Commentaire Gazette
Rien que le titre pose problème : le retraitement a été
poussé en avant parce qu’on a mis au point cette technique pour
faire les bombes. Il est optimisé dans ce but : séparation
et récupération du plutonium, accessoirement et parce qu’on
ne sait pas faire mieux de l’uranium.
Ce retraitement complique sérieusement les réflexions que
l’on peut mener sur le traitement des déchets.
Françoise DUTHEIL (...) Parce que le Plutonium récupéré par le retraitement est recyclé sous forme de combustible dans les REP (réacteurs à eau sous pression).
Le combustible usé déchargé d’un réacteur nucléaire
n’est en rien un « déchet » dans sa globalité
: il contient encore d’énormes quantités de produits à
forte valeur énergétique (95% d’uranium et 1% de plutonium)
et seulement 4% de déchets ultimes. C’est pourquoi la France a,
dès le milieu des années 80, mis en oeuvre un processus industriel
de traitement des combustibles nucléaires, pour extraire et recycler
les matières énergétiques valorisables que sont l’uranium
et le plutonium, et pour ne garder, à l’issue du tri sélectif,
que des éléments considérés comme des déchets
ultimes.
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Commentaire gazette:
La réécriture de l’histoire est un exercice toujours employée
pour prouver ce que l’on veut démontrer. Mais le
retraitement a été mis au point pour pouvoir développer
l’armement nucléaire. Le CEA, dès les années
60, prônait la filière à neutrons rapides (type Superphénix)
et a donc poussé à la mise en place de l’usine de la Hague
(1966). L’extension de ce complexe a effectivement été décidée
en 1981 pour donner, entre autre à nos voisins un site où
envoyer leurs déchets. La loi de 1991 a réduit ce bel édifice
en miette.
Il existe donc un triple intérêt au retraitement des combustibles
usés et au recyclage du Plutonium (composante la plus radio-toxique)
:
1/ Par le retraitement : on récupère et on valorise une
matière hautement énergétique
Un assemblage de combustible usé contient en effet environ :
-475 kg d’uranium recyclable et 5 kg de plutonium recyclable
-20kg de produits de fission à vie courte
-500g d’actinides mineurs à vie longue qui seront vitrifiés
Or : 1 gramme de Plutonium = 1 Tonne de pétrole
Il paraîtrait raisonnable de se servir du plutonium pour économiser
dans l’avenir l’équivalent énergétique en tonnes de
pétrole.
En France, 2/3 des 1.200 tonnes de combustibles usés annuelles sont
traitées et le plutonium est recyclé sous forme de combustible
MOX dans 20 réacteurs (aussi en Allemagne, en Belgique).
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Commentaire Gazette
En ce qui concerne l’uranium recyclable :
Il est radioactif car il contient des produits de fission et des actinides.
Il ne peut être enrichi à l’usine de diffusion gazeuse EURODIF
car il contaminerait les divers étages de cette usine. D’autre part
comme il contient des uraniums tels que le 236, il faut enrichir davantage
pour éviter les pertes en neutrons. Il contient aussi de l’uranium
232 très irradiant, ce qui rend sa manunention plus délicate.
En ce qui concerne le MOX :
Le temps de refroidissement de ces combustibles est beaucoup plus élevé
que celui des combustibles UOX (environ 2,5 à 3 fois sur le site
(soit de 1 an on passe à 3) du réacteur et avant un retraitement
non envisageable pour le moment (7 à 10 ans pour les UOX, 21 à
30 pour les MOX).
Le fait d’accumuler environ 1/3 du combustible chaque année oblige
à s’intéresser au stockage des combustibles en l’état
(après un temps de refroidissement d’environ 50 ans pour les UOX
et 150 pour les MOX).
Quant à l’équivalent plutonium versus pétrole ce n’est
pas lui qui nous fera économiser du pétrole mais une politique
volontariste qui ne mettrait pas le camion comme seul moyen de transport
accompagné de plus par la voiture particulière au lieu des
transports en commun.
