G@ZETTE NUCLÉAIRE

IPSN devenu IRSN en 2002
Rapport d’activité du DPHD 2001
Exposition du public : le programme ENVIRHOM
 

     1.1. Problématique et fondements d’ENVIRHOM.
     Jusqu’à présent, les efforts de recherches en radioprotection ont été principalement orientés vers les travailleurs de l’industrie nucléaire dont les modalités d’exposition aux radionucléides (contaminations chroniques par ingestion de radionucléides). Ces situations sont susceptibles de provoquer des réponses toxiques distinctes de celles observées après expositions aiguës à forte dose, en raison des phénomènes possibles de bioaccumulation. Côté “ homme ” comme côté “ environnement ”, ces réponses ne sont aujourd’hui pas connues avec précision car la grande majorité des données disponibles correspond à des études menées sur des expositions de courte durée à des radionucléides en forte quantité e en dehors du contexte de multipollution (i.e. sans prendre en compte la présence simultanée d’autres catégories de polluants : métaux, micro-polluants organiques,…). Côté “ homme ”, ces processus de bioaccumulation peuvent remettre en cause la validité du système conceptuel de dosimétrie utilisé en radioprotection qui est basé sur une distribution homogène des radionucléides.
     Le programme ENVIRHOM, lancé par l’IPSN en Janvier 2001 et mené conjointement avec le Département de PRotection de l’Environnement (DPRE), a pour objectif de fournir les connaissances permettant une meilleure évaluation des risques liés à l’accumulation chronique de radionucléides pour les écosystèmes et les personnes du public. Il s’articule sur 4 axes de recherche :
      · l’analyse des phénomènes d’accumulation chronique des radionucléides chez l’homme et pour les composantes biologiques des écosystèmes.
      · l’analyse des effets biologiques induits par les phénomènes d’accumulation chronique de radionucléides. Pour l’homme, les effets sur le système immunitaire, le système nerveux central et le système reproducteur sont explorés de manière systématique.
      · la mise en place de nouveaux modèles et codes de calcul applicables après exposition chronique.
      · une re-formulation des modèles dosimétriques utilisés en cas d’exposition chronique permettra de déduire les incertitudes associées au calcul de dose délivrée. Ces modèles prendront en compte la répartition des radionucléides à l’échelle cellulaire et permettront de quantifier précisément l’énergie délivrée aux molécules cibles.
      · une analyse des mécanismes biologiques conduisant aux phénomènes observés.
     Une sélection des radionucléides à étudier a été effectuée en se basant sur des critères tels que la présence significative dans les termes-sources en conditions normales et accidentelles, le type de rayonnement émis, une période radioactive significative vis à vis de la durée de vie des organismes, le comportement géochimique de l’élément ainsi que sa propension à la bioaccumulation. Ceci a conduit à retenir certains isotopes radioactifs des éléments suivants : U, Am, Np, Pu, I, Po, Th, Tc et Cs. L’uranium a été retenu pour les premières études en raison de sa double toxicité– chimique et radiologique -, de sa présence naturelle dans les écosystèmes et de l’abondance de la littérature décrivant ses biocinétiques et effets après exposition aiguë.
     Une attention particulière est également portée au césium 137 dont les effets délétères sur de nombreux grands systèmes biologiques (cardiovasculaire, nerveux, endocrine, immunitaire, reproducteur, digestif,…) ont été rapportées dans des publications contestées du Pr. Yuri Bandazhevsky. (c'est le webmaistre qui souligne: lien avec base de données Tchernobyl )
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     1.2. Les premières études expérimentales sur l’uranium côté “ Homme ”.
     Les premières recherches menées au Laboratoire d’Études Appliquées de Radiotoxicologie (LEAR) ont pour but de définir avec précision les biocinétiques de l’uranium après incorporation chronique par ingestion, la microlocalisation de l’élément dans les tissus et organes cibles, les effets biologiques induits au niveau de quelques organes cibles et du système nerveux central ainsi que les mécanismes de transfert de l’uranium au niveau intestinal. Des études particulières menées en parallèle doivent permettre de préciser si la toxicité de l’uranium, observée dans nos conditions expérimentales, est d’origine chimique ou radiologique.
