, le retour d’expérience est encore insuffisant pour pouvoir fixer définitivement les conditions d’exploitation. Le risque d’exposition interne étant plus élevé que pour l’uranium naturel, des dispositions plus drastiques devront certainement être prises (ventilation, étanchéité des équipements, port du masque).
     Le risque d’accident de criticité constitue une préoccupation importante dans les installations où sont manipulées des matières fissiles. La prévention du risque de criticité a eu un impact considérable sur la conception des ateliers et usines. Les stockages de matières fissiles sont conçus selon une géométrie sûre. La gestion rigoureuse des matières fissiles dans les installations et enfin le dimensionnement au séisme des bâtiments concernés permettent de minimiser le risque d’excursion critique en fonctionnement normal. Néanmoins, l’éventualité d’un accident ne peut pas être complètement écartée; elle justifie la mise en place d’une dosimétrie de criticité dans les installations à risque et la poursuite des programmes de recherche dans ce domaine. 
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     L’évaluation de l’exposition des individus en cas d’accident de criticité constitue précisément l’un des axes de travail poursuivi par le Service de Dosimétrie l’IPSN (SDOS). La problématique est de disposer de moyens dosimétriques adaptés à la mesure de fortes doses et forts débits de dose en champs mixtes (neutrons, gamma). Nous ne reviendrons pas ici sur les travaux du SDOS dans ce domaine, ceux-ci ayant déjà été présentés le 10 septembre 1993 au Comité scientifique de l’IPSN lors de l’évaluation de son programme de recherche en dosimétrie des neutrons [2]. Nous soulignerons cependant les difficultés rencontrées aujourd’hui sur le plan opérationnel en matière de dosimétrie de criticité. En effet, aucun des centres nucléaires confrontés au risque de criticité ne pourrait faire face complètement aux besoins importants à mettre en oeuvre pour réaliser la dosimétrie individuelle et d’ambiance à la suite d’une accident (en particulier l’exploitation des détecteurs à activation représente un travail relativement lourd). L’exercice "en grandeur réelle" réalisé le 15 mars 1994 pour évaluer la capacité d’entraide des différents centres a montré globalement la faisabilité de cette entraide mais aussi les insuffisances qui demeurent en moyens et/ou en compétence dans certains laboratoires ayant participé à l’exercice [3].
     Parmi les recommandations tirées de cette expérience, on retiendra notamment la poursuite des travaux en cours au SDOS pour étalonner sur fantôme les appareils de radioprotection destinés au tri du personnel par la mesure du sodium 24.
     L’exposition externe dans les installations du cycle peut résulter de 2 composantes de rayonnements dans des proportions variables selon les lieux : les rayonnements photoniques (gamma et X) et les neutrons issus de la fission spontanée, des réactions (a,n) et des fissions provoquées par les réactions précédentes.
     L’exposition externe dans les ateliers de fabrication du combustible d’uranium est liée à la présence de ses différents isotopes (U-235, U-238 et U-234) et aux produits de décroissance associés. Comme mentionné précédemment, l’uranium de retraitement contient en plus l’isotope 232 qui contribue au débit d’exposition externe. Aucune disposition particulière de prévention n’est nécessaire, en dehors d’une classification en zones surveillées ou contrôlées.
     Les problèmes d’irradiation se posent essentiellement pour la manipulation du combustible Pu irradié, celui-ci ne contenant plus seulement l’isotope 239, mais également d’autres isotopes en proportions variables selon le type de réacteur et le taux de combustion. Le "Pu irradié" est enrichi en Pu-240, Pu-241 et Pu-242, mais aussi en Pu-236 et Pu-238 (cas des filières à U enrichi). La présence des isotopes 238, 240 et 242 entraîne une augmentation de l’irradiation neutronique et celle des isotopes 236, 238 et 241, une augmentation de l’irradiation gamma en particulier par les descendants du Pu-241 (Am-241 en U-237). Le débit de dose externe varie en fonction de la composition isotopique du combustible et de la forme chimique du Pu, la présence d’éléments légers favorisant les réactions (a, n). Par ailleurs, le spectre de rayonnement aux postes de travail varie aussi fortement en fonction des protections biologiques mises en place.
     La dosimétrie individuelle est représentative de l’exposition globale (film poitrine). En revanche, l’exposition des mains peut poser problème à certains postes de travail, comme les postes de manipulation et de chargement des pastilles dans les gaines ou encore au contrôle des assemblages. Selon les stades du cycle, les opérations sont plus ou moins automatisées et n’impliquent normalement la présence de personnel que de façon limitée en nombre et en temps. Les interventions doivent être effectuées dans des conditions bien spécifiques (accessibilité, visibilité, fiabilité et maintenabilité des équipements). Le dimensionnement des protections biologiques fait l’objet d’études poussées d’optimisation. Lors de la conception des ateliers, des scénarios d’exploitation avec des fréquences et des durées réalistes des interventions sont élaborés. Les calculs prévisionnels des débits d’équivalents de dose, pour chaque source, avec les protections prévues permettent théoriquement d’optimiser la protection des travailleurs. Les niveaux d’exposition externe auxquels le personnel est soumis sont généralement faibles dans les ateliers (de l’ordre du mSv/an). La limite réglementaire des 50 mSv/an en vigueur et même celle des 20 mSv/an en projet sur la base des recommandations de la CIPR 60 ne sont que très exceptionnellement atteintes. 
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     Les problèmes de dosimétrie qui peuvent se poser sont le plus souvent d’ordre métrologique : la difficulté de la mesure dans des champs de rayonnements complexes (champs mixtes n, g, rayonnements faiblement pénétrants) est régulièrement mise en évidence par l’obtention de résultats incohérents (facteur 2 ou plus) entre les dosimètres réglementaires (films) et les dosimètres "opérationnels" (détecteurs de type électronique). La réponse des systèmes dosimétriques est imparfaite et, lorsque leur étalonnage n’est pas correct ou lorsque leur utilisation n’est pas faite dans des conditions nominales, la fiabilité des mesures peut être fortement affectée. La dosimétrie des neutrons, notamment dans certains ateliers manipulant des matières fissiles, est loin d’être satisfaisante. Les efforts de recherche sur de nouveaux capteurs dosimétriques et les procédures d’étalonnage associées sont nécessaires dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant (on rappelle encore à ce sujet l’évaluation par le Comité Scientifique du programme de recherche en dosimétrie des neutrons du SDOS).
     L’exposition interne constitue en fait le risque majeur pour les travailleurs des ateliers et usines. Trois voies d’incorporation sont possibles :
· l’inhalation
· l’ingestion
· la blessure
     La voie principale d’incorporation des radionucléides est l’inhalation de composés sous forme d’aérosols présents dans l’atmosphère. L’arbre respiratoire constitue un organe cible pour le plutonium et les isotopes de l’uranium mais aussi la première étape de sa distribution dans l’organisme (principalement le foie et le squelette pour le plutonium, les reins et le squelette pour l’uranium). L’incorporation par ingestion, bien qu’envisageable, reste peu probable en milieu professionnel et ne donne lieu qu’à une faible diffusion systémique. Enfin, la contamination par transfert cutané à la suite d’une blessure est plus rare que l’inhalation accidentelle (environ 1 cas sur 5) mais elle a des conséquences sanitaires généralement plus sérieuses. L’expérience montre en effet que les quantités incorporées sont souvent plus importantes et difficiles à évaluer lors d’une blessure et qu’une fraction de l’activité passe rapidement dans le sang au niveau de la plaie.
     La problématique de la radioprotection est :
· d’assurer la surveillance des travailleurs exposés aux composés radiotoxiques (exposition chronique du personnel en l’absence de confinement et exposition accidentelle dans les installations confinées);
· d’évaluer l’incorporation et la dose engagée en cas d’accident et de disposer d’un traitement efficace pour éliminer les radiocontaminants.
     La dosimétrie des travailleurs exposés au risque de contamination interne repose, d’une part sur les mesures effectuées aux postes de travail (prélèvements d’air individuels et d’ambiance) et d’autre part sur les mesures individuelles effectuées lors des examens médicaux (analyses sur les excréta et mesures anthropodiamétriques).
L’interprétation des mesures fait appel au modèle biocinétique adapté au mode d’incorporation et au radionucléide considéré [4].
     Les mesures de la contamination interne par les actinides chez l’individu et l’interprétation conduisant au calcul de dose sont extrêmement délicates du fait que les limites annuelles d’incorporation (LAI) sont basses et que :
     - la mesure directe des isotopes du Pu et de l’uranium piégés dans l’organisme pour une contamination se situant au niveau de la LAI est difficile (manque de sensibilité des systèmes de spectrométrie in vivo),
     - les données d’excrétion sont difficiles à interpréter car elles font appel à des modèles métaboliques complexes et malgré tout approximatifs et du fait que les quantités éliminées par excrétion sont très faibles, surtout pour les composés insolubles.
     A ces difficultés s’ajoute le fait qu’un travailleur d’un atelier de fabrication de combustible est souvent exposé à des produits de composition et de forme physico-chimique variables au cours du temps (soit parce qu’il change de poste de travail, soit parce que les composés de base ont changé). On comprend la difficulté d’interpréter un résultat d’analyse anthroporadiamétrique ou radiotoxicologique, quand ce qui a été mesuré à un moment donné peut être le résultat de l’intégration de plusieurs mois ou de plusieurs années de contamination dans des condition variables.
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     Le calcul des doses engagées à la suite d’une incorporation chronique ou accidentelle dépend, au plan, biocinétique, d’une part de modèles anatomophysiologiques généraux (modèle respiratoire, modèle digestif, modèle cutané), d’autre part de modèles de rétention propres aux composés. Les incertitudes relatives aux calculs des doses efficaces engagées sont liées aux valeurs des paramètres appliquées à ces modèles et aux coefficients de risque attribués aux organes cibles. Les valeurs de référence sont basées sur des résultats expérimentaux et, quand elles existent, sur des observations humaines.
     Dans le cas notamment de l’incorporation par inhalation, une approche basée sur une connaissance plus précise des caractéristiques des composés industriels auxquels sont exposés les travailleurs est préférable, tant ces caractéristiques conditionnent le comportement biocinétique du radiocontaminant.
     La meilleure technique de prévention est le confinement. Mais cette technique à l’échelle de toute une usine représente, pour l’exploitant, un coût important qui doit être mis en perspective avec les bénéfices escomptés. Les questions qui se posent en terme d’analyse coût-bénéfice sont alors les suivantes : quels procédés doivent être mis en atmosphère confinée ? quand le port du masque doit-il être recommandé (imposé)?
     Dans tous les cas, quels protocoles de surveillance faut-il raisonnablement mettre en oeuvre pour assurer le respect de la réglementation ?
     Dans un contexte réglementaire en évolution, compte tenu des enjeux économiques et des contraintes de travail, la réponse à ces questions doit être apportée avec prudence et au cas par cas.

