Nous nous sommes battus pour une radioprotection indépendante, ayant des moyens. Force est de constater avec Claude Birraux que ce n'est pas encore le cas. La naissance en 1956 du SCPRI (Service Central de Protection conte les Rayonnements Ionisants) avec Pierre Pellerin qui en a été le directeur jusqu'en 1993, naissance au sein du C.E.A., n'a pas été une bonne idée. Pour leur défense je rappellerai que lors d'accidents comme à Forbach, la demande de fermeture d'un site dangereux leur a été refusée. Cependant l'OPRI reste trop discret et surtout manque totalement de moyens pour surveiller les sites, toutes les installations médicales et en plus tous les travailleurs. Quant à l'IPSN qui pourrait faire une partie du travail, son indépendance lui est trop chichement accordée pour que ce soit efficace.
Je vous présente notre dernier dossier sur SPX avant les dossiers sur son démantèlement, démantèlement que nous suivrons avec attention car la sûreté doit être garantie sur ce chantier. Les ingénieurs ont du pain sur la planche pour définir le travail et les entreprises de la région peuvent recycler leurs personnels pour qu'ils connaissent les dangers et travaillent dans de bonnes conditions.
Superphénix ce n'est pas encore fini, on en reparlera en faisant un suivi de sa fermeture.
Les dossiers qui suivent son l'appel à la raison des habitants du coin, je ne présente pas celui des pro SPX ils se sont faits assez de pub.
Par contre je vous présente notre dernier dossier, celui de la Cour des Comptes et celui du C.E.A. sur le traitement des actinides. Ce dossier est assez complet sur le cycle des déchets issus du retraitement, place les enjeux de recherche, montre que les toutes petites installations et Phénix (s'il remarche un jour) doivent expérimenter plusieurs années pour définir la composition des combustibles et commencer à concevoir un coeur. Leur conclusion sur Superphénix qui aurait permis une exploitation en réacteur industriel n'est pas sérieuse car ce réacteur n'aurait pas supporté des changements de configuration de cette ampleur.
Le présent texte a pour but de faire savoir que, dans la région de l'implantation de Superphénix des personnes investies dans la vie économique et sociale gardent la tête froide face aux enjeux de cette centrale.
Ils disent combien les intérêts collectifs dépassent les intérêts locaux.
L'impact économique local est dû pour une bonne part à des «subventions» indirectes que l'Etat a fourni pour financer une installation ne générant pas de production. Près de nous, des voisins et amis sont victimes de ce système dans lequel l'argent rend aveugle.
Redonnons à notre région son honneur et sa tranquillité!
Superphénix est une mauvaise aventure qu'il faut savoir arrêter.
- Sachant que Superphénix a fonctionné moins de 10 mois
en équivaient pleine puissance depuis son démarrage il y
a douze ans,
- Sachant qu'il a été l'objet d'incidents répétés
(4 000 jours d'arrêt!),
- Connaissant les dangers potentiels que constituent les composants
présents sur le site (risque de sodium, plutonium : rappelons qu'un
millionième de gramme tue une personne et qu'il y en a 4500kg à
Superphénix),
- Sachant que, même en état de marche parfait, ce surgénérateur
transformé en sous générateur ne résoudrait
qu'une infime partie du problème des déchets nucléaires
(100kg de plutonium «digérés» pour 2090kg produits
par le parc nucléaire français),
- Etant donné le coût exorbitant de cette installation
(épinglé par la Cour des Comptes en 1996),
- Sachant qu'un démantèlement multipliera par deux le
nombre d'emplois sur le site pendant cinq à dix ans et qu'il sera
accompagné d'un plan de reconversion économique de la région
(source : Le Monde du 14 juin 97),
- Sachant que la plupart des autres pays (Allemagne, Grande Bretagne,
États-Unis) ont arrêté leurs programme de surgénérateurs
et optent pour la suppression progressive de la production d'énergie
nucléaire comme la Suède par exemple très récemment,
NOUS DEMANDONS L'ARRÊT DÉFINITIF DE SUPERPHENIX COMME PREMIÈRE ÉTAPE VERS UNE AUTRE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DIVERSIFIÉE ET CRÉATRICE D'EMPLOIS LOCAUX.
Contacts:
Marie-Jo Putinier - Tél. : 04748853 69 le soir
Doumé Jarru-Tél. :0474951490 le soir
Les réacteurs à neutrons rapides, maillon du cycle du nucléaire par utilisation de l'uranium et du plutonium ont été décidés dès les années 60 Superphénix, après Rapsodie et Phénix les 2 prototypes, devait être la tête de série industrielle. Ce fut une extrapolation ratée et ce réacteur est allé de pannes en pannes.
De la non maîtrise des feux de sodium en passant par les multiples incidents dont il a été le siège, Superphénix est une machine chère, dangereuse et mal conçue. Le tour de passe passe qui a consisté à le déclarer réacteur prototype pour la recherche doit être dénoncé car ce réacteur présente de graves lacunes au plan de la sûreté et menace la sécurité des populations. Son démantèlement est inéluctable quel qu'en soit le prix. Plus vite il interviendra, moins il y aura de difficultés. Cette opération qui durera de 10 à 20 ans permettra de préparer l'avenir de la région.
Superphénix dont la conception remonte aux années 70 est un raté technologique. Il faut savoir stopper les expériences ratées et gouvernement s'honorera de le faire.
Pourquoi l'arrêt de Superphénix est impossible à éviter
Dans son rapport de 1996 la Cour des Comptes avait précisé les oints suivants
«La cour a examiné les comptes et la gestion de la société NERSA, filiale majoritaire d'Électricité de France, créée en commun avec des sociétés italienne et allemande afin de réaliser la construction du récteur à neutrons rapides Superphénix sur le site de Creys-Malville (Isère) et d'en assurer le fonctionnement. E.D.F. joue un rôle préponérant dans la gestion courante de la société et l'exploitation de la centrale.
Les incidents et défaillances qui ont marqué la centrale Superphénix depuis son démarrage ont limité à trente mois au total la durée de son fonctionnement entre 1986 et 1994, et le réacteur n'a été couplé au réseau E.D.F. que durant environ dix mois. Bien qu'il ait recommencé à fonctionner depuis septembre 1995, des interrogations demeurent sur l'utilité et la pérennité de cet équipement.
La Cour a relevé des choix comptables contestables et des lacunes dans la gestion de la société NERSA. Au-delà de ces observations, elle a cherché à évaluer, selon une approche comptable et à partir de trois hypothèses de production, le coût prévisionnel de la centrale à la date du 31 décembre 2000, terme du protocole d'accord qui lie les actionnaires de NERSA, étant précisé toutefois que le terme prévisible du fonctionnement serait, selon E.D.F., le 31 décembre 2015.
Il ressort des calculs, examinés contradictoirement avec E.D.F. et NERSA mais qui doivent être interprétés avec prudence, que ce coût erait de l'ordre de 60 milliards de francs. Ce bilan prévisionnel ne tient toutefois pas compte des retombées attendues en termes de recherche et de solution des problèmes de retraitement des combusibles nucléaires ou d'élimination des déchets radioactifs.»
De fait le redémarrage de Superphénix s'est fait dans une grande précipitation en 1994. Et pourtant aussi bien le rapport Curien (décembre 1992), ceux de la DSIN (1992, 1994) et celui de Castaing (1996) mettaient en évidence l'existence de graves problèmes technques non résolus.
La sûreté du réacteur ne peut pas être garantie, d'ailleurs le directeur de la Sûreté des installations nucléaire a conclu en janvier 1994 à ne remise en route sous conditions:
«... estime en conclusion, que, du point
de vue de la sûreté, le redémarrage du réacteur
Superphénix peut être autorisé.
Les conditions suivantes devraient être
imposées à ce redémarrage:
- le bon achèvement des travaux de lutte contre les feux
de sodium... devra avoir été constaté;
- le réacteur devra fonctionner à puissance limitée
pendant plusieurs mois afin de valider les mesures d'améliorations
des conditions d'exploitation proposées par l'exploitant à
la suite de l'incident de pollution du sodium de juin et juillet 1990.
