GAZETTE NUCLEAIRE

UN POINT ACTUEL SUR TCHERNOBYL

TCHERNOBYL OU RÉFLEXIONS SUR LA SÛRETÉ

     Les accidents graves, quel que soit le domaine technologique dont ils relèvent, doivent conduire à une réflexion afin de pouvoir en tirer des enseignements permettant d'en éviter la reproduction.
     L'accident survenu à la tranche 4 de la centrale de Tchernobyl doit donc être analysé dans cet esprit. Ce réacteur du type RBMK 1000 est un réacteur du type neutrons lents, le modérateur est le graphite, l'eau étant le caloporteur (extracteur de chaleur). L'eau circule dans des tubes contenant les éléments combustibles.
     La caractéristique suivante est qu'il s'agit d'un type «eau bouillante», c'est-à-dire que la vapeur est produite directement au niveau du coeur.
     A partir de ce descriptif, il faut chercher sur quels points il est possible d'étudier les autres réacteurs et rechercher les analogies voire les ressemblances de conception.
     - le graphite et les risques de combustion
     - les enceintes de protection
     - les effets physiques
     - les facteurs humains
     Nous ajouterons un dernier aspect : dans quelle mesure les enseignements tirés d'un précédent accident TMI (1979) ont-ils été pris en compte pour le parc EdF ?

1. Le graphite et les risques de combustion
     En France, il y a encore en service 3 réacteurs du type UNGG utilisant le graphite comme modérateur: Saint Laurent A1 et A2, Bugey 1. De plus, Chinon A3, arrêté pour raison de vétusté, est actuellement en cours de réfection pour une éventuelle remise en état.
     La justification de ces travaux n'est pas très convaincante, certes cela permet la mise au point de robot mais ce réacteur n'est pas indispensable à la production d'électricité et son caisson de confinement n'englobe pas une partie du circuit primaire. Il paraît après analyse que ce réacteur sera utilisé pour produire du plutonium de qualité militaire, or sa sûreté doit être analysée hors de toute pression.
     Les risques de combustion du graphite sont bien connus depuis l'accident de Windscale (1957). Il semblait que les mesures appropriées avaient été prises sur tous les réacteurs de ce type existant au monde. En particulier les températures de fonctionnement choisies étaient suffisamment élevées pour minimiser les relâchements d'énergie (effet Wigner) responsables de l'embrasement à Windscale. Par ailleurs, si dans le cas d'un RBMK l'interaction eau-graphite produit du méthane inflammable, dans les UNGO l'interaction CO2-graphite produit du monoxyde de carbone (CO) non moins inflammable.
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Il est donc souhaitable (et c'est le moins) que la sûreté des réacteurs UNGG soit réévaluée par rapport aux risques d'incendie du modérateur.

2. Les enceintes de protection (les barrières)
     Nous avons, en France, 3 familles de réacteurs. Les UNGG (4), les REP (39) et les RNR (2) dont les fameuses barrières sont différentes bien que basées sur la même philosophie des barrières emboîtées les unes dans les autres (à l'instar des poupées... russes) formant des enveloppes successives.
     Les RMBK sont pourvus d'une logique de barrière de protection différente, comprenant des volumes distincts pour lesquels le confinement est dimensionné en fonction des risques propres à chaque zone.
    Toutefois, il existe une analogie entre RBMK et UNGG: l'existence d'une machine de chargement qui permet d'accéder, extérieurement à la dernière enceinte, aux canaux contenant le combustible et ce sans pour autant arrêter totalement le fonctionnement du réacteur. Les bouchons des canaux sont autant de traversée des deux dernières barrières.
     Quant à Chinon A3, ses circuits de gaz caloporteur primaire sont extérieurs au caisson de confinement et à ce sens semblent moins;protégés que les RBMK.
     Il faut aussi noter que les missiles projetés par la première explosion de Tchernobyl (explosion purement nucléaire «excursion surcritique prompte» pudiquement dénommée excursion de puissance) ont perforé les différentes couches de béton de protection supéneure et que la deuxième explosion (explosion vapeur, explosion hydrogène) a déplacé la dalle de protection et détruit les structures supérieures du réacteur. Une explosion du même type ne serait probablement pas confinée ni par les enceintes des REP ni d'ailleurs par celles du RNR de Creys-Malville.
     L'analyse de sûreté de Chinon A3 doit être entièrement reprise afin d'y intégrer au moins la conception actuelle en matière de barrière.
     L'analyse de sûreté des réacteurs UNGG, REP et RNR doit prendre en compte la tenue du confinement en cas d'excursion surcritique prompte.

3. Effets physiques
     Les réacteurs du type RBMK présentent les caractéristiques suivantes:
En cas de perte du fluide caloporteur dans un canal contenant le combustible, la réactivité du réacteur, c'est-à-dire sa puissance, croît. Le terme technique employé est «avoir un coefficient de vide positif». Cet effet physique existe aussi dans les réacteurs à neutrons rapides tel Superphénix.
     L'explosion nucléaire qui a eu lieu dans un premier temps à Tchernobyl s'est produite parce que, à la suite de conditions expérimentales erronées, le réacteur s'est trouvé dans une configuration d'accroissement de réactivité. Au cours de cette montée de puissance, le seuil surcritique prompt a été franchi, seuil au-delà duquel la puissance s'accroît d'un facteur 2 en environ 1 millième de seconde au lieu des quelques secondes auparavant. Les barres d'arrêt d'urgence dont la vitesse de chute est 0,4 m/sec tombent en environ 20 sec. 

