Dans “quelles améliorations
pour un nucléaire durable ?” il est question de MOX c’est-à-dire
de mettre dans les réacteurs des assemblages au plutonium. Mais
prôner la “récupération” de plutonium n’a jamais permis
de la faire simplement.
D’une part la qualité du plutonium va intervenir aussi bien dans la composition des assemblages que dans le fonctionnement du réacteur. Or les qualités de plutonium extrait des combustibles à l’uranium enrichi dépendent de leur temps de séjour en réacteur soit de leur taux de combustion et aussi de l’enrichissement initial du combustible UOX. D’autre part cette “récupération” est tout à fait partielle puisqu’on ne retraite pas le MOX. En page 59 de Contrôle n°138, il est signalé les difficultés de retraitement : retraitement des MOX plus difficile (dissolution, fines ), production des colis de verres (augmentation significative (facteur 5) du nombre de colis par tonne de combustible) augmentation des isotopes pairs et surtout du 238 qui entraîne une radiolyse alpha plus importante du solvant.... Dans le nouveau décret donné à l’usine COGEMA-La Hague, il est bien sûr donné l’autorisation de retraiter des MOX (et même des combustibles de réacteurs rapides) mais ceci ne prouve pas que ce soit possible. Comparaison UOX1, 2, 3 Pour un déchargement 60 tonnes UOX1 et 30 tonnes MOX : on obtient 1,6 t Pu - le combustible UOX1 usé contient environ 1% de Pu (taux initial 3,5 % U235 et taux de combustion 33 GWj/t) soit 0,6 t Pu - le combustible MOX usé contient environ 3,3 % de Pu (taux initial 5,3 % pour un taux de combustion de 33 GWj/t) soit 1 t Pu Au chargement 60 t UOX1 neuf et 30 t MOX neuf contiennent : 0 t Pu + 1,6 t Pu soit 1,6 t Pu En 2001 : UOX2 à 3,7 % en U235 et MOX à 7% Pu (33 GWj/t) initial : 0 Pu dans UOX2 neuf+ 7 % Pu dans MOX neuf= 2,1 t Pu final : 1% Pu dans UOX2 usé (soit 0,6 t) + 5 % Pu dans MOX usé ( soit 1,5 t) = 2,1 t Pu C’est pour cela que l’on affirme que grâce au MOX on stabilise le stock de plutonium mais les 30 t de MOX contiennent encore 1 t de Pu (initial 5,3%), 1,5 t (initial 7 %), 2 t (initial 8,65%). L’autre argument est que l’on concentre le plutonium sous un volume moindre : facteur 3 pour le MOX à 5,3%, facteur 5 pour le MOX à 7% et facteur 6 pour le MOX à 8,65 %. Ces chiffres sont des ordres de grandeur qui dépendent des taux de combustion des combustibles. Mais en revanche les assemblages contiennent plus de produits de fission que les UOX et leur refroidissement est de 3 à 5 fois plus long. Alors... Par ailleurs ce MOX complique sérieusement le pilotage des réacteurs: Le combustible MOX présente des caractéristiques qui pose des problèmes pour son emploi en réacteur (extrait de Contrôle n° 138, page 53): (suite)
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suite:
“1-Les différents isotopes du plutonium ont des sections efficaces d’absorption nettement plus élevées que celle de l’uranium dans le domaine thermique, ce qui entraîne un déplacement du spectre neutronique vers les hautes énergies et une diminution de l’efficacité de tous les absorbants thermiques. En particulier : -- Les grappes sont moins efficaces, ce qui a nécessité d’accroître le nombre de grappes d’arrêt disponibles en réacteur (de 53 pour une gestion U02 à 57 pour la gestion MOX), -- Le bore soluble a une efficacité plus faible, ce qui a nécessité une augmentation des concentrations de bore requises en exploitation, (..) 2- Certains coefficients de réactivité (coefficient Doppler, effet de vide, coefficient de température du modérateur) sont augmentés en valeur absolue. Cette caractéristique est défavorable à la cinétique de certains transitoires accidentels tels que les accidents de refroidissements, 3- La fraction effective de neutrons retardés est plus faible pour le plutonium que pour l’UO2; le coeur mixte réagira par conséquent avec une cinétique neutronique accrue en cas d’insertion de réactivité et le risque de prompte criticité sera plus important; 4-la différence de comportement entre les assemblages mixtes et tout uranium entraîne des pics de puissance aux interfaces entre assemblages UO2 et MOX. Afin de réduire ces pics de puissance dans les assemblages périphériques, l’assemblage moxé a dû être zoné. (..) 5- enfin, la puissance résiduelle du coeur est supérieure à celle d’un coeur tout UO2, ce qui est défavorable pour la gestion des phases long terme des accidents (nécessitant l’évacuation de la puissance résiduelle).” En ce qui concerne l’EPR, le fameux réacteur européen qui “ présente des avancées très significatives dans les domaines de la sûreté, de la compétitivité et de la sobriété. ”, il faut être sérieux. C’est un réacteur dont la conception remonte aux années 1970! On a juste amélioré l’enceinte, ajouté des systèmes de sûreté, des recombineurs hydrogène et supputer que l’on pourrait construire un 1750 MW (on l’a ramené à 1400). Pour le reste sa compétitivité est liée à des arrêts courts pour rechargements, à un taux de brûlage élevé : toutes choses non compatibles avec une sûreté de qualité. En effet diminuer le temps de rechargement n’est pas en accord avec la sûreté et accroître les taux de brûlage suppose que les gaines résistent. Quant à la sobriété: une fission donne toujours la même énergie et le même nombre de produits de fission. Et pour finir ce réacteur n’est pas conçu pour diminuer les déchets à vie longue car il faudrait pour cela qu’il soit doté d’un coeur sous-modéré ce qui n’est pas le cas. En ce qui concerne les déchets et la transmutation voici ce qu’en pense Dautray (ancien haut commissaire) (rapport pour l’académie des sciences décembre 2001) dans Conclusion (page 166-168) p.13
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• 4 - Séparation, conditionnement,
transmutation/fission