Cette conclusion s'applique au mode de fonctionnement
actuel du réacteur. Si, à terme, son utilisation en sous-générateur
ou incinérateur est envisagée, une nouvelle analyse de sûreté
conduite par ma direction, puis une décision ministérielle
seront nécessaires.»
Les autorités de sûreté ont, donc, autorisé son redémarrage malgré un certain nombre de dossiers encore à l'étude. Elles ont assurées, aussi, que le niveau de sûreté de Superphénix est équivalent à celui des Réacteurs à Eau Pressurisée tout en admettant que la mise en évidence et l'examen des incidents y sont beaucoup plus difficiles.
Cependant ce réacteur, extrapolation unique au monde (Phénix
250 MWé, Superphénix 1250), a été autorisé
à repartir alors que des dispositions essentielles à son
fonctionnement sont toujours à l'étude:
1) inspectabilité de la cuve, 2) anomalie de réactivité
de Phénix, 3) tenue des galeries et surtout des bâtiment générateurs
de vapeur aux feux de sodium pulvérisé.
Mieux, il sera éventuellement admis à incinérer des actinides par décret alors même que le dossier de l'autorité de sûreté précisait qu'il lui faudrait instruire un nouveau dossier pour autoriser un tel fonctionnement.
Pour conclure la DSIN a signé sans droit la lettre d'autorisation de redémarrage le 3 août 1994. Les procédures d'autorisation laissent sans réponse les questions économiques, juridiques et scientifiques. Simplement le décret a modifié le mode de fonctionnement du réacteur
«Superphénix ne sera plus exploité comme une centrale nucléaire, mais deviendra un réacteur consacré à la recherche et à la démonstration. Son fonctionnement ne pourra pas être soumis à des consignes de niveau de puissance par Electricité de France, afin de laisser toutes latitudes au déroulement du programme d'acquisition de connaissances...»
Depuis un arrêt du Conseil d'État en date du 28 février 1997 a annulé le décret du 11 juillet 1994 relatif au redémarrage de Superphénix car la procédure mise en place il y a trois ans était «viciée» car «Il existe un décalage important entre le dossier de demande et l'autorisation finalement accordée» malgré «les dénégations du ministre de l'Industrie».
Nous demandons, suivant en cela le Conseil d'État que Superphénix soit mis en démantèlement car les réserves portant sur la sûreté du réacteur qui avaient été laites par l'autorité de sûreté n'ont jamais été levées.
En particulier l'incendie dans le réacteur japonais Monju a permis de se rendre compte que les codes de calculs français sont incapables de modéliser un tel accident. Comme ces codes ont servi à définir les travaux nécessaire à la protection incendie, tout est à revoir.
Superphénix peut-il être un outil de recherche?
Le décret annulé stipulait que Superphénix serait consacré à la recherche mais reconvertir ce réacteur par décret ne suffit pas à améliorer sa sûreté et ne change en rien la composition de son coeur. En conséquence et jusqu'en l'an 2000 au moins il ne pourra que fournir quelques kWh.
Tout l'habillage «recherche» n'était destiné
qu'à se mettre en accord avec les lignes directrices définies
par le rapport Curien. Ce rapport était cependant très prudent
en soulignant que Superphénix ne pouvait servir qu'à valider
industriellement des voies explorées à l'aide de Phénix,
sachant qu'en tout état de cause les travaux de recherche fondamentale
en amont demanderaient plusieurs décennies. Point de vue confirmé
par la Commission Castaing qui déclarait:
«A cet égard, elle est consciente du fait que les recherches
relatives à l'axe 1 de la loi de 1991 pourraient être menées
dans des conditions bien plus satisfaisantes sur un réacteur spécialement
consacrés à de tels travaux. Elle aurait pu recommander par
exemple qu'un nouveau Phénix soit construit d'urgence.»
Superphénix n'est pas, ne sera jamais un réacteur de recherche, c'est un réacteur industriel. Le déclarer site de recherche ne change pas ses caractéristiques physiques et ne le rend pas plus sûr. Souvenons-nous que Tchernobyl fut une expérience ratée dans un réacteur de production, ce qu'est Superphénix.
Un argumentaire final fut développé par le directeur de la DSIN Mr Lacoste selon lequel «il serait dommage de ne pas continuer I' expérimentation sur Superphénix puisqu'il existe, qu'on peut l'arrêter à tout moment et que, en cas de besoin, les générations futures pourraient faire reproche de ne pas avoir continué l'expérimentation».
Nous avons combattu cet argument jusqu'à démissionner de la Commission Castaing:
«Ce n'est pas la première fois qu'un développement se fourvoie dans une impasse en France ou dans d'autres pays du monde. Il faut du courage politique et du réalisme pour décider de le stopper. La considération de l'énormité des capitaux déjà dépensés (60 milliards de francs admis aujourd'hui, sans compter les deux coeurs, les "à coté" et les antécédents qui doivent faire monter ce chiffre à plus de 90 milliards) n'est pas une raison en soi pour justifier la poursuite de l'utilisation de cet appareil. Nous avons heureusement arrêté la construction des abattoirs de la Villette (sans parler du financement de la recherche sur les avions renifleurs!) et stoppé le programme "Concorde". L'analyse des conséquences de cette dernière décision courageuse et impopulaire montre qu'elle a permis de dégager des moyens humains, financiers et techniques qui ont rendu possible le programme Airbus qui situe aujourd'hui le groupe Airbus Industrie dans les toutes premières places mondiales.»
Et les déchets
Le GSIEN ne croit pas à la logique industrielle des «Réacteurs à Neutrons Rapides - Sodium - Uranium - Plutonium» (RNR). Elle conduit à une machine beaucoup trop complexe pour avoir une fiabilité industrielle en accord avec les exigences de sûreté. Elle impose la voie du retraitement des combustibles irradiés et produit des quantités de transuraniens à vie longue dont l'hypothétique destruction est problématique.
Les problèmes d'inventaire du Plutonium et des actinides semblent être dans une impasse avec ce type de filière. En suivant cette voie, notre souci de ne pas léguer aux générations futures une situation irréversible conduit à ce qu'au moment où une civilisation techniquement plus évoluée déciderait d'arrêter l'utilisation de cette filière ou même de ne plus avoir recours au nucléaire, elle serait obligée de faire fonctionner tout un parc de RNR pendant environ un siècle pour résorber partiellement l'inventaire de ces produits radiotoxiques.
Comme le mentionne la Cour des Comptes:
«JI en ressort que l'ensemble du parc français
des réacteurs à eau pressurisée (R.E.P.) produit chaque
année environ 11 tonnes de plutonium et 1,1 tonne d'actinides mineurs;
les capacités du surgénérateur ne sont pas à
la hauteur de ces besoins d'élimination: ce dernier ne permet de
réduire la production annuelle de plutonium que de 2 % environ et
ne saurait donc participer à la stabilisation du stock de plutonium
en France. Pour enrayer le gonflement de ce stock, il faudrait construire
un tel nombre de réacteurs à neutrons rapides que cette perspective
est irréaliste.»
De même le rapport de la commission Castaing de juin 1996 est
assez explicite:
«On peut regretter à cet égard
la maigreur du programme prévu pour Superphénix. Ce programme:
- se borne à peu de chose près
à l'étude de l'incinération du plutonium; cet actinide
est sârement plus facile à se procurer et pose beaucoup moins
de problèmes pour la confection d'assemblages destinés à
une incinération en mode homogène ; mais l'intérêt
de son élimination, dans le cadre général de la réduction
de la nuisance potentielle des déchets reste relativement faible
si on n' incinère pas aussi la source du neptunium que constitue
l'américium 241
- n'a prévu, faute semble-t-il de moyens
adéquats de chargement d'aiguilles en américium, que quelques
irradiations d'aiguilles à faible teneur en américium provenant
du coeur 1 et de quelques éléments riches en américium
dans le coeur 3. Ces irradiations ne pourraient guère apporter,
pour l'échéance 2006, d'éléments d'appréciation
bien nouveaux par rapport à ceux que l'on peut tirer des expériences
déjà réalisées dans SUPERFACT.