Les équipes du CEA ont développé de nouveaux combustibles
permettant d’accroître la consommation de plutonium des réacteurs
actuels (optimisation des taux de combustion de 45.000 à 65.000MWj/tU),
voire de nouveaux assemblages qui pourraient consommer autant de plutonium
qu’en produit un réacteur. Ces assemblages pourraient être
industrialisés d’ici 10 ans, et la génération suivante
de combustibles, qui conduira à consommer davantage de plutonium
que l’on en produit, pourrait être industrialisée à
partir de 2020.
Commentaire Gazette
Les nouveaux combustibles existent déjà et sont malheureusement
déjà sur les réacteurs pour des cycles sur 4 ans et
avec un taux de combustion élevé. Des incidents divers ;
rupture de gaines, chargement anormal du coeur, etc. ont eu lieu. Les problèmes
de vieillissement des matériaux sous irradiation risquent d’être
accentués.
En ce qui concerne le MOX sa teneur en plutonium est limitée à
11 à 12 % sinon le réacteur passe en régime sur critique
prompt en cas de perte de réfrigérant (fonctionnement explosif
type Tchernobyl). Donc commercialisation ou non il faudra se résoudre
à limiter les teneurs.
2/ à court terme, le retraitement participe à la gestion
des déchets nucléaires : il permet de réduire d’un
facteur 10 , par rapport à une solution de stockage en l’état,
la radio-toxicité à long terme des combustibles usés
Comparé au stockage en l’état du combustible, le retraitement
réduit la toxicité et le niveau des radiations des déchets.
Il réduit aussi de 8 fois le volume, et de 2 fois la chaleur résiduelle,
et réduirait ainsi considérablement les volumes de stockage
en l’état.
Commentaire Gazette :
La réduction éventuelle de volume ne réduit pas la
radioactivité. Le retraitement sépare les matières
en petits tas contenant chacun une part de radioactivité et la somme
est la radioactivité du combustible non retraité. Les chiffres
avancés sont tout à fait fantaisistes.
Le fait de séparer le plutonium n’empêche pas son existence
et son stockage.
Yucca Montain n’accueillera pas les combustibles avant un assez long temps.
Ce qui va remplir le site ce sont des déchets type B.
Quant à la mine de plutonium, elle n’est pas accessible dans les
assemblages, c’est même la raison pour laquelle on fait des MOX.
Certes on sépare les produits de fission qui ne contiennent plus
qu’un peu de plutonium mais on a récupéré le plutonium
et il faudra bien le stocker quelque part.
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suite:
Par exemple : si 4 assemblages usés sont stockés en direct,
ils renferment 15 à 20 Kg de plutonium ; si on les retraite, tous
leurs résidus tiennent dans un fût métallique de 50
cm de diamètre, et ne contiennent plus que 15 à 20 grammes
de plutonium.
Le cas du non-retraitement et du stockage direct aux États-Unis
dans les Yucca Mountains est non moins exemplaire. En effet, outre qu’il
n’y a pas en Europe de désert isolé tel que les Yucca Mountains,
les volumes enfouis seront tels que ce site sera plein en 5 ans. Le grand
public américain surnomme le site : « mine de plutonium ».
3/ Il en coûterait moins de 1 centime par kWh pour faire disparaître
l’élément qui constituerait la principale difficulté
du traitement définitif des déchets, c’est à dire
le plutonium, ce qui représente aussi une optimisation du coût
de l’impact environnemental.
Commentaire gazette
Cela signifie quoi ce 1 centime par kWh et surtout “disparaître”
n’est certainement pas le mot exact : irradier un corps dans un flux de
neutrons permet de casser une partie (de quelques % à 20 % après
un séjour de 4 à 10 ans en réacteur moyennant la formation
de corps dont on espère qu’une partie aura une durée de vie
moins longue. Cette faculté posera des problèmes de manutention
à court et moyen terme mais rendrait le futur lointain plus sympa.
