L'ÉCOLOGISTE- Vol. 4- N° 1 - Février 2003 “Voilà des mois et des années que j'essaie d'augmenter la portée de ma bombe, et je ne me suis pas rendu compte que la seule chose qui compte, c'est l'endroit où s'qu'elle tombe” chantait Boris Vian dans la java des bombes atomiques. Pour le devenir des services publics, c'est un peu la même histoire. A moins de surveiller “ là où ça se passe ”, il pourrait bientôt être trop tard pour les sauvegarder. Car le programme de leur démantèlement est bien ficelé. Il avance masqué à travers le plus complexe des accords de l'OMC : l'accord général sur le commerce des services. Derrière son sigle repoussoir, AGCS peaufine le scénario crypté d'une déréglementation sans précédent de tous les secteurs de services. Santé, éducation, culture, énergie, transport, environnement, tout risque d'y passer. Signé avec le traité de Marrakech, cet accord en révision depuis février 2000 entre aujourd'hui dans sa phase la plus dangereuse. Dans la plus grande opacité, la Commission européenne s'apprête à déposer à l'OMC, le 31 mars prochain, ses offres de libéralisation au nom des 15. En France, tel un Objet politique non identifié l'OPNI AGCS, fut longtemps ignoré. Difficile à décrypter et vulgariser, il a poursuivi une trajectoire furtive. Depuis le mois de décembre, c’est est fini. Dans la foulée du colloque international sur les implications politiques de AGCS (1), tenu à L'assemblée nationale, il fait enfin son apparition sur la scène politique. Un accord juridiquement modifié
Prudents, ses concepteurs conçurent AGCS comme
un accord flexible et doté d'effets à retardement. il oblige
tout d'abord les pays membres de l'OMC à renégocier périodiquement
jusqu'à l'ouverture à la concurrence et la privatisation de
tous leurs secteurs de services (Art. 19). Sans équivalent juridique,
il se présente comme un hybride à double entrée. D'un
côté, les secteurs que les pays “décident” de libéraliser
sont soumis aux clauses les plus extrêmes. Les pays doivent alors octroyer
aux opérateurs étrangers le traitement national, c'est-à-dire
les mêmes conditions, les mêmes subventions qu'aux prestataires
nationaux. Impossible dans ces conditions de maintenir la moindre politique
publique culturelle, sociale ou environnementale.D'autre part, les secteurs dits “non-engagés” se trouvent aussi soumis aux disciplines générales de AGCS. Parmi celles-ci figure le redoutable article 6 sur la réglementation intérieure. (suite) | suite: Il s'applique à tous les secteurs hormis l'armée et la police - et confère à l'OMC le droit de passer au peigne fin les législations nationales “plus restrictives que nécessaire pour assurer la qualité d'un service”. Voilà qui équivaut bientôt à la mise sous tutelle technique des gouvernements, des parlements et de l'ensemble des collectivités publiques et territoriales. Le Commissaire aux aveux
Le mode d'emploi de cet accord étant particulièrement
retors, la Commission européenne, qui mène les grandes manoeuvres
de libéralisation au nom des quinze, croyait pouvoir avancer dans
l'ombre.Après avoir nié pendant plusieurs années que les services publics étaient menacés par AGCS, le Commissaire européen au commerce Pascal Lamy passe aux aveux. Dans sa lettre du 9 décembre 2002 aux députés français, le chef de la DG I avoue que seuls les “services publics régaliens” (sic) échapperont à AGCS. Dernière déclaration en date, il annonce le 28 janvier 2003 que Bruxelles s'oppose à la publication des listes d'offres de services à libéraliser. Les quinze parlements nationaux n'auront le droit d'en débattre. . . qu'une fois les “ engagements ” déposés à l'O MC. Mais AGCS est désormais en France dans la ligne de mire des parlementaires. Le 15 janvier, cet accord démocraticide a été mis sur la sellette à l'Assemblée nationale: commission des Affaires étrangères, commission des Affaires économiques et, dans l'hémicycle, question du moratoire posée au gouvernement. Expression d'un sursaut de lucidité politique, l'appel des élus français pour la suspension des négociations avait déjà recueilli début février près d'une centaine de signatures. Parlementaires français et européens, maires, conseillers régionaux, généraux et municipaux s'indignent du caractère irréversible de ces négociations, dénoncent le contournement de la représentation politique et sociale et demandent la suspension immédiate des négociations de AGCS. Partout où la connaissance des dangers de cet accord s'affine, la fronde des élus s'organise. Une fois sorti de l'ombre, qui peut dire que AGCS ne subira pas le sort de I'AMI (Accord multilatéral sur l'investissement) en 1998 : l'abandon pur et simple ? . Note (1) Ce colloque était organisé par l'IRE (Institut de relocalisation de l'économie), l'URFIG (Unité de recherche, de formation et d’information sur la globalisation) et l'IFG (International forum on globalisation). Dossier de presse sur demande à l'IRE. p.22 |
Cinq organisations de protection
de l’environnement : France Nature Environnement, Agir pour l'environnement,
Greenpeace France, Le Réseau Action Climat France et le WWF France
ont décidé le 4 mars de se retirer du Comité consultatif
mis en place par le gouvernement pour préparer le Débat national
sur les énergies.