     Les études sont menées avec un modèle animal maîtrisé au laboratoire, dont la biologie est parfaitement connue et dont la sensibilité aux rayonnements est quantifiée. Deux variantes de ce modèle sont utilisées suivant la nature des études à mener :
      · les études de biocinétique, de microlocalisation et d’effets sur le système nerveux central sont menées sur le rat, modèle dont la biologie est parfaitement connue, dont la durée de vie est compatible avec une contamination sur une vie entière et pour lequel les données bibliographiques en terme d’effets biologiques et de contamination aiguë sont abondantes.
      · les études portant sur la recherche des effets au niveau des organes cibles sont menées sur la souris Black C57.
     Ces expérimentations sont réalisées en accord avec la législation française relative à l’expérimentation animale. En parallèle, des études menées sur d’autres modèles animaux permettent de compléter les connaissances de transfert à tous les échelons trophiques.
Dans tous les cas, les animaux sont contaminés par exposition ad libitum à de l’eau d’Evian, supplémentée en uranium. Les concentrations finales en U dans l’eau ont été déterminées afin de délivrer à l’animal, étalée sur la durée de sa vie, une dose qui correspondrait à environ 1/10 de la dose toxique chimique. Ce calcul nous a amené à donner des eaux contaminées avec 40 mg d’uranium par litre, ce qui correspond quasiment, aux concentrations naturelles les plus fortes répertoriées dans le sud de la Finlande.
     Les différentes études en cours sont décrites ci-après :

     1.2.1 Étude des biocinétiques de l’uranium.
     Les études de biocinétiques sont menées avec comme objectifs principaux de :
     1) bâtir des modèles biocinétiques applicables aux situations d’exposition chronique. Ces modèles seront comparés aux modèles existants qui préconisent l’utilisation itérative des modèles d’expositions aiguës. Ces modèles permettront ensuite de bâtir des modèles dosimétriques, qui permettront de calculer les doses reçues par les tissus et organes cibles.
     2) définir le taux de transfert intestinal de l’uranium pour des animaux n’ayant jamais été contaminés et de le comparer à celui mesuré chez des animaux ayant déjà subi une exposition à l’uranium. Le but, de cette étude est de vérifier que les intoxications chroniques à l’uranium n’influent pas sur ces biocinétiques. Cela permettra de bâtir des modèles qui tiendront compte de l’historique des contaminations et qui seront particulièrement adaptés aux membres du public.
     Les premières études ont été commencées avec des durées de contamination variables, allant de 1 mois à toute la vie de l’animal (2 ans). Les paramètres tels que l’age, le sexe, le statut physiologique ou la maladie n’ont pas été pris en compte dans cette première série d’expérience. De même, une seule dose a été testée, hors contexte de multipollution.
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     1.2.2. Études de microlocalisation de l’uranium après exposition chronique.
     La distribution de l’uranium chez les animaux soumis à une exposition chronique via l’eau de boisson est analysée en terme de re-concentration tissulaire et cellulaire. L’objectif de cette étude est de rechercher systématiquement dans les organes et tissus cibles, les sites de dépôt préférentiels de l’uranium.
     Les outils de base pour ce genre de recherche sont différents selon que l’on s’intéresse à une distribution spatiale au niveau de l’organe (autoradiographie, microscopie électronique à balayage couplée à une analyse du spectre de dispersion d’énergie X).
     Parallèlement au début de la phase de contamination chronique des animaux via l’eau de boisson (40mg/l d’eau d’Evian ; juillet 2001), l’année 2001 aura été consacrée à la mise en place des outils expérimentaux nécessaires à la réalisation des expériences de microscopie électronique à balayage et en transmission, ainsi qu’à l’évaluation de la capacité opérationnelle de l’équipe chargée de cette phase d’étude. Une attention particulière a été apportée à la préparation des échantillons, point critique dont dépend la qualité de l’observation et de l’analyse. La possibilité d’une reconcentration multi-organes de l’uranium a nécessité l’acquisition du protocole de fixation in vivo permettant de minimiser l’altération des structures cellulaires de tous les organes du rat lors de la phase de dissection. Les tissus durs (os et dents) et le cerveau ont également imposé des adaptations des protocoles en terme de dissection fine et/ou de préparation chimique. La capacité opérationnelle actuelle a été portée à une centaine d’échantillons traités de façon simultanée, ce qui permet de traiter tous les organes impliqués dans les grands systèmes biologiques potentiellement exposés lors d’une contamination chronique (système digestif, nerveux central, immunitaire, reproducteur,…). Un tel volume d’échantillons a imposé une attention particulière au niveau de la gestion des déchets et effluents spécifiques de la microscopie électronique à transmission, très toxiques pour l’environnement ;
     Les premières euthanasies sont programmées pour janvier 2002 pour des rats exposés à une contamination chronique depuis 6 mois. Ces études de microscopie électronique seront complétées par des analyses en autoradiographie de certains tissus (os, dents, reins) et par des séparations cellulaires et sub-cellulaires des tissus mous. Les résultats issus de ces techniques complémentaires permettront de connaître les potentialités de bioaccumulation de l’uranium et donc d’orienter les recherches sur la toxicologie de l’élément.