Quant à la démonstration que cela vaut le coup de faire le
retraitement pour séparer le plutonium pour moins de 1 centime d’euros,
on peut se dire que c’est cher payer une usine polluante avec ses rejets,
du plutonium sur les étagères, de l’uranium à stocker,
des verres à conditionner, ainsi que des fûts de déchets.
Et de toute façon comme on ne retraite pas tout il faudra inéluctablement
stocker du combustible, alors le centime...
L’expérience industrielle, acquise avec plus de 10.000 tonnes de
combustibles retraités à La Hague et le recyclage effectif
en France depuis 15 ans, permet d’avoir des chiffrages précis du
coût global de ces opérations.
L’estimation la plus récente de l’OCDE donne 1,6 centime par kWh
(0,24 centime d’Euros) et est basée sur des données internationales
au-delà du seul exemple français. Le rapport Charpin-Dessus-Pellat,
publié en juillet 2000 à la demande du Premier Ministre,
fait état de 1,8 centime par kWh (0,27 centime d’Euros). Dans les
deux cas, la comparaison avec un hypothétique stockage direct qui
consisterait à mettre en stockage géologique profond la totalité
du combustible irradié, avec une évaluation théorique
des coûts correspondants, fait ressortir une différence inférieure
à 1 centime par kWh (moins de 0,15 centime d’Euro). Moins de 1 centime
par kWh pour faire disparaître l’élément qui constituerait
la principale difficulté du traitement définitif des déchets,
c’est à dire le plutonium, ce n’est pas un coût exorbitant,
en particulier au regard des fluctuations du coût du kWh des énergies
fossiles liées à la forte volatilité des prix du gaz
et du pétrole. Rappelons ainsi, à titre de comparaison, que
la flambée des prix du pétrole en 2000 a entraîné
un doublement de notre facture énergétique par rapport à
1999, à plus de 155 milliards de Francs, et une chute de 76 milliards
de Francs entre 99 et 2000 de notre balance commerciale.
Commentaire Gazette
La flambée des prix du pétrole nous a atteint parce que le
nucléaire ne représente que 25 % de notre énergie
primaire. Le nucléaire ne nous permet pas de faire rouler les camions
et les voitures. Nous avons fort peu diminué notre facture pétrolière.
Le seul moyen de diminuer cette fameuse facture serait le recours à
plus de rail. Le nucléaire ne nous aide pas sur ce plan.
Quant aux apports financiers d’EDF, ce serait mieux d’utiliser cette électricité
pour faire du ferroutage et éviter le recours à la route.
COGEMA est en train de boire le bouillon parce que le non renouvellement
des contrats étrangers va la conduire à réduire sensiblement
ses activités de retraitement. En 2001 on a retraité uniquement
951 tonnes contre 1562 en 1999. L’outil est construit mais cela ne nous
oblige pas à persévérer sur une mauvaise voie. La
fermeture des sites est inéluctable et il faut le prévoir
et le négocier à l’avance.
La Hague va devoir réduire ses activités et donc diminuer
son personnel : il faut négocier cette reconversion rapidement.
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L’outil industriel est construit
et permet de dégager un chiffre d’affaires qui s’est élevé
à 13,3 milliards de FF en 2000 (plus de 2 milliards d’Euros) pour
l’usine Cogema de La Hague. Ces activités qui emploient au sein
de Cogema et de ses filiales environ 9000 personnes ont également
une incidence directe et indirecte très importante sur l’emploi
dans les régions où elles sont exercées, et notamment
dans le département de la Manche.
Plus fondamentalement, le traitement-recyclage est justifié par
des considérations environnementales. La question de son coût
ne devrait donc pas en être la première motivation : lorsqu’on
interdit le stockage de certains déchets dans une décharge
de déchets ménagers ou industriels, on constate le surcoût
engendré, on ne cherche pas à l’éviter. De la même
façon, la décision d’autoriser ou non le stockage de quantités
importantes de plutonium dans un stockage profond devrait être considéré
indépendamment de question de coût du traitement-recyclage.