Remarque 2 Nous avons cité dans le chapitre 8 cinq critères relatifs au stockage des déchets radioactifs (radioactivité, radiotoxicité, dose effective sanitaire, puissance résiduelle, contribution éventuelle à la prolifération) qui seuls nous ont paru avoir une base scientifique (que nous sachions analyser). Nous avons toutefois voulu en montrer les limites, et pour chacun, et pour l’ensemble. Il nous paraît indispensable de dire que c'est aux populations, aux travailleurs concernés et donc à leurs représentants élus, c'est-à-dire à la puissance publique, d'élaborer le critère de protection et de confiance pour la gestion des déchets radioactifs. • Pour certains acteurs du nucléaire, il s'agirait souvent de protéger les d'événements futurs hypothétiques, dans 100.000 à des millions d’années (qu'étaient notre région, ses habitants et sa biosphère, à cette même distance dans le passé et le futur?), au détriment, certain, lui, des populations et des travailleurs concernés du présent siècle et des suivants. Il faudrait bien 10 demi-vies (30 ans) pour enlever au Cs137 et au Sr 90 leur prééminence en radioactivité dans les déchets C. Mais l’Am 241 serait dominant en radiotoxicité pendant de l’ordre du millénaire. Pour les UOX en stockage direct, il faudrait plusieurs demi-vies du Pu 241 (14 ans) pour le diminuer sensiblement et ainsi tarir la source de l’Am 241. Celui-ci, après le Pu, notamment 238, serait dominant en radiotoxicité de l’ordre de sa demi-vie. Pour les MOX irradiés, le taux de diminution de la radioactivité, déjà longuement expliqué dans ce rapport, met en scène, d'abord le Pu 241, puis le Cm 244 (demi-vie : 18 ans), l’Am 241 (demi-vie : 433 ans), puis le plutonium 239, etc. Quant à sa radiotoxicité, elle est quasi toujours celle du Pu, tous isotopes compris, et de leurs descendants, avec au premier rang l’Am 241. Tout le reste est au moins une décade en dessous. On voit ci-dessus qu'il faut déjà s'occuper des hommes contemporains, du siècle et des siècles à venir, qui, eux, sont confrontés au maximum de la radioactivité et de la radiotoxicité, qui décroissent ensuite aux rythmes du Pu 239 et 240, et donc pas seulement des hommes d'un futur très lointain. Ce qui est quelquefois proposé, par exemple un accent particulier sur la transmutation/fission, peut-il être scientifiquement faisable, simultanément pour les trois premiers critères ? Mais au détriment de qui? Avec quelles servitudes? Quelles conséquences sanitaires lors des incidents, accidents, erreurs humaines, malveillances, etc. ? A quel prix et avec quelles ressources ? Qui les paiera en adversités nouvelles ? Qu'est-ce qui sera nécessaire? Citons notamment : - les procédés de séparation, de transformation chimique et physique de corps radioactifs ; - les équipements pour faire tout cela ; - les irradiations ; - les fabrications d'objets radioactifs (et leurs traitements mécaniques, physiques, chimiques après irradiation) ; - les transports de tous ces corps radioactifs ; - les manipulations de ces objets de plus en plus radioactifs ; - les nouveaux déchets radioactifs (tout cela non seulement radioactif, mais avec tous les types de rayonnements, y compris les plus pernicieux) ; - tout cela exploité par les travailleurs de ce siècle, dans des zones au voisinage peuplé, où il est impossible qu'il n'y ait pas de fuites, ni de rejets radioactifs. C'est donc un système nucléaire vaste et complexe qui est à créer. Il faudra, de toute façon, qu'un bilan sanitaire sérieux, détaillé et comparatif, soit effectué avant toute dépense significative. Dans cette conclusion, que le lecteur veuille bien nous pardonner de répéter ce que nous avons dit dans le corps du rapport (ici, le chapitre 8, section 5). ! Ce système radioactif ne pourrait être créé, pour éviter de trop nombreux transports de substances radioactives, que dans un immense parc nucléaire adossé à l’usine séparant tous ces corps réputés potentiellement plus dommageables que les autres, et que l’on devrait séparer chimiquement. Donc, cet immense parc nucléaire devrait être adjacent à l’usine de retraitement sur laquelle on ajouterait les nouvelles unités de séparation chimiques. Il faudrait y placer toutes les fabrications de cibles à irradier, les réacteurs brûleurs et le traitement des cibles irradiées, et cela avec de nombreux recyclages. Il faudrait exiger des pertes et des impuretés minimales, au prix d'une complication technique extrême et d'un effort supplémentaire. N'oublions pas les usines-pilotes, puis les usines-prototypes, les réacteurs-démonstrateurs avant que les réacteurs-brûleurs ne soient construits en grande taille en grande quantité. Tout cela no us parait d'une complexité jamais égalée, mettant en jeu toutes sortes de rayonnements. Ce parc nucléaire contiendrait tant de corps radioactifs aux multiples risques potentiels qu'il faudrait le protéger, le garder comme une citadelle militaire, y compris du dessus. Et que dire des servitudes des travailleurs qui devraient y entrer et en sortir chaque jour, et des transports de corps radioactifs inévitables qui pénétreraient et sortiraient? Pourquoi tant de radioactivité croissante ? Parce que l'on voudrait remplacer des isotopes radioactifs à vie longue, donc très peu radioactifs, par des isotopes radioactifs à vie courte, donc très radioactifs. Il faut ajouter /es problèmes de radiotoxicité rendue accessible, parce que tous ces éléments devront bien être entreposés pour rendre compatibles ces demi-vies différentes et ces divers processus: donc le voisinage avec les travailleurs et les populations serait long. Qui doit juger de tout cela et notamment des questions posées ci avant ? Là encore, apparaît la nécessité d'un critère général de protection et de confiance. De toute façon, le parlement en aura besoin pour juger des résultats des études remises fin 2006 et pour décider des suites à y donner. (suite)
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suite:
Peut-on commencer par quelque chose de plus modeste ? Ne risquons-nous pas de mettre le doigt dans un engrenage où tout le bras puis le corps passeront? Là encore, c'est avec l'aide du critère général de protection et de confiance que le parlement pourra en juger. Observons que la faisabilité scientifique de la séparation chimique est déjà établie et que son fonctionnement, suivi d'un conditionnement (qui est une véritable réussite scientifique méconnue) et d'un entreposage local (c’est-à-dire sur place), pourrait démarrer progressivement et sans difficulté d'une manière expérimentale. C'est la suite qui nous parait faire problème, c’est-à-dire « l’élimination » de tels et tels corps radioactifs, pour remplacer des corps à vie longue, donc peu radioactifs, par des corps à vie courte, donc très radioactifs, pendant tout ce siècle (et les suivants?). Il a aussi écrit (page 130) 8- Avenir de la transmutation/fission ? Compte tenu des immenses travaux que cela nécessiterait et du maniement considérable de nombreuses matières radioactives ainsi engendrées, nous pensons qu’il faut commencer par élaborer très à fond le critère de protection et de confiance, en tirer minutieusement et rigoureusement toutes les conséquences par des cahiers des charges précis et de là, tous les résultats, tous les effets respectivement pour les entreposages, pour les stockages, pour les conteneurs et autres barrières, pour les séparations chimiques, pour les conditionnements, pour les éventuelles transmutation/fission, le(s) site(s) où placer les composants de cet immense nouveau complexe nucléaire, les transports autorisés de matériaux radioactifs que tout cela implique et le bilan sanitaire global pour le présent et pour l’avenir. En ce qui le concerne, l’auteur, ne pouvant anticiper sur ce processus, se permettra de dire la hiérarchie qu’il tente d’apercevoir entre tous les dangers, dont celui de mettre le doigt dans un engrenage de manipulations et de créations supplémentaires de radioactivités et de s’y voir engagé tout le bras, puis tout le corps.(souligné par nous) Dans notre esprit, c’est de loin la transmutation/fission qui est le processus le plus fécond en ennuis de ce type (et toutes sortes de problèmes de radioactivité) et nous recommandons de ce borner pour elle à un effort de R&D modéré, persévérant, avec des expériences ciblées, ce qui est le cas aujourd’hui, jusqu’à ce que la totalité du point 1 (c’est-à-dire cahier des charges compris) soit complètement élucidée, écrite et acceptée par toutes les parties concernées. Il conviendrait aussi d’estimer l’ampleur totale de la transmutation/fission, réalisation et exploitation jusqu’au stockage des déchets ultimes inclus, sa géographie et les routes de ses transports avec leur fréquence, ainsi, et c’est le plus important, que son bilan sanitaire pour le présent. En ce qui concerne les réacteurs
du futur le couplet sur les réacteurs à gaz qui devraient
permettre d’améliorer les rendements et de construire des petites
unités.
En ce qui concerne les déchets,
ils sont évacués un peu vite. En effet ceux à vie
courte représentant 1kg annuel par français (soit 60000 tonnes
par an pour la France). La phrase “ dans la période -de l’ordre
de 100 à 300 années- où ces déchets sont radioactifs
“ est un grossier mensonge. En effet, pour les corps de temps de vie autour
de 30 ans (type césium et strontium), en 300 ans la quantité
diminue d’un facteur 1000. Soit partant de 60000 tonnes annuelles, il en
reste 60 au bout de 300 ans. Si on accumule les déchets pendant
30 ans cela nous en donne 1800 t et pendant 60 ans 3600 t dans 300 ans.
Comme quoi il faudra attendre plus longtemps que 300 ans. Quant aux barrières
elles ne sont pas vraiment encore capables “d’assurer la parfaite sécurité
des hommes “
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Une situation
énergétique difficile…
L’énergie est un facteur essentiel du développement économique et social. Elle permet d’améliorer santé et qualité de la vie. Les scénarii établis par le Conseil mondial de l’Énergie montrent que, d’ici à vingt ans, les besoins primaires en énergie pourraient augmenter d’environ 50%. À cela une raison simple : malgré une efficacité énergétique qui va s’améliorer, ce sont les besoins, fortement croissants, des pays en développement qui vont tirer la consommation mondiale vers le haut. Il est vrai que le Conseil mondial de l’Énergie relève que les 20% de personnes les plus riches consomment 55% de l’énergie mondiale quand les 20% les plus pauvres n’en consomment que 3% ! Un développement durable suppose que nous sachions répondre aux défis énergétiques à venir. Les combustibles fossiles, que nous utilisons à l’excès (ils subviennent à près de 80% de nos besoins) ne sont pas la réponse unique : ils sont synonymes de risques géopolitiques, de dégagement de gaz à effet de serre et leurs réserves s’épuisent. Les énergies renouvelables, diluées et irrégulières, et bien qu’en forte croissance, ne seront qu’une réponse partielle, réservées à des besoins spécifiques. Dans un “ Mix énergétique ” raisonnable, l’énergie nucléaire a, j’en suis convaincu, un rôle important à jouer. À la condition qu’elle sache, mieux encore qu’aujourd’hui, répondre aux critères du développement durable. Une exigence immédiate:
améliorer encore la compétitivité et la sûreté
des installations existantes.
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La prolongation de la durée de vie
des réacteurs, jusqu’à 40 ans et au-delà (les États-Unis
ont commencé à porter la durée de vie de leurs réacteurs
à 60 ans), est un élément déterminant qui permettra
de produire, plus longtemps, un kWh avec des réacteurs dont l’investissement
sera amorti. Pour atteindre cet objectif, les recherches portent principalement
sur la tenue des composants et des matériaux, la modélisation
du vieillissement, les innovations possibles sur les matériaux
et les méthodes de contrôle non destructif. La préparation
des troisièmes visites décennales, qui, pour les tranches
de 900 MWe commenceront en 2008-2009, représente un jalon fondamental
pour l’extension de la durée de vie de l’ensemble du parc français.
L’optimisation des combustibles, par l’accroissement des performances et des taux de combustion est un objectif économique et stratégique essentiel. Cela permettra un allongement des durées de cycle de réacteur, une réduction des transports de combustibles usés et une diminution des quantités retraitées et entreposées. L’EPR, un réacteur
plus compétitif et plus sûr encore.
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Côté sûreté,
l’optimisation des systèmes de sauvegarde permet de diminuer encore
les risques d’occurrence d’accident. Une meilleure maîtrise des conséquences
en fonctionnement anomal permet quant à elle d’exclure tout événement
pouvant avoir des conséquences en dehors du site. La disponibilité
accrue du réacteur et l’amélioration de son combustible permettent
d’accroître notablement la compétitivité. Enfin grâce
à une meilleure utilisation des ressources d’uranium et à
une diminution de la production de déchets à vie longue ce
réacteur méritera les qualificatifs de réacteur propre
et sobre.