     I.3 - Évolution des recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique
     Les recommandations de 1990 sur la protection contre les rayonnements (Publication 60, 1991) ont été élaborées pour prendre en compte les données les plus récentes sur les effets des rayonnements acquises depuis la parution des précédentes recommandations (Publication 26, 1977). L’adoption de ces recommandations nécessitait une révision des limites secondaires contenues dans la publication CIPR 30. De nouvelles Limites Annuelles d’Incorporation (LaI) ont été recalculées à partir des modèles de la publication CIPR 30 en prenant en compte les nouvelles limites de dose et les nouveaux facteurs de pondération des tissus (WT) de la CIPR 60. Les valeurs de LAI ainsi calculées ont été publiées en 1991 (Publication 61, 1991).
     Depuis cette date, la CIPR a publié un nouveau modèle cinétique et dosimétrique des voies respiratoires (Publication 66, 1994). Alors que le "modèle CIPR 30" considérait le poumon comme un organe unique, le nouveau modèle calcule les doses à des tissus spécifiques de l’arbre respiratoire pour tenir compte des radiosensibilités différentes de ces tissus. D’autre part, un nouveau modèle de clairance des particules a été élaboré conduisant à une nouvelle classification des composés en fonction de leur solubilité (celle-ci est représentée selon les cas par une ou deux composantes d’absorption : rapide ou lente) :
     - type F (Fast) 10 min (100%)
     - type M (Moderate) 10 min (10%) et 140j (90%)
     - type S (Slow) 10 min (0,1%) et 7000j (99,9%)
     Cette nouvelle classification remplace celle des classes D, W et Y (c, d et e dans la nomenclature française) correspondant aux composés transférables, moyennement transférables et peu transférables.
     Enfin, un changement important est apparu concernant la valeur par défaut recommandée par la CIPR pour le Diamètre Aérodynamique Moyen en Activité (DAMA) des aérosols rencontrés aux postes de travail : celle-ci est dorénavant prise égale à 5 microns contre 1 micron dans la CIPR 30. A cette nouvelle valeur correspondent des fractions déposées dans les différentes régions pulmonaires et donc des facteurs de dose par unité d’incorporation différents de ceux obtenus avec l’ancienne valeur.
     Quelques exemples suffisent à montrer que les nouvelles valeurs des LAI calculées à partir des doses par unité d’incorporation n’évoluent pas toutes dans le même sens : certaines sont plus contraignantes, d’autres moins (tableau 1). On note en particulier, avec le nouveau modèle pulmonaire, une augmentation d’un facteur 5 environ de la LAI dans le cas d’un composé peu transférable de Pu-239 de 5microns de diamètre.