Commentaire gazette
Le fameux traitement-recyclage n’est pas la seule voie : c’est celle qui
a été imposée par le CEA mais de fait rien ne la justifie.
Elle oblige au retraitement, favorise la prolifération par la séparation
du plutonium, provoque des rejets. Les hypothèses de tri des radioéléments
et de repassage en réacteur suppose que le nucléaire va construire
des réacteurs pour faire cette politique.
Il convient de mieux reprendre le sujet en acceptant de faire des bilans
honnêtes et complets.
Le traitement-recyclage des combustibles usés permet de proposer
des solutions satisfaisantes à l’échéance 2006 et
de garder une flexibilité dans les choix à faire dans les
3 prochaines décennies, en matière de gestion des déchets
nucléaires et de technologies futures pour produire de l’énergie.
4/ A long terme, versus la disparition des ressources de combustibles
fossiles, il ne peut y avoir de nucléaire sans retraitement.
Selon le témoignage de Monsieur Jacques BOUCHARD, (Directeur de
l’Énergie Nucléaire au Commissariat à l’Énergie
Atomique), auditionné par la Commission Énergie et Ressources
Naturelles du Sénat américain le 18 juillet 2001, le retraitement
correspond à l’objectif pour l’avenir de tirer de l’uranium naturel
la majeure partie de son contenu, sachant qu’avec les réacteurs
à eau légère existants, nous ne brûlons que
1% de l’uranium naturel.
Comment satisfaire les immenses et inéluctables besoins des pays
en développement comme la Corée du Sud, l’Inde, la Russie,
les États-Unis, l’Amérique du Sud (pays qui s’expriment en
faveur de l’énergie nucléaire) ? Le Secrétaire général
des Nations-Unies, Kofi A. ANNAN, vient d’y répondre à Rome
: « pour donner aux pauvres une chance d’échapper à
la pauvreté, nous devons fournir une énergie non polluante
aux 2 milliards de personnes qui en sont privées. Et pour faire
en sorte que ce progrès ne s’accompagne pas d’un changement climatique
désastreux, nous devons utiliser l’énergie de manière
plus rationnelle ».
Jusqu’au milieu du XXIème siècle, il n’y aura pas de problème
de ressources énergétiques, sinon ceux de géopolitique
et de sécurité d’approvisionnement. Mais au-delà de
2050, des problèmes réels de ressources se poseront avec
acuité aussi bien en matière économique que quantitative
face à la demande des pays actuellement en développement.
Les États-Unis viennent d’ailleurs de revenir en faveur de l’idée
que le retraitement constitue la pierre angulaire de la satisfaction des
futurs besoins énergétiques, et le Président BUSH
a récemment cité la France comme exemplaire dans ce domaine.
Le choix qui en est fait aujourd’hui entrera en action en 2020, sans attendre
les difficultés de 2050.
5/ la suppression du risque de disposer de plutonium à des fins
militaires
Les événements du 11 septembre 2002 viennent d’accentuer
un argument majeur du point de vue des possibilités de détournement
du plutonium à des fins militaires : mieux vaut brûler le
plutonium que de le stocker.
(suite )
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suite:
Il est souvent question parmi les anti-nucléaires, d’une «
filière plutonium » où sont amalgamés les aspects
militaires et civils.
Le plutonium militaire a été produit dans des réacteurs
graphite-gaz G1, G2, G3 et retraités sur place à l’usine
de Marcoule.
L’usine de La Hague retraite uniquement le plutonium des réacteurs
à eau sous pression (REP) des centrales EDF (850 t/an) et étrangères
(Japon, Allemagne jusqu’en juillet 2005). L’objet en est le « recyclage
» du combustible résiduel, et en rien une « production
», car le plutonium est un sous-produit obligé dans un REP.
Il s’agit de retraiter le combustible, de récupérer le combustible
non consommé, de le recycler dans des assemblages MOX.
Cela signifie que, abstraction faite de la quantité nécessaire
à la gestion du cycle, nous n’avons pas de stock de plutonium.
