GAZETTE NUCLEAIRE

Dossier Iode
Distribution de pastilles, pathologies et cafouillage
Voici un petit dossier iodé qui va faire votre délice

Évaluation de la dose à la thyroïde en Haute Corse
Mai/juin 1986
Jean Claude Zerbib -1996-


     Les calculs effectués ci-après se fondent sur la mesure par spectrométrie gamma d'un litre de lait de brebis prélevé le 10 juin 1986 en Haute Corse et expédié par le docteur Fauconnier.

Donnée:
     150 Bq/1 dans du lait de brebis au 10 juin 1986
Hypothèse:
     La contamination initiale de l'environnement date du 1er mai 1986 et la contamination du lait est proportionnelle à la charge en iode des aliments naturels consommés par les brebis.
Question:
     Quelle est l'activité totale ingérée dans le cas d'une consommation joumalière d'un litre de lait pendant 40 jours?
     => Le calcul de la valeur de l'activité initiale A0 d'un litre de lait à la date du 1er mai dépend des hypothèses faites sur la période "effective" de l'iode qui, déposé sur l'herbe et les plantes, décroît plus rapidement que la période physique (8,04 jours). Les valeurs admises de T effective varient entre 4 et 5 jours, ce qui conduit à:
     A0 compris entre 38.400 et 153.600 Bq/1.
     L'activité au temps t1= t0 + l jour = A0 e-0,6931/T = A0 r
     au temps t2 = t0 + 2 j = A0 r2
     soit une consommation cumulée conduisant à l'ingestion d'une activité:
     Atotale=A0+A0 r+A0 r2+A0r3+... +A0 r39
     On obtient, suivant la période effective retenue:
     =>  t=5 jours -> activité ingérée =297 kBq
     =>  t=4 jours -> activite ingerée = 965 kBq
     Cette activité totale ingérée, dans l'hypothèse d'une consommation joumalière d'un litre de lait de brebis, conduit à des doses engagées à la thyroïde qui varient avec l'âge. Pour le calcul de la dose à la thyroïde, les coefficients en Sv/Bq utilisés sont ceux donnés dans la CIPR 67 publiée en 1994:

suite:
Dose à la thyroïde en fonction de l'âge
Pour une consommation d'un litre de lait de brebis par jour

âge       coefficient       dose en sievert par litre de lait
               Sv/Bq
                                               T = 5 jours T = 4 jours
3 mois     3,7  .10-6                         1,1             3,6
1 an        1,07.10-6                          1,07           3,5
5 ans       2,1. 10-6                           0,62           2,0
l0 ans      1,0. 10-6                           0,30           0,97
15 ans     6,8. 10-7                           0,20           0,66
adulte      4,3. 10-7                           0,13           0,41

Population critique:
     La consommation importante de lait de brebis ne conceme qu'une population limitée. Dans le cas de la Haute Corse, il s'agit de bergers, dont certains sont jeunes, qui se nourrissent principalement d'un kg de fromage de brebis par jour (4 litres de lait) et boivent 1 litre de lait, soit au total une consommation équivalente à 5 litres/jour.
     Pour un âge compris entre 15 ans et l'âge adulte, nous pouvons calculer la dose à la thyroïde à la date du 10 juin 1986:
                                    T = 4jours              T = 5 jours
dose "adolescent"            3,3Sv                     1 Sv
dose "adulte"                   2,0Sv                     0,65 Sv

     Ces valeurs montrent la variation importante de la dose avec la période de décroissance "in situ" retenue pour le calcul (variation de 1 à 3).
     Il faut préciser que ce calcul:
     => ne porte que sur un échantillon de lait de brebis et non sur une série de prélèvements,
     => ne prend pas en compte la possibilité d'une contamination dans les premiers jours de mai avec des iodes de périodes courtes.