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     Basés sur ce modèle, de nouveaux facteurs de dose par pour les travailleurs ont été calculés et publiés par la CIPR (Publication 68, 1994). La Publication 68 remplace et annule la Publication 61 qui aura constitué une publication intérimaire.
     La révision complète de la Publication 30 se poursuit pour prendre en compte de nouvelles données expérimentales recueillies sur les principaux radionucléides. En particulier, les données relatives à l’uranium et au plutonium ont été très soigneusement revues et seront prochainement publiées. Les modèles d’excrétion sont également revus pour la surveillance.
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Tableau 1 - Évolution des LAI (Bq) calculées pour l’inhalation de 235U et 239Pu

( D’après H. Métivier et M. Roy, Comité 2 de la CIPR)

     Indépendamment de tous ces changements dus aux progrès des connaissances scientifiques, une évolution capitale de la dosimétrie interne est intervenue avec le concept de LAI spécifique. Les recommandations de la CIPR stipulent que la LAI soit basée sur une dose efficace engagée de 20 mSv. La LAI (Bq) pour n’importe quel radionucléide peut être obtenue en divisant la limite de dose efficace moyenne annuelle (0,02 Sv) par le facteur de dose par unité d’incorporation, DPUI (Sv/Bq) :

LAI = 0,02/DPUI
     La CIPR recommande d’utiliser des données spécifiques sur les composés lorsque celles-ci sont disponibles, par exemple la distribution granulométrique des particules ou les caractéristiques de solubilité dans l’arbre respiratoire (Publication 66). L’utilisation d’estimations plus réalistes des facteurs de dose est considérée préférable à l’utilisation des valeurs standards. Les valeurs standards sont dans certains cas inutilement majorantes pour les exploitants, ce qui explique l’intérêt que ceux-ci ont à mieux connaître leurs composés, et le cas échéant à tenir compte du profil du poste de travail (en particulier le nombre d’heures effectives au poste de travail considéré). Une question non encore résolue découle de cette nouvelle approche : la notion de "LCDA spécifique"(2) a-t-elle un sens ? Une deuxième série d’interrogations concerne la manière, pour l’exploitant, de mettre ce concept de LAI spécifiques en application à l’échelle de toute une usine. Quels sont les postes ou les composés à étudier en priorité, compte tenu de la relative lourdeur des études à mener (voir plus loin) ? Jusqu’où faut-il aller sans aller trop loin ? Dans le cadre de la surveillance, peut-on espérer une meilleure cohérence entre les données ainsi obtenues dans les ateliers et les résultats des examens biomédicaux?
Notons que l’essentiel des recommandations de la publication 68 de la CIPR a été incorporé dans les nouveaux "Basic Safety Standards" [5] et qu’il sera repris dans la future Directive Européenne.
     Bien entendu, les doses dues à l’exposition interne et celles dues à l’exposition externe doivent toujours être sommées conformément aux exigences réglementaires.