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Ceci explique pourquoi la puissance du réacteur est passée de 200 MWth à 370.000 MWth en moins d'une seconde, conduisant à une expulsion du combustible.
     Si on veut comparer avec un RNR, il faut se souvenir que la constante de temps de doublement au dessus du seuil surcritique prompt est de l'ordre de 10-5, 10-6 secondes (soit quelques millionièmes de seconde).
     Pour Phénix, par exemple, la durée de la chute des barres est de 0,4 sec. et dans ces conditions la croissance de puissance sera bien supérieure à celle qui a provoqué la première explosion de Tchernobyl.
     Pour Superphénix, compte-tenu de la dimension du coeur, les barres sont totalement inserrées en 2 à 3 secondes. Compte-tenu de la constante de temps 10-5, 10-6 l'explosion est également inévitable car s'il faut 20 secondes dans un RBMK pour insérer les barres, l'accroissement de puissance est en millième de seconde. La réaction est donc plus rapide dans le RNR d'un facteur 1.000 au moins même avec une vitesse d'insertion 100 fois plus rapide.
     Les spécialistes russes ont décidé d'étudier des barres d'arrêt d'urgence à injection rapide.
     Une étude des barres d'arrêt à insertion rapide doit être étudiée pour les RNR.
     Dans l'attente de la mise en plaoe de ces barres, des mesures conservatrices de sûreté doivent être prises par les autorités de sûreté.

4. Le facteur humain
     Le recours au facteur humain pour expliquer les enchaînements d'accidents est un peu facile. C'est à la fois une notion essentielle et traitée de façon trop simpliste. L'accident de Tchernobyl, une fois de plus, démontre que les consignes données aux opérateurs peuvent être aberrantes et conduire à une catastrophe et qu'à force d'être trop sûr, on les démotive.
     En effet, sur le réacteur russe, les opérateurs ont arrêté tous les systèmes de sécurité pour pouvoir mener à bien un programme d'expérimentation, programme dont les auteurs n'étaient plus présents sur le site, programme pour lequel on leur a donné des consignes démentes.
     En effet, l'analyse de la séquence montre qu'il n'y a eu qu'une erreur opérateur, pour le reste ils ont suivi une procédure fausse. Ils avaient une confiance totale et n'ont pas su estimer la situation. En avaient-ils d'ailleurs les moyens?
     A TMI, c'était déjà une suite d'erreurs qui avaient conduit à l'accident. Mais il s'agissait d'erreurs de conception qui ont mis le réacteur hors service. Les opérateurs, par contre, ont finalement bien réagi et leurs interventions ont sauvé la situation.
     Le fameux facteur humain peut intervenir à tous les niveaux:
     - conception
     - réalisation
     - fonctionnement
     Si plusieurs se combinent et c'est le cas des incidents graves, on peut aboutir au drame.
     C'est pourquoi la sûreté exige des organismes indépendants et des moyens de pression réels sur les constructeurs et exploitants. Sinon la tentation est grande d'une part de minimiser, d'autre part de ne pas prendre en compte les observations des responsables de la sûreté.

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5. La prise en compte des enseignements de TMI
     Cet accident survenu sur un réacteur type REP, c'est-à-dire d'une série voisine de celles des réacteurs français, a permis de mettre en évidence, mis à part ce fameux facteur humain, des défaillances de certains équipements.
     Or, dans les analyses de séquences accidentelles, la probabilité que certains équipements tombent en panne est assez grande, on peut éviter l'accident par la redondance des appareils, TMI a justement montré que cet espoir n a pas de sens.
     En particulier des soupapes se sont bloquées en position ouverte et cela a entraîné la dépressurisation du coeur du réacteur. Or nous utilisons des soupapes du même type en France, des mesures provisoires ont été prises sur les circuits de pressuriseur, améliorant la situation mais la véritable solution est la mise au point de nouvelles soupapes. De même, on avait pu constater des défauts de conception dans le système de signalisation et d'alarme en salle de commande. L'incident de perte d'alimentation à Bugey 5 en 1984 a permis de constater que 5 ans après on n'avait toujours pas remédié à ces défauts.
     EDF, en 1986, avait fortement diminué l'effort budgétaire consacré à la mise en oeuvre des mesures post TMI. L'accident de Tchernobyl aura au moins permis de faire revenir cet effort pour 1987 au niveau de 1985 (!) montrant d'ailleurs, par là même, que l'on est loin d'avoir mis en oeuvre tout ce qui devait l'être.
     Souhaitons que les efforts post Tchernobyl ne soient pas majoritairement consacrés à essayer de prouver que «cela ne peut pas arriver aux réacteurs français et qu'en conséquence nous n'avons rien à entreprendre».

TCHERNOBYL : UN PREMIER BILAN SUR LA SANTÉ

     Les experts soviétiques ont fourni en août un rapport sur l'accident de Tchernobyl lors de la Conférence Internationale de Vienne (AIEA, 25-29 août 1986). En addition au rapport proprement dit il y avait 7 annexes spécialisées. La dernière de ces annexes concernait les «problèmes médicaux-biologiques». Les organismes officiels français ont diffusé le rapport soviétique sauf l'annexe médicobiologique. Pour l'obtenir nous avons dû la réclamer directement à l'Agence Internationale de l'Energie Atomique à Vienne. Il y a là un véritable acte de censure pratiqué par les responsables français vis-à-vis d'informations particulièrement importantes en provenance d'URSS, et cela au moment où le gouvernement insiste sur la nécessité d'informer le public. On voit là le sens qu'il faut attribuer à cette idée d'«informer».
     Cette annexe 7 est particulièrement importante pour évaluer les conséquences de l'accident de Tchernobyl. C'est une contribution essentielle pour répondre à la question: l'accident de Tchernobyl est-il une catastrophe ? Il permet aussi de se rendre compte d'une façon concrète des problèmes posés par la protection de la population en cas de crise nucléaire.
     L'annexe sur les problèmes médico-biologiques comporte quatre parties:
     1. les effets aigus sur les personnes qui sont intervenues pendant l'accident.

