GAZETTE NUCLEAIRE

4. COORDINATION ANTI-DÉCHETS POUR LA SAUVEGARDE DE L'ANJOU

SEGRE, le 6 mars 1988

Monsieur MORANVILLE
Directeur de l'Andra
s/c Monsieur ROUSSELOT
8, place A. Briand
49500 SEGRE

     Monsieur,
     Nous avons l'honneur de solliciter de votre part quelques éclaircissements sur la sécurité des transports de déchets radioactifs.
     1) Existe-t-il un organisme contrôlant l'intégrité des «chateaux» et la conformité des chargements ?
     2) Comment peut-on expliquer que la RFA, montrée par l'Andra comme exemple pour la gestion des déchets (voyage organisé à Asse avec des journalistes) se permette de transporter des déchets hautement radioactifs dans des containers prévus pour des déchets de faible activité ?
     3) N'est-il pas étonnant que le centre de MOL destiné à accueillir des déchets de type A (ou assimilés) se soit proposé de recevoir une cargaison beaucoup plus radioactive?
     4) Monsieur FAUSSAT nous a souvent parlé d'une coopération européenne sur les déchets, est-ce à cela qu'il faisait allusion?
     5) Ne pensez-vous pas que l'indigestion des trois agents SNCF de Mézidon soit due à une «intoxication alimentaire» du type «radon»* inhalé et avalé par eux lors des manoeuvres de «wagons chauds»?
     6) Pourquoi, lorsque vous parlez des châteaux, qui doivent résister à une chute de neuf mètres sur une... etc... etc..., vous occultez le problème des fuites possibles au niveau des soudures, qui rendent acceptable l'hypothèse d'une fuite de gaz lors de l'arrêt à Mézidon et qui expliquerait la radioactivité normale observée quelques heures plus tard à Carentan?
     7) Mrs Cotentin, Delahaye et Leroy seront-ils soumis àdes examens médicaux réguliers pendant 10 ans pour dépister préçocément une possible affectation cancéreuse ?
     8) Quel axe de recherche et développement vous proposez-vous de suivre pour palier à tous ces problèmes de sûreté pour les transports ?

     Dans l'attente de votre réponse,
     Veuillez croire, Monsieur, en nos sentiments distingués.

* Ndlr: Ce n'est pas du radon mais d'autres émanations vénant des combustibles irradiés.


Le 17 mars 1988
J. AMEDEO
Membre du GSIEN
Commission Information du Segréen
Groupe Milon
Rue de la Roirie
49500 SEGRE
     Monsieur,
     Par lettre du 6 mars 1988, vous vous faites l'écho d'informations, ou plutôt de rumeurs, concernant d'une part un contentieux belgo-allemand sur des traitements de déchets, d'autre part un incident qui aurait affecté un château de transport de combustibles usagés en gare de Mézidon.
     Comme vous le savez, ces affaires sont tout à fait étrangères à l'Andra, et en réponse à vos demandes de précisions, je ne peux que vous faire part des renseignements dont nous disposons et des réflexions que nous en déduisons.
Traitement des déchets allemands en Belgique
     En attendant de pouvoir disposer du centre de stockage de la mine de KONRAD, les centrales allemandes doivent entreposer leurs déchets de faible activité dus au fonctionnement courant. Elles font pratiquer pour cela des opérations de réduction de volumes, par incinération ou compaction, dont certaines ont été sous-traitées au Centre de MOL en Belgique. Qu'elles soient pratiquées en mélangeant des lots ou par lots successifs, ces opérations dans un même appareil entraînent fatalement des transferts de résidus d'un lot à un autre. C'est ainsi que des centrales n'ont pas reçu en retour des déchets de compositions isotopiques exactement identiques à ce qu'elles avaient expédié. 
suite:
Il y a là un non respect de clauses contractuelles, mais en aucune manière la santé publique n'a été mise en cause. En particulier, il est tout à fait faux de prétendre que des déchets de haute activité ont été transportés dans des emballages destinés à des déchets de faible activité.
     Cette affaire a été l'occasion, pour les autorités de la Communauté Européenne, de marquer leur intérêt pour le système de suivi informatisé des colis de déchets mis en place en France par l'Andra, depuis la production jusqu'au stockage. Le transfert de notre savoir-faire dans ce domaine pourrait constituer un thème de coopération internationale, en plus de celle qui concerne la connaissance scientifique.

Prétendu incident de Mézidon
     Aucune anomalie n'a été relevée sur les conteneurs incriminés, et aucune radioactivité anormale n'a été constatée à Mézidon, Carentan ou ailleurs. Ces conteneurs ont d'ailleurs été présentés à la presse et les journalistes ont pu s'en approcher.
     L'hypothèse d'une «intoxication alimentaire de type radon inhalé et avalé» est à exclure car il n'y a pas d'émission de radon dans les combustibles usagés. Par ailleurs les examens cliniques effectués pendant 5 jours à l'Institut Curie n'ont, d'après ce qui a été annoncé, décelé aucune trace radioactive ou d'effet d irradiation*.
     La surveillance médicale des cheminots concernés relève de la SNCF, et il ne nous appartient pas d'en juger. Votre suggestion de les soumettre à des contrôles particuliers pendant 10 ans n'a toutefois aucune justification s'il est établi que la radioactivité n'est pas à l'origine des malaises constatés.
     Enfin, pour ce qui est des tests auxquels sont soumis les conteneurs, ceux-ci ont pour but de vérifier l'étanchéité et l'intégrité totales y compris, bien évidemment, les joints et soudures; sinon, ils seraient sans intérêt.
     Je vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de mes sentiments distingués.