II - MAÎTRISE DE LA CONTAMINATION INTERNE
     La maîtrise de l’exposition du personnel dans les installations du cycle du plutonium et de l’uranium de retraitement suppose qu’un certain nombre de problèmes soit résolu :
     - quelles sont les données scientifiques à acquérir et les moyens de mesure à améliorer pour l’évaluation correcte des doses ?
     - quels sont les protocoles de surveillance à mettre en oeuvre dans les ateliers et ceux pour les examens médicaux ?

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     - quels outils resteront du domaine des experts et comment se fera l’articulation recherche/opérationnel ?

     II . 1 Études pour la radioprotection
     Les textes réglementaires devraient bientôt laisser à l’exploitant la possibilité de ne plus fonder ses pratiques de radioprotection sur l’application d’un coefficient unique et généralement majorant. Il pourra utiliser des modèles plus réalistes. En revanche, ces modèles sont plus complexes et nécessiteront la connaissance de nombreux paramètres. L’exploitant devra être à même de mieux connaître ses produits et ses postes de travail et de mettre en place un contrôle plus rigoureux. Les autorités devront en parallèle réaliser des analyses plus poussées des propositions faites par les exploitants et exercer une surveillance plus poussée des pratiques. L’évolution de la radioprotection devra donc se renforcer et se structurer, probablement selon un mode proche de celui de l’évolution de la sûreté. La mise en place d’un tel système nécessite donc une double série d’études. Les premières sont d’ordre scientifique et technique (programme DOSINTER décrit ci-après), les secondes visent à définir tout le système d’évaluation qui doit être mis en place (tableau 2) pour que les autorités et les Comités Hygiène et Sécurité (CHSCT ) puissent remplir leurs rôles.
     Ainsi les éléments du dossier que l’exploitant doit constituer pour justifier les facteurs de dose, les LAI et les LDCA qu’il compte utiliser doivent être présentés de façon systématique et vérifiable. Des règles doivent être établies pour prendre en compte le fait que des individus peuvent travailler sur plusieurs postes ou que des campagnes de produits différents se succèdent dans l’année.
     La surveillance de la contamination doit être cohérente avec les hypothèses prises dans le choix de facteurs de dose spécifiques. Elle doit donc porter non seulement sur la concentration de l’air en activité mais sur les paramètres clés (granulométrie, solubilité). Des études sont nécessaires pour évaluer la faisabilité d’une surveillance opérationnelle de routine adaptée à ces exigences.
     Enfin l’abandon d’un certain conservatisme exige un retour d’expérience poussé qui pose des difficultés autant organisationnelles, voire réglementaires, que techniques. L’amélioration des mesures de l’incorporation chez les individus doit aller de pair avec leur rapprochement avec les mesures d’ambiance et le contrôle des temps passés aux différents postes. Ces mesures doivent aussi être confrontées à celles des prélèvements individuels.

     II . 2 - Transferts de contamination dans les installations
     La surveillance des postes de travail dans les installations manipulant des composés sous forme de poudres consiste à évaluer le risque de franchissement de barrières de confinement par les aérosols produits. Ces questions de transfert de la contamination dans les installations du cycle ont été étudiées à l’IPSN, par le SERAC [1].
     Les paramètres à considérer se situent à deux niveaux : le confinement à la source et les transferts aux postes de travail. Comme déjà mentionné, le risque de dispersion radioactive à la source peut être réduit en premier lieu par la mise en place d’une enceinte de confinement - ou par l’amélioration de son étanchéité quand elle existe- dont on vérifiera le bon fonctionnement (débits). 

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     L’efficacité du confinement dynamique des enceintes ventilées doit être évaluée afin de mettre en évidence d’éventuels risques de rétrodiffusion de la contamination lors d’ouvertures de ces enceintes.
Les transferts de contamination aux postes de travail peuvent être évalués par :
     - la caractérisation globale de la ventilation du local afin d’estimer l’homogénéité du renouvellement d’air dans ce local et de mettre en évidence d’éventuelles "zones mortes";
     - la caractérisation des transferts de contamination entre les postes de travail et les détecteurs associés, afin de déterminer les temps et les coefficients de transfert(3) jusqu’au différents détecteurs de la contamination.
     Les techniques de traçage gazeux (He, SD6) et particulaire (aérosols fluorescents) peuvent être utilisées pour optimiser la ventilation et définir au mieux l’emplacement des détecteurs d’ambiance. A ces techniques expérimentales peuvent être associés des codes de calcul de mécanique des fluides tels que TRIO pour simuler différentes configurations des mouvements de l’air dans un local ou étudier la sensibilité à des paramètres.
     Ces études des transferts de la contamination peuvent être complétées par des analyses fines de la distribution granulométrique des aérosols grâce à des appareils de type impacteurs en cascade qui couvrent le spectre en dimension des particules inhalables.