Commentaire gazette et Stop-Nogent
Lettre envoyée au Monde sous le titre "Chronique d'un
désastre annoncé" (extrait):
M. Jacques Bouchard prend la défense du nucléaire dans un article au titre très clair "Cesser les querelles inutiles à propos du nucléaire" (Le Monde, 11 avril 2002) et répond à M. Hubert Reeves, qui, dans " L’énergie nucléaire a-t-elle un avenir ? " (Le Monde 2 avril 2002) conclut que vraisemblablement elle n’en a pas, contrairement aux énergies renouvelables qui ont maintenant toutes leurs chances. Le recours aux énergies renouvelables (et aussi aux économies d’énergie), c’est le scénario du courant majoritaire des antinucléaires pour une sortie différée du nucléaire, à l’allemande. On pourrait penser que, Le Monde, faisant équitablement son travail d’information a exprimé ainsi les deux points de vue qui se partagent l’opinion française aujourd’hui. Or il existe un point de vue antinucléaire dissident, jamais exprimé dans Le Monde , pour une sortie immédiate du nucléaire car l’accident grave peut arriver demain.
Évidemment on imagine difficilement M. Bouchard, président
de la Société française d’énergie nucléaire,
de surcroît directeur au CEA, remettre en cause l’électronucléaire
français. Tout de même, dans un article occupant près
de trois colonnes, à propos de l’opposition au nucléaire
dire que " Tchernobyl y est certainement pour une part ", mettre en cause
" l’absence de perception sensorielle expliquant aussi une relation difficile
entre l’homme et la radioactivité " tout cela étant psychologique.
Et rien d’autre…Comme s’il accréditait le discours officiel sur
les conséquences de Tchernobyl en ex-URSS en reprenant le rapport
de l’UNSCEAR 2000 ? D’abord la partie irréfutable, parmi ceux qui
sont intervenus tout au début sur le réacteur en détresse
30 morts, un peu plus d’une centaine de cas de maladies des rayons chez
ces " liquidateurs ", environ 1800 cas de cancers de la thyroïde chez
les enfants et les adolescents, (cela devrait se poursuivre dans les décennies
à venir est-il dit), ensuite l’insoutenable conclusion : " Pour
la grande majorité de la population il est improbable qu’elle soit
l’objet de conséquences sanitaires sérieuses qui résulteraient
d’une irradiation due à Tchernobyl ".
Ce grossier mensonge n’a pas pris et les médecins, les " responsables
" toutes catégories qui tentent de le propager sont considérés
pour ce qu’ils sont : des commis voyageurs du nucléaire. De prestigieux
professeurs ont nié tant de choses après Tchernobyl, tout
d’abord les malformations congénitales puis la détérioration
de la santé des enfants, nié aussi les cancers thyroïdiens
qu’ils ont été obligés d’admettre ensuite, tout ce
beau monde a menti et ment encore aujourd’hui en voulant systématiquement
ignorer l’état sanitaire des populations obligées de vivre
sur les territoires contaminés de l’ex-URSS. Mais il n’y a plus
de " rideau de fer ", les témoignages se succèdent (Nathalie
Nougayrède Le Monde, 20 mai 2000, Les enfants de Tchernobyl face
à " la mort invisible ") et les citoyens, plus sensés que
ne le pensent les autorités, se rendent bien compte que la nourriture
provenant de sols contaminés par la radioactivité (certes,
du point de vue sensoriel pour parler comme M. Bouchard, elle a la même
apparence que la nourriture " propre ") rend les enfants du Bélarus
malades car ils incorporent les radioéléments nocifs d’une
façon chronique.
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Les experts disent que les
doses engagées sont trop faibles pour avoir un effet. Pourtant les
enfants des zones contaminées ne vont pas bien, des nouveau-nés
meurent de malformations cardiaques, et c’est l’un des mérites du
Pr. Youri Bandazhevsky, condamné par un tribunal militaire et actuellement
emprisonné au Bélarus, d’avoir montré le rôle
du césium 137 dans l’émergence des pathologies chez les enfants
(cardiopathies, cataractes, troubles endocriniens, détérioration
de l’immunité etc.).