Déchets nucléaires:
des solutions à l’épreuve du temps.
Le stockage des déchets à
courte durée de vie
Le recyclage du plutonium
La séparation et la transmutation
des actinides mineurs
(suite)
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suite:
Ceci suppose d’abord que l’on sache séparer ces différents éléments. Des études de chimie quantique et les méthodes de mécanique et de dynamique moléculaire menées en parallèle aux expériences de laboratoire ont permis de mettre au point plusieurs familles de molécules, très sélectives et capables d’extraire ces éléments. Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un effort européen coordonné par le CEA. La R&D en cours doit permettre à l’horizon 2005, de démontrer la faisabilité technique, de simplifier et d’améliorer la robustesse des procédés pour permettre leurs développements à une échelle industrielle. Une fois triés, la solution la plus séduisante est d’éliminer les actinides mineurs par une transmutation les transformant en éléments stables ou de moindre radioactivité. Si le principe de cette opération a depuis longtemps été envisagé par les chercheurs, il restait à démontrer la faisabilité technique. Des études de scénarii, envisageant différents types de réacteurs ont permis d’évaluer les différents modes pour transmuter ces éléments. Un programme expérimental est mis en œuvre dans le réacteur Phénix pour valider la transmutation au plan technique. Ce programme permettra, d’ici à 2007, d’apporter des réponses concrètes sur ce point. Les déchets ultimes
Inventer les systèmes
nucléaires du futur.
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Les avantages des réacteurs
à gaz
Malgré les avantages, dont le large retour d’expérience n’est pas le moindre, les réacteurs à eau ou à métaux liquides ont également des inconvénients. Les principales limites de l’eau, utilisée comme réfrigérant, sont d’une part le fait que cela ne permet de “ brûler ” qu’1% du minerai d’uranium, et d’autre part que les contraintes sur la température limitent à moins de 40% le rendement énergétique du réacteur. Les métaux liquides, tel le sodium, permettent de s’affranchir de ces contraintes. En revanche, toutes les opérations de maintenance ou d’inspection au niveau du cœur ou des circuits contenant le métal liquide sont rendues très difficiles. Les premiers réacteurs à caloporteurs gazeux (Hélium en particulier) ont été développés dans les années 60-80, notamment aux États-Unis et en Allemagne avec plusieurs réalisations. Ils se sont heurtés, à l’époque, à des difficultés sur la partie conventionnelle, la turbine. Depuis peu, les avancées réalisées sur les turbines à gaz et les récents développements sur les matériaux résistant aux hautes températures (1000°C et au-delà) ont conduit à considérer les réacteurs à haute température (HTR) et à caloporteur gaz comme une des lignes les plus prometteuses pour les systèmes nucléaires du futur. On attend de ces systèmes des gains économiques importants car ils seront modulaires (puissance unitaire de 100 à 300 MWe contre 1550 MWe pour l’EPR), auront des temps de construction plus rapides et des circuits plus simples. L’utilisation d’hélium comme caloporteur permet d’atteindre des rendements élevés, notamment dans des concepts modernes de HTR à cycle direct où l’hélium chaud va directement au turboalternateur. Leurs caractéristiques permettront de mettre en œuvre une sûreté passive, qui, alliée à un combustible très innovant, robuste et ayant peu d’interaction avec le réfrigérant permettra d’écarter tout risque d’accident grave. Du côté des marchés, les hautes températures, les rendements élevés et la taille modulaire de ces réacteurs leur permettront de répondre à de nouveaux besoins comme la production d’hydrogène ou encore le dessalement de l’eau de mer pour la production d’eau potable. Enfin, avantage déterminant, le gaz permet de concevoir des cœurs de réacteurs à spectres rapides ce qui autorise une utilisation maximale du minerai d’uranium et une minimisation importantes des déchets. Des ruptures technologiques
Un déploiement progressif
(suite)
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suite:
A moyen terme on envisage des versions dédiées plus spécifiquement à certaines applications : on peut penser, par exemple, à un modèle à très haute température (supérieure à 850°C) pour la production d’hydrogène, à un modèle robuste et sécurisé pouvant être exporté vers des pays moins familiers aux technologies nucléaires, à un modèle optimisé pour brûler les actinides. Le long terme devra résolument s’inscrire dans le développement durable et l’objectif sera de faire évoluer ces réacteurs vers des spectres rapides permettant de valoriser également l’Uranium 238 qui représente plus de 99% du minerai naturel. De grands moyens expérimentaux
en soutien à la R&D nucléaire du futur
Une recherche largement internationalisée
p.17
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Représentant fin 2001 un
parc de 438 réacteurs en fonctionnement soit 353 GWe de puissance
installée, l’électronucléaire compte aujourd’hui pour
6,6% de la production mondiale d’énergie et 16% de la production
d’électricité. Mais cette situation est très contrastée.
Alors que les pays de l’OCDE recourent pour 24% au nucléaire pour
leur production d’électricité, les pays de l’hémisphère
sud ne l’utilisant pratiquement pas.
Malgré une baisse très nette des programmes d’équipement par rapport aux années 70 et 80, on continue à observer dans le Monde une croissance de la production nucléaire globale et la volonté d’un certain nombre de pays d’augmenter leur parc. C’est le continuent asiatique avec le Japon, la Chine, la Corée et l’Inde qui représente la majorité des 32 réacteurs nucléaires en construction. Si la plupart des pays occidentaux ont arrêté de construire des centrales, plusieurs envisagent l’avenir et le renouvellement des capacités actuelles. Aux États-Unis, le plan national énergétique “ Bush ”, adopté en mai 2001, prône une relance du nucléaire. Le seul maintien de la part actuelle du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2020 nécessiterait la construction de plusieurs dizaines de réacteurs pour compenser la fermeture des unités devenues obsolètes et pour suivre la croissance globale de la consommation. En Finlande, l’électricien TVO a déposé la demande de construction d’un cinquième réacteur. Cette décision a été approuvée sur le principe par le Gouvernement en début d’année puis par le Parlement finlandais en mai dernier. Au Royaume-Uni, le rapport demandé par le Premier ministre sur la politique énergétique d’ici 2050, publié le 14 février 2002, recommande, entre autres, de laisser ouverte la possibilité de nouveaux investissements nucléaires. Depuis la mise en service en 1999 du 58ème réacteur à eau pressurisée d’EDF, la France affiche une logique de maintien de l’option nucléaire ouverte à l’échéance du renouvellement du parc. La réflexion internationale sur la
place du nucléaire a repris de façon très importante
à la fin des années 1990, parce que cette énergie
présente des intérêts indéniables.