- ne prendrait vraiment d'intérêt
que si un effort prioritaire était porté sur des essais d'incinération,
dite en un seule passage d'aiguilles d'américium sur matrice inerte,
visant à le détruire à plus de 90 % en une seule incinération
prolongée, de telle sorte que le résidu serait susceptible
d'être directement envoyé aux déchets. De tels essais
devraient dans toute la mesure du possible être abordés dès
la mise en place du coeur 2, sur des aiguilles protégées
par une surgaine appropriée.»
Les propositions de la commission Castaing sont irréalistes, car la fameuse «incinération prolongée» est irréalisable en l'état de nos connaissances. La tenue des gaines sous irradiation est ce qui limite le séjour en réacteur. Pour lever cette impossibilité actuelle de longues études et beaucoup d'expérimentations sont encore à effectuer.
D'une façon plus générale le problème des déchets ne se limite pas aux résidus du retraitement et au plutonium. En effet il faut s'occuper du devenir des millions de tonnes de résidus miniers, de la faisabilité du démantèlement des diverses installations nucléaires. Quant au plutonium il serait plus avisé de ne pas en faire de stock donc d'arrêter le retraitement.
Il faut savoir arrêter les erreurs. Les sommes englouties dans Superphénix, ses réparations et le reste auraient été bien mieux employées à développer des économies d'énergie ou tous autres procédés, inutile d'en perdre davantage. C'est une installation obsolète, qui a vieilli sans jamais rien produire et toutes les tentatives actuelles de modification de ses objectifs relèvent de l'acharnement thérapeutique. Arrêtons Superphénix il est plus que temps.
Le démantèlement
La mise à l'arrêt de Superphénix ne signifie pas arrêt des activités sur le site.
Tout d'abord on va enfin retirer les assemblages du coeur à l'aide de la nouvelle machine de déchargement. Cette opération durera environ 8 à 9 mois. Le combustible sera transféré dans l'atelier (APEC) prévu pour son entreposage avant transfert sur un site comme la Hague.
On pourra alors vidanger le sodium primaire. Dans un premier temps on va stocker d'un côté les assemblages chargés en plutonium et de l'autre le sodium. On aura sur le site un risque nucléaire et un risque chimique mais ce ne sera plus dans la même cuve. Il faudra mettre l'installation en sécurité ce qui va exiger un personnel compétent et connaissant bien le réacteur.
On pourra envisager l'évacuation du combustible au bout d'un temps oscillant entre 3 et 5 ans et à condition d'avoir défini une stratégie quant à son devenir.
En ce qui concerne le sodium, sa neutralisation par transformation en soude est une opération longue et difficile. Rappelons que le traitement du sodium du petit Rapsodie, premier RNR français, a conduit à une explosion qui a coûté la vie à un des opérateurs et en a blessé 3 autres.
La suite des opérations sera le démantèlement du réacteur lui même et de ses annexes. Ces opérations sont encore balbutiantes et mal définies. Le démantèlement de Brennilis, le petit réacteur breton des Monts d'Arrée (70 MWé) est toujours à l'étude, 12 ans après son arrêt en 1985. Il est assez évident que pour Superphénix (1 200 MWé) 10 à 20 ans seront probablement nécessaires.
En conséquence les entreprises qui oeuvraient sur le site pour effectuer les différents travaux de mise en conformité seront probablement appelées à continuer. Évidemment ce ne seront pas forcément les mêmes spécialités qui seront requises mais cela ne change guère l'impact économique du chantier dans le futur immédiat et permet de préparer le futur plus lointain de la région.
Quant au coût du démantèlement, NERSA a du, comme le demande la loi, provisionner. EDF a, donc normalement, payé sa quote part mais les autres partenaires aussi.
Les coûts
Dans son rapport de 1996 la Cour des Comptes a calculé le coût
total de Superphénix.
«Lès coûts ci-après
sont corrigés de l'inflation et exprimés en francs constants
1994. Ils ne sont pas exhaustifs; ils n'incluent pas les lourdes charges
de recherche et de développement supportées pendant de longues
années par le CEA., voire par E.D F. elle même.
En 1995 une étude du ministère de l'Economie chiffrait
l'arrêt direct (à cette date) de Superphénix à
20,4 milliards se décomposant comme suit:
- remboursement de la dette 8,9 milliards
- mise à l'arrêt 3 milliards
- retraitement du combustible 3 milliards
- démantèlement 5,5 milliards
Normalement EDF ne paie que la moitié des 20,4 milliards ainsi calculés mais si le réacteur est arrêté pour des raisons politiques (ce qui n'est pas le cas puisque sa sûreté n'est pas assurée et qu'en conséquence il doit être fermé le plus vite possible) elle paierait la totalité de la somme.
De toute façon les coûts annoncés sont sous estimés
car comme l'explique la Cour des Comptes:
«Si les charges d'amortissement peuvent
être exactement calculées, le coût de la période
de post-exploitation et de démantèlement ne peut donner lieu
qu'à une évaluation incertaine.
Les frais dits de post-exploitation ou de mise
à l'arrêt définitif qui courront pendant six à
dix ans ont été évalués selon une hypothèse
conservatoire; ils ne sont pas actuellement provisionnés.
Quant au prix du démantèlement,
il est estimé, a minima, comme pour une centrale nucléaire
classique, à 15 % du coût complet d' investissement.»
En toutes hypothèses et même si les partenaires décidaient
de ne pas payer leur part, il faudra de toute façon:
- rembourser la dette,
- faire la mise à l'arrêt à une date plus ou moins
rapprochée (et ce sera d' autant plus difficile que le réacteur
sera plus vieux),
- retraiter les combustibles ou les stocker (ce qui coûte le
même prix),
- démanteler le réacteur (ce qui est moins cher maintenant
car avec sa faible disponibilité il est peu radioactif et ceci facilite
les travaux).
Toutes les sommes données par la Cour des Comptes ou le ministère de l'Économie sont déjà gagées. En cas d'arrêt la seule inconnue qui existe est l'engagement des partenaires étrangers de NERSA et le seul gain qu'on peut espérer est la récupération du milliard nécessaire chaque année pour faire fonctionner le réacteur.
La seule attitude raisonnable compte tenu des problèmes de sûreté existants est, donc, l'arrêt de Superphénix, car la seule chose qui compte est la sûreté et donc la sécurité des populations.
Superphénix, le rêve des technocrates des années 70 va-t-il enfin être stoppé?
Ceux qui conçurent cette extrapolation dangereuse, ratée et chère n'avaient pas écouté les ingénieurs qui plaidaient pour une étape à 600 MWé. Ayant «oublié» le problème des déchets, inquiets sur le sort de leur réacteur calamiteux, ces tenants du nucléaire lancèrent l'idée de le transformer en sous-générateur, en incinérateur de résidus radioactifs. C'était beaucoup pour un surgénérateur incapable de fournir les kWh qu'il devait aux investisseurs étrangers. Ces derniers n'ont pas apprécié la «transformation» et c'est à l'issue d'une négociation serrée qu'ils avaient accepté que la France fasse ce qu'elle veut de ce réacteur ; mais à condition d'être remboursés de leur mise de fond par la fourniture d'électricité qui pourra provenir des Réacteurs à Eau Pressurisée d'EDF.
Les débats de commissions, les analyses de la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires, tous les rapports pointent des manquements à la sûreté mais, comme SPX existe on lui cherche une utilisation. Du rapport Curien (1992) prudent et prônant l'utilisation de Phénix avant toute expérimentation dans Superphénix, en passant par les rapports de la DSIN et de la Commission Castaing, il ressort l'évidence que ce réacteur est un prototype industriel. Le transformer par décret en réacteur de recherche, ne changera rien à cette évidence. Et le mot recherche ne doit pas faire illusion, ce réacteur restera un réacteur à neutrons rapides présentant des caractéristiques trop similaires à celle de Tchernobyl dont l'explosion de 1986 fut le résultat d'une expérience. Or le problème des déchets est trop important pour ne pas se donner tous les moyens de réussir les études. Superphénix ne contribuera pas à le résoudre mais pèsera lourd sur sa définition.