Parmi ceux qui nient les effets sanitaires de Tchernobyl par action chronique
des faibles doses de rayonnements on trouve des responsables en radioprotection
et ce n’est pas étonnant. D’éminents professeurs de médecine,
employés par le CEA ou membres du comité médical d’EDF,
admettent difficilement les effets nocifs des radiations ionisantes sur
le personnel EDF ou CEA et comme ils sont souvent chefs de services hospitaliers
ou directeurs d’instituts gros utilisateurs de rayonnement, admettent difficilement
les effets biologiques sur leurs propres personnels. Tous ces personnages
ont servi d’experts dans les commissions internationales pour élaborer
les normes de radioprotection concernant non seulement les travailleurs
mais aussi la population, en symbiose avec le responsable français
de la radioprotection, le Pr. Pellerin, inamovible pilier pendant des lustres
quel qu’ait été le gouvernement de droite ou de gauche. Minimiser,
voire nier les effets biologiques des faibles doses de rayonnement, ce
parti - pris est une constante qui a accompagné le développement
du parc nucléaire. Cette absence de prise en compte des effets nocifs
des radiations a permis le développement massif de l’électronucléaire
français (sans trop de vagues dans la population, malgré
de violentes contestations locales). C’est aussi la raison pour laquelle
les " autorités " françaises, sanitaires et politiques, n’ont
pas appliqué les recommandations européennes visant à
restreindre la consommation d’aliments contaminés en 1986 après
Tchernobyl et ont tergiversé, avec l’aval de l’Académie des
sciences, pour appliquer la directive européenne de mai 1996 entérinant
l’abaissement des doses admissibles pour le public en situation normale
(hors accident). Ce sont les mêmes " responsables " dont le Pr. Pellerin,
qui ont usé de leur influence après Tchernobyl pour élaborer
au niveau international des " normes " en cas de nouvel accident nucléaire,
normes trois fois plus élevées que celles qui devaient régir
quatre ans après Tchernobyl les évacuations d’habitants de
zones contaminées en URSS - évacuations qui n’ont pas été
effectuées. Ce sont ces " normes " qui nous seraient appliquées
en cas d’accident chez nous...
L’enthousiasme de M. Bouchard pour le nucléaire qui rappelle les
grandes envolées des années 70, est un peu surprenant, même
pour un directeur au CEA. Il semble ignorer que les verres qui renferment
les déchets nucléaires, " très résistants à
toute agression externe " affirme-t-il, peuvent cristalliser sous l’action
du rayonnement et de la chaleur dégagée, perdant ainsi leur
étanchéité (cristallisation de la silice amorphe mise
en évidence par rayons X au CEA à la fin des années
60). Cette lacune dans ses connaissances, si elle existe aussi au niveau
du vieillissement des aciers des cuves et des circuits d’un réacteur,
des fissures, fuites et autres incidents résultant d’erreurs de
conception répertoriées dans les divers incidents affectant
le fonctionnement de nos réacteurs (comme la sous-estimation du
risque d’inondation, du risque sismique, des actes de malveillance) expliquerait-elle
sa cécité vis-à-vis des conséquences d’un accident
nucléaire majeur ? Alors quelle perspective si d’emblée M.
Bouchard ne tient pas compte de la possibilité d’un accident nucléaire
chez nous pourtant admis par les " officiels " comme le montrent la distribution
de pastilles d’iode au voisinage de nos centrales et la mise à jour
des PPI (plans particuliers d’intervention)?
En passant il dit : " L’énergie
nucléaire a sa place, probablement pour une part très supérieure
à sa place actuelle sur le plan mondial ". Voilà une prédiction
bien téméraire et s’apparentant à un vœu pieux, en
contradiction avec les prospectives de l’Agence Internationale de l’énergie
atomique (AIEA) dont un des buts est pourtant de promouvoir l’énergie
nucléaire.