(suite)
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suite:
Sur le plan environnemental, contrairement à la production d’électricité fondée sur la combustion du pétrole, du gaz ou du charbon, le nucléaire ne rejette ni gaz à effet de serre, ni polluant acide, ni poussières. Il est à cet égard remarquable de constater que les pays les plus performants en matière de limitation des émissions de CO2 s’appuient de façon importante sur l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie. Même s’il n’est pas la seule, le nucléaire fait incontestablement partie des réponses au problème du réchauffement climatique. À titre d’illustration : - le livre vert de la Commission européenne indique que le parc nucléaire européen actuel (environ 30% de la production totale d’électricité) permet d’éviter la moitié des émissions de CO2 de son parc automobile; - en France, 27 millions de tonnes de carbone ont été évitées en 2001 (sur un total de 173 Mt) par rapport à un parc de production électrique où le nucléaire serait remplacé par les moyens de production les moins polluants à base de gaz naturel. D’un point de vue économique, le nucléaire prouve sa compétitivité pour un fonctionnement en base [1 ] dans plusieurs pays, qu’il s’agisse: - de parcs installés, amortis et rationalisés grâce au regroupement des électriciens comme aux États-Unis ; où, depuis 1998, le kWh c$/kWh en 1999); - ou le choix de construction nouvelle à l’exemple finlandais de construction d’un cinquième réacteur nucléaire [2 ]. Le nucléaire français est de son côté particulièrement compétitif grâce à un parc de réacteurs homogène, et amorti à plus de 50%. Cette compétitivité est régulièrement vérifiée par le ministère à travers les études “coûts de référence de la production électrique” ainsi que par des observateurs “non gouvernementaux”, qu’il s’agisse des rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ou encore des commandes spécifiques comme l’étude sur les coûts de la filière nucléaire commandée par le Premier ministre à MM Charpin, Dessus et Pellat en 1999. Quel que soit le mode de calcul retenu, le constat est le maintien de la compétitivité du nucléaire pour la production d’électricité en base face aux meilleures alternatives existantes (cycle combiné au gaz). Ces résultats intègrent la totalité des coûts pour la filière nucléaire, tenant compte de la recherche et développement, du démantèlement des installations ainsi que du traitement-recyclage des combustibles usés et de la gestion des déchets. À l’inverse, la récente étude EXTERNE de la Commission européenne estime que la prise en compte des coûts externes de la production d’électricité, c’est-à-dire la valeur monétaire des dommages causés, ajouterait 25 à 100% du coût total pour les énergies fossiles alors que les coûts du nucléaire et des énergies renouvelables resteraient pratiquement inchangées. C’est aussi le verdict de l’étude de MM. Charpin – Dessus – Pellat. Outre le fait qu’il met à disposition des entreprises et des ménages une énergie bon marché et permet d’alléger la facture énergétique extérieure [3 ], le nucléaire génère enfin des emplois et crée des richesses . Le nucléaire voit en effet l’essentiel de sa valeur ajoutée, et donc des emplois créés, localisés dans le pays producteur d’électricité nucléaire. p.18
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Si le nucléaire
présente des avantages incontestables, la plupart des électriciens
occidentaux sont confrontés à plusieurs incertitudes vis-à-vis
de l’échéance du renouvellement de leur parc de production
: la durée de vie des centrales actuelles et les conditions économiques
qui prévaudront à l’échéance du renouvellement.
C’est un truisme de dire que le premier type d’incertitude pour un électricien nucléaire est la durée de vie de ses installations . Le nucléaire est une industrie jeune ; l’ensemble des phénomènes qui déterminent cette durée de vie n’est pas cerné. Si le remplacement de certains éléments lourds comme la cuve du réacteur ou l’enceinte de confinement est considéré par les experts comme prohibitif sur le plan économique, beaucoup d’autres parties (couvercles de cuves, générateurs de vapeur…) peuvent faire l’objet d’opérations de jouvence ou de remplacement de manière à poursuivre l’exploitation de l’installation dans des conditions optimales de sûreté. Un calcul économique déterminera in fine le choix de chaque électricien. L’exemple américain est représentatif de l’effort de prolongation de la durée de vie des centrales et, plus généralement, d’optimisation de l’outil existant. Quelques réacteurs ont d’ores et déjà obtenu le renouvellement pour 20 ans de leur autorisation d’exploitation par l’autorité de sûreté américaine : la Nuclear Regulatory Commission (NRC) la portant de 40 à 60 ans (si bien sûr les réacteurs satisfont par ailleurs aux prescriptions de la réglementation de sûreté travail avec la RNC). Des demandes d’autorisation de prolongation de durée de vie sont actuellement à l’étude pour une vingtaine d’autres réacteurs. En 2002, la Nuclear Regulatory Commission a également donné son accord à un grand nombre d’opérations d’accroissement de la puissance individuelle des réacteurs. Collectivement la capacité de 22 réacteurs du parc américain de 994 MWe soit la puissance installée d’un réacteur neuf. Le Japon envisage des dispositions identiques. Le parc nucléaire de production d’électricité d’EDF est pour sa part jeune (17 ans en moyenne). Son renouvellement ne pourrait donc être entrepris qu’à partir de 2015-2020. EDF avance en effet une hypothèse de 40 ans de durée de vie tandis que l’Autorité de sûreté estime atteignable une durée de vie de 30 ans et demande à voir au cas par cas au-delà. La prolongation de la durée de vie du parc des centrales actuel présente un intérêt économique évident pour le rapport de MM. Charpin – Dessus – Pellat. Un rapport de la direction de la Prévision fait le même pronostic comparant le coût du kWh nucléaire des centrales dont la durée de vie serait prolongée à 1,2 c€/kWh, jouvence comprises, contre 2,7 c€/kWh pour des centrales neuves. La tendance à maximiser la durée de vie des centrales existantes s’explique également, dans un marché dérégulé de l’électricité, par l’aversion naturelle des électriciens vis-à-vis d’investissements de long terme . Il faut en effet 5 à 7 ans pour construire un réacteur nucléaire contre 2 à 3 pour une centrale fonctionnant au gaz naturel. De plus, les coûts d’investissement au kWe installé sont beaucoup plus importants (environ 1 500 € au kWe installé pour un réacteur nucléaire contre 300 à 450 pour un cycle combiné au gaz naturel ou une centrale à lit fluidisé circulant au charbon). Ainsi, les coûts d’investissement des centrales nucléaires représentent environ 60% des coûts de production actualisés quand ils atteignent 20% pour les centrales au gaz [4 ]. La durée de rentabilisation d’un investissement est donc beaucoup plus élevée pour le nucléaire. L’engagement est nécessairement de long terme, donc moins résistant à toute remise en cause de la demande comme de la réglementation. L’engagement des gouvernements en faveur du nucléaire est dans ce cadre un facteur d’appréciation capital. Le choix des investissements futurs sera par ailleurs mesuré à l’aune de deux éléments de contexte, facteurs d’incertitude dans un avenir de 10 à 20 ans. (suite)