(suite)Après plusieurs semaines d'une participation (active) de nos organisations, nous avons constaté à regret que ce comité fonctionnait dans des conditions incertaines et selon des modalités selon nous trop floues. Nous ne pouvions plus accepter de travailler sans recevoir de comptes-rendus, d'ordres du jour et de documents préparatoires. Nous ne pouvions continuer à ressasser les mêmes remarques sans savoir avec quelle considération elles étaient reçues. Nous ne pouvions avaliser la méthode opaque et brouillonne employée pour le choix des contenus des tables rondes et des intervenants. Malgré quelques modifications apportées tardivement - et à notre demande - par la Ministre de l’industrie elle-même (création de 3 sous-groupes de travail), nous avons constaté que rien n'avait vraiment changé en substance. Et nous avons remarqué certains faits particulièrement inquiétants à nos yeux : - le site Internet officiel du débat n'a toujours pas été modifié comme promis (il reste beaucoup de formulations “partisanes” sur le nucléaire qui devaient être supprimées), - la charte des initiatives partenaires du débat national est distribuée à tour de bras sans qu'apparaisse le moindre contrôle de son application (on assiste ainsi à des colloques caricaturaux qui ne respectent pas la pluralité exigée), - EDF relance ses campagnes de publicité (alors qu'un gel avait été annoncé), - les documents “ pédagogiques ” qui seront distribués par le Ministère à plusieurs millions d'exemplaires n’ont pas été communiqués au Comité consultatif - à quelques jours de leur publication, - aucun dispositif concret n'a été mis en place pour assurer l'expression de toutes les voix dans ce débat (il ne faudrait pas que ce soit seulement les organismes les plus fortunés qui s'expriment !), - le déroulé définitif de la rencontre d’ouverture du Débat du 18 mars n'a même pas été envoyé au Comité avant sa publication dans la presse. Notre décision a été fortement renforcée par la lecture de ce déroulé, dont nous avons pris connaissance en même temps que les journalistes lors d’une conférence de presse le 4 mars, et qui ne répondait pas à nos attentes. | suite: La partie de l'après-midi consacrée aux impacts sanitaires et environnementaux n’a fait intervenir aucun expert ou représentant de la protection de l'environnement. Par égard à nos dizaines de milliers de membres et associations fédérées, nous ne pouvions apporter plus longtemps notre caution à une telle journée abordant aussi mal ces enjeux environnementaux et ne permettant pas l’instauration d'un vrai débat. Ce retrait de nos organisations, dont la presse a fait écho, a suscité plusieurs types de réactions : certains ont regretté cette décision, et il est vrai que nous ne l’avons pas prise de gaieté de cœur car nous jugeons ce débat sur l’énergie important et nécessaire ; d’autres nous ont signifié leur soutien (après avoir assisté à la première journée du 18 mars). Alors que le Débat national sur les énergies n'a pas réellement permis aux Français de s'exprimer et qu'avant même son lancement le gouvernement parlait déjà de relance du nucléaire à grands frais, les associations de protection de l'environnement appellent le gouvernement et les parlementaires à engager enfin la France dans la voie de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables. Dans une perspective de développement durable, un changement de politique énergétique est nécessaire. Ni relance du nucléaire, ni dérèglement du climat: c'est possible et souhaitable!
Agir pour lenvironnement, les Amis de la Terre, France
Nature Environnement, Greenpeace, le WWF, le Réseau Sortir du Nucléaire
et le Réseau Action Climat France lancent une grande pétition
nationale pour permettre à chaque citoyen d'exprimer sa voix en ce
sens. Les signatures seront remises aux parlementaires, pour exiger que la
loi d'orientation sur l'énergie consacre un changement de cap.Cette pétition défend trois grandes orientations : 1. Consommer moins et mieux l'énergie 2. Eliminer les risques industriels et environnementaux 3. Soumettre les marchés des énergies à des règles sociales et environnementales. On peut sur ce site : - signer la pétition en ligne - télécharger la pétition imprimable sur papier pour la faire signer et la diffuser. p.23 |