* Ndlr: facile d'écrire une affirmation de ce type. Cependant, il y avait un doute et c'est la bonne méthode qui a été prise: on a vérifié.


SEGRE, le 14 mai 1988
Monsieur MORANVILLE
Directeur de l'Andra
s/c Monsieur ROUSSELOT
8, place A. Briand
49500 SEGRE

     Monsieur,
     En votre courrier du 17 mars 1988, vous avez bien voulu répondre à certaines questions concernant la sécurité des transports de déchets radioactifs et je vous en remercie.
     Je regrette cependant qu'à cette occasion vous ayez préféré rassurer que réellement informer. En effet, un document émanant du mimstre de l'industrie donne une version nettement moins édulcorée des faits. Je me permets pour information de vous en transmettre une photocopie.
     Ne peut-on pas s'étonner qu'un simple non respect de normes contractuelles ait provoqué arrestations et mises à pied, retrait de licence de transport, suicide... ?
     Le document joint n'apporte-t-il pas une preuve formelle que la santé publique a été mise en cause par des transports de déchets de haute activité dans des conteneurs destinés à des déchets de faible activité ? N'est-il pas inquiétant que vous utilisiez votre haute responsabilité au sein de l'Andra pour occulter un apparent trafic de produits hautement dangereux, de la part de vos confrères germaniques ?
     Que peuvent penser les candidats au jeu de «qui perd gagne» de la sélection du site de stockage quand ils réalisent que leur région sera peut~tre un jour le théâtre de tels agissements ?
     En vous remerciant, je vous prie, Monsieur, de bien vouloir agréer l'expression de mes sentiments distingués.

J. AMEDEO
p.24

Lettre ouverte à : Monsieur MORANVILLE
Directeur de l'Andra
s/c Monsieur ROUSSELOT
Place A. Briand
49500 SEORE
     Dans la nuit du 10 au il mai 1988, vers 2 h du matin, une onde sismique de quelques secondes a secoué notre région du Segréen. Incident banal qui rentre à peine dans ce que l'on appelle les faits divers: pas de dégats matériels, plus de peur que de mal.
     Caractéristique de la secousse aux premières informations du centre géophysique du globe:
     - amplitude 3,5 dans l'échelle de Richter,
     - épicentre : vers Laval.
     - La France connait de telles secousses sismiques plusieurs dizaines de fois par an dans trois régions dont l'Anjou.
     Tout ceci n aurait aucune conséquence si cette région n'était pas choisie par l'Andra pour entreposer de manière irréversible dans des kilomètres de galeries creusées dans le schiste ses déchets radioactifs les plus dangereux.
     Ainsi, il convient de se poser quelques questions après ce petit séisme et nous nous permettons de les soumettre à votre réflexion
     1) Est-il vraiment sérieux d'enfouir des déchets radioactifs à vie longue dans une zone qui de toute évidence n'est pas aussi stable que l'Andra voulait bien le laisser entendre ?
     2) Comment peut-on affirmer que dans l'avenir le schiste aura tendance non pas à se fracturer mais à se plisser alors qu'il existe plusieurs failles et fractures nettement connues aujourd'hui ? (failles pouvant entraîner la présence de radio nucléides à la surface par suite de remontée d'eau)
     3) S'il est indéniable que de telles secousses modifient la carte des fractures et des failles de notre région, est-il possible d'en mesurer l'importance ? Ainsi l'Andra pense-t-elle refaire des analyses géophysiques héliportées pour vérifier les perturbations amenées par cette dernière secousse sismique ?
     4) Comment pourrait-on affirmer, comme il serait tentant et rassurant de le faire, que rien n'a pu bouger entre 600 et 1'000 m de profondeur alors que les experts du centre géophysique du globe ne l'excluent pas.
     5) Par quel hasard le séismographe de Nyoiseau (4 km de Segré) a-t-il disparu depuis plusieurs mois et par quel autre hasard aucun géologue de l'Andra ne s'en est jarnais alarmé ?
     La géologie, science du passé, peut-elle être crédible quand elle se pose en science de l'avenir ?
     Quel élément permet d'exclure l'éventualité d'une secousse sismique plus importante étant donné l'instabilité de notre région ?
     Que deviendraient alors votre fourmilière et surtout ses dangereuses provisions ?
J. AMEDEO
Commission Information
Coordination Anti-déchets
Pour la Sauvegarde de l'Anjou
p.25

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