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Il s’agit tout d’abord du prix des combustibles fossiles et notamment du prix du gaz naturel, identifié aujourd’hui comme l’alternative la plus crédible au choix du nucléaire pour la production en base. Le prix du gaz est bas aujourd’hui après avoir doublé entre 1999 et 2001 ; il reste par conséquent incertain à l’horizon 2010-2020. Dans la mesure où le prix du gaz est une partie importante du coût de production, une tension sur le marché des énergies fossiles qui pourrait être provoquée par un trop grand recours à cette matière pour la production d’électricité, changerait complètement la donne. De même, une fiscalité sur les émissions de gaz carbonique vis-à-vis des moyens de production utilisant des combustibles fossiles donnerait un avantage comparatif décisif au nucléaire. Selon la direction de la Prévision, elle favoriserait l’industrie nucléaire à hauteur d’un centime d’€ par kWh pour des coûts complets actualisés aux alentours de 3 c€/kWh. Le deuxième élément de contexte concerne les coûts finaux de la gestion des déchets et du démantèlement . Si ceux-ci sont intégrés dans les estimations de coût de production, l’attente d’une solution techniquement et politiquement validée d’élimination à long terme des déchets laisse planer une incertitude sur le coût global du kWh nucléaire. L’absence d’expérience de grande échelle en matière de démantèlement est du même ordre. On peut toutefois observer que ces coûts futurs sont éloignés et pèsent de manière faible sur le coût de production du kWh. Encore faut-il que les entreprises mettent en place progressivement les actifs dédiés qui, le moment venu, permettront de faire face à ces charges, ce à quoi s’emploient les acteurs français. Selon les pays, les réponses
sont diverses pour maintenir l’option nucléaire et limiter les facteurs
d’incertitude.
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La préparation de futur
conduit par ailleurs à s’interroger sur la nature et le type de
réacteurs qui pourront remplacer ceux de la génération
actuelle. Dans ce cadre, deux échéances peuvent être
distinguées : le renouvellement des centrales les plus anciennes
qui seraient atteintes par la limite d’âge sur la période
2010-2030, puis celui des centrales plus récentes, en signalant
à nouveau l’incertitude calendaire attachée à la durée
de vie.
Pour le premier “ lot ”, il paraît rationnel de privilégier les technologies évolutives et éprouvées des réacteurs à eau légère (bouillant ou pressurisée) qui constituent l’essentiel du parc mondial (79% de la capacité installé). En effet, des technologies révolutionnaires demandent du temps pour en estimer la maturité technique, la rentabilité économique et, de façon plus pratique, adapter l’outil industriel du cycle du combustible en amont et en aval du réacteur. L’expérience passée a montré qu’une période de 20 à 30 ans pour satisfaire ces conditions n’était pas démesurée. Dans ce cadre, les électriciens et leurs fournisseurs mettent en avant ou présentent des modèles de puissance moyenne (1'000 MWe) à haute (1'500 MWe), présentés comme de troisième génération, compatibles avec les outils industriels et surtout les réseaux de distribution de l’électricité existants. Ce sont les modèles AP1000 (1'000MWe), BWR90+ (1'500 MWe) de BNFL – Westinghouse, l’ABWR de 1'400 MWe de General Electric, les VVER 1'000 (1'000 MWe) du Minatom russe, l’EPR (1'500 MWe) et le modèle bouillant SBWR1000 (1'000 MWe) de Framatome-ANP. Dans une logique de plus long terme se développent des initiatives internationales : Generation IV (sous l’égide des États-Unis) et INPRO (sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique) pour étudier les potentialités de technologies innovantes, en rupture avec la génération actuelle. Ces technologies sont diverses : réacteurs à neutrons rapides, à haute température, avec gestion intégrée du cycle du combustible, usage de combustibles réfractaires ou de cycles fondés sur des matières nucléaires comme le thorium. La motivation pour l’étude de ces systèmes est multiple et justifierait un coût d’acquisition au kWe installé plus élevé : - la modularité : des réacteurs de plus petite taille seraient d’une part plus adaptés à certains réseaux de transport d’électricité, d’autre part plus accessibles à des électriciens de taille moyenne ; enfin ils permettraient de construire plus vite des capacités tout en collant à la demande ; - la cogénération : un réacteur électrogène fonctionnant à haute température pourrait produire en plus de l’eau chaude (chaleur), de l’eau douce (dessalement de l’eau de mer) voire de l’électricité sous forme stockable (production d’hydrogène pour des piles à combustibles) ; - la transmutation des déchets radioactifs de la génération précédente et/ou la réduction à la source de la production de radioéléments facilement difficiles à gérer sur le long terme ; - la simplification des concepts de sûreté (pour limiter les coûts importants liés à la redondance actuelle des systèmes) ; - l’utilisation rationnelle de l’énergie en consommant plus efficacement la matière première par augmentation des taux de combustion, consommation de l’ensemble des isotopes de l’uranium voire surgénération (avec une multiplication potentielle des ressources par un facteur 50). Le développement de séries de petits réacteurs intermédiaires, sans rupture technologique, semble moins probable, du moins dans des pays dont la structure de production est très centralisée comme la France. Il pourrait toutefois être envisagé d’en construire quelques exemplaires pour valider globalement certains aspects technologiques (comme l’alimentation directe d’une turbine par de l’hélium en tant que caloporteur d’un réacteur à haute température). (suite)
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La communauté internationale procède aujourd’hui à un balayage large pour canaliser son attention vers les idées les plus prometteuses en étudiant les verrous technologiques de chacune des innovations envisageables. L’ampleur de la tâche nécessite un effort international pour en mutualiser les coûts. La poursuite de l’initiative “ Generation IV ” méritera toutefois d’être examinée sous l’angle de l’équilibre en matière de participation des industriels de l’ensemble des pays impliqués. En France, la structure du
parc de production d’électricité crée une situation
insolite qui mérite une attention particulière
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Le premier scénario
préserverait les capacités nationales de fabrication de l’industrie
nucléaire pour l’horizon du renouvellement. L’effet de “ vitrine
” d’une construction en France pour accéder aux marchés à
l’export en Asie, aux États-Unis voire en Finlande, est également
à considérer.