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Usine de la Hague
Impact des rejets d'iode dans l'environnement
Dossier résumé pour la presse
Commission Spéciale d'Information près l'établissement de la Hague (CSPI)
     Lors du retraitement des combustibles irradiés, le procédé de traitement des iodes aboutit à leur élimination sous trois formes différentes (exemple du bilan iode en 1994):
     - Effluents liquides rejetés en mer 86,7 %
     - Piégeage et conditionnement sous forme de déchets 11,6 %
     - Effluents gazeux rejetés dans l'atmosphère 1,6%
     Parmi les isotopes de l'iode relâchés avec les effluents, l'iode 129 prédomine largement (99,4 %). Par ailleurs c'est l'iode gazeux, bien que minoritaire, qui entraîne l'impact radiologique le plus important car, outre son incorporation par inhalation, il se fixe rapidement sur les végétaux (légumes, herbe consommée par les bovins) et se retrouve dans le lait et la viande. Le Service de Prévention et de Radioprotection de COGEMA effectue des mesures par spectrométrie garnma sur les 3 indicateurs les plus significatifs de la présence d'iode dans l'environnement; l'air (une mesure hebdomadaire dans les 5 villages proches de l'usine), l'herbe (mesures périodiques en différents points situés sur des rayons de I à 10 ltm) et le lait (une mesure par mois chez différents producteurs du canton Beaumont)
     Les résultats montrent que la quasi-totalité de la dose iode 129 reçue annuellement par un adulte résidant à environ 2 km sous les vents dominants (0,03 millisievert) est due aux aliments d'origine terrestre (0,02 mSv), tandis qu'une dose 5 fois inférieure serait due aux produits de la mer (0,004 mSv) et à la respiration. Ainsi pour la population critique (adulte) la dose due à l'iode 129 représente 1 % de la dose reçue en moyenne en France (3,2 mSv) et 3 % de la limite réglementaire d'exposition artificielle qui sera prochainement adoptée en France (1 mSv/an). D'autre part dans l'éventualité d'un accident entraînant l'incorporation de la même quantité d'iode radioactif, l'irradiation à la thyroïde serait 100 millions de fois moins à proximité d'une centre de retraitement des combustibles (risques liés à l'iode 129) qu'à proximité d'une centrale nucléaire (risque lié à l'iode 131).
     C'est pourquoi une distribution d'iode stable est prévue à proximité des centrales en cas de nécessité (distribution préventive, suite à une récente décision du Secrétaire d'État à la Santé), tandis qu'une telle mesure ne paraît pas s'imposer pour l'usine de la Hague, du moins au regard de critères strictement techniques et radiologiques.
Les cancers de la thyroïde dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
durant la période 1984-1994
Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire - avril 1996

     A la suite de rumeurs persistantes sur l'augmentation de la fréquence des cancers de la thyroïde chez l'enfant en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Corse, l'IPSN a décidé au cours de l'année 1995 de conduire une étude sur ce sujet.
     Cette question a été incluse dans une étude confiée par l'IPSN à l'Observatoire Régional de la Santé (contrat signé en décembre 1995) qui porte par ailleurs sur la faisabilité d'un recueil en continu de pathologies à partir du fichier régional de l'Assurance Maladie et sur la faisabilité d'une étude des effets du stress sur les populations concernées par les inondations du Vaucluse en 1992.
     I. L'ORS s'intéresse notamment au cancer de la thyroïde chez l'enfant. Il obtient les données du registre régional des cancers de l'enfant créé en 84 par le Pr Jean-Louis Bernard. Ce registre est agréé par la Direction Générale de la Santé et l'INSERM. Les données, dont l'IPSN a reçu copie le 31 janvier 96 concernant les cas de cancers recensés durant la période 84-91 (données du 9 novembre 92) et durant la période 84-94 (données du 17 janvier 96).
     Cette base de données dénombre 3 cas sur la période 1984-1991 et 17 cas sur la période 1984-1994. Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (no 52 du 29/12/92, article: «Les cancers de l'enfant dans le Sud-Est de la France, D. Coste, E. Benaard-Couteret, J.L. Bernard) avait publié les mêmes données brutes pour la période 1984/91.
     L'IPSN a demandé la vérification des données. Une réunion entre les médecins de l'ORS et de l'IPSN est organisée à Marseille le 8 mars 1996 avec le Pr J.L. Bernard.