Nos chers nucléocrates craignent que l'arrêt de Superphénix soit l'occasion d'engager la réflexion sur l'avenir du retraitement et sur les potentialités d'autres filières. Cependant ils devraient se souvenir que, chaque fois qu'on a eu le courage d'arrêter à temps un développement industriel raté et qu'on a su analyser les causes du fameux raté, cet échec s'est avéré un formidable tremplin.
L'arrêt de Superphénix est vécu comme une catastrophe par une région sinistrée par ce réacteur. Qu'elle se rassure, le démantèlement de cette installation demandera, au bas mot, de 10 à 20 ans et exigera de nombreux personnels. Ce temps-là permettra, aussi, de reconvertir l'économie régionale si on y réfléchit dès à présent.
Superphénix coûtera, inéluctablement 60 milliards comme l'a relevé la Cour des Comptes. Mais on pourrait éviter d'oublier que NERSA est une société privée de droit international. De toute façonNERSA aurait du provisionner pour le démantèlement, le retraitement et le stockage des déchets. L'État français n'est pas responsable de ces dépenses (27 milliards), EDF est seulement un des actionnaires. Il y a,donc là, de nouveau matière à négociation.
Superphénix arrêté, on fera l'économie des frais de fonctionnement du réacteur qui s'élève à près de 1 milliard par an. Cette somme pourrait être judicieusement utilisé à d'autres développements, comme les énergies alternatives ou le stockage des déchets, inéluctable lui aussi, quelque soient les futures décisions d'une politique énergétique plus diversifiée et moins monolithique.
La cour a examiné les comptes et la gestion de la société NERSA, filiale majoritaire d'Électricité de France, créée en commun avec des sociétés italienne et allemande afin de réaliser la construction du réacteur à neutrons rapides Superphénix sur le site de Creys-Malville (Isére) et d'en assurer le fonctionnement. E.D.F. joue un rôle prépondérant dans la gestion courante de la société et l'exploitation de la centrale.
Les incidents et défaillances qui ont marqué la centrale Superphénix depuis son démarrage ont limité à trente mois au total la durée de son fonctionnement entre 1986 et 1994, et le réacteur n'a été couplé au réseau E.D.F. que durant environ dix mois. Bien qu'il alt recommencé à fonctionner depuis septembre 1995, des interrogations demeurent sur l'utilité et la pérennité de cet équipement.
La Cour a relevé des choix comptables contestables et des lacunes dans la gestion de la société NERSA. Au-delà de ces observations, elle a cherché à évaluer, selon une approche comptable et à partir de trois hypothèses de production, le coût prévisionnel de la centrale à la date du 31 décembre 2000, terme du protocole d'accord qui lie les actionnalres de NERSA, étant précisé toutefois que le terme prévisible du fonctionnement serait, selon E.D.F., le 31 décembre 2015.
Il ressort des calculs, examinés contradictoirement avec E.D.F. et NERSA mais qui doivent etre interprétés avec prudence, que ce coût serait de l'ordre de 60 milliards de francs. Ce bilan prévisionnel ne tient toutefois pas compte des retombées attendues en termes de recherche et de solution des problèmes de retraitement des combustibles nucléaires ou d'élimination des déchets radioactifs.
La société NERSA a été constituée spécialement afin de réaliser la construction d'un réacteur à neutrons rapides (R.N.R.) d'une puissance de 1 200 MWé(1), appelé Superphénix, sur le site de Creys-Malville en Isère. Les études sur la construction des réacteurs à neutrons rapides ont débuté dans les années 1970. S'appuyant sur la centrale Phénix d'une puissance de 250 MWé mise en service en 1974, E.D.F. a signé en 1973 avec E.N.E.L. et R.W.E. une convention prévoyant la construction en France d'un R.N.R de 1 200 MWé dérivé de Phénix et la construction en Allemagne d'un R.N.R. de 1 200 MWé également dérivé de celui de 300 MWé alors en projet.
La décision de passer sans étape intermédiaire d'un prototype de 250 MWé à une centrale de 1 200 MWé constituait un pari industriel, technologique et financier extrêmement ambitieux justifié à l'époque par la nécessité de promouvoir l'indépendance énergétique de la France et par les craintes existant en matière de pénurie d'uranium. En définitive, seule la France a réalisé un prototype à l'échelle industrielle, le projet de deuxième réacteur prévu en Allemagne ayant été abandonné.
Le Japon poursuit, de son côté, des recherches sur la surgénération à partir du réacteur Monju, d'une puissance de 280 MWé, mis en service en avril 1994 et la Russie exploite depuis 1980 un surgénérateur de 600 MWé qui a déjà produit 56 milliards de kWh.
La construction de Superphénix a duré de 1975 à 1984, le réacteur a été couplé au réseau en janvier 1986 et, après une année de tests, il a fonctionné à pleine puissance en décembre de la même année.
I. - LE FONCTIONNEMENT DE LA CENTRALE A ÉTÉ JUSQU'À PRÉSENT, TRÈS PERTURBE
1) Des incidents et des défaillances dans l'exploitation
Peu après son démarrage, la centrale de Creys-Malville
a été confrontée à d'importantes difficultés:
- en mars 1987, la découverte d'une avarie - une fuite de sodium
du barillet d'alimentation des éléments combustibles - conduit
à l'arrêt de la centrale et, à la demande des autorités
de sûreté, à des améliorations en matière
de dispositifs de sécurité;
- après un redémarrage autorisé enjanvier 1989,
Superphénix
subit
un arrêt technique prolongé de septembre1989 à avril
1990. En juillet 1990, une pollution de sodium du circuit primaire par
une entrée d'air conduit à l'arrêt quasi complet de
la centrale pratiquement jusqu'en 1995.
A la suite de ces incidents, l'autorité de sûreté nucléaire a rendu un rapport le 16 juin 1992 recommandant la réalisation de travaux contre les feux de sodium (2) et un redémarrage à 30 % de la puissance. Au vu de ces conclusions, le gouvernement a suspendu le redémarrage de la centrale à l'exécution de ces travaux ce qui, de facto, a eu pour effet de le reporter à une date ultérieure. La centrale ayant alors connu deux années d'interruption consécutive, l'autorisation de redémarrage a été subordonnée aux résultats d'une enquête publique préalable, conformément aux termes du décret du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires de base (I.N.B.).
Durant cette période, des études de sûreté, des essais et divers travaux d'amélioration de la centrale ont été réalisés; en outre un rapport a été demandé en 1992 par le Premier ministre chargé de la recherche, sur l'incinération des déchets nucléaires et les conditions dans lesquelles Superphénix pouvait y participer.
Le 18 janvier 1994, le directeur de la sûreté des installations nucléaires a conclu à une remise en route «conditionnelle» du réacteur. Un décret du 11 juillet 1994 autorisait de nouveau la centrale à fonctionner mais en réorientant ses missions puisque ce prototype industriel devait désormais fonctionner dans «des conditions privilégiant explicitement la sûreté et l'acquisition des connaissances dans un objectif de recherche et de démonstration».
Au total, depuis son démarrage en 1986 et jusqu'au 31 décembre 1994, le réacteur aura fonctionné pendant trente mois. Durant cette période, il aura été couplé au réseau E.D.F. pendant 7'430 heures, soit un peu plus de dix mois représentant un taux de disponibilité inférieur à 10 % etune production totale de 4,5 milliards de kWh. Depuis l'autorisation de redémarrage, enjuillet 1994, le réacteur n'a fonctionné que deux jours en 1994. Il a recommencé à fonctionner depuis le mois de septembre 1995 et a atteint progressivement le seuil de 50 % de sa puissance.