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     2. les doses reçues par les populations.
     3. l'organisation des examens médicaux pour la population des régions voisines de Tchernobyl.
     4. le programme à long terme pour le suivi médical des populations.
     La première partie de l'annexe donne des détails sur les mesures effectuées sur les malades très fortement irradiés ainsi que sur les soins apportés. En ce qui concerne les greffes de moelle sur les personnes très fortement irradiées (doses supérieures à 600 rem) les conclusions sont très pessimistes:
     «Dans les accidents de rayonnement, la proportion des malades pour lesquels une greffe allogène de moelle osseuse est absolument indiquée et pour lesquels ce traitement serait sûrement bénéfique, est très faible.»
     Pour des doses de l'ordre de 600 à 800 rem, «une greffe peut prendre, mais cette greffe aura toujours un effet négatif en terme de thérapeutique et même mettra la vie du malade en danger par suite d'un fort risque d'un développement de maladies secondaires».
     La solution retenue par les Soviétiques d'effectuer des greffes de moelle sur des malades non typés a été très fortement critiquée par le Dr Jammet qui préconisait des transfusions sanguines. A très court terme cela peut éviter des complications mais à long terme on ne voit pas comment cette méthode peut régénérer la moelle chez des malades dont la quasi totalité de la moelle est détruite. Le Dr Jammet n'a pas donné d'indication sur ce point.
     D'autres experts ont avancé comme solution possible des auto-greffes de moelle prélevée avant les accidents sur les individus susceptibles d'être irradiés pendant leur intervention sur les réacteurs en détresse. Cette solution a peut-être un intérêt théorique mais on voit mal les modalités de son application pratique dans les centres nucléaires.
     A la lecture du rapport soviétique, l'enseignement de Tchernobyl pour les effets aigus du rayonnement, est le suivant: en cas d'accident grave sur un réacteur nucléaire, si des interventions rapprochées sont nécessaires pour éviter le pire (pompiers, techniciens, etc...), les chances de survie de ceux qui auront été fortement irradiés sont extrêmement faibles.
     Les deux derniers chapitres du rapport soviétique sont peu détaillés. Par contre la deuxième partie de l'annexe donne des informations intéressantes pour estimer les effets cancérigènes à long terme de l'accident. Signalons au préalable que le rapport est totalement muet en ce qui concerne les effets génétiques de la catastrophe sur les générations futures.
     Tout d'abord, il faut signaler que le nombre de mesures rapportées est considérable. Elles ont commencé très tôt après l'accident et sur une zone très étendue autour de la centrale.

1. Population évacuée
     La zone évacuée s'étend sur 30 km autour de la centrale, avec une population de 135.000 personnes. Les doses de rayonnement externe reçues par cette population sont assez fortes bien que l'évacuation se soit effectuée assez rapidement (36 heures).

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     Le tableau suivant extrait du rapport soviétique résume la situation pour les doses de rayonnement externe reçu par la population évacuée:

     Si les doses indiquées pour le voisinage immédiat du site sont faibles c'est que les 45.000 habitants de la ville de Pripyat qui se trouve dans ce voisinage ont été évacués assez rapidement. Au moment de l'évacuation les débits de dose dans les rues de Pripyat étaient compris entre 0,3 et 1 rem/heure.
     Ceci montre clairement qu'en cas d'accident le confinement des populations au voisinage du site n'est pas la solution-miracle sur laquelle comptent les responsables de la sécurité civile. Des décisions doivent être prises très rapidement et elles doivent s'appuyer sur des mesures de rayonnement nombreuses et fiables. Il faut évidemment que les autorités qui auraient à prendre ces décisions soient conseillées par des gens dont la compétence ne se limite pas qu aux relations publiques.
     Seule l'irradiation externe en provenance du nuage radioactif a été prise en compte pour l'évaluation des doses reçues par la population évacuée. La contamination interne par inhalation a été négligée bien qu'elle ait été assez importante. Par exemple à Pripyat l'activité totale de la radioactivité béta dans l'air était de 15.000 Bq/m3 soit en prenant le modèle standard pour l'homme adulte (20 m3 d'air inhalés par jour) une incorporation par inhalation de 300.000 Bq en 24 heures.
     La contamination du sol au voisinage du site a été considérable. La mesure, rapportée pour le trêfle donne une activité de 443.000 Bq/kg répartie sur une douzaine d'éléments, dont 50.000 Bq/kg pour l'Iode 131 et 21.000 Bq/kg pour les Césium 134 et 137.
     La population évacuée constitue un ensemble bien identifié pour lequel les doses individuelles sont probablement assez bien connues. Il pourrait être possible en suivant cette population sur les 50 ans à venir de déduire d'une façon assez précise le facteur de risque du rayonnement. Evidemment il va falloir attendre 50 ans que tous les cancers se soient exprimés. La cohorte est environ 1,5 fois plus importante que la cohorte de l'étude des survivants japonais de Hiroshima et Nagasaki. D'autre part elle a l'avantage (!) de ne pas comprendre des survivants de villes totalement détruites par les bombardements et des individus ayant reçu des doses très fortes (de 100 à 200 rem).