     1.3. Études des effets de l’uranium sur le système nerveux central.
     Les rares données bibliographiques disponibles dans ce domaine laissent entendre que des contaminations internes à l’uranium et au césium 137 auraient des effets sur le système nerveux central. Pour des raisons éthiques (optimisation des animaux témoins), les études prévues initialement sur l’uranium ont donc été menées en parallèle sur le césium. Ces études seront réalisées sur différents modèles de rats : des adultes contaminés durant toute leur vie, puis des jeunes nés de mères contaminées avant et pendant la gestation et durant la lactation et enfin sur des rats présentant des maladies neurodégénératives. Seules les études sur rats adultes sont entamées.
     L’approche expérimentale et double.
      · Une approche locale consistant en une étude immunohistologique des médiateurs et marqueurs de l’inflammation au niveau des organes circumventriculaires et une étude de la sécrétion et la composition du liquide cépholorachidien. Cette dernière étude sera effectuée in vitro  sur un modèle de plexus choroïde et ex-vivo sur rats par des équipes de la Section Autonome de Radiobiologie Appliquée à la Médecine (SARAM, voir chapitre 2).
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      · Une approche générale dont l’objectif est d’étudier les conséquences de la contamination sur les paramètres généraux de santé, le sommeil, le comportement et sur le métabolisme de certains neurotransmetteurs.
     1.3.1. Paramètres généraux de santé
     L’étude de ces paramètres est un préalable indispensable à toute étude de neurotoxicité. En effet, outre que ces paramètres peuvent refléter un effet sur le système nerveux central, toute modification de l’état général d’un animal est susceptible de modifier son comportement ou son sommeil. Chez le rat adulte, l’ingestion chronique d’eau contaminée (40 mgU/l) pendant 10 mois n’a pas modifié la prise alimentaire, le poids des rats et la prise de boisson .
     1.3.2. Sommeil
     Les effets sur le sommeil sont évalués par électroencéphalographie. Les tracés d’électroencéphalographie (EEG) sont réalisés par télémétrie (système DataScience). Ce système permet d’enregistrer des signaux EEG sans contrainte pour l’animal, sur des périodes de plusieurs mois. Des électrodes sont reliées à un émetteur fixé dans la cavité abdominale. Les signaux sont transmis à un récepteur situé sous la cage. Ce système permet d’enregistrer des signaux EEG sans contrainte pour l’animal sur des périodes de plusieurs mois. A partir des enregistrements réalisés, les différents états de vigilance (éveil, sommeil lent, et sommeil paradoxal) sont distingués visuellement afin de réaliser un hypnogramme. Un traitement automatique du signal EEG par analyse des harmoniques par transformée de Fourrier sera également effectué afin de calculer l’énergie totale du signal et sa répartition dans les différentes bandes de fréquence.
     Les premiers essais ont montré qu’il était possible de recueillir des signaux parfaitement lisibles et non parasités sur des rats témoins dans nos conditions environnementales et que ces signaux étaient stables pendant au moins 3 mois. La seconde étape consiste à recueillir ces signaux en parallèle sur des rats témoins et des rats contaminés enregistrés pendant au moins 48 heures, toutes les semaines.
     1.3.3. Neurochimie.
     L’objectif de cette approche est d’étudier les conséquences de la contamination sur le métabolisme de certains neurotransmetteurs1, et en particulier sur celui de la dopamine et de la sérotonine. Il a été montré que le métabolisme de ces neurotranmetteurs était modifié après irradiation externe, même à faible dose, après contamination au césium 137 et avec l’âge des animaux. La dopamine, ses métabolites (DOPAC, 3-MT et HVA), la sérotonine (5 -HT) et l’un de ses métabolites  (5-HIAA) sont dosés ex vivo par méthode HPLC couplée à un détecteur éléctrochimique dans différentes structures cérébrales (cortex, striatum, hippocampe, thalamus, cervelet) chez des rats contaminés à l’uranium (40mg U.l-1 soit 1 mg/j/rat) ou au césium 137 (6500 Bq.l-1 soit 160 Bq/j/rat) par l’eau de boisson. Ces concentrations en césium correspondent à environ 2 fois le niveau admissible de consommation pour l’eau de boisson, tel que défini par les autorités soviétiques le 6 mais 1986 soit immédiatement après l’accident de Tchernobyl.
