GAZETTE NUCLEAIRE
Du suspense à Dampierre-En-Burly..

Chronique nucléaire vécue.
Anne-Marie Pieux-Gilède, Ingénieur chimiste présidente de 1'ACIRAD
     Un colonel et une écolo quittent le 15 mars 95 la Préfecture du Loiret. En mission commune d'observateurs. Direction: la centrale nucléaire de Dampierre à 50 km à l'Est d'Orléans. Le Préfet et son directeur de cabinet ont décrété à 8 h 30 l'état d'urgence depuis un poste de commandement fixe installé à la Préfecture. C'est le plan ORSEC-RAD, de son petit nom P.P.I., Plan Particulier d'Intervention. Des tubes de générateurs vapeur ont été rompus, la marmite atomique n'est plus assez refroidie et on risque l'accident. Le sous-préfet rejoint en urgence le poste de commandement opérationnel à Sully-surLoire. Les cellules de crise nationales sont activées. Les secours s'organisent. Des dizaines d'officiels convergent maintenant vers Sully, la Protection Civile, responsable en premier chef, l'Équipement, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les autorités sanitaires, les cellules radiologiques etc. Des kamikazes ? Non, aujourd'hui l'accident est fictif.
     Mais jusqu'au soir, les événement se succèdent à un train d'enfer dans le coeur du réacteur no 5, les communiqués de presse s'emmêlent les pédales, les ordres et les contre-ordres jouent à cache-cache. On s'y croirait presque, même si le réacteur Dampierre n0 5 n'existe pas.
     Que vient donc faire là-dedans Anne-Marie, l'écolo de service ? Elle est mandatée par la C.L.I., la Commission Locale d'Information de Dampierre-en-Burly, créée par le préfet. Elle y représente l'ACIRAD, une association indépendante de contrôle de la radioactivité à Orléans, rattachée au laboratoire de la CRIIRAD.
     Toute la C.L.I., composée surtout de maires, avait été réunie auparavant pour mieux comprendre cet exercice national de crise. La Protection civile avait aussi délégué en mission d'observation un colonel de la Délégation Militaire Départementale, cet organisme étant le conseiller militaire du préfet. Objectif: les cinq communes les plus menacées d'évacuation ou de confinement et situées à moins de 5 kilomètres de la centrale nucléaire: Dampierre-en-Burly, Ouzouer- sur - Loire, Lion-en-Sullias, Saint-Godon, et Nevoy. Mais les observateurs n'ont pas eu le temps de voir le maire de Nevoy où se tenait pourtant le rassemblement annuel des tsiganes, avec 300 caravanes. Total de la population de cette zone: entre 6 et 8.000 personnes selon les estimations. Les maires et les secrétaires de mairies sont accueillants et transgressent devant les observateurs le tabou du silence: on ne parle jamais d'accident nucléaire dans ces communes. 
Ils sont passionnés par cet exercice et essayeront par tous les moyens d'appliquer les consignes, mais leur équipe est minuscule: un secrétariat (pas toujours), un employé municipal (rarement deux).
     Et les voilà au four et au moulin. Le maire de Dampierre reçoit, entre 8h30 et 12h, neuf coups de fil dont le premier à son domicile, ainsi que cinq fax. Il est solide face aux ordres contradictoires qu'il doit diffuser à la population. A 11 h 25 on évacue, à 1lh.48 on n'évacue plus, on regroupe seulement, vers midi, risque de fusion du coeur, à nouveau on évacue, et à15 h la situation est maîtrisée définitivement. L'organisation du commandement doit être repensée a conclu le préfet. De même que la communication, inteme et externe. Le maire de Lion-en-Sullias a reçu le 1er ordre d'évacuer 1 h 1/2 après les autres communes. Et Lion est à 600 mètres de la Centrale nucléaire. Les joumalistes n'ont pas été à la fête non plus. Pour alerter la population, les délais mesurés par les maires sont bien longs. Avec une voiture, un employé et un haut-parleur: une heure et demie minimum. Mais tout est simulé, la population ne participe pas à l'exercice. On pourrait doubler les temps en réel. Et les cars ne sont toujours pas là, trois heures après le premier ordre d'évacuation. Sans compter la prise en charge des habitants à la salle polyvalente, et le retour. Et il faut au moins cent cars. Les autorités ont pensé à répertorier les malades, les handicapés, toutes les personnes à aider mais pas les femmes enceintes (Comment voulez-vous que je les connaisse, dit un maire !) ni les bébés et ils sont nombreux 100 à 150 dans les 4 communes visitées. Sans oublier 800 enfants scolarisés. Vous avez bien la liste complète de vos administrés ? Ben non ma p'tite dame, d'ailleurs c'est interdit par la loi Informatique et Libertés. Aux dernières nouvelles on cherche activement une solution à ce problème légalement insoluble. Et que faire des animaux? On aura du mal à faire monter les vaches dans les cars, plaisante un maire.
     La distribution de pastille d'iode devait être précoce pour éviter de graves problèmes à la thyroïde, surtout pour les enfants. Les retards ont été considérables, de plusieurs heures.
     L'information des populations est assez limitée en cas de confinement. Les maires se demandent si les maisons, les écoles, les salles mumcipales sont bien confinables.
     Un gars du coin proteste, je suis à Sully, je n'ai pas reçu de brochure, je ne connais pas le signal d'alerte nucléaire. Mais Sully est à 11 km de Dampierre, au delà du rayon de 10 km, rassurez-vous, vous n'êtes pas concerné...?
CENTRALE NUCLEAIRE DU CARNET
Mobilisation d'urgence, juin 1996