(suite )
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suite:
En effet, dans un document publié en juillet 2000 (Energy, Electricity
and Nuclear Power Estimates for the Period up to 2020) l’AIEA
indique que la part du nucléaire dans la production électrique
mondiale qui a été de 16% en 1999 se situerait, en 2020,
entre 9,5 et 12%. Par rapport à l’énergie primaire consommée
mondiale l’électricité nucléaire qui n’a représenté
que 5,4% en 1999 tomberait entre 3,6 et 4,8% en 2020. Voilà " une
part très supérieure à sa place actuelle " qui diminue
au cours du temps ! (Pour certains pays demandeurs de réacteurs
nucléaires, le nucléaire civil est vu comme une avancée
vers la technologie militaire, le nucléaire civil servant d’alibi).
Pourquoi M. Bouchard veut-il nous enfermer dans le nucléaire ?
La France est le seul pays au monde qui dépende autant du nucléaire
pour sa production d’électricité, 76,3% pour l’année
2000. Indépendance nationale, dit-on, alors que la dernière
mine d’uranium a fermé en Limousin et que notre approvisionnement
vient du Canada et d’Afrique (à moins que, sans le savoir, nous
ayons récupéré des colonies ?) En l’an 2000 aux USA
20% de l’électricité est nucléaire, nos voisins du
Royaume-Uni en sont à 23% et l’Allemagne à 30,1%. Le cas
de l’Allemagne est intéressant car 51% de sa production électrique
vient du charbon (houille 25,4%, lignite 25,9%). Le reste se distribue
entre gaz (8,5%), hydraulique (4,3%), fioul (0,5%) énergies renouvelables
(5,3% dont seulement 1,6% d’éolien alors que l’Allemagne est donnée
en exemple car elle est en tête désormais en Europe pour l’éolien).
L’accord passé entre le gouvernement allemand et les exploitants
nucléaires prévoit une sortie différée du nucléaire
en 2021 après 32 ans de fonctionnement des réacteurs (en
réalité 33 ans pour ceux couplés au réseau
en 1988) mais le gouvernement s’est engagé à ce que l’exploitation
soit " sans entraves " ce qui en clair signifie ne pas être trop
strict vis-à-vis du respect des normes de sûreté qui
impliquerait des arrêts plus ou moins prolongés des réacteurs
et serait coûteux pour les exploitants. Cette clause de l’accord
peut être lourde de conséquences et semble être ignorée
de ceux qui, chez nous, souhaitent une sortie du nucléaire " à
l’allemande ".
Retenons qu’en Allemagne plus de 50% de l’électricité est
produite par les centrales thermiques à charbon pour une puissance
installée de 52,5 GW et il est certain qu’elles ne vont pas être
détruites mais modernisées ! En France au 31 décembre
2000 la puissance thermique classique installée totale était
de 26,7 GW avec une part EDF de 17,6 GW (essentiellement charbon et fioul).
Les turbines à gaz sont en augmentation dans le secteur privé
mais leur contribution à la production électrique est encore
faible. Et qu’a décidé EDF au sujet du thermique classique
? On le savait mais un compte-rendu intersyndical d’une réunion
de la Commission nationale Equipement d’EDF du 6 juin 2001 le confirme,
" pas de projet porteur pour l’avenir : préparer l’évolution
du parc à l’horizon 2005/2010, c’est à dire sa disparition
et sa casse ". Voilà qui est clair. Par contre " Se développer
à l’international (Asie, Moyen-Orient, Amérique latine) "
( La Gazette Nucléaire
195/196, février 2002 ). Ainsi les techniques " charbon
propre " mises au point en France seront exportées mais la nouvelle
centrale à lit fluidisé circulant (LFC) qui devait être
mise en service à Gardanne à côté de la première,
est dans les oubliettes et il n’est pas question d’améliorer notre
parc thermique mais de le " casser " dans l’indifférence générale.
C’est simple, notre parc nucléaire est surdimensionné, nous
sommes en surproduction et EDF n’aura quasiment plus besoin du thermique
classique pour assurer les pointes de consommation, l’hydraulique suffira.
