GAZETTE NUCLEAIRE
No 7 mars 1977

QUELQUES ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

1. Trente ans après Hiroshima, par Bernard T. Feld, Physics Today, juillet 1975

2. La prolifération nucléaire: avertissement de la Commission de contrôle des armes. Sciences, juillet 1976

3. L'économie du plutonium, par Feiveson, Taylor von Hipple, Williams, Bulletin of the Atomic Scientists, décembre 1976

4. Contre la prolifération des armes nucléaires, par Pierre Vautier, La Recherche, mars 1977

SUPERPHENIX: POURRA-T-ON EVACUER
LA PUISSANCE RESIDUELLE?

     Si la circulation du sodium est interrompue dans la cuve de Superphénix, les barres de contrôle chutent pour arrêtrer la réaction en chaîne (si par malheur elles ne chutent pas, c'est l'accident maximal). Mais même quand la réaction en chaîne est arrêtée, il faut évacuer la puissance résiduelle. La cuve s'échauffe et cède une partie de la chaleur à l'enceinte de confinement, elle-même refroidie par des serpentins d'eau. Or, d'une part la puissance résiduelle sera plus élevée que ce qui avait été prévu initialement, d'autre part le "coefficient d'émissivité" de la cuve a été mal calculé: on se demande si la température maximale de la cuve ne va pas être de 800oC au lieu de 700oC prévus, auquel cas elle se déformerait latéralement en raison des contraintes mécaniques qu'elle subit, avec risque que le sodium radioactif s'en échappe... Des études viennent d'être lancées en catastrophe par Novatome dans les laboratoiores spécialisés de la région parisienne. Si les calculs sont défavorables, il faudra fonctionner à puissance réduite: au lieu des 1.200 MW prévus, 1.000 ou même 800MW, ce qui augmentera encore le prix du kWh. A moins que l'on décide de passer outre, au mépris de toute sécurité.

fin p.7

En guise de conclusion

 
     On ne peut pas nier que le développment à grande échelle de l'industrie nucléaire conduirait à terme à la banalisation de l'arme nucléaire si un certain nombre de mesures ne sont pas prises.
     Les Etats-Unis et l'URSS ont pris récemment conscience de l'énormité du risque. Aussi tendent-ils depuis quelque temps de faire annuler la vente par l'Allemagne et la France d'installations nucléaires "sensibles": les usines de retraitement et d'enrichissement.
     Nons ne voulons pas discuter ici les motivations profondes des deux superpuissances. Nous ne sommes pas dupes:
leurs motivations ne sont certainement pas aussi pures qu'il pourrait y paraître à première vue. Sans vouloir ouvrir le débat de fond, constatons seulement ici que la déttermination des deux superpuissances à parvenir à leurs fins ne paraît guère douteuse.
     Dans ces conditions, que peuvent faire la France et l'Allemagne?
     1. Refuser le dictat des américains. Cette hypotthèse nous paraît très peu probable. La France et l'Allemagne n'ont ni les moyens ni même sans doute la volonté politique d'affronter les Etats-Unis: Giscard n'est pas de Gaulle; l'Allemagne est protégée militairement par les Etats-Unis. Ceux-ci disposent de moyens de rétorsion fort efficaces: embargo sur les fournitures d'uranium enrichi et ceci jusqu'au démarrage d'Eurodif, pressions économiques dans d'autres domaines, etc. En toute hypothèse, dans un contrat, il y a deux partenaires. Quelle est la marge de manoeuvre du Brésil face aux Etats-Unis?
     2. Accepter les conditions des Etats-Unis. C'est évidemment ce qui a le plus de chances de se produire. Or, que veulent les Etats-Unis?
     - dans un premier temps, ils souhaitent limiter au maximum les possibilités de retraitement des combustibles irradiés dans le monde. Le retraitement est arrêté chez eux: officiellement, pour des raisons politiques (éviter les risques de prolifération); en fait également pour des raisons techniques (aucune usine de retraitement ne fonctionne actuellement). Ils veulent que les autres pays les imitent.
     - dans un deuxième temps (mais dans quel délai?) ils proposeront sans doute que le retraitement et l'enrichissement reprennent sous contrôle américain: c'est ce que proposait Kissinger l'été dernier.
     Quelles conséquences peut-on en déduire pour le programme électro-nucléaire français?
suite:
     a) Tous ces débats sur les risques de prolifération de l'arme nucléaire remettent en lumière les liens particuliers entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire: les défenseurs du "tout nucléaire" s'efforçaient depuis quelques années de nous les faire oublier! Ces liens "particuliers" vont encore jeter un plus de discrédit sur l'énergie nucléaire; elle n'en avait pourtant pas besoin: elle a déjà tellement mauvaise presse auprès de l'opinion publique que les défenseurs du "tout nucléaire" refusent toujours d'organiser des débats publics et contradictoires à son sujet, tant sur le plan national que sur le plan local, là où la direction d'EDF veut imposer ses centrales aux populations qui les refusent.
     b) Dans le catalogue des arguments avancés en 1974 par les défenseurs du programme électro-nucléaire, les avantages que l'on pouvait retirer de l'exportation des installations nucléaires tenaient une place fort honorable:
     - les centrales PWR ont été préférées en 1969 aux centrales graphite-gaz pour cette raison;
     - la direction d'EDF a demandé à Framatome de se suréquiper pour pouvoir vendre à l'étranger deux à trois centrales par an.
     Les décisions prises par les USA risquent d'être un frein au développement des exportations nucléaires: ceci ne pourra pas ne pas avoir de répercussions sur la rentabilité du programme nucléire français, donc sur sa crédibilité.
     c) Si les USA s'interdisent de retraiter les combustibles irradiés, ils s'interdisent par là-même de développer les surgénérateurs. Or, la France a un besoin impérieux de développer ceux-ci: sans eux, c'est toute la cohérence du programme électro-nucléaire qui s'effondre. La France est donc conduite à mettre au point seule deux technologies difficiles à maîtriser: le retraitement et les surgénérateurs. Comme on peut le constater avec Concorde, cette situation est peu enviable. De plus, dans ces sonditions, quels seront les délais pour dominer ces technologies, quel sera le coût de l'opération?
     L'atome "pacifique" a bénéficié du formidable développement de l'atome "militaire": des moyens considérables lui ont été accordés. Ce pacte avec le diable risque maintemant de se retouner contre lui. Juste retour des choses!
p.8

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