2. Estimation pour l'ensemble de la population
     Les Soviétiques indiquent dans leur rapport qu'ils adoptent le facteur de risque recommandé par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) pour estimer les conséquences pour la population.

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     Nous avons résumé l'ensemble de leurs estimations dans le tableau suivant qui concerne la population d'Ukraine et de Biélorussie (75 millions d'habitants):

* Ces nombres sont explicitement indiqués dans le rapport. Les autres sont calculés à partir du facteur de risque recommandé par la CIPR.
     Le total des morts dans les 50 ans à venir serait de l'ordre de 40.000.
     Il faut ajouter que les Soviétiques indiquent qu'ils n'ont pas tenu compte du Strontium 90. En effet, il n'est pas possible de calculer dès maintenant le cycle du Strontium, plus lent que celui du Césium. D'autre part les données manquent pour le Strontium. Mais il est possible, toujours d'après les experts soviétiques, que dans quelques années le Strontium soit une composante non négligeable de la contamination radioactive*.
     Le Ruthénium 106 et le Cérium 144 ont été négligés. Ces radioéléments ne donneraient qu'un effet dû à la contamination surfacique des végétaux (à court terme). L'absorption par les racines ne représenterait que 10 à 20% de la quantité déposée de ces éléments. Il est difficile de savoir si cette procédure est totalement justifiée car il y a peu d'informations concernant ce problème.
     Pour les 75 millions d'habitants considérés, la dose moyenne individuelle efficace (au sens de la CIPR) est de 3,3 rem. Il serait assez étonnant que la dose efficace pour les 205 millions de Soviétiques qui vivent hors d'Ukraine et de Biélorussie tombe brutalement à zéro ! Même si la dose est plus faible, comme elle affecte une population 2,7 fois plus élevée, l'effet existe et peut ne pas être négligeable. Enfin signalons qu'évidemment le rapport soviétique ne donne pas d'évaluation de l'effet de la catastrophe sur le reste de l'Europe (hors URSS) ce qui concerne 490 millions de personnes.
     Les experts soviétiques ont négligé plusieurs composantes dans leur évaluation des doses collectives qui ont résulté de la catastrophe. Il est évident que les problèmes posés par une contamination de ce type sont considérables et qu'il y a de nombreux points très mal connus. D'une façon générale le rapport soviétique est assez remarquable, surtout si l'on prend en compte qu'il était destiné à une très large diffusion. Nous n'avons aucune raison de suspecter les Soviétiques d'avoir surestimé les effets de la catastrophe. Si nous pensons que leur évaluation est sous-estimée c'est à partir des renseignements que nous avons pu trouver dans leur rapport.


* La préoccupation actuelle des russes est le plutonium. Une quantité non négligeable est partie dans le nuage en très fines particules et est difficile à déceler.
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3. La règlementation adoptée pour la contamination des aliments
     Le rapport donne peu d'indications sur la réglementation qui a été adoptée pour la contamination admissible des aliments. il est indiqué que le 1er  mai le lait a été réglementé à 3.700 Bq/litre maximum (l'accident a eu lieu dans la nuit du 25 au 26 avril). Des normes générales ont été fixées le 30 mai sur la base d'une dose maximum de 5 rem pour la population. Le rapport malheureusement ne donne aucun détail sur les modèles qui ont été retenus pour fixer la contamination admissible des aliments ni d'ailleurs les valeurs de celle-ci.
     Il semble évident que ce point n'a pas été la préoccupation majeure des autorités soviétiques dans les jours qui ont suivi la catastrophe. Ceci est compréhensible car le souci majeur demeure de pouvoir assurer l'alimentation de la population surtout si l'on ne dispose pas de stocks importants (mais est-ce possible) ou de moyens financiers suffisants pour s'approvisionner à l'étranger. Une réflexion sur ce sujet non seulement parmi les experts mais aussi dans l'ensemble de la population serait particulièrement utile pour définir un peu mieux les critères «d 'acceptabilité» de l'énergie nucléaire.

4. La réaction des experts français
     Les experts français ont été très mécontents de la publication faite par les Soviétiques. Quand ceux-ci ont annoncé leur estimation de 40.000 morts à la conférence de Vienne à l'AIEA en août, des délégués occidentaux, d'après les articles publiés dans les journaux, ont protesté. Leurs estimations étaient inférieures à 2.000 morts mais jusqu'à présent nous n'avons pas eu connaissance de rapports justifiant ce nombre. Il semble bien que pour ces experts cette valeur de 2.000 correspond à un «seuil» que la population peut accepter sans trop de difficulté (pour Bhopal l'estimation est de 2.500 morts).
     Mr Cogné, Directeur de l'institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN), l'organisme technique de la Sûreté nucléaire en France, a développé d'une façon claire ses conceptions concernant l'information. Voici ce qu'il a écrit dans la revue des Annales des Mines de novembre 1986:
     «Il convient maintenant de tirer tous les enseignements pertinents de la catastrophe de Tchernobyl. A cet égard, je remarquerai tout d'abord que, globalement, le bilan de l'utilisation de l'énergie nucléaire reste, par comparaison avec d'autres sources d'énergie, positif sur le plan de la sûreté; mais il faut que cette réalité soit perçue par l'opinion publique, faute de quoi la pression de cette opinion sur le pouvoir politique risquerait de conduire à des décisions dont les conséquences seraient sans commune mesure avec la réalité des risques. La tâche de formation et d'information doit être considérée par tous ceux qui ont des responsabilités dans l'utilisation de l'énergie nucléaire comme une de leurs missions fondamentales. Pour cela, il faut notamment éviter de mettre sur la place publique des informations tronquées: c'est ainsi qu'il est excessif de vouloir avancer un nombre de décès par cancer calculé en utilisant des hypothèses non confirmées dans l'état actuel de nos connaissances, les facteurs de risque de cancers radioinduits pris en compte correspondant à des valeurs volontairement surestimées dans un but de radioprotection et de limitation de l'exposition. De même, sur le plan de la protection de la santé publique, des données autres que purement médicales ont compliqué le débat portant sur la fixation des valeurs maximales de contamination des végétaux et du lait. 