(Nous avons une puissance hydraulique installée de 25 MW contre
8,9 MW en Allemagne). Ceci est très grave car cette " casse " est
le signe qu’EDF fera tout pour rendre le nucléaire irréversible.
EDF, d’après le même rapport, désire commencer la construction
du nouveau réacteur européen EPR (European pressurized reactor)
en 2006. Contrairement à ce que pensent certains écologistes
s’il y avait un accident nucléaire majeur chez nous on serait obligé
de rester dans le nucléaire car il faut de l’électricité
pour gérer un accident.
p.21
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En 1994 (G@zette
No 133/134 ) nous avons publié un scénario de sortie
immédiate du nucléaire en utilisant au maximum le parc thermique
classique existant, l’hydraulique, en supprimant les exportations. L’ordre
de grandeur était une possibilité d’arrêt immédiat
de 70% du nucléaire, ce qui nous amènerait au stade actuel
de l’Allemagne. Ce scénario a été ignoré ou
dénigré car le charbon est diabolisé, effet de serre
oblige. Pourtant EDF va se développer à l’international et
exporter les techniques " charbon propre " LFC et autres, ce qui est normal
car les ressources mondiales en charbon dépassent de loin toutes
les autres ressources fossiles et c’est bien de cette façon que
les pays d’Asie vont se développer, entre autres la Chine aux gisements
importants. Aux USA les antinucléaires qui proposent une sortie
différée du nucléaire envisagent, en transition, d’utiliser
les centrales à charbon pendant plus de 40 ans (Institute for Energy
and Environmental Research, nov. 2001). Pourquoi chez nous laisserait-on
EDF les " casser " ?
L’effet de serre joue ici le rôle d’un leurre. Pour un sujet scientifique
aussi complexe que l’effet de serre et de son influence sur le climat,
aux multiples paramètres globaux et locaux qui ne sont peut-être
même pas tous dénombrés ou dont l’importance relative
n’est peut-être pas celle que l’on croit et qui sont difficiles à
modéliser, il est suspect d’un point de vue scientifique de voir
que le consensus s’est cristallisé sur une seule cause pour le réchauffement
climatique supposé et qui ferait monter le niveau des mers, à
savoir l’augmentation de la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère.
Quelle aubaine pour le lobby nucléaire !
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Pourtant il y a d’autres gaz à effet de serre, le méthane
-produit par l’élevage et l’agriculture intensifs- les oxydes d’azote,
l’ozone, la vapeur d’eau, les CFC. De plus dans le réchauffement
climatique d’autres facteurs interviennent aux effets mal connus. Yves
Lenoir cite " les aérosols naturels et artificiels, la perturbation
anthropique du cycle de l’eau, la réduction du flux de rayons cosmiques
engendrée par l’augmentation du champ magnétique solaire,
les modifications du couvert végétal (Climat de panique,
Ed. Favre, 2001).
Pour l’année 1999, dans le décompte AIEA de l’énergie
primaire consommée mondiale, 66% des énergies fossiles émettrices
de gaz carbonique ont servi au transport, chauffage, industrie pétrochimique
etc. et seulement 21,7% à la production électrique. L’électronucléaire
français a représenté 0,9% de l’énergie primaire
consommée mondiale. Ainsi avec l’hydraulique, en supprimant les
exportations d’électricité et l’autoconsommation du nucléaire,
le scénario d’arrêt immédiat de 70% du nucléaire
par le recours aux centrales existantes à charbon, fioul et gaz
représentant 0,6% de l’énergie primaire mondiale aurait un
impact négligeable sur le phénomène planétaire
de l’effet de serre même avec l’hypothèse simpliste et erronée
d’un réchauffement dû uniquement au gaz carbonique. EDF veut
nous engluer dans le nucléaire. Envisager de casser notre parc thermique
classique est suicidaire car ce parc nous permet de sortir d’urgence du
nucléaire. C’est avant l’accident nucléaire qu’il faut agir,
quand le désastre est là il n’y a plus qu’à subir...
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