suite:
     Pour étudier ce qui apparaît à l'ensemble des participants comme une augmentation sensible à partir de 1992, il est décidé que l'ORS en collaboration avec le Pr Bernard vérifiera les pathologies enregistrées, les dates de diagnostic et les lieux de résidence.
     L'ORS et le Pr Bernard tiennent une réunion de travail le 25 mars 1996 pour discuter des critères de vérification des données (répartition histologique, lieu de résidence, lieu de naissance...). Les données continuent d'être lues comme montrant une augmentation sensible.
     Pour permettre une analyse critique des données recueillies, les épidémiologistes de l'IPSN ont parallèlement interrogé les responsables de registres nationaux et internationaux, ainsi que le responsable de la veille sanitaire (DOS) sur l'évolution des données sur les pathologies thyroïdiennes.

II. L'IPSN est interrogé le 19 mars par un journaliste de l'Événement du Jeudi sur les conséquences de Tchernobyl. Au cours de l'entretien, l'augmentation des cas est mentionnée mais les chiffres ne sont pas cités. Le journaliste est orienté vers le Pr Bernard qu'il contactera peu après. Un article du journal Le Nouvel Observateur paru le 28 mars accentue l'intérêt des médias; Mme Sugier répond (le 28 mars) à une interview du journal Le Monde. Le lien avec l'accident de Tchernobyl est jugé peu probable et la nécessité de confirmation réaffirmée. Pour répondre alors aux très nombreuses demandes des médias, l'IPSN et l'ORS diffusent le 28 mars une note d'information commune. Cette note précise la nécessité d'une validation des données.
     III. L'IPSN a mentionné cette augmentation des cas enregistrés lors des réunions suivantes:
     - le 20 février 1996, au comité de direction de l'IPSN,
     - le 22 février 1996, au comité scientifique de l'IPSN,
     - le 19 mars 1996, devant le Conseil Supérieur de Sûreté et d'Information Nucléaire (CSSIN).
     Chacune des présentations de l'IPSN signalait que les chiffres devaient faire l'objet d'une vérification.

     IV. Dans l'après-midi du 28 mars, l'IPSN et l'ORS sont informés d'une nouvelle répartition de ces cas sur la période 84-94 lors d'une conversation téléphonique avec la DOS. Celle-ci tient ses informations du Pr Bernard. Ces nouvelles données ne montreraient plus d'augmentation au cours de la période 84-94. Effectivement, le 2 avril l'ORS transmet à l'IPSN une fiche signée conjointement entre l'ORS et le Pr Bernard analysant l'état du registre au 29 mars et infirmant les informations antérieures. En accord ave le Directeur Général de la Santé, l'IPSN diffuse le 3 avril un communiqué fondé sur cette transmission. La presse a largement repris ce second communiqué.
     En résumé: Devant la persistances de rumeurs d'apparition de cancers de la thyroïde chez l'enfant, l'institut a confié en décembre 1995 la conduite d'une étude à l'ORS de Marseille. Les données brutes révèlent une répartition temporelle des cas de cancers de la thyroïde très surprenantes, conduisant à une augmentation du nombre de cas dans la période 1992-1994. Les premières vérifications, qui ne démentent pas ces chiffres, amènent l'institut à faire part de cette augmentation, avec les réserves d'usage, aux différentes instances, à savoir; le Comité de Direction et le Comité Scientifique de l'IPSN ainsi que le CSSIN entre le 20-02 et le 21-03-96. Plusieurs journalistes ayant connaissance de la teneur de ces données, par leur propres canaux, ont demandé à l'Institut d'apporter des commentaires. Rien n'indiquait alors une répartition temporelle des cas de cancers, différente de celle évoquée depuis 2 mois, était possible.
     Lorsque de nouvelles informations ont été disponibles, l'IPSN les a rapidement communiquées aux médias.
 

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