suite:
Sur ces sujets, un consensus international doit être recherché, fondé sur des données scientifiques objectives.»

     Signalons tout d'abord que nous ne savions pas que l'information faisait partie des attributions de l'IPSN et de son Directeur. Nous pensions que la «mission fondamentale» de cet Institut concernait la Sûreté nucléaire.
     Pour regagner la crédibilité qu'elles ont perdu par leur gestion de l'accident de Tchernobyl, les diverses administrations essaient actuellement d'«informer». Il faut informer, mais il ne faut surtout pas publier une estimation du nombre de morts causés par l'accident. Il ne faut surtout pas utiliser le facteur de risque recommandé par la Commission internationale de Protection Radiologique. Nous aimerions que Monsieur Cogné nous indique clairement le facteur de risque qu'il prend pour effectuer ses estimations de mortalité post-accidentelle et aussi sur quelles bases il s'appuie pour justifier son facteur de risque.
     Mr Cogné n'est pas le seul à vouloir éviter de mettre sur la place publique une estimation des morts différés par cancer suite à l'accident de Tchernobyl. A la réunion du Conseil de l'Europe qui s'est tenue à Paris les 8 et 9 janvier, les parlementaires européens ont abondamment entendu parler des 29 morts par irradiation aiguë - 29 morts de trop et de mort horrible - mais l'accord était parfait entre Mr Rosen, un des Directeurs de l'AIEA, et Mr Semionov, un des plus hauts responsables de l'énergie nucléaire en URSS, pour ne jamais parler des effets différés liés à l'accident de Tchernobyl. C'est beaucoup plus commode. Mr Semionov semble ignorer le rapport remis par les Soviétiques à la conférence de l'AIEA en août dernier

5. Les normes de contamination «admissible» des aliments
     Les officiels français développent une argumentation que nous devons dénoncer contre les normes adoptées par la Commission Européenne. D'après eux, ces normes n'auraient qu'une base économique. Il est évident que des considérations économiques n'ont pas été étrangères à la fixation de ces normes. Mais cela justifie-t-il l'accusation que ces normes n' auraient aucun fondement «scientifique» ? Prenons l'exemple des Césium. La limite maximum d'incorporation annuelle recommandée par la CIPR est de 300.000 Bq. Cette valeur, pour la CIPR, est la limite dite «acceptable». Elle correspond à une dose efficace de 0,5 rem (5 mSv). Elle donne une limite journalière de 820 Bq. Compte tenu de la période des Césium, il n'y a aucune chance que leurs effets disparaissent en quelques jours. Si l'on prend une quantité d'éléments ingérés de 1,5 kg par jour on arrive aux 600 Bq/kg des normes européennes. Il s'agit donc là de la limite «acceptable» au sens de la CIPR, mais cette valeur n'est pas acceptée par les «responsables» français qui la trouvent trop basse. En cas d'accident nucléaire en France, toute l'agriculture française aurait des taux de contamination trop élevés. Lorsqu'on connait l'attitude du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants et de son Directeur le Professeur P. Pellerin, on peut s'interroger si ce Service appartient bien au Ministère de la Santé publique ou au Ministère de l'Agriculture. Les valeurs que Mr Pellerin veut imposer pour la contamination maximum des aliments ne sont finalement fondées que sur des considérations économiques et non pas sur des considérations scientifiques pour la défense de la santé publique.

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     En affirmant que la fixation d'une norme de contamination des aliments n'est qu'un problème scientifique, Mr Cogné affirme que ce n'est pas un problème qui concerne le public ou sa représentation politique. Un tel mépris de la démocratie est assez étonnant, d'autant plus qu'il ne semble pas soulever l'indignation des médias ou des pouvoirs politiques dont l'importance est réduite totalement à zéro.
     Le débat démocratique sur l'énergie nucléaire n'a toujours pas eu lieu et les promoteurs du nucléaire affirment très fortement qu'il ne doit pas avoir lieu. Il est évident qu'ils craignent que ce débat introduise pour eux des contraintes très sévères qui compromettraient fortement le développement de l'énergie nucléaire.

