GAZETTE NUCLEAIRE

NOUVELLES DU CONSEIL SUPÉRIEUR
DE LA SÛRETÉ ET DE L'INFORMATION NUCLÉAIRE (CSSIN)
 

A. STOCKAGE DE DÉCHETS

Réponse de M. Laverie, chef du Service Central de sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN)
à Raymond Sené, représentant le GSIEN

     Monsieur,
     Dans votre lettre du 16 septembre, vous interrogez le Président du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires, qui m'a demandé de vous répondre, sur les dispositions prévues pour l'entreposage des déchets radioactifs conditionnés sous forme de verre, avant leur stockage définitif en profondeur. Un tel entreposage est rendu nécessaire pendant une durée de l'ordre de la cinquantaine d'années, pour permettre le refroidissement des verres avant stockage, et la définition des spécifications de ces déchets en a tenu compte La faisabilité technique est démontrée par l'expérience de l'atelier de vitrification de Marcoule (AVM), opérationnel depuis 1978, qui met en oeuvre un entreposage en puits verticaux refroidis par tirage forcé au moyen d'une ventilation.
     Les ateliers de vitrification des usines UP2 800 et UP3 de l'établissement COGEMA de la Hague, dont la mise en service est prévue respectivement en 1988 et 1989, sont dotés d'installations d'entreposage de déchets vitrifiés fondés sur la technique de l'AVM. Leur capacité correspond à 5années de production de verres; elle pourra être portée à 10 années de production.

     Des capacités supplémentaires d'entreposage ne seront donc nécessaires qu'une dizaine d'années seulement après le démarrage des ateliers de vitrification de l'établissement COGEMA de la Hague, soit à la fin des années 90, pour la production de cet établissement. Elles sont prévues en surface, sur un site à choisir en temps utile.
     Une localisation.à l'aplomb du site retenu pour le stockage en profondeur aurait l'avantage d'éviter des opérations de transport entre un entreposage intérimaire et le lieu de stockage définitif. Toutefois ceci nécessite que le site choisi pour le stockage en profondeur soit connu dans des délais compatibles avec la saturation des capacités d'entreposage existant à la Hague, et avec la réalisation d'une installation d'entreposage. Dans la négative, un site d'entreposage devrait être choisi indépendamment de la recherche d'un site de stockage souterrain.
     Ces questions devront recevoir des réponses en temps utile, et elles ont été posées aux exploitants nucléaires intéressés (l'ANDRA et COGEMA) par mon service en 1986. Dans tous les cas de figure, l'installation d'entreposage constituera une installation nucléaire de base qui devra être autorisée par décret après enquête publique (le cas échéant, dans le cadre d'une procédure commune avec celle du stockage souterrain).
     Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.
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Séance du 3 mai 1988
Les recherches et développements en matière
de gestion des déchets radioactifs

     Le Conseil a examiné le 3 mai 1988 les actions de recherche et développement (R&D) menées par le CEA dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs, dans le cadre des directives ministérielles exprimées en avril 1985. Ces directives donnaient suite à l'avis formulé le 15 novembre 1984 par le Conseil supérieur de la sûreté nucléaire, qui après avoir discuté le rapport établi sur ce sujet par le groupe de travail ad hoc créé en son sein et présidé par le professeur Castaing, avait souhaité qu'un point sur l'avancement des actions engagées lui fût présenté dans un délai de trois ans.
     Les documents qui ont constitué la base de l'information présentée au Conseil sont, en plus du rapport du groupe Castaing, ceux qui ont été établis par le CEA (datés d'octobre 1985, de février 1987 et de mars 1988) et l'analyse de ces derniers présentée par le Service central de sûreté des installations nucléaires. Le Conseil apprécie vivement la qualité de cette analyse.
     Le Conseil relève l'importance du travail accompli par le CEA, qui a mené la plus grande partie des travaux demandés par les directives ministérielles et a tenu compte de la recommandation d'une ouverture des programmes à la communauté scientifique et aux collaborations internationales. Il estime également que les installations importantes et rénovées (laboratoires Atalante et atelier pilote de Marcoule) dont le CEA se dote, constituent un atout pour la pouersuite des travaux de R&D.
     Le Conseil a noté que, dans un contexte de rigueur budgétaire sévère, le CEA a été conduit à donner la priorité aux études dont les résultats seront utilisés pour les projets industriels actuellement décidés sur celles visant à l'accroissement des connaissances de base ou à l'exploration de voies nouvelles dans la gestion de combustibles irradiés ou des déchets radioactifs. Le Conseil préconise que dans la poursuite du programme, des moyens suffisants soient mis en oeuvre pour permettre un meilleur équilibre entre court, moyen et long terme. S'agissant, en particulier, de la séparation des actinides, le Conseil demande qu'un dossier de synthèse sur les études de faisabilité lui soit présenté dans un délai de deux ans.
     De façon générale, le Conseil fait siennes les principales conclusions qui figurent en tête du rapport qui lui a été présenté.
     Le Conseil recommande tout particulièrement pour la poursuite du programme que:
     - les incertitudes sur la capacité des enrobés de bitume à assurer la sûreté à court, moyen et long terme soient levées dès que possible
     - la réalisation des actions de R&D relatives au stockage en profondeur permette de disposer au moment du choix du site d'implantation d'un laboratoire souterrain, avec le même niveau de confiance pour les différents milieux étudiés, des connaissances et des modèles nécessaires à la compréhension des transferts de radioactivité
     - un effort suffisant soit assuré sur les solutions autres que le retraitement immédiat et le stockage en formations continentales, pour laisser ouverte une liberté suffisante de choix.