     Les premiers résultats disponibles concernent les striata et les hippocampes. Le striatum est impliqué dans le contrôle de la motricité et de certaines fonctions cognitives. Par exemple, un effondrement du taux de dopamine dans le striatum caractérise la maladie de Parkinson. L’hippocampe intervient dans les mécanismes de mémorisation et d’apprentissage.
     Les résultats ont montré que les métabolismes de la dopamine et de la sérotonine n’étaient pas modifiés dans les striata et les hippocampes par cette contamination d’un mois. Ces résultats sont à opposer à ceux de Bandazhevsky (1995) qui rapporte une augmentation importante (x2) du taux de DOPAC dans les striata de rat après 28 jours de consommation d’avoine contaminée avec des doses plus faibles de césium 137 (445,7 Bq.kg-1 d’avoine, correspondant, selon nos estimations, à une ingestion de 10 à 15 Bq/j/rat). Des études complémentaires devront être menées afin de comprendre l’origine de ces disparités.

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     1.4 Étude des effets de l’uranium sur le transcriptome.
     La transcription de l’ADN en ARN, suivie de la traduction des ARN messagers en protéines sont les mécanismes fondamentaux qui gouvernent le fonctionnement des êtres vivants. La découverte de la rétro transcription d’ARN en ADN a permis le développement du clonage d’ADNc, l’une des techniques fondamentales du génie génétique décrite pour la première fois il y a 25 ans. Au cours de la décennie passée, le séquençage systématique à grande échelle de banques d’ADNc a fourni une description initiale du transcriptome qui représente l’ensemble des transcrits des gènes de l’homme et de plusieurs organismes animaux et végétaux.
     Des avancées récentes dans les domaines du génie génétique et de l’informatique ont entraîné le développement de nouvelles techniques permettant l’analyse de dizaines de milliers de transcrits dans une variété de situations normales et pathologiques. Ces techniques permettent maintenant d’étudier les variations qualitatives et quantitatives des transcrits d’un organisme en fonction des conditions de stress qui lui sont imposées.
     Les techniques développées dans le cadre du programme ENVIRHOM ont pour objectif d’analyser les effets d’une contamination chronique. Les expérimentations sont menées au LEAR sur des souris C57 Black contaminées par ingestion chronique d’eau d’Evian supplémentée en uranium naturel, et comparées à des lots identiques de souris non contaminées. Lors des autopsies, les organes et tissus provenant des souris d’un même lot sont rassemblés et les ARNm des différents tissus et organes sont extraits, purifiés et rétro transcrits en ADNc selon la méthode SAGE (Serial Analysis of Gene Expression). Les ADNc sont alors clivés par des enzymes de restriction et les étiquettes produites (TAG), qui sont des séquences de 10 paires de base environ seront clonés puis séquencés. L’analyse informatique des séquences produites permet in fine de comparer le taux d’expression des transcrits d’un même tissu en fonction de la quantité d’uranium absorbée par l’animal.
     1.5. Étude de génotoxicité par le test de micronoyaux.
     Le test des micronoyaux dans les lymphocytes du sang périphérique est une technique largement utilisée aussi bien en expérimentation animale que chez l’homme, in vitro et in vivo, pour l’évaluation de la génotoxicité de rayonnements ionisants et de produits chimiques. Les portions de chromosomes endommagées par l’agent génotoxique sont rejetées hors du noyau de la cellule sous forme de petites masses d’ADN ou micronoyaux, très faciles à comptabiliser. Des relations dose/fréquentation des micronoyaux peuvent alors être établies pour l’agent génotoxique étudié. L’intérêt de ce test est de pouvoir distinguer toxicité d’origine chimique et radiologique car les agents chimiques induisent des micronoyaux radio-induits en sont dépourvus.