Le second scénario conduirait de fait à cantonner le groupe Areva sur les créneaux des services aux centrales et de la fourniture de combustible, en notant pour l’avenir que le concepteur-vendeur d’un réacteur est souvent bien placé pour proposer ce type de prestations. Sur le créneau des réacteurs, faute d’une vitrine à l’export, Areva serait probablement confrontée à la nécessité d’abandonner l’EPR pour se préparer aux marchés d’un type nouveau de réacteurs voire de la quatrième génération, expérience plus hasardeuse en matière de coûts et de délais. En termes de maîtrise des choix futurs, cette décision conduirait sans doute à faire dépendre nos choix de l’étranger soit parce que le modèle retenu serait de conception étrangère [6 ] soit parce que ce modèle aurait été conçu pour l’export alors que les besoins français, liés à la structure du parc de production et du réseau de distribution, sont particuliers. Si l’on se place du point de vue de l’électricien, on ne peut exclure a priori l’un de ces deux scénarios. La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité prévoit qu’une programmation pluriannuelle des investissements (PPI) constituera la traduction de la politique énergétique dans le domaine de l’électricité. Par ailleurs, le Parlement sera amené à se prononcer périodiquement sur la PPI élaborée par le ministre chargé de l’énergie, en particulier dans l’année suivant chaque renouvellement de l’Assemblée nationale. La PPI fixe les objectifs en matière de répartition des capacités de production par source d’énergie primaire et, le cas échéant, par technique de production et par zone géographique. Les objectifs de cette programmation sont de garantir un équilibre durable entre l’offre et la demande d’électricité mais aussi d’assurer une diversification suffisante des modes de production et le respect des objectifs environnementaux. Enfin, la loi du 10 février 2000, prévoit l’élaboration d’une loi d’orientation sur l’énergie. La préparation de cette loi s’inscrit tout à fait dans le cadre du grand débat sur l’énergie, annoncé par le Premier ministre lors de son discours d’investiture du 3 juillet 2002. Ce débat sera l’occasion d’aborder en tout premier lieu la place du nucléaire dans le mix énergétique ainsi que les différents enjeux associés que sont les recherches sur l’aval du cycle ou la construction éventuelle de l’EPR et de répondre aux questions évoquées précédemment, notamment pour mesurer les avantages et les inconvénients des deux scénarios évoqués plus haut sur le choix de construire ou non un premier exemplaire. En conclusion, il apparaît indispensable de maintenir pleinement ouverte pour l’avenir l’option nucléaire. Permettant à la fois de limiter les émissions de gaz à effet de serre à un moment où toute contribution est recherchée et de réduire la dépendance des pays industrialisés, facilitant ainsi l’accès à l’énergie des pays en développement, l’énergie nucléaire détend la contrainte énergétique mondiale, sans substitut disponible à court et moyen terme. (suite)
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Pour l’avenir et en respectant une nécessaire diversification, la production nationale d’électricité intégrera davantage d’énergies renouvelables et, vraisemblablement, plus de gaz. À conditions inchangées, le nucléaire restera prédominant pour la production d’électricité en France. Il importe donc non seulement de maintenir les conditions optimales de fonctionnement du parc nucléaire actuel, s’agissant de sa sûreté et de sa compétitivité, mais aussi de laisser ouverte la possibilité de recourir à cette technologie pour renouveler le parc de production. Si ce sujet n’a que très peu été évoqué dans cet article, plusieurs défis doivent être relevés : - développer la participation et l’information du public (débattre des choix énergétiques n’en est que la première étape ; l’exercice doit être continu) ; - continuer de faire de la sûreté l’objectif majeur de toute politique nucléaire en France comme à l’étranger (la France y contribue dans ses efforts d’aide aux pays de l’Est et de l’ex Union soviétique) ; - assurer une gestion des déchets radioactifs qui soit sûre, claire et rigoureuse (les recherches menées dans le cadre du processus démocratique et ouvert sur le plan scientifique, défini par la loi dite Bataille doivent être poursuivies avec vigueur). S’il sait progresser sur ces aspects, le nucléaire renforcera sa position de solution incontournable. Il convient toutefois de ne pas sombrer dans un optimisme à tout crin sur la capacité à prolonger la durée de vie ni dans l’attentisme pour ce qui concerne la préparation de l’avenir. Il s’agit de maintenir les conditions de l’offre pour pouvoir choisir demain. 1 Par opposition au fonctionnement en pointe, la base commence pour des durées d’utilisation annuelles supérieures à 4 à 5 000 heures, soit 50% de la durée annuelle. retour2 Sur la base d’un fonctionnement optimal de 8000 heures par an, les estimations finlandaises font état des coûts de production actualisés suivants : 21,8 €/MWh pour le nucléaire, 24,3 pour le charbon et 26,3 pour le gaz. retour 3 Le solde exportateur des échanges d’électricité a induit en 2001 une rentrée en devises de 2,8 Mds€ tandis que la production électronucléaire permettait une économie d’importation d’énergies fossiles d’environ 10 Mds€ (23 Mds€ en 2000, année de tension sur les marchés pétroliers). retour 4 avec un taux d’actualisation de 8% - Coûts de référence DIGEC 1997 – ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. retour 5 On qualifie de pointe des moyens fonctionnant pendant de très courtes durées en appoint des moyens fonctionnant en base. retour 6 C’est le choix qui a été fait au milieu des années 70 lorsque fut décidé de développer une génération de réacteurs sur la base de la technologie Westinghouse des réacteurs à eau pressurisée. retour p.21
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Sortir du nucléaire
amènerait pour la Belgique un coût annuel - lié au
surcroît d'émissions de CO 2 - nettement moindre que celui
avancé par le professeur André Berger.