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     Le Conseil souhaite, enfin, que la stratégie française actuelle de gestion des déchets de la fin du cycle électronucléaire fasse l'objet d'un document public, s'adressant principalement à la communauté scientifique et comportant, notamment, une évaluation des risques associés aux divers stockages.
B. CENTRALE NUCLÉAIRE
DE CREYS-MALVILLE

     En juillet 1987, à la suite de l'incident du barillet, le chef du service central de sûreté des installations nucléaires a demandé à l'exploitant de la centrale nucléaire de Creys-Malville de présenter, préalablement aux opérations de réparation du barillet, un dossier justificatif des interventions proposées et de procéder au réexamen de la conception et de la réalisation de certains composants. L'exploitant a, en mars 1988, transmis au ministère de l'industrie, des P. & T. et du tourisme, ses propositions en ce qui concerne la reconstitution du barillet, et présenté les conclusions du réexamen du dossier de fabrication de la cuve principale du réacteur. Ces deux thèmes sont développés ci-après, en complément aux informations déjà transmises aux membres du conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire au sujet de l'instruction du dossier de la centrale nucléaire de CreysMalvilie.

A) Reconstitution du barillet
     Nersa a transmis fin mars un dossier comportant la synthèse des anomalies de fabrication rencontrées sur le barillet, la description de la solution choisie pour reconstituer la fonction du barillet et les justifications associées.
     La solution proposée par Nersa prévoit l'utilisation du barillet en gaz neutre, avec réutilisation de la cuve de rétention du barillet comme enveloppe. Le barillet sera utilisé comme moyen de transfert d'un assemblage entre le coeur du réacteur et les installations d'arrivée du combustible neuf ou d'évacuation des combustibles usagés. Le barillet assurait également dans son utilisation en sodium une fonction de stockage. Ce dernier visait à laisser quelques mois les assemblages usagés en sodium, jusqu'à ce que leur puissance résiduelle atteigne le niveau permettant leur transfert vers les installations de lavage. Cette attente sera désormais faite dans le coeur même du réacteur, qui sera donc maintenu plus longtemps à l'arrêt lors des rechargements en combustible neuf.
     Le dossier transmis par Nersa est en cours d'examen par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques. Cet examen porte sur la conception et les conditions de réalisation de la solution proposée. En particulier, il sera vérifié que la sûreté des manutentions proprement dite comme de l'exploitation du réacteur est au moins équivalente à celle qu'assurait le barillet dans sa configuration initiale.
     Par ailleurs est poursuivi l'examen des justifications techniques complémentaires, demandées à Nersa en ce qui concerne l'exploitation du réacteur pendant les périodes des travaux sur le barillet, qui devrait se prolonger jusqu'en 1991.