     Les expérimentations de génotoxicité par la technique des micronoyaux sont réalisées au LEAR selon un protocole validé au Laboratoire de Dosimétrie Biologique Multipraramétrique (SARAM/LDBM) La recherche des micronoyaux est faite suite à un prélèvement de sang lors de l’euthanasie des animaux impliqués dans les études biocinétique de l’uranium après ingestion chronique via l’eau de boisson. Les résultats s’ils sont positifs, seront complétés en collaboration avec le LDBM par des techniques utilisant la méthode FISH (Fluorescence In Situ Hybridisation) qui permettront de caractériser le type d’induction  (radiologique ou chimique) ayant conduit à la formation du(des) micronoyaux(x) présent(s) dans la cellule binuclée.

     1.6. Études de la spéciation de l’uranium dans le tractus gastro-intestinal.
     La détermination des formes physico-chimiques de l’uranium (spéciation) dans les fluides digestifs, indispensable à la compréhension des phénomènes observés, peut être conduite selon deux approches complémentaires. La première, dite de modélisation, consiste en une simulation informatique basée sur des données thermodynamiques qui permet de prédire la présence de telle ou telle forme chimique en fonction des conditions physico-chimiques régnant dans le milieu. Cette approche nécessite :
     · de définir les milieux à modéliser
     · d’identifier les réactions/interactions à prendre en compte
     · de disposer des données thermodynamiques ou cinétiques ad hoc
     · de calculer les concentrations relatives des espèces présentes à l’équilibre
     · et de confronter les résultats de la modélisation avec l’expérience, non seulement au niveau de la distribution des espèces pour l’affinement des constantes thermodynamiques ou cinétiques, mais aussi à l’échelle des propriétés macroscopiques observables (temps de transit, taux de fixation, etc…).
     Ce dernier point impose de compléter les études de modélisation par une expérimentation animale qui vise à déterminer ex vivo les formes physico-chimiques du radionucléide étudié. A ce jour, diverses techniques sont disponibles (HPLC, IR, Electrophorèse capillaire, SLRT, méthodes électrochimiques, etc.) mais aucune ne permet de garantir que le radionucléide étudié n’a pas subi de transformation. Pour cette raison, une approche multi-paramétrique, consistant à mettre en œuvre diverses techniques complémentaires pour l’étude d’un même sujet, a été retenue et exploitée lors des premières expérimentations.
     À ce jour seules les études sur la salive ont été réalisées. La première démarche, qui a consisté en l’établissement de diagrammes de spéciation de l’uranium dans la salive, a nécessité de recenser l’ensemble des ligands potentiels de la salive pouvant complexer l’uranium et d’en déterminer les concentrations pour un “ homme standard ”. L’analyse de ces ligands a fait apparaître une grande variation liée à l’âge mais aussi et surtout au régime alimentaire des individus et à leur état de santé. L’étape suivante, a été de rechercher dans les bases de données les paramètres thermodynamiques et cinétiques disponibles concernant les réactions de complexation, d’hydrolyse et de précipitation impliquant l’uranium et les principaux ligands organiques présents dans la salive. Cette partie du travail a été conduite en utilisant les logiciels SPECIES et CHESS. Enfin, une phase expérimentale menée par HPLC a permis de valider en partie les résultats obtenus lors de l’approche par modélisation.
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     Les résultats de modélisation montrent que l’uranium, introduit dans la salive sous forme de nitrate d’uranyle à une concentration de 10-6M doit se trouver, au PH physiologique (PH : 7,5-8), de façon prédominante sous une forme bi- et tri-carbonaté UO2(CO3)22- et UO2(CO3)34-.
     Une approche expérimentale, menée par HPLC a permis de confirmer en partie ce résultat  en mettant toutefois en évidence la présence d’autres formes chimiques de l’uranium, non encore identifiées à ce jour. Des expériences complémentaires doivent maintenant être initiées avec d’autres moyens expérimentaux de mesure, qui permettront de confirmer les résultats obtenus à ce jour.
     Les premiers résultats acquis sur l’uranium permettront d’orienter les recherches futures, tant sur les paramètres biocinétiques à prendre en compte que sur les effets biologiques à rechercher ou même les radionucléides à étudier. A titre de comparaison, des études préliminaires sur le césium ont été entamées afin de comparer les efficacités biologiques relatives des deux radionucléides. Beaucoup reste à faire avant de valider l’ensemble des résultats obtenus et de lancer le troisième axe de recherche portant sur l’évaluation  dosimétrique des expositions chroniques.