    EdF poursuit son projet d'implantation d'une centrale nucléaire au Carnet et passe à la deuxième phase. Avec l'enquête publique pour remblaiement des zones humides du 18 juin au 18 juillet 1996 dans les mairies de Frossay, Saint Viaud, Paimboeuf, Lavan sur Loire et en préfecture de Nantes nous devons agir en urgence. Pétition à faire signer et renvoyer au plus tard le 16 juillet à M.A.E.L. - 2 bd de Launay - 44100 Nantes; présence sur les marchés; pique nique sur le site du Carnet; Ecrire sur les registres.

PÉTITION
Enquête publique pour autorisation de remblaiement de zones humides
au Carnet - 18/06 au 18/07/96.
    Fidèle à son programme électronucléaire, EdF cherche depuis les années 1970 à implanter une centrale nucléaire en Loire-Adantique. Après abrogation de la Déclaration d'Utilité Publique du Pellerin en 1983 par F. Mitterand, J. Chirac a signé une nouvelle Déclaration d'Utilité Publique pour le site du Carnet en 1988, prorogée pour 5 ans en 1993 par P. Bérégovoy. Depuis, EdF n'a pas remis en cause sa production d'électricité nucléaire, ni annoncé de diversification énergétique. Bien au contraire, FdF a affirmé récemment sa volonté de construire une nouvelle génération de centrales nucléaires en collaboration avec des groupes industriels allemands et suédois. Pour ce faire, EdF recherche des sites neufs et valorisants. Le site du Carnet fait partie de ses choix. Face à la crainte d'une forte mobilisation locale contre toute centrale nucléaire en Basse-Loire, EdF utilise une dernière supercherie; dissocier les remblaiements de zones humides de la programmation d'une centrale nucléaire. L'enquête publique ouverte dans les communes de Frossay, Saint Viaud, Paimboeuf, Lavau/Loire et en Préfecture de Nantes du 18 juin au 18 juillet1996 s'effectue pour les remblaiements de zones humides, dans un estuaire où de nombreuses zones humides ont déjà été sacrifiées. Est-il possible de juger de l'utilité publique de ces remblaiements sans connaître leur destination?
    Les signataires exigent qu'EdF annonce clairement ses projets. En attendant ils s'opposent au remblaiement de ces zones humides et restent vigilants sur la destination de ce site.

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