6. L'importance de l'effet biologique des faibles doses pour l'acceptabilité de l'énergie nucléaire
     L'accident de Tchernobyl montre très bien l'importance qu'a le facteur de risque du rayonnement aux faibles doses sur l'acceptabilité de l'énergie nucléaire.
     Différentes attitudes sont possibles vis-à-vis des effets cancérigènes et génétiques des faibles doses de rayonnement.     
     Nous pouvons les résumer ainsi :
     1) le facteur de risque de la CIPR 26 n'est pas accepté car il est considéré comme surestimant fortement les effets cancérigènes. On adopte éventuellement un modèle à seuil qui conduit à un nombre de morts très faible, voire nul, en cas d'accident majeur. Il ne peut pas, dans ce cas, y avoir de catastrophe nucléaire. Evidemment avec cette conception il est difficile de comprendre pourquoi il a fallu évacuer 135.000 personnes autour de Tchernobyl et pourquoi ces gens ne peuvent pas revenir chez eux 9 mois après l'accident.
     2) le facteur de risque recommandé par la CIPR est de 1,67 mort pour 10.000 homme x rem de dose collective.
     Pour Tchernobyl, nous l'avons vu, cela conduit à environ 40.000 morts.
     3) Si l'on adopte les résultats trouvés par Mancuso, Stewart et Kneale dans l'étude des travailleurs de l'usine américaine de Hanford, il faut multiplier ce dernier chiffre par 10. On arrive à 400.000 morts.
     Si on adopte le modèle du risque relatif, les résultats sont encore plus graves. Ce modèle implique que l'effet du rayonnement dépend non seulement de la dose reçue mais aussi de facteurs tels que l'âge, l'état de santé de l'individu etc... Avec ce modèle il faudrait prendre un facteur compris entre 20 et 30 par rapport à la CIPR. L'«accident de Tchernobyl avec cette hypothèse ferait entre 800.000 et 1,2 millions de morts en Ukraine et Biélorussie. Il s'agirait alors bien d'une véritable catastrophe.
     Tels sont les enjeux actuels du débat sur les effets biologiques des faibles doses de rayonnement. On voit immédiatement qu'il ne s'agit pas là d'un débat purement académique. Il s'agit de l'avenir de l'énergie nucléaire comme «acceptable» et du jugement que l'on peut porter sur les technocrates qui ont promu ce type d'énergie. Ce débat ne peut pas avoir la sérénité des débats sans conséquences sociales. C'est en ayant ces considérations en tête qu'il faut suivre les discussions d'experts sur l'effet cancérigène des faibles doses de rayonnement.

suite:
LE FACTEUR DE RISQUE DU RAYONNEMENT ET LES RECOMMANDATIONS DE LA CIPR

     L'évaluation des conséquences à long terme de l'accident de Tchernobyl a montré l'ignorance de la plupart des officiels vis-à-vis des recommandations de la CIPR 26. Nous donnons ici un bref résumé des concepts de la Commission Internationale de Protection Radiologique, en particulier du concept de «dose efficace». (La validité des facteurs de risque pris en compte par la CIPR est un autre problème que nous n'abordons pas ici).
     Tout d'abord, l'hypothèse retenue pour les effets biologiques est:
     - il n'y a pas de seuil de dose en dessous duquel l'effet est nul
     - l'effet est proportionnel à la dose reçue
     Pour évaluer l'effet d'une irradiation sur une population donnée, il faut d'abord déterminer la dose collective reçue, c'est-à-dire la somme de toutes les doses individuelles.
     1) S'il s'agit d'une irradiation uniforme du corps entier (c'est généralement la cas pour l'irradiation externe par un nuage radioactif) les facteurs de risque de la CIPR sont pour une dose de 10.000 rem:
     - 1,25 mort par cancer
     -0,42 mort par défauts génétiques pour les 2 générations à venir.
     Le détriment total est ainsi de 1,67 mort pour 10.000 rem (100 Sv)
     2) S'il s'agit de l'irradiation (interne ou externe) d'un organe particulier, la CIPR donne le facteur de risque correspondant qui dépend évidemment de l'organe, voir tableau:

Nota: Le risque global pour un organe est égal au produit du facteur WT correspondant par le risque global corps entier (1,67.10-4).

     La CIPR définit la dose efficace. C'est la dose d'irradiation uniforme du corps entier H0,T qui donnerait le même nombre de morts (cancers + effets génétiques) que l'irradiation de l'organe par la dose considérée HT. On passe de l'une à l'autre à l'aide d'un coefficient WT tabulé par la CIPR pour les différents organes (H0,T = WT . HT)
     3) Lorsque plusieurs organes sont engagés (c'est le cas par exemple de la contamination par plusieurs radionucléides qui ont des affinités particulières pour certains organes) la dose efficace totale est la somme des doses efficaces des organes pris séparément. Ceci permet de caractériser l'état d'irradiation par une seule valeur numérique d'où l'on peut déduire le détriment.
 