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B) Réexamen des composants de la centrale nucléaire de Creys-MaIville
     Ce réexamen demandé en juillet 1987 par le SCSIN consistait notamment à vérifier les dossiers de fabrication et à relire les clichés radiographiques de contrôles des soudures. Ce travail a été progressivement réalisé, et environ 10 % des clichés avaient été relus fin novembre 1987 lorsque le ministre de l'industrie, des P et T et du tourisme a demandé, préalablement au redémarrage du réacteur, la poursuite des relectures. Le réexamen a été achevé récemment en ce qui concerne la cuve principale du réacteur.
     Le 14 mars 1988, Electricité de France a informé le service central de sûreté des installations nucléaires des premières conclusions de ces relectures, et une visite de surveillance a été effectuée peu après à la centrale par des inspecteurs des installations nucléaires de base afin d'examiner les résultats obtenus.
     Il est apparu que certains clichés (18) présentaient des indications hors critères. L'existence de telles indications n'est pas en soi alarmante mais elles auraient dû faire l'objet d'un traitement approprié dans le cadre des contrôles de fabrication, soit en procédant à une nouvelle opération de soudage, soit en réalisant une analyse particulière pour justifier le caractère inoffensif du défaut.
     Il y a donc eu des lacunes dans l'organisation des contrôles de fabrication et une enquête est actuellement en cours à ce sujet.
     Il convient de souligner que les indications détectées au moment de la relecture n'avaient pas été vues au moment de la construction. Cette détection est d'ailleurs relativement difficile, et les incertitudes de détection sont prises en compte dans la définition des critères de controles retenus et dans le choix des limites de dimensionnement.
     Par ailleurs, courant mai, sera effectué avec les moyens d'inspection en service (engin MIR) un exainen initial représentatif de la cuve principale du reacteur. Cet examen a pour objectif d'établir un état de référence à partir duquel il sera possible ultérieurement de s'assurer du bon comportement du matériel. Les contrôles effectués par l'engin MIR tiendront compte des indications relevées lors du réexamen précité.


C. RÉUNION DU 19 AVRIL 1988
ACCIDENT DE TRANSPORT
DE PIERRELATTE DU 6/04/88

     L'accident survenu le 6/04/88 près de Pierrelatte concernait un transport par voie routière de substances radioactives.
     Ce transport n'était soumis qu'à la réglementation pour le transport des matières dangereuses car il s'agissait non pas de matières nucléaires mais de vêtements rebutés après utilisation dans une installation nucléaire (essentiellement des gants en vinyl et en coton).
     La réglementation pour le transport par voie routière de matières dangereuses est de la responsabilité du Ministre des Transports. Elle prévoit pour ce type de substance, l'obligation d'effectuer le transport avec emballage agréé (emballage dit de type A). Cette obligation a été respectée dans le cas du présent transport. 

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C'est la raison pour laquelle l'emballage a résisté au choc et a évité toute dispersion de matière.
     Comme ce transport n'était pas soumis à la réglementation des matières nucléaires qui, elle, est de la responsabilité du Ministre de l'Industrie, aucune procédure d'information préalable ou de suivi de ce transport n'était requise.
     L'information sur cet accident a été faite immédiatement sur le plan local par la direction du centre de production nucléaire de Tricastin.

EDF tricastin 7 avril 1988


Communiqué de la direction du centre de production nucléaire du Tricastin

ACCIDENT DE TRANSPORT

     Un camion transportant 150 futs métalliques contenant des déchets technologiques de faible radioactivité en provenance de la centrale EDF du Tricastin et à destination du centre de stockage de la Manche, s'est renversé vers 22 heures le mercredi 6/04/88 à la suite d'un accrochage à la sortie Nord de Pierrelatte sur la RN7.
     A la suite de cet accident qui n'a entraîné de dommage ni pour le conducteur ni pour le chargement, les techniciens de COGEMA, de l'EDF et de la Cellule Mobile d'Intervention de Valence ont vérifié l'absence de radioactivité dans l'environnement.
     Le chargement est en cours de transfert pour retour des futs à la centrale du Tricastin.


LES RISQUES LIÉS À L'HYDROGÈNE
DANS LES CENTRALES NUCLÉAIRES
À EAU SOUS PRESSION

     Les risques liés à l'hydrogène font l'objet depuis plusieurs annees d'études importantes et d'expériences. Ce sujet a été évoqué devant le Conseil en octobre 1986 puis en octobre 1987 lors de la présentation des actions post-Tchernobyl.
     L'état des réflexions techniques est résumé ci-dessous. Il faut tout d'abord préciser que le risque hydrogène ne surviendrait qu'en cas d'accident «ultime» de fusion du coeur. Un tel accident supposerait des défaillances multiples cumulées:
     - défaillance des matériels utilisés en fonctionnement 
normal;
     - défaillance des matériels utilisés en situations accidentelles
     - défaillance des procédures utilisées dans les situations dites hors-dimensionnement.
     Des dispositifs de sauvegarde sont en effet prévus dès la conception des réacteurs afin de faire face à un éventuel accident. Par exemple, en cas de rupture d'une tuyauterie du circuit primaire, le circuit d'injection de sécurité est prévu pour maintenir le refroidissement du coeur.
     Dans le cas très hypothétique où ces dispositifs de sauvegarde, tous redondants, ne fonctionneraient pas, des procédures spécifiques sont prévues pour éviter la dégradation du coeur. 