2) Des interrogations sur l'utilité et la pérennité de cet équipement
Le décret précité du 11juillet1994 a modifié
la mission initiale de Superphénix. La centrale ne doit plus
être considérée comme une unité de production
mais comme un outil de recherche et de démonstration au service
d'un programme d'acquisition des connaissances (P.A.C.). Celui-ci a pour
objet à la fois:
- la démonstration du fonctionnement d'un prototype de réacteur
de la filière R.N.R.;
- l'étude des moyens de réduction de la production du
plutonium dans cette installation;
- les recherches sur l'incinération de certains déchets
radioactifs comme les actinides mineurs (programme SPIN: séparation
poussée et incinération).
Il s'agit d'une réorientation radicale de l'objectif initial de Superphénix conçu au départ pour fonctionner en surgénérateur (c'est-à-dire pour produire plus de plutonium qu'il n'en consomme) et qui se voit désormais assigner une mission de sous génération (c'est-à-dire régénérer moins de plutonium qu'il n'en est consommé pour produire de l'énergie). Cette réorientation nécessitera une nouvelle étude de sûreté et une autorisation ministérielle à l'occasion du fonctionnement du réacteur sous cette nouvelle configuration, lors du chargement en 1998 du troisième coeur.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'interroge désormais sur l'utilité d'un tel outil. Une commission scientifique formée d'experts indépendants sous la présidence d'une personnalité, membre de l'Institut et de collège de la prévention des risques technologiques, a été réunie le 4 octobre 1995 et a remis le 20 juin 1996 un rapport évaluant les capacités de Superphénix comme instrument de recherche, notamment en matière d'incinération des déchets radioactifs.
Déjà en 1992, le rapport au Premier ministre concluait : «Superphénix peut contribuer aux recherches sur l'aval du cycle... par validation de l'utilisation du combustible assurant l'incinération des actinides à une échelle industrielle.» Ce rapport avait aussi rapproché les capacités de consommation de plutonium de Superphénix des quantiés produites par le parc des centrales nucléaires classiques français. Il en ressort que l'ensemble du parc français des réacteurs à eau presurisée (R.E.P.) produit chaque année environ 11 tonnes de plutoiium et 1,1 tonne d'actinides mineurs ; les capacités du surgénérateur ne sont pas à la hauteur de ces besoins d'élimination: ce dernier ne permet de réduire la production annuelle de plutonium que de 2 % environ et ne saurait donc participer à la stabilisation du stock de plutoiium (3) en France. Pour enrayer le gonflement de ce stock, il faudrait construire un tel nombre de réacteurs à neutrons rapides que cette perspective est irréaliste.
Par ailleurs, la décision de modification des missions de Superphénix a conduit les actionnaires minoritaires à s'interroger sur la poursuite de cette expérience commune.
Ces interrogations ont été à l'origine de difficultés
entre les partenaires durant le dernier semestre 1994 et le début
de l'exercice 1995. Les négociations engagées ont abouti
et ont été formalisées dans un protocole d'accord,
signé le 15 septembre 1995, qui modifie la c'onvention originelle
de 1973 sur les points suivants:
- S.B.K. et E.N.E.L. demeurent associés au sein de NERSA et
continuent jusqu'au 31 décembre 2000 à supporter leur quote-part
les frais d'exploitation et de remboursement des emprunts sauf si la entrale
se trouve maintenue à l'arrêt pendant vingt-quatre mois consécutifs
- en contrepartie E.D.F. livre à ses partenaires 14,5 milliards
de kWh en six ans et prend en charge le coût du programme d'acquisition
des connaissances à hauteur de 100 millions de francs par an.
Ces livraisons d'électricité correspondent à 49 % de la production estimée de la centrale d'ici le 31 décembre 2000, ce qui implique un taux de disponibilité du réacteur de 60 %.
Un tel taux pose un double problème : en premier lieu, l'aptitude de ce réacteur à fonctionner sur des périodes suffisamment longues reste à démontrer. Si tel n'était pas le cas, E.D.F. devrait alors s'acquitter le ces livraisons en puisant sur sa production propre. Il convient, en second lieu de s'interroger sur la compatibilité de ce niveau de production avec les dispositions du décret du 11 juillet 1994, en vertu lesquelles le réacteur est un outil de recherche et de démonstration et non une centrale de production.
Le nouvel accord est d'abord destiné à maintenir une coopération entre les partenaires, coopération qui est, selon E.D.F., totalement acquise pour les prochaines années. Cependant, cet accord reporte les décisions à prendre à la fin du siècle car rien n'est envisagé au-delà de l'échéance du 31 décembre 2000, date d'expiration du protocole d'accord; or à cette date, la durée normale de vie de la centrale sera encore de quinze ans.
II. - LA GESTION DE LA SOCIÉTÉ A ÉTÉ
MARQUÉE PAR DES LACUNES ET DES CHOIX COMPTABLES
CONTESTABLES
E.D.F. joue un rôle prépondérant dans la gestion courante de NERSA ; ce rôle résulte des clauses d'une convention signée le 28 décembre 1973. L'établissement fourrnit la majorité du personnel d'exploitation dont le chef de la centrale; il assure l'approvisionnement en combustible et procure à NERSA une assistance administrative et financière, en particulier par l'intermédiaire de sa filiale à 100 %, la S.A.P.A.R. (Société anonyme de gestion et de contrôle des participations d'Électricité de France). Les dysfonctionnements constatés dans la gestion courante de la société NERSA sont aussi imputables à E.D.F.
l) Des choix de méthodes comptables contestables
L'examen des comptes de la société appelle des observations particulières dans trois domaines où les choix effectués par NERSA et E.D.F. apparaissent contestables.
L'amortissement des frais financiers et des charges à répartir
En 1986, certaines charges supportées avant le couplage de la centrale (essentiellement les frais financiers et les pertes de change) ont été inscrites au compte «charges à répartir» et étalées sur trente ans. A la clôture de l'exercice 1992, NERSA a inscrit les frais financiers ainsi que les provisions pour pertes de change de la période de préexploitation dans un compte d'immobilisations «Installations techniques, matériels et outillages industriels».
Les sommes transférées de la sorte se sont élevées à 5,5 milliards de francs dont 4,4 milliards pour les frais financiers et 1,1 milliards pour les provisions pour pertes de change.
Si le service de la législation fiscale (S.L.F.) a admis cette
manière de procéder pour les frais financiers, la décision
apparaît, en matière de pertes de change, contestable sur
le plan fiscal comme du point de vue comptable:
- l'étalement de ces provisions, qui va au-delà de la
décision du S.L.F., est contestable du point de vue fiscal. L'article
38-4 du Code des impôts prévoit en effet que le bénéfice
net est établi sous déduction des charges engagées
au cours de l'exercice;
- en matière comptable, l'étalement de la charge devrait
être limité à la durée de l'emprunt restant
à courir; à défaut, cela aboutit à constater
des profits fictifs lors de l'utilisation ou de la reprise des provisions
alors que la charge correspondante ne sera déduite pour l'essentiel
qu'au cours de la période postérieure au remboursement de
l'emprunt. De 1986 à 1994, les résultats ont été
ainsi indûment majorés de 774 millions de francs.
L'étalement des dépenses de préexploitation
Les dépenses de charges à répartir (formation des personnels chargés de la mise en service et de l'exploitation du site et les frais de location du plutonium antérieurs au premier couplage au réseau de la centrale) sont étalées sur trente ans.
Comme pour les pertes de change et pour la même raison, cet étalement est contestable du point de vue fiscal.
La provision pour démantèlement
Cette provision constituée selon les normes retenue par E.D.F. comme pour une centrale nucléaire classique (du type R.E.P.) et destinée à faire face au coût engendré par l'arrêt définitif de la centrale a vu sa base de calcul modifiée à compter de l'exercice 1992.
Toutefois, la société a décidé d'étaler le rattrapage lié au changement de méthode sur la durée de vie restante de la centrale, minorant de 740 millions de francs la provision de l'année 1992 (212 millions au lieu de 952 millions). La solution retenue ne modifie pas le résultat comptable de NERSA mais elle n'est pas neutre pour E.D.F., car elle pourrait lui permettre de contourner en partie les règles relatives à la limitation dans le temps des reports déficitaires.