     II . 3 - Programme de recherche en dosimétrie interne
     Le programme de recherche en dosimétrie interne (DOSINTER) mené par le SDOS vise à apporter une amélioration des moyens d’évaluer les doses en situation chronique et en cas d’accident, à mettre au point des moyens d’éliminer les radiocontaminants en cas d’exposition accidentelle et à évaluer les conséquences des nouvelles recommandations de la CIPR.
     Différents axes de recherche sont développés au sein de deux programmes coordonnés :
     - SURVEIL (Surveillance) :
     Les objectifs poursuivis sont :
· pouvoir évaluer les doses liées à l’incorporation de radionucléides en situation normale et incidentelle en tenant compte :
     - des nouveaux modèles biocinétiques et dosimétriques,
     -des données scientifiques récentes sur le comportement biologique des radionucléides dans l’organisme,
     - du retour d’expérience provenant des études de postes et des données de la surveillance médicale
· disposer de moyens d’analyse et de mesures in vivo adaptés pour évaluer rapidement la gravité d’une contamination interne et assurer le suivi des personnes exposées, en particulier :
     - des moyens de mesure de la contamination par des actinides qui se doivent d’être améliorés pour être compatibles avec les limites d’incorporation et répondre aux besoins pratiques de la surveillance médicale du personnel,
     - des moyens permettant de faire face efficacement à une situation accidentelle.
· diminuer les incertitudes sur l’évaluation des doses liées à l’exposition interne à des radionucléides émetteurs de faibles parcours (en particulier a) par une meilleure connaissance des dépôts et de la distribution des doses dans les tissus-cibles.
     - BIOCIN (Biocinétique)

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Tableau 2 - Éléments d’une mise en place de la radioprotection opérationnelle


     Les objectifs poursuivis sont :
     · acquérir les données indispensables sur les caractéristiques physico-chimiques et biocinétiques des composés radiotoxiques rencontrés aux postes de travail,
· effectuer les évaluations dosimétriques et l’ interprétation des résultats de la surveillance individuelle en rapport avec les données de la surveillance dans les ateliers,
· améliorer les moyens de traitement de la contamination interne.
     Les résultats acquis dans le cadre du programme de recherche DOSINTER devraient permettre d’améliorer les connaissances en dosimétrie interne mais aussi de nourrir l’expertise nécessaire au contrôle de la surveillance mise en place par les industriels.

     Analyse des actinides (Pu et URE)
     L’analyse des actinides dans les milieux biologiques (urines, selles) s’effectue couramment par spectrométrie alpha ou par fluométrie. Le comptage est réalisé à l’issue d’une minéralisation par attaque acide précédée, le cas échéant, d’une calcination. La minéralisation elle-même s’accompagne d’un traitement chimique destiné à éliminer les impuretés de l’échantillon. Plusieurs extractions par solvant et séparations sur résines échangeuses d’ions peuvent être nécessaires. Les techniques mises en jeu deviennent vite très lourdes. Concernant le plutonium, les analyses d’urine sont difficiles, qu’il s’agisse de la mesure ou de l’interprétation : la sensibilité des méthodes de radioanalyse n’est pas très bonne (limite de détection typiquement de l’ordre de 10-3 à 10-2 Bq/jour).

excréta technique type de mesure temps de comptage (min)
limite de détection (Bq/échantillon)
urine
radiochimie 
+
spectrométrie
routine

spéciale *

1000

4500

4.10-3/l

2.10-3/24h

* analyse de surveillance spéciale : urines de 24 heures avec ajout d’un traceur (242Pu)
Tableau 3 - Limites de détection du Pu dans les urines (d’après J.C. Harduin)

     Néanmoins, s’il y avait une incorporation chronique de Pu correspondant à la LAI, cette contamination serait détectable à partir des analyses d’urine, après des périodes d’incorporation de quelques mois (pour les composés moyennement transférables) ou de quelques années (pour les composés peu transférables). Ainsi, la surveillance basée sur les analyses d’urine est utile pour l’estimation à long terme de contaminations cumulées.
     Le métabolisme du plutonium est tel que l’excrétion fécale se situe à un niveau 10 à 100 fois supérieur à celui de l’excrétion urinaire. Dans de nombreux cas, les résultats des analyses des selles sont donc les plus significatifs. Afin d’obtenir des résultats dans les meilleurs délais, une mesure alpha directe sur les cendres obtenues après calcination est recommandée. La spectrométrie peut être envisagée ultérieurement, après minéralisation, pour des résultats plus fins (quelques jours).
     Ainsi, les problèmes rencontrés en routine par les Laboratoires d’Analyses Biologiques et Médicales sont en général liés à :
     - la lenteur (temps d’exécution et comptage) des procédés d’analyse (en particulier pour les selles);
     - la sensibilité;
     - les interférences dues aux produits de fission, aux impuretés, voire à des contaminants d’origine étrangère.
     A ces problèmes posés en routine s’ajoute la difficulté de pouvoir mettre en oeuvre des méthodes rapides et simples en cas d’urgence.
Le programme de recherche SDOS porte donc principalement sur le développement de nouvelles voies chimiques de séparation (notamment les molécules cages) qui conduiraient d’une part à une simplification des procédés radiochimiques conventionnels, d’autre part à la mise au point de techniques simples et spécifiquement adaptées à l’analyse élémentaire par ICP-MS(4). D’autres voies sont explorées en parallèle; il s’agit de l’analyse par émission d’ions secondaires et spectrométrie de masse ou SIMS (rapidité, séparation, isotopique) et de la spectrométrie X et gamma de faible énergie (méthode directe en cas d’accident).