     1.7. Collaborations et activités internationales.
     Outre la participation de plusieurs unités de l’IPSN au DPHD et DPRE, la nature même du programme ENVIRHOM impliquera à termes de fortes collaborations scientifiques.
Dans la phase du projet en cours, concernant les études relatives à la santé de l’Homme, des collaborations au plan national ont été établies avec :
     · le Centre de recherche du Service de Santé des Armées, Département de radiobiologie, La Tronche,
     · et l’institut de Génétique Humaine (Université de Montpellier).
     Par ailleurs, le Laboratoire d’Études Appliquées de Radiotoxicologie est fortement engagé dans des programmes de recherches internationaux sur l’obtention de données de base et sur la modélisation en dosimétrie interne. En particulier le LEAR coordonne depuis le 1 janvier 2001 le programme européen de recherche en dosimétrie interne BIO-DOS dont l’objectif est de fournir des modèles permettant de calculer de façon réaliste les doses délivrées aux travailleurs et aux populations, en tenant compte de toutes les particularités physiologiques des individus. Pour ce faire, toutes les voies d’exposition des travailleurs et des personnes du public aux radioéléments (inhalation, ingestion d’aliments contaminés, blessures, transfert de la mère vers le fœtus, transfert via le lait maternel…) sont étudiées.
     Ce programme, qui associe 15 organismes de recherche européens, comprend plusieurs étapes : acquisition par des expériences in vivo et in vitro de nouvelles données sur les transferts de radionucléides dans l’organisme ; élaboration, à partir de ces données, de nouveaux modèles dédiés au calcul des doses internes reçues par les organismes (modèle transfert lacté, modèle transfert fœtal,…) ; amélioration des modèles existants (modèles digestifs, modèle pulmonaire,…) ; évaluation des incertitudes associées à l’utilisation de ces modèles.
     Les résultats de BIODOS permettront d’améliorer les modèles existants de la CIPR (*) d’évaluation de la dose interne pour le système respiratoire et le tractus gastro-intestinal en réduisant les incertitudes associées à leur utilisation et de proposer de nouveaux modèles pour les voies de transfert qui ne sont pas encore décrites (transfert materno-fœetal, transfert via le lait maternel,…). Les nouveaux modèles proposés tiendront compte des particularités physiologiques des individus (age, sexe, état de santé,…) et permettront de définir les doses reçues par les individus de façon beaucoup plus réalistes.
     En outre le LEAR assure le secrétariat scientifique du groupe “ Human Alimentary Tract ” (HAT) et est membre du groupe “ Internal Dosimetry ” (INDOS) du comité 2 de la CIPR. Ces deux groupes de travail ont pour charge de fournir une analyse critique de la littérature publiée dans le domaine de la dosimétrie interne et de créer de nouveaux modèles dosimétriques dédiés au calcul de la dose interne après incorporation. Ceci s’est traduit pendant l’année 2001 par la rédaction d’une synthèse de 80 pages sur les biocinétiques des radionucléides après ingestion et par une actualisation des ouvrages de la CIPR traitant des cinétiques du fer, de l’argent, du plomb, du polonium, neptunium, américium, californium et plutonium après incorporation par inhalation ou blessure.

(*) La Commission Internationale de Protection Radiologique publie des recommandations concernant l’ensemble des situations auxquelles l’homme peut être confronté lorsqu’il est soumis aux rayonnements ionisants d’origine naturelle ou artificielle. Ces recommandations servent de référence pour l’élaboration des normes en matière de radioprotection dans le monde entier et sont, pour l’essentiel, reprises en Europe sous forme de directives.
Publications et communications
     HARRISON J.D., LEGGETT R.W., NOSSKE D., PAQUET F., PHIPPS A.W., TAYLOR D.M., and MÉTIVIER H. Reliability of the ICRP’s dose coefficients for the members of the publec. II. Uncertainties in the absorption of ingested radionuclides and the effect on dose estimates. Radiat. Prot. Dosim. 2001 ; 95[4] : 295-308
Thèse
     RACINE R. Étude des mécanismes de complexation du neptunium en milieu biologique en vue de la mise au point d’une thérapeutique applicable en cas d’incorporation accidentelle. Thèse de Doctorat de l’Université Paris VI, 2001, 189 pp.
Rapports scientifiques et techniques
FONTANEL C. Étude expérimentale par HPLC de la spéciation de l’uranium dans la salive. Rapport d’ingénieur de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris ; 2001, 33pp.

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