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     Le détriment total s'obtient en multipliant la dose efficace par le facteur de risque total (1,67 pour 10.000 rem). Il n'est plus possible, lorsqu'on ne connait que la dose efficace, de séparer les morts par cancer et ceux par effets génétiques. Par contre si l'on sait que les organes touchés ne comprennent pas les gonades, il est évident que les conséquences ne comporteront pas d'autres morts que les cancers.
     Dans l'exemple de Tchernobyl et de l'estimation des doses collectives par les experts soviétiques, on peut dire que l'irradiation externe donnera:
29.106 x 1,25.10-4 = 3.630 morts par cancer
     Pour l'effet du césium, la dose indiquée de 210 x 106 rem est la dose efficace, il lui correspondra donc:
210 x 106 x 1,67.10-4 = 35.070 morts
     Si le césium n'affecte pas les gonades, ces morts seront des cancers.
     En ce qui concerne l'iode, on suppose qu'il n'agit que sur la thyroïde (ce n'est pas forcément vrai mais c'est là un autre problème). Le coefficient WT pour la thyroïde est 0,03. Cela signifie qu'une dose thyroïde de 300.106 rem sera équivalente (au sens de la CIPR) à une dose efficace de 300.106 x 0,03 = 9.106 rem. Le facteur de risque pour la thyroïde est de 5 morts pour 1 million de rem. Ainsi on trouve en utilisant la dose organe:
300 x 106 x 5.10-6 = 1.500 morts et en utilisant la dose efficace:
9.106 x 1,67.10-4 = 1500 morts.
     Le système de la CIPR est un peu compliqué mais il a une cohérence interne. Il est fondé sur le fait que la CIPR a jugé que l'estimation du détriment du rayonnement doit prendre en compte la totalité des morts, c'est-à-dire que les morts des générations futures ont la même importance que les morts par cancers radioinduits. Ce concept n'est pas facilement accepté par notre société qui a généralement tendance à négliger délibérément l'effet mortel du rayonnement pour notre descendance.

Nota: A propos des effets génétiques, l'article 60 de la CIPR 26 donne les indications suivantes : «Cependant, lorsqu'il s'agit d'évaluer le détriment total dû aux rayonnements qui résulte pour une population d'une exposition donnée, il faut également tenir compte du risque total de dommage héréditaire qui pourra se manifester dans toutes les générations qui suivront. On considère que ce risque, par unité de dose, est egal à environ deux fois celui qui se manifeste uniquement dans les deux premières générations.»
     Cela donnerait, dans le cas d'expositions professionnelles, un facteur de risque de 8 morts pour 100.000 rems. Dans le cas de la population dans son ensemble, la structure en âge est différente et d'après l'article 4 le facteur de risque serait égal à environ 20 morts pour 100.000 rems. Bien entendu, il s'agit là de l'évaluation officiellement admise.

début p.26
BREVES
 
     Une conférence internationale sur les effets biologiques des rayonnements ionisants (BEIR Conference) s'est tenue à Londres les 24-25 novembre 1986. Elle avait la particularité inimaginable, pour nous Français, d'être organisée par les Amis de la Terre Anglais et Greenpeace International, et d'être présidée par le Professeur Sir Richard Southwood, membre de la National Radiological Protection Board (NRPB) dont l'équivalent français correspondent à notre SCPRI et à une fraction de l'IPSN (Institut de Protection et Sûreté Nucléaire; CEA).
     Plusieurs membres de la NRPB participaient à la conférence ainsi que des experts de la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique).
     Les interventions de ceux qu'on qualifie habituellement de pronucléaires et d'opposants se sont alternées toutes les 30 minutes (discussion comprise) dans une atmosphère de fair-play assez stupéfiante. Les gens restent sur leurs positions mais au moins là-bas le dialogue est possible.
     Retenons que l'effet cancérigène des faibles doses de rayonnement, y compris le rayonnement naturel, est évident pour TOUS les participants. Le problème qui subsiste est celui de son importance. La radioactivité naturelle ne peut plus être prise comme référence d'innocuité des rayonnements à faible dose. Il nous a semblé se dégager un consensus en faveur d'une demande de révision en baisse des normes de la CIPR et d'une modification des concepts de la radioprotection.
     Signalons la très importante intervention du syndicaliste David Gee («General and Municipal Workers Union») demandant une réduction immédiate des normes annuelles de 5 rem à 1 rem pour les travailleurs du nucléaire et pour la population de 500 à 25 millirem. Il demande que des représentants des travailleurs et de la population soient consultés par la CIPR avant que des décisions soient prises.
     Une excellente revue du paysage politique de Grande-Bretagne vis-à-vis du nucléaire dans le dernier Bulletin no 15/16 de WISE-Paris (4, rue Dunois 75013 Paris) permet de comprendre qu'une telle conférence ait pu se tenir à Londres.
fin p.26

Nouvelles de la contamination en Norvège
d'après les journaux

 
Fruits et légumes
     Les fraises du Sud-Tröndelag étaient 10 à 15 fois plus radioactives que celles du Sud-Est (200 Bq/kg contre 15 Bq/kg).
     Multes = fruits des marécages. Fortement radioactives en Suède; vente et exportation interdites.
     Mesures de fraises, myrtilles, champignons et multes pas encore effectuées en Norvège le 10 août.

Lait de chèvre
     500 Bq/kg atteints dès le début de juillet. Interdit à la vente, sauf pour alimentation des animaux à fourrure. La production du fromage de chèvre est interdite sauf pour consommation familiale.

Lait de vache
     La radioactivité des laits de vache a augmenté régulièrement depuis le début de l'été. La valeur limite a été fixée à 370 Bq/l. Au début août, les laits de la région de Valdres atteignaient 430 Bq et leur vente pour consommation humaine est désormais interdite. La production de cette région est de 250.000 litres par semaine.

Poissons
     Truite d'élevage: absence de radioactivité anormale.
     Poissons sauvages de lacs et de rivières: la radioactivité a régulièrement augmenté au cours de l'été (multipliée par 2 ou 3 en un mois).
     Début juillet, sur 178 analyses, 33 poissons contenaient plus de 1.000 Bq/kg de Cesium 134-137. Dans les régions atteintes, la vente du poisson a été interdite et il est recommandé de n'én consommer qu'une fois par semaine.
     Il y a d'importantes variations entre les différents lacs d'une même région.
Exemples:
Poissons de                  Nb de Bq au kg
Verdal                          9330
Nord-Gudbrandsdal     4040
Mosjöen                      1570
Halnefjorden                1100
Olevatn (Valdres)      17.000
Vaga                           3610
Beitostólen (Valdres) 16.500

viande de mouton:
Région                        Bq/kg
Namdal                      4920
Sud-Gudbrandsdal     3200
Nord-Osterdal           1380
Valdres                        938
Valdres                      1395
Valdres                      3570
Valdres                      4220*
Valdres                      4800*

* Les chiffres les plus élevés concernent des agneaux.