Lors de l'audition tenue à la Cour le 1er avril 1996 sur les comptes et la gestion de NERSA, le représentant du ministère de l'industrie a d'ailleurs déclaré qu'après nouvelles études l'estimation du coût du démantèlement des réacteurs de puissance demeurait incertaine et que, tant pour l'entreprise que pour la tutelle, cette incertitude se trouvait accentuée dans le cas de Superphénix en raison de son caractère de prototype.
2) Une gestion peu efficace des moyens
Le constat dressé par la Cour lors de son enquête souligne des insuffisances dans deux domaines:
La gestion de la dette NERSA
Les besoins de fmancement de NERSA pour la construction de la centrale ont été couverts par des emprunts collectifs garantis par les trois partenaires (E.D.F., E.N.E.L., S.B.K.) et par des emprunts particuliers garantis par chacun d'eux. Après avoir atteint un encours maximum de 18 milliards en 1988, l'endettement a été ramené à 10 milliards au 31 décembre 1994. La société connait un désendettement rapide de l'ordre de 1,5 milliard par an (73 % des remboursements sont concentrés entre 1995 et 1997), ce qui devrait ramener le niveau de sa dette à zéro en l'an 2004.
NERSA ne se livre pas à une gestion active de sa dette qui lui permettrait, en profitant des opportunités offertes sur les marchés, d'alléger ses frais financiers. Ainsi, en 1995, le taux d'intérêt moyen de la dette de NERSA s'élevait à 7,91 %, ce qui paraît élevé.
Les procédures
La Cour a relevé des défaillances en matière de contrôle interne, certaines sorties de matériels de l'actif ayant été effectuées à tort ou ne pouvant guère être justifiées par l'entreprise. Il est apparu, en outre, que les services de NERSA n'avaient réalisé aucun inventaire général en 1992 et seulement des inventaires partiels en 1990 et 1991. Ce laisser-aller peut étonner dans une entreprise de cette dimension et le cette nature. Cette situation a toutefois été améliorée à la suite du contrôle de la Cour.
- ÉVALUATION DU COÛT DE LA CENTRALE
A partir de données fournies par E.D.F., la Cour a évalué le coût de la centrale. La méthode retenue est celle du coût «comptable», qui rend en compte les éléments figurant dans la comptabilité de NERA. Cette méthode est adaptée à la démarche de la Cour qui consiste à dresser un bilan prévisionnel de l'expérience. Elle ne saurait, en revanche, être utilisée pour fonder d'éventuelles décisions relatives à la poursuite ou à l'arrêt de la centrale.
Les coûts ci-après sont corrigés de l'inflation et exprimés en francs onstants 1994. Ils ne sont pas exhaustifs; ils n'incluent pas les lourdes charges de recherche et de développement supportées penlant de longues années par le C.E.A., voire par E.D.F. elle même.
Deux hypothèses pourraient être retenues pour l'arrêt de la centrale. La première correspond à un arrêt au 31 décembre 2000, date d'expiration du protocole d'accord signé par les trois partenaires de NERSA le 15 septembre 1995 la deuxième hypothèse est celle de la poursuite de l'exploitation de la centrale jusqu'à son terme normal, soit le 3l décembre 2015.
1) Coût au 31 décembre 2000
Le coût de la centrale en cas d'arrêt en 2001 est constitué par: le coût constaté au 31 décembre 1994, tel qu'il résulte des documents comptables de NERSA; les dépenses de fonctionnement futures dininuées de la production prévisionnelle ; et les charges qui sont liées la mise à l'arrêt et au démantèlement de la centrale.
a) Coût comptable de la centrale jusqu'au 31décembre 1994
Les éléments de ce coût ne sont pas contestables : ils sont extraits le la comptabilité de NERSA.
Ils comprennent, en dépenses, les charges supportées par les actionnaires de la société aussi bien en exploitation qu'en investissenent; le coût de la construction de la centrale est donc pris en compte à concurrence des annuités d'emprunt payées jusqu'au 31 décembre 1994. Les produits d'exploitation correspondent à la production effective d'énergie.
Le coût de la centrale, au 31 décembre 1994, s'établit à 34,4 millards en francs 1994.
b) Coût prévisionnel de 1995 à 2000
Le coût de la centrale sur la période sera égal aux dépenses nécesaires au fonctionnement futur de l'installation, diminuées de la valeur de la production prévisionnelle.
Les dépenses futures, calculées sur la base des charges constatées en 1995, peuvent, sauf incident technique important, être évaluées avec un degré de probabilité élevé à 7 milliards de francs, jusqu'au 31 décembre 2000.
La valorisation de la production est plus délicate dès lors qu'elle fera fonction des taux de disponibilité de la centrale et du coût du kiowatt-heure.
Trois scénarios ont été retenus, correspondant aux taux de disponibilité respectivement de 35 %, 46 % et 60 % ; ces taux ont été appliqués à la production maximale théorique. La production est ensuite valorisée forfaitairement à 25 centimes le kilowatt-heure. Ce coût, que la Cour n'est pas en mesure de vérifier, lui a été fourni par E.D.F. et serait celui du coût moyen de production actuel du parc nucléaire. Sur ces bases, les produits seraient selon le taux de disponibilité de 5.3, 7 ou 9 milliards de francs.
c) Charges supplémentaires en cas d'arrêt de la centrale
En cas d'arrêt de la centrale, NERSA sera conduite àconstater comptablement des charges supplémentaires représentées principalenent par : l'amortissement des immobilisations corporelles et des charges à répartir la consommation du stock de combustible les dépenses de retraitement du combustible; les charges de la période de post-exploitation et de démantèlement de la centrale.
Si les charges d'amortissement peuvent être exactement calculées, le coût de la période de post-exploitation et de démantèlement ne peut donner lieu qu'à une évaluation incertaine.
Les frais dits de post-exploitation ou de mise à l'arrêt définitif qui pourront pendant six à dix ans ont été évalués selon une hypothèse conservatoire ; ils ne sont pas actuellement provisionnés.
Quant au prix du démantèlement, il est estimé, a minima, comme pour une centrale nucléaire classique, à 15 % du coût complet d'investissement.
Le total des charges supplémentaires ainsi calculé, sur la base des données comptables de l'exercice 1994 et des chiffres fournis par E.D.F., peut être estimé à 27,4 milliards de francs 1994. Ces dépenses sont, pour l'essentiel, liées aux décisions passées et revêtent un caractère inéluctable.
L'agrégation des résultats précédents permet d'obtenir le coût de la centrale en cas d'arrêt au 31 décembre 2000. Selon les hypothèses retenues, il serait le suivant:
En définitive, on peut admettre, sous les réserves énoncées
ci-dessus et en fonction des diverses hypothèses retenues, que le
bilan «comptable» de Superphénix représenterait,
en cas d'arrêt au 31 décembre 2000, une charge de l'ordre
de 60 milliards de francs
1994.
2) Coût en cas de poursuite de l'exploitation jusqu'en 2015
La Cour n'a pas cru pouvoir chiffrer le coût de la centrale jusqu'au terme prévisible de son fonctionnement en 2016.
En effet, à échéance d'une vingtaine d'années, les données actuelles de l'économie de l'énergie peuvent être profondément bouleversées, et Superphénix peut, d'ici là, se trouver en concurrence avec des énergies dont les coûts de production auraient sensiblement varié.
Comme les responsables d'E.D.F. l'ont soutenu devant la Cour lors de leur audition et comme le rappelle le directeur général de l'énergie, la méthode «comptable» doit faire place, sur le long terme, à un calcul économique qui fournit les éléments d'un arbitrage entre les différents scénarios d'arrêt de la centrale et autorise la comparaison avec les autres modes de production de l'électricité.
Le bilan de l'expérience de la surgénération apparait aujourd'hui défavorable dans tous les cas sur le plan financier.