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Ce n'est qu'en cas d'échec de ces procédures qu'on pourrait assister à une fusion partielle du coeur. Les gaines des crayons combustibles atteindraient alors une températive supérieure à 1'200oC; elles s'oxyderaient au contact de la vapeur d'eau, ce qui libèrerait de l'hydrogène, d'abord dans le circuit primaire puis dans l'enceinte dont la bonne tenue serait alors essentielle.
     On voit donc que le risque hydrogène peut être raisonnablement écarté grâce à l'ensemble des mesures préventives prises. C'est sur toutes ces mesures préventives que l'effort doit être maintenu. Néanmoins, pour connaître les marges dont disposent encore, après de multiples défaillances, les centrales nucléaires, le risque hydrogène a été étudié.
     En ce qui concerne la combustion d'hydrogène, il faut distinguer outre la combustion continue et progressive (qui ne présente aucun risque pour l'enceinte), la déflagration (front de flamme se déployant à quelques mètres/seconde) et la détonation (onde de choc).
     Lors de l'accident de Three Mile Island, il a été observé un pic de pression de 2 bars dû à la déflagration de l'hydrogène présent dans l'enceinte. L'enceinte, similaire aux enceintes françaises, n'a nullement été endommagée par ce pic. Pour les déflagrations les calculs effectués en prenant des hypothèses pessimistes montrent que la résistance mécanique des enceintes est compatible avec les pics de pression susceptibles d'intervenir. Rappelons que les enceintes supportent par conception des surpressions internes de 4 bars relatifs. Des études montrent qu'elles ne subiraient de détériorations rédhibitoires que pour des pressions notablement supérieures (plus du double). Par ailleurs, un phénomène de détonation d'une ampleur susceptible d'affecter l'enceinte n'apparaît pas vraisemblable dans les centrales françaises, compte tenu notamment du volume important, 60'000 m3, de ces enceintes. En outre, des travaux et des essais à grande échelle ont été effectués au niveau mondial. Jamais une détonation de grande ampleur n'a été observée. Cependant, afin d'approfondir la connaissance de ces phénomènes et de définir, si besoin est, des précautions supplémentaires, des recherches se poursuivent en France et à l'étranger pour étudier l'éventualité de détonations localisées.
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LA PROTECTION DES CENTRALES
À EAU SOUS PRESSION
CONTRE LES CHUTES D'AVION

     Dès la conception des centrales, les risques liés à leur environnement sont pris en compte. Ceci a conduit notamment à analyser les conséquences des séismes, des inondations, des chutes d'avion..
     Pour chaque famille d'agression, il a été vérifié que le risque que survienne une conséquence inacceptable pour les populations ou pour les travailleurs était négligeable (un tel événement ne serait susceptible de se produire plus d'une fois tous les 10 millions d'années). Ce risque est moins probable que celui de voir une ville comme Paris détruite par un séisme.
     La chute récente d'un Mirage survenue en Allemagne à deux kilomètres d'une centrale a rappelé l'importance de la prise en compte des chutes d'avion. Si la distance de deux kilomètres peut paraître faible et le risque important, il faut cependant noter que, statistiquement, sur 10'000 avions tombant à moins de deux kilomètres d'une centrale, un seul atteindrait l'enceinte du réacteur.
     L'effet d'une éventuelle chute d'avion sur un bâtiment réacteur est de plus étudié.
     Or, les enceintes des centrales à eau sous pression sont conçues pour pouvoir supporter:
     - une surpression interne de 4 bars
     - une onde de surpression externe (risque lié à une explosion proche)
     - la chute d'un avion de l'aviation générale (monomoteur et bimoteur représentatifs).
     Les études effectuées montrent qu'une enceinte résisterait par exemple à l'impact d'un Mirage à 300 noeuds (environ 540 km/h). Un tel impact est selon toute probabilité plus important que celui du Mirage Fl qui est tombé en Allemagne.
     Enfin, une réglementation stricte interdit tout survol des centrales nucléaires à basse altitude.

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