Conséquences économiques:
     Eleveurs de renne: l'Etat devra payer environ 18 millions de Kr (1 Kr.N. équivaut à peu près à un franc français) pour dédommager les éleveurs cette année. Conséquences à long terme en cas d'interdiction de l'élevage du renne pendant plusieurs années ???
     Renne sauvage: Manque à gagner pour 1'Etat, car le coût du permis de chasse devra être fortement abaissé.
     Mouton: Plusieurs centaines de millions de N.Kr. Les éleveurs recevront des avances en attendant le règlement définitif de l'indemnisation.
     Producteurs de fromage de chèvre, producteurs de lait et de fromage de vache Le prix du litre de lait destiné à la consommation
humaine est de 3 Kr, mais se réduit à 0,50 Kr pour le lait utilisé dans l'alimentation animale.

suite:
     Tourisme: Certains hôtels ont perdu cet été la moitié de leurs clients, essentiellement des américains ayant annulé leurs réservations. Touristes allemands pêcheurs de saumon ont également diminué. Les pertes totales sont estimées à 20 à 30 millions de Kr. Les hôteliers ne seront pas indemnisés.
     Coût pour l'Etat des analyses multiples de sols, eaux, herbe, lichens, laits, viandes et surtout l'achat d'équipements en compteurs pour les abattoirs et les services d'hygiène alimentaire.

Conséquences écologiques
     Incalculables. En particulier, conséquences à long terme sur les lichens selon certains chercheurs, 20 années seraient nécessaires pour que les lichens éliminent leur Cesium.

Conséquences humaines:
     Destruction de la culture des lapons, surtout en Suède et en Norvège centrale. L'extrême Nord de la Norvège a été relativement épargné.
     Une association de producteurs de viande prétendait que 85 % des moutons norvégiens pâturent dans des régions indemnes. Öystein Emanuelsen, biologiste et éleveur de moutons, affirme qu'il n'y aura que 15 % d'animaux non atteints, après avoir étudié les dernières mesures du S.I.S. sur les plantes, effectuées dans tout le pays. Il conclut que l'on ne pourra consommer que les moutons du Nord (Troms et Finnmark) et de la côte Ouest. Dans sa région, Osterdalen, ni la végétation ni le lait de brebis n'étaient fortement radioactifs au début; maintenant, il semble probable que, lors des abattages d'automne, la viande contiendra le double ou le quadruple de la dose «acceptable» (600 Bq/kg). Emanuelsen pense qu'il en sera de même dans des régions supposées peu atteintes, telles que le Telemark, Rogaland et Buskerud.
     Certains éleveurs espèrent voir diminuer la radioactivité jusqu'à un niveau acceptable en retardant l'abattage, dans l'hypothèse d'une demi-vie biologique du Césium de 30 jours. En fait, la demi-vie biologique est d'environ 100 jours pour un humain adulte et n'est pas connue avec précision pour l'espèce ovine.
     D'autres pensent que le contenu en Césium de la viande ovine restera inchangée ou augmentera au cours des prochains mois. Garder les animaux longtemps en bergerie en achetant du fourrage ne paraît pas rentable.
     Un programme d'abattages d'animaux témoins provenant de régions différentes est en cours, afin de définir les limites des régions les plus atteintes. Chaque semaine, on prélève 1 ou 2 animaux parmi le cheptel ovin pâturant au même endroit.

Rennes:
     Les conséquences sur les élevages de rennes en Suède sont catastrophiques. Il a été question d'abattre 100.000 rennes suédois dont la viande serait saisie, et d'interdire pour 5 ans l'élevage du renne. La viande serait à environ 15.000 Bq/kg et le lichen à renne 40.000 Bq/kg (chiffre incertain, entendu à la radio mais pas «lu»...)
     En Norvège, les rennes sauvages du Sud (régions du Jotunheim et du Dovrefjell) ont un taux de contamination supérieur à la limite d'intervention de 600 Bq. Les chiffres maxi sont plus forts que ceux des rennes suédois, ils atteignent 40.000 et 50.000 Bq au kg de viande, en Césium 134-137. Les rennes d'élevage du centre et du Sud de la Norvège sont moins contaminés, cependant environ 15.000 animaux pourraient être abattus et saisis.
     Rennes de Valdres:18.700 Bq/kg
     Filefjell :11.400 Bq/kg
     Vaga 37.000 Bq/kg
     L'élevage de renne est menacé à long terme, ainsi que la culture et le mode de vie des lapons, sauf dans l'extrême Nord du pays.

Humains:
     Des mesures effectuées sur les lapons suédois cet été ont donné 12.000 Bq (corps entiers ?). En 1965, les lapons norvégiens avaient en moyenne 40.000 Bq. Début 1986 avant Tchernobyl, les mesures d'un groupe témoin de 100 lapons donnaient en moyenne 3.000 Bq en comparaison, la population norvégienne du Sud-Est est 10 fois moins radioactive.

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