Ces résultats doivent être interprétés avec prudence. En effet, ces évaluations excluent toutes dépenses exceptionnelles liées à la survenance d'incidents de fonctionnement comme Superphénix a pu en connaître dans le passé.
En revanche, ce bilan ne peut pas encore tenir compte des retombées attendues du programme de recherche et de la contribution espérée de Superphénix à la solution des problèmes liés au recyclage du plutonium et à l'élimination des déchets radioactifs à haute activité.
Au surplus, toute comparaison entre le coût de Superphénix et celui d'une centrale nucléaire classique devrait prendre en compte le caractère de prototype de la centrale de Creys-Malville et les délais induits par les procédures exceptionnelles auxquelles est soumis le fonctionnement de la centrale.
Enfm, les coûts ci-dessus ne sont pas à la seule charge
d'E.D.F. Jusqu'à la fin de l'année 2000, l'entreprise publique
bénéficie de la mutualisation des charges que le système
de NERSA a instituée entre ses actionnaires. A compter de 2001,
le retrait éventuel des partenaires d'E.D.F. créerait, à
cet égard, une situation nouvelle.
Notes:
1. MWé : Mégawatt électrique.
2. L'utilisation du sodium liquide s'impose dans les réacteurs
à neutrons rapides: le sodium ne ralentit pas les neutrons émis
pendant la fission, il a aussi un excellent coefficient d'échange
thermique. Mais il impose de très lourdes sujétions en termes
de normes de sécurité principalement en raison de sa réactivité
à l'oxygène, l'air et l'eau.
3. D'après la commission mentionnée à l'alinéa
précédent, Superphénix ne permettraît
de réduire la production annuelle de plutonium que de 1 %.
1. ÉTUDES RÉACTEUR ET CYCLE DU COMBUSTIBLE
Produire moins d'actinides mineurs en réacteur est une première
voie de réflexion. Les performances comparées des réacteurs
recyclant du Plutonium ont montré sous cet angle les qualités
des RNR et les désavantages des recyclages successifs en REP.
Éliminer les actinides produits et récupérés
à l'issue du retraitement pour minimiser la quantité ultime
à stocker est une autre voie. Il convient alors de démontrer
la faisabilité de l'incinération en réacteur le puissance
et en évaluer l'impact sur le fonctionnement du coeur du réacteur.
A cet égard, le recyclage des actinides mineurs dans les REP
et les RNR est étudié sous la forme homogène (actinides
mineurs mélangés au combustible standard) et sous la forme
hétérogène (actinides mineurs sous forme de cibles,
séparées du combustible standard).
Par exemple, en mode homogène, 50% du Neptunium et de l'Américium
introduits à une teneur massique initiale de 2,5% dans le coeur
l'un RNR du type de l'European Fast Reactor (EPR) sont incinérés.
Le coeur consomme alors globalement 8kg d'actinides mineurs par TWh.
En mode homogène, un scénario d'incinération d'Américium
dans les assemblages cibles (40 % AmO2 + 60 % MgO) placés
dans la première couverture radiale d'un coeur de type EPR présente
un taux d'incinération supérieur à 60% pour une durée
d'irradiation correspondante à 3 fois celle du combustible standard.
Les conséquences de la présence d'actinides mineurs sur
les paramètres physiques du coeur et dans le cycle du combustible
ont été évaluées pour chaque type de réacteur.
Les conclusions sont les suivantes
* le potentiel des RNR est plus favorable que celui des REP vis-à-vis
de la transmutation,
* le recyclage du Neptunium en mode homogène est la voie la
plus prometteuse,
* le recyclage de l'Américium semblerait préférable
en mode hétérogène, les conséquences sur le
cycle restent à confirmer,
* le Curium est très difficilement manipulable. Une solution
envisagée est de l'entreposer pour bénéficier de la
décroissance naturelle des isotopes les plus gênants (Cm 242
et Cm 244),
* on peut facilement concevoir des coeurs de réacteur (en particulier
RNR) qui consomment des actinides mineurs, sans pour autant changer de
manière significative les caractéristiques physiques et de
sûreté du coeur.
Une première évaluation des performances d'une stratégie
de transmutation des actinides (à l'équilibre) par rapport
à une stratégie de cycle ouvert a été établie.
* les caractéristiques d'un parc nucléaire constitué
de REP chargés en combustible «classique» (oxyde d'uranium),
de REP chargés à100 % en combustible MOX fonctionnant en
monorecyclage, et de RNR consommant le Plutonium issu des combustibles
MOX recyclés une première fois en REP et sa production d'actinides
mineurs ont été définies,
* pour satisfaire à l'équilibre des différents
flux de matière, une structure de parc à 70% de REP UOX,
10% de REP MOX et 20% de RNR dédiés conviendrait,
* les RNR seraient de type CAPRA, recyclant le Neptunium en mode homogène
et l'Américium sous forme de cibles en périphérie
du coeur. Le Curium est supposé entreposé et le Cm 245 résiduel
est géré avec le flux d'Américium,
* dans ces conditions, et avec des hypothèses de taux de perte
lors des opérations de retraitement de 0,3% pour le Plutonium et
de 1% pour les actinides mineurs, la radiotoxicité potentielle des
déchets serait réduite d'environ un facteur 40 par rapport
au scénario de cycle ouvert.
2. FABRICATIONS ET IRRADIATIONS EXPÉRIMENTALES DE COMBUSTIBLES
ET DE CIBLES
Les expérimentations visent à déterminer les conditions
de fabrication des combustibles et des cibles, leur évolution et
leur tenue sous irradiation et à valider les résultats des
études de transmutation.
Transmutation en RNR
Dans le réacteur PHÉNIX(1), l'analyse de l'expérience
SUPER-FACT 1 a mis en évidence:
* un taux de transmutation conséquent conforme aux calculs,
un quart à un tiers de l'actinide a été transmuté
pour un taux de combustion limité,
* une transmutation constante dans tout le combustible (pastille) donc
avec un excellent rendement,
* enfin, un comportement métallurgique analogue à celui
d'un combustible Phénix standard pour le même taux d'irradiation.
L'ensemble de ces résultats permet d'entreprendre dans SUPERPHENIX
une démonstration de destruction par recyclage homogène du
neptunium. Le programme proposé, inclus dans le Plan d'Acquisition
des Connaissances (PAC) retenu pour ce réacteur par les pouvoirs
publics comprend:
* un assemblage NACRE 1 (271 aiguilles à 2% en poids Np) contenant
environ deux kg de neptunium. Cet assemblage sera chargé dans le
coeur actuel (1995),
* quatre assemblages (expérience NACRE 2) contenant au total
environ 10 kg de neptunium en recyclage homogène (avec quelques
aiguilles à base d'américium) seraient chargés ensuite
dans le coeur 2 ou le coeur 3 en fonction des délais d'approvisionnement
et de fabrication.
L'expérience SUPERFACT2 est en cours de préparation,
elle sera placée dans PHÉNIX en 1995. L'objectif est de bien
cerner le comportement des combustibles au Neptunium en mode homogène
(avec ou sans americium) à des taux de combustion représentatifs
de la filière.
Le cas de l'Américium est plus complexe que celui du Neptunium
par suite de sa multi-isotopie et de sa forte activité gamma qui
complique les opérations de manutention et de fabrication. Quelques
aiguilles expérimentales, représentatives des deux modes
de recyclage seront irradiés dans les assemblages au neptunium décrits
ci-dessus.
Transmutatton en REP
L'irradiation expérimentale ACTINEAU dans la boucle OPERA du
réacteur OSIRIS (Saclay) testera en 1995 le recyclage homogène
dans du combustible MOX et le recyclage hétérogène
dans des matrices inertes adaptées aux conditions thermodynamiques
de fonctionnement des REP. Cette expérience permettra de constituer
une base de données aujourd'hui inexistante sur le comportement
des combustibles et cibles à base d'Américium et de Neptunium.