     Anthroporadiamétrie pulmonaire
     En cas de suspicion d’incident, les résultats les plus attendus par les médecins sont ceux de la spectrométrie X in vivo et ceux de l’analyse des selles.

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     Plutonium : les mesures in vivo sont utiles avant tout lorsqu’elles sont effectuées rapidement après l’incorporation suspectée ou connue. Elles requièrent un système anthroporadiamétrique avec une résolution suffisante dans la bande 10-30 keV pour mesurer les raies UX-L accompagnant la désintégration du Plutonium-239. Aucun système n’est aujourd’hui suffisamment performant pour la mesure des rayonnements fortement atténués par les tissus thoraciques. L’alternative consiste donc à mesurer l’américium-241 généralement présent avec le Pu (l’efficacité de détection de la raie 60 keV de l’américium permet en effet une limite de détection inférieure à 10 Bq). L’estimation du Pu à des niveaux inférieurs à la LAI est donc possible dans le cas où le rapport des deux radionucléides dans les composés inhalés est bien connu et où leur comportement biocinétique n’est pas significativement différent. Même avec les systèmes les plus performants et les plus lourds à manipuler, les mesures directes de la rétention du Pu dans le poumon ne sont actuellement pas réalistes en surveillance de routine pour des incorporations inférieures à la LAI (avec les détecteurs germanium de haute pureté, la limite de détection est d’environ 3000 Bq).
     URE : avec la mise en oeuvre de l’uranium issu du retraitement et réenrichi se pose le problème de la détection de l’uranium 234 en anthroporadiamétrie. Cet isotope est essentiellement un émetteur a avec une raie g à 53 keV difficilement détectable in vivo en raison de son très faible rapport d’émission g/a. L’alternative qui consiste, pour l’uranium naturel, à évaluer la teneur en U-234 à partir de celle de l’U-235 n’est plus possible dans le cas de l’URE, les teneurs des 2 isotopes n’étant plus liées a priori.
     A la difficulté de détecter les raies de faible énergie s’ajoutent les limites des systèmes imposées par la surface et le manque de souplesse des détecteurs de type germanium nécessitant un système de refroidissement. Les investigations en cours au SDOS montrent qu’une nouvelle génération de détecteurs silicium fonctionnant à température ambiante permettrait d’abaisser les limites de détection d’un facteur 2 à 3 environ (100 Bq), soit à des valeurs inférieures à la nouvelle LAI pour le Pu peu transférable (voir tableau 1). Un projet de développement d’un tel système a été initié par le SDOS dans le cadre d’une collaboration entre l’IPSN et le fabricant CANBERRA. L’étude de faisabilité actuellement en cours devrait permettre d’évaluer l’intérêt de détecteurs silicium pour l’anthroporadiamétrie pulmonaire.
     Pour autant, les progrès technologiques escomptés ne résoudront pas tous les problèmes de la mesure de la contamination du plutonium in vivo et en particulier les incertitudes du résultat liées à l’étalonnage (variation de l’anatomie d’un individu à l’autre, hétérogénéité de la contamination au niveau du poumon) et à l’interprétation basée sur des fonctions de rétention imparfaites. Parallèlement aux recherches sur les détecteurs, les efforts doivent par conséquent porter sur l’optimisation du protocole de la mesure et son interprétation en fonction des différents paramètres relatifs à l’individu et aux composés incorporés.
     Le bilan des difficultés inhérentes à la mesure directe et aux analyse d’excrétion permet de prévoir que la recherche devra s’orienter vers la mise au point de meilleurs protocoles associant les deux approches. Le plus souvent, les deux types de mesure resteront complémentaires mais, pour des questions économiques et selon les circonstances, l’une des techniques pourra être privilégiée. Parallèlement, on assure la cohérence entre les modèles de rétention et les modèles d’excrétion. Ceci est particulièrement important pour les composés peu transférables de Pu et d’URE qui posent le plus de problèmes.

     Les calculs de dose
     Les calculs de dosimétrie interne reposent sur des modèles généralement complexes. Des programmes sur ordinateur doivent être utilisés pour faciliter l’application pratique de ces modèles.
     A titre d’exemple, le logiciel LUDEP (Lung Dose Evaluation Programme), développé spécialement sur la base du nouveau modèle de l’arbre respiratoire de la CIPR, permet d’évaluer les doses délivrés au poumon et aux autres organes, dans une très large gamme de conditions d’utilisation. Ce programme laisse la possibilité à l’utilisateur d’appliquer les valeurs standards préconisées par la CIPR ou celles obtenues expérimentalement selon la méthodologie décrite plus haut pour les études de poste de travail.