Démonstration Dans sa lettre ouverte à monsieur le Premier ministre datée du 15 janvier 2003 (1) , le professeur André Berger procède à une série de calculs évaluant à 2,9 milliards € (117 milliards de francs belges) le coût annuel pour la Belgique du surcroît d'émission qui serait imputable à la sortie du nucléaire. Il fonde ses calculs sur un prix de la tonne de CO2 de 75 €. Notre mise au point porte sur ce chiffre, qui joue un rôle clé dans le raisonnement. Lorsque l'on examine la source et la nature exacte de ce chiffre, force est de conclure qu'il en est fait un usage abusif dans l'argumentation de la lettre ouverte. La valeur de 75 € la tonne de CO2 (en toute rigueur, `CO2 - équivalent´, en raison de la prise en compte d'autres gaz; nous écrirons donc CO2 -eq) provient de la toute première cotation opérée en avril 2002 sur un nouveau système de commerce d'émission instauré au Royaume-Uni en anticipation des systèmes qui seront organisés, bientôt, dans l'Union européenne et, plus tard, au niveau mondial. Ce système anglais est très particulier, différent de celui prévu en Europe (il est d'ailleurs prévu que les deux systèmes coexistent pendant quelques années avant d'éventuellement se rapprocher). Mentionnons qu'aujourd'hui, le permis d'émission y est coté à quelque 5 € la tonne de CO2-eq, bien loin des 75 € du début. Pour déterminer le coût d'une politique en général, et énergétique - nucléaire - en particulier, il convient de faire les calculs en termes de coût économique, c'est-à-dire en évaluant les ressources économiques que la mise en oeuvre de cette politique requiert. Dans le cas spécifique de la réduction des émissions, le coût économique est constitué des dépenses que devront consentir les divers secteurs d'activité concernés pour réaliser cette réduction. Le prix de la tonne de CO2-eq, tel qu'observé un jour quelconque à Londres, est employé par notre collègue pour évaluer ce coût économique. Mais est-ce un bon indicateur? Nous ne le pensons pas, pour plusieurs raisons dont voici les deux principales. D'une part, les enchères ont porté sur des permis qui, outre leur rôle environnemental, sont aussi des instruments financiers. Le lien entre le prix de ceux-ci et la valeur économique de la réalité en cause (le carbone) est lâche, du fait des multiples propriétés des marchés financiers, spécialement celle de leur flexibilité extrême à l'origine d'une grande variabilité des cours en réaction aux conditions économiques du moment, aux informations nouvelles ou aux anticipations des acteurs quant au futur. Dans la matière qui nous occupe, ces deux derniers facteurs sont extraordinairement marqués par l'incertitude. Du fait de sa volatilité, le prix de l'actif financier et la valeur économique fondamentale de l'unité de carbone peuvent donc se trouver fréquemment dissociés. Il en découle que l'observation ponctuelle d'une seule valeur de ce prix `financier´ n'est pas une base suffisante pour construire une politique "économique" des réductions d'émissions. (suite)
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Notre deuxième raison est plus générale, et enseignée par la théorie économique. Oui, un prix de marché de permis d'émission de carbone peut servir à estimer correctement le coût économique des réductions si le marché est parfaitement concurrentiel et comporte, en particulier, un grand nombre d'intervenants. Tel n'est absolument pas le cas de l'enchère londonienne; et pour les transactions secondaires qui ont suivi cette enchère, le nombre des intervenants a lui aussi été restreint du fait de la limitation du système Royaume-Uni. C'est pourquoi même le chiffre de 5 € la tonne, observé aujourd'hui, ne pourrait être utilisé comme seule base de calcul. Quels sont alors les instruments qui permettent de se faire une idée de ce `coût économique´ fondamental et de concevoir, sur cette base, des politiques appropriées? Il s'agit des modèles de simulation mathématique représentant les systèmes économiques et énergétiques. Certains ont été élaborés et sont exploités en Belgique, comme partout ailleurs dans le monde développé, notamment au Bureau fédéral du Plan et dans les universités (par exemple le projet ClimNeg), souvent avec le soutien du ministère de la Politique scientifique. Ces modèles évaluent les possibilités de réduction des émissions au départ d'une description des technologies en cause et en déduisent les coûts qui en résultent. De telles méthodes produisent aujourd'hui diverses estimations des coûts qui se situent généralement dans une fourchette allant de 5 à 20 €. Deux conclusions ressortent de ces différents éléments. La première concerne le coût financier de la sortie du nucléaire. Avec un prix à 5 € la tonne de CO2 -eq au lieu de 75 €, le coût financier annuel tel que calculé par André Berger passe de 2,9 milliards à 194 millions d'€ (soit un passage de 117 à 7 milliards de francs belges) soit plus de 15 fois moins, et d'un montant absolu bien faible du point de vue macroéconomique. Évidemment, peu d'éléments nous permettent d'affirmer que le prix de la tonne de CO2-eq sera de 5 € plutôt que 75 €, ou de n'importe quelle autre valeur, d'ailleurs. Les simulations les plus récentes des modèles mathématiques semblent plutôt indiquer un prix très bas à court et moyen termes. En s'en tenant à une fourchette de 5 à 20 €, les calculs que présente le professeur Berger forcent à conclure que la pertinence de sortir ou non du nucléaire en Belgique ne peut pas se jauger à l'aune des enjeux économiques inhérents au respect du protocole de Kyoto: ces enjeux sont probablement faibles, sinon négligeables. La seconde conclusion concerne le protocole de Kyoto lui-même. Si l'on veut admettre qu'un prix attendu de 5 € par tonne de CO2-eq reflète effectivement le coût économique des réductions d'émissions de gaz à effet de serre au sein de l'Union européenne, ce niveau suggère, parce qu'il est faible, que les objectifs actuels du protocole sont globalement fort modestes. (1) Voir www.lalibre.be p.22
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