Pour le recyclage hétérogène sous forme de cibles
(cas par exemple de l'Américium), il convient de définir
la meilleure matrice support à associer à l'actinide. Le
bilan des connaissances thermodynamique, physico-chimique, mécanique
et du comportement sous irradiation a donc été entrepris,
dans une première étape sur les oxydes simples Al203,
MgO, Y203, CeO2 et complexes : MgAl2O4,
Y3Al5O12. Cependant, les résultats
de la littérature ne sont pas suffisants pour conclure surtout en
ce qui concerne la tenue sous irradiation de ces matrices potentielles.
L'expérience MATINA a donc été préparée
en 1994 afin d'étudier le comportement des matrices inertes sous
flux d'irradiation dans PHÉNIX et dans le réacteur HFR à
Petten et ainsi sélectionner après examens les matrices les
plus favorables. Les échantillons de MATINA comportent plusieurs
types de supports inertes à la fois sans actinide et avec de l'uranium
comme élément de simulation. Ces composés font également
l'objet d'études de solubilité par le procédé
PUREX (Cf. Actinex / Séparation).
Incinération des produits de fission à vie longue
* en réacteur rapide
Le technétium 99, produit présent en quantité
notable (environ 16-18kg/an produits par un REP 900 MWé, période
radioactive de 200'000 ans) et de radiotoxicité élevée
a été le premier élément abordé.
La transmutation du Technétium conduit à l'élément
stable Ruthénium (Ru). D'après les calculs effectués,
50% du Technétium pourraient être transmutés en 5 ans
dans un réacteur rapide en plaçant l'élément
dans les couvertures radiales et ralentissant les neutrons par l'hydrure
de calcium.
Une irradiation expérimentale ANTICORP 1 a été
conçue dans le réacteur PHÉNIX pour vérifier
ces calculs.
*par des systèmes «hybrides» : accélérateur
et mlieu sous-critique
Une source de neutrons très abondants et de grande énergie
peut être constituée par la réaction, dite de spallation,
de protons fortement accélérés sur une cible en atomes
lourds (tungstène, par exemple). Il a été proposé
de coupler ce système accélérateur-cible de spallation
avec un réacteur sous-critique (dont le milieu ne permet pas de
soutenir une réaction en chaîne sans source additionnelle
de neutrons) pour y incinérer certains isotopes à vie longue.
Des études physiques détaillées ont montré
que ces systèmes «hybrides» pouvaient disposer d'un
excédent de neutrons utilisable pour transmuter certains produits
de fission à vie longue (Tc-99, I-129, etc.). Ces études
ont montré clairement que:
* vis à vis de la transmutation des actinides mineurs, ces systèmes
ne présentent aucun potentiel supplémentaire face aux réacteurs
à fission, et en particulier aux RNR. Ils ne permettent pas d'envisager
une réduction très significative de la radiotoxicité
associée à ces acti-nides,
* l'éventuel milieu sous-critique doit préférentiellement
avoir un spectre de neutrons rapides,
* l'énergie nécessaire à l'alimentation de l'accélérateur
sera d'autant plus importante que le milieu sera sous-critique. Mais si
on se rapproche de la criticité, on retrouve tous les problèmes
de sûreté d'un «vrai» réacteur.
* la séparation isotopique serait éventuellement nécessaire
pour transmuter l'ensemble des produits de fission à vie longue
(Tc-99, I-129, Cs-135, etc.), car l'excédent important de neutrons
disponible dans le système hybride n'est cependant pas suffisant
pour réaliser cette transmutation directement à partir des
éléments chimiques (Cs, Zr, Pd, etc.).
Des études sont en cours pour dégager des «images»
de systèmes hybrides dédiés à la transmutation
des produits de fission radioactifs à vie longue.
Enfin, l'étude critique des systèmes hybrides proposés
à l'étranger (Los Alamos, Carlo Rubbia,...) se poursuit.
3. DONNÉES NUCLÉAIRES ET MODÉLISATION DES PHÉNOMÈNES
DE BASE
Les données nucléaires sont nécessaires à
l'évaluation de la transmutation. Elles sont utilisés dans
des codes de calculs validés à partir d'analyse d'irradiation,
en réacteur, d'échantillons d'isotopes purs. Elles permettent
ainsi d'associer des incertitudes aux évaluations effectuées
et de déterminer les domaines de validité. Pour la transmutation
en réacteur à fission, le travail a consisté:
* en la validation des données nucléaires de la base
de données européennes JEF-2 sur des expériences intégrales
et de combustibles irradié,
* à la définition des besoins en données nucléaires
(réduction d'incertitudes),
* au lancement d'une expérience concernant les données
nucléaires du Tc-99 à l'accélérateur Gélina
de l'IRMM à Geel, avec participation de physiciens du C.E.A..
Par ailleurs, l'étude des systèmes hybrides nécessite
la mise en oeuvre et la validation de codes qui modélisent les phénomènes
à haute énergie. Deux de ces codes ont été
mis en oeuvre au C.E.A. et font l'objet de validations dans le cadre de
collaborations internationales.
Les données nucléaires aux énergies intermédiaires,
nécessaires pour une représentation correcte des phénomènes
physiques font aussi l'objet d'études et de définitions en
relation avec les besoins et les précisions visées. Ces études
sont aussi menées par le C.E.A. dans le cadre de collaborations
internationales.
4. COLLABORATIONS INTERNATIONALES.
* Le C.E.A. et l'INR de KfK (Allemagne) collaborent sur les études
physiques; des papiers communs ont déjà été
élaborés.
* L'Institut des Transuranien (ITU) de l'Union Européenne apporte
une contribution importante sur les composés et cibles à
base d'Américium et Technétium.
* L'Institut PAUL-SCHERRER (Suisse) développe un procédé
en voie liquide, le solgel, pour l'élaboration de matrices type
nitrure pour l'Américium.
* Les organismes ECN (Suède), KfK, ITU, C.E.A. et EDF ont mis
en commun leurs efforts pour développer et irradier dans PHÉNIX
et HFR à Petten des cibles à base d'Américium et produits
de fission (Tc, Iode).
* Le C.E.A. pilote une étude stratégique lancée
par l'Union Européenne visant à réaliser un premier
bilan critique des techniques utilisables, des performances atteintes et
des coûts prévisibles pour des stratégies basées
sur la séparation / Transmutation.
Par ailleurs, les données de base nucléaires font l'objet
d'une collaboration internationale dans le cadre de l'Agence de l'Énergie
Nucléaire de l'OCDE.
5. MOYENS
Outre de puissants moyens de calcul, DRN utilise pour mener à
bien les recherches sur la transmutation, les laboratoires de fabrication
de combustibles expérimentaux (MOX avec neptunium au LEFCA,...),
les maquettes critiques EOLE et MASURCA (données nucléaires),
les réacteurs d'essais PHENIX, OSIRIS, SILOE et les laboratoires
chauds pour examens post-irradiatoires (LECA, LAMA, LECI).
Pour l'ensemble de ces travaux, DRN disposera en 1995 d'un budget de
42 MF, inclus dans le segment SPIN (No15), 44 personnes travaillent
sur ce thème à DRN.
CONCLUSION
Études de physique nucléaire et expérimentations
de combustibles sont les deux thèmes majeurs développés
à la DRN dans le cadre de la transmutation des éléments
à vie longue.
Les problèmes physiques doivent faire l'objet d'une définition
rigoureuse, les études réacteurs être couplées
avec les effets sur le cycle du combustible pour quantifier l'activité,
les doses et la radiotoxicité du court au long terme.
Avantage essentiel du programme français, les expérimentation
sur combustibles peuvent seules conclure à la faisabilité
des différents concepts. Après les résultats significatifs
de l'irradiation SUPERFACT, la démonstration dans SUPERPHENIX à
un niveau industriel est essentielle.
Enfin, les études fondamentales menées au CEA sur les
systèmes basés sur les accélérateurs ont permis
d'éclaircir les enjeux physiques et le potentiel de ces systèmes
«hybrides» dont le rôle éventuel apparaît
aujourd'hui plutôt limité à la transmutation des produits
de fission à vie longue.
Note:
1. Phénix est à l'arrêt pour travaux depuis
1995. Aucune expérience n'a pu y être menée.