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     Ce modèle permet l’application au calcul correspondant à une incorporation unique (utile pour une évaluation dosimétrique en cas d’accident) ou chronique (exposition des travailleurs dans les ateliers non confinés).
     D’autres logiciels sont également utiles aux médecins du travail pour faciliter la gestion de la surveillance des travailleurs. Ce type de logiciel doit permettre d’évaluer l’incorporation des radionucléides à partir des examens médicaux de routine (mesure "organisme entier", "poumon", examen urinaire ou fécal), ou à partir d’examens spéciaux, effectués notamment à la suite d’un incident connu dans la zone de travail ou encore à la suite d’un examen de routine ayant mis en évidence une activité anormale. En cas de doute quant à la classe de solubilité du composé, celle-ci doit pouvoir être estimée au mieux en comparant les résultats de mesure à la courbe théorique de décroissance de l’activité établie pour chacune des 3 classes de solubilité. Aucun logiciel de ce type n’existe de façon satisfaisant à ce jour et des efforts restent nécessaires pour leur mise au point.

     Études de radiotoxicologie appliquées
     Les études de biologie appliquées sont essentielles en dosimétrie interne en raison de l’influence prépondérante du comportement des composés radiotoxiques dans l’organisme : elles doivent permettre une meilleurs évaluation des doses liées à la contamination interne mais aussi de mieux comprendre les mécanismes qui gouvernent la solubilité et la transférabilité des radiocontaminants.
     Les études de poste menées par le SDOS dans le cadre du programme BIOCIN ont pour objectif, d’une part de quantifier les paramètres intervenant dans les modèles biocinétiques (granulométrie, densité, surface spécifique, structure cristalline, composition isotopique), d’autre part d’apporter des informations indispensables pour pouvoir mieux interpréter les résultats de la surveillance médicale;
     La méthodologie mise au point par le SDOS commence par la caractérisation physico-chimique des aérosols présents aux postes de travail, en réalisant in situ des campagnes de prélèvement atmosphérique :
des prélèvements individuels conduisant aux concentrations en activité (Bq m-3),
     · des prélèvements aux postes de travail conduisant aux distributions granulométriques.
     La cinétique de dissolution et les paramètres d’absorption de chaque aérosol sont étudiés en combinant différentes approches complémentaires :
     · un test cellulaire en milieu de culture,
     · un test in vitro sur membrane,
     · des études de transférabilité in vivo.
     Des expériences d’inhalation sur modèle animal sont nécessaires pour étudier la période de décroissance pulmonaire, les coefficients de transfert sanguin ainsi que la distribution du radionucléide dans les différents organes et tissus.
     L’ensemble des données obtenues grâce aux études de poste permet de déterminer les facteurs de dose efficace par unité d’incorporation (DPUI) pour les différents composés industriels rencontrés. En première analyse, les résultats permettent d’établir la classification des composés selon les nouvelles recommandations de la CIPR.
     Les doses calculées à partir du nouveau modèle dosimétrique des voies respiratoires peuvent être comparées à celles obtenues selon le modèle de la CIPR 30. Les évaluations basées sur des données expérimentales peuvent de plus être comparées aux calculs réalisés en utilisant les valeurs standards de dissolution et les paramètres d’absorption sanguine. Ces comparaisons permettent d’apprécier les conséquences des dernières recommandations de la CIPR.
     Plusieurs facteurs liés aux procédés technologiques tels que la température d’obtention des produits ou l’isotopie peuvent modifier significativement la solubilité des composés et, par là-même, augmenter la fraction qui se déposera avec une élimination lente dans le foie (Pu), le rein (U) ou l’os (U et Pu). Il est donc important que l’exploitant puisse disposer de ces informations.

     Études du traitement de la contamination interne
     Des travaux de recherche sur les moyens de décorporation doivent être poursuivis pour améliorer le traitement de la contamination interne.

suite:

     Plutonium : Le traitement privilégié pour la décorporation, en dehors du lavage pulmonaire qui ne doit être utilisé qu’en cas de contamination sévère par inhalation, reste l’administration de DTPA ( DiéthylènetriaminePentaacétique Acide). L’efficacité de cette molécule est reconnue pour réduire la charge corporelle en plutonium (facteur 10 environ). Néanmoins, le DTPA ne s’applique pas dans tous les cas et certaines formes physico-chimiques du Pu échappent à son action. Il est contre-indiqué en présence d’uranium, ce qui pose le problème de la contamination par des mélanges d’oxydes : aucun traitement n’existe à ce jour pour le MOX.
     Uranium : il n’existe aujourd’hui aucune molécule non toxique et efficace, administrée pour le traitement de la contamination des composés uranifères. Parmi les familles de complexants, différentes molécules ont été étudiées (bicarbonates alcalins, acides polyamides et polyacétiques). Les investigations en cours dans ce domaine suivent deux approches :
     - déterminer l’efficacité de molécules connues et améliorer les protocoles de traitement;
     - chercher de nouvelles molécules grâce à la modélisation prenant en compte l’ensemble des paramètres : toxicité, complexation, affinité avec les tissus biologiques. Une telle approche doit notamment tirer parti des enseignements sur les mécanismes biocinétiques susceptibles d’expliquer le comportement du complexe ligand-radiocontaminant (ligand ou molécule ou ion uni à l’atome central d’un complexe par une liaison) dans l’organisme.
     Ce constat explique les effort de recherche actuellement poursuivis dans ce domaine dans plusieurs pays, notamment dans le cadre de travaux coordonnés par la Commission Européenne.

CONCLUSION

     Dans les installations du cycle du combustible nucléaire, les risques pour les travailleurs sont variables d’un poste à un autre et sont évolutifs avec le temps en fonction su type de combustible, des techniques mises en jeu ou même des équipes.
     Le cycle du combustible au plutonium et à l’uranium de retraitement comporte les situations les plus complexes en ce qui concerne les risques radiologiques pour le personnel et les moyens à mettre en oeuvre pour maîtriser ces risques. Tout au long du cycle, le combustible passe par une succession de transformations mettant en jeu différentes compositions isotopiques et différentes formes physico-chimiques qui ont une influence considérable sur son comportement et son impact sanitaire. Les composés du plutonium et de l’uranium de retraitement sont fortement radiotoxiques et exposent les individus en cas d’incorporation chronique ou accidentelle. La précision des évaluations dosimétriques et les examens biomédicaux à pratiquer doivent tenir compte de paramètres clés caractéristiques des composés (classe de solubilité biologique, granulométrie des aérosols inhalés) et des conditions de travail. La mise en place d’une radioprotection opérationnelle basée sur les nouveaux concepts de la CIPR (LAI spécifiques) est plus complexe tant sur le plan organisationnel, voire réglementaire, que technique.
     La protection radiologique des travailleurs d’une installation en fonctionnement est, pour l’exploitant, une obligation à prendre en considération dès la conception d’une nouvelle installation ou avant un changement de procédé.
     Dans le contexte du principe d’optimisation, le seul respect des limites réglementaires n’est pas un objectif a priori satisfaisant pour les situations d’exposition chronique pouvant être améliorées.
     Dans un domaine où les techniques et les connaissances scientifiques évoluent de façon considérable, les efforts conjugués des différents acteurs concernés (organismes réglementaires, laboratoires de recherche, personnel chargé de la radioprotection, exploitants et travailleurs) permettront une meilleurs protection des travailleurs parmi les plus exposés de l’industrie électronucléaire.
     Il s’agit là d’un objectif pour lequel d’IPSN doit jouer une rôle privilégié, grâce aux compétences et à la complémentarité de la recherche et de l’expertise qui y existent.

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NOTES

1 LAI = Limite Annuelle d’Incorporation
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2 la Limite Dérivée de Concentration dans l’Air, LDCA (Bq/m3) est définie par :

LDCA =LAI/QT
Q: Débit respiratoire de l’individu (m3/h), T : Durée du travail annuelle (h)
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3 le coefficient de transfert entre un point M quelconque et la source de contamination est définie par :
k = c /q
c: concentration de polluant au point M considéré
q: débit de polluant à la source
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4 ICP-MS : Spectrométrie de masse couplée à une torche à plasma
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RÉFÉRENCES

[1] D.Boulaud et J.C. Laborde, Transfert de contamination aux postes de travail. In : La protection des travailleurs dans les ateliers de fabrication du combustible nucléaire . Rapport IPSN / 93-01 (1992)
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[2] La dosimétrie des neutrons au Service de Dosimétrie de l’IPSN. Évaluation du Programme de recherche par le Comité Scientifique de l’IPSN le 10/09/93 . Rapport DPHD / 93-05 (1993)
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[3] G. Pescayre, Bilan de l’exercice criticité 94. Note CVA/SPR/593/94 - (1994)
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[4] Journées d’Études Plutonium et Radioprotection, Société Française de radioprotection. 14, 15 et 16 juin 1983, Saclay CEA Éditeur ISBN 2 - 7272 - 0084 - 6 (1983).
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[5] Basic Safety Standards for Protection Against Ionizing Radiation and for the Safety of Radiation Sources. Safety Series n° 115, AIEA, 1994;
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suite:
Ouvrages à consulter

Biological assessment of occupational exposure to actinides.

Proceedings of a Workshop held at Versailles, France, May 30 - June 2, 1988

Radiat . Prot. Dosim., vol. 26, N° 1-4, 1989.

Intakes of radionuclides - Detection, assessment and limitation of occupational exposure.

Proceedings of a Workshop held at Bath, UK, Sept. 1993.

Radiat. Prot. Dosim., vol.53, N° 1-4, 1994.

Traitement de la contamination interne accidentelle des travailleurs.

IPSN Editeur ISBN 2-950 8497-0-9 (1995).

Publications de la CIPR

INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION (ICRP). Limits for Intakes of Racionuclides by Workers. (ICRP Publication 30) Oxford Pergamon press, 1979

INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION (ICRP). Annual Limits on Intake of Radionuclides by Workers Based on the 1990 Recommendations. (ICRP Publication 61) Oxford Pergamon, 1991.

INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION (ICRP). Human Respiratory Tract Model for Radiological Protection. (ICRP Publication 66) Oxford, Elsevier Science Ltd., 1994.

INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION (ICRP) . Dose Coefficients for Intakes of Radionuclides by Workers. (ICRP Publication 68) Oxford, Elsevier Science Ltd.,1994.

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