L’objet de cette note est de faire
un point sur le projet ITER à quelques jours de la décision
qui doit être prise à Toronto sur l’implantation du site,
sachant que la candidature de Cadarache est posée.
Les aspects techniques ont été aussi réduits que possible
mais il est important de comprendre le type de problèmes rencontrés
et l’extraordinaire complexité du projet. Complexité technique
mais aussi administrative puisqu’il s’agit d’une coopération au
niveau mondial cette fois.
A la fin nous avons mis quelques éléments d’analyse critique
qu’il faut compléter en particulier par ceux qui ont une bonne connaissance
du site de Cadarache lui-même.
Un glossaire pour retrouver rapidement des définitions et la signification
des sigles.
Sommaire
1 Fusion thermonucléaire
1-1 La réaction
1-2 Les conditions de la réaction
1-3 Le principe d’une installation de fusion contrôlée (type
TOKAMAK)
2 ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor)
2-1 Historique du projet ITER
2-2 TER-FEAT : les objectifs
2-3 ITER : L’organisation
2-4 ITER : Le choix du site
2-5 ITER : Le précurseur (JET)
ITER Éléments critiques
3-1 objections d’ordre général sur la filière
3-2 Objections sur les arguments classiquement proposés en faveur
3-3 Risques liés au procédé
3-4 Risques liés au site
3-5 Évaluation du programme sur la fusion par la CE.
Principales Références:
-Les déconvenues de Prométhée (la longue marche vers
l’énergie thermonucléaire), Jean-Louis BOBIN, éditions
Atlantica
-De nombreux sites internet avec leurs liens:
-Study on european research into controlled thermonuclear fusion, vol4,
annex1 “ a critique of the evaluation of the european fusion programme
” by Colin SWEET, Tim JACKSON, Jim SWEET. Ed. Dr Ute BLOHM-HIEBER , STOA
fellow
4 GLOSSAIRE
1 - LA FUSION THERMONUCLÉAIRE
1-1 LA RÉACTION
Dans la fusion thermonucléaire, des noyaux d’atomes légers
(isotopes de l’hydrogène) fusionnent (s’associent) pour donner :
Le noyau d’un atome plus lourd, l’Hélium (He) , des neutrons (n)
et de l’énergie.
Ce sont des réactions de ce type qui produisent l’énergie
rayonnée par le soleil.
Parmi plusieurs réactions envisageables, celle qui est actuellement
la plus facile à réaliser est la fusion du Deutérium
(D) et du tritium (T) qui sont deux isotopes de l’hydrogène.
La réaction s’écrit :
D + T -> He + n + énergie
Pour un gramme de mélange l’énergie libérée
est de 100.000 kWh, l’équivalent de l’énergie dégagée
par la combustion de 8 tonnes de pétrole.
Or le Deutérium est abondant dans la nature, chaque mètre
cube d’eau en contient 35 g. De son coté le tritium (instable et
radioactif avec une période de 12.3 années) peut être
obtenu à partir d’un élément (le Lithium) lui même
relativement abondant. En principe,
on a donc à notre portée une source d’énergie aux
réserves quasi inépuisables …
(suite )
|
suite:
1-2 LES CONDITIONS DE LA RÉACTION
Il faut porter la température du mélange à 100 millions
de degrés au moins .
La fusion de deux noyaux ne se réalise que s’il peuvent s’approcher
suffisamment l’un de l’autre, or ils sont chargés électriquement
et se repoussent fortement. Pour vaincre cette répulsion il faut
les lancer à grande vitesse l’un contre l’autre et un moyen “ simple
” d’y arriver est de porter le mélange à très haute
température. Vers 100 millions de degrés on commence à
avoir un nombre significatifs de chocs et la réaction de fusion
démarre. A de telles températures (entre 100 et 200 millions
de degrés) le mélange est appelé plasma.
Dans
la bombe H ( dite bombe à hydrogène) cet allumage est réalisé
par une bombe atomique à fission. La réaction de fusion ainsi
déclenchée se propage alors sans contrôle dans le mélange
Deutérium/Tritium
Pour produire de l’énergie, le mélange (plasma) doit être
assez chaud, assez dense et cela pendant un temps suffisant.
Pour avoir une installation qui produise de manière contrôlée
de l’énergie, une première étape (breakeven)
est atteinte lorsque la puissance libérée par la réaction
est au moins égale à celle que l’on doit fournir pour le
chauffage.
La deuxième étape (ignition ) est atteinte lorsque
la puissance produite par la réaction suffit à l’entretenir
sans nouvel apport extérieur. Cette condition est réalisée
(critère de LAWSON) lorsque le produit nTt (n nombre de noyaux par
unité de volume, T température, t durée de vie du
plasma) atteint une valeur suffisante. Ce critère de Lawson peut
se résumer en disant que pour que la réaction s’entretienne,
Il faut que le plasma soit assez dense, assez chaud et qu’il reste confiné
un temps suffisant.
Pour illustrer ce que représentent ces deux étapes, breakeven
et ignition, on peut comparer à l’allumage d’un feu de bois classique
:
L’amorçage du feu se fait avec une allumette, du papier et des brindilles
de petit bois. L’énergie dégagée par cette amorce
enflamme ensuite les bûches. Pour que le feu démarre il faut
que la combustion du papier et du petit bois arrive à enflammer
les premières bûches (breakeven) . Pour que le feu prenne
définitivement (ignition) il faut que l’énergie dégagée
par la combustion des bûches enflammées soit suffisante pour
entretenir le feu et le propager à l’ensemble sans avoir à
rajouter du papier ou du petit bois. Si les premières bûches
enflammées s’éteignent on a atteint le breakeven mais pas
l’ignition.
Dans le domaine thermonucléaire le breakeven n’a pas encore été
atteint dans les appareils les plus performants existant (JET). Le premier
objectif avec ITER est d’atteindre le breakeven et d’obtenir une puissance
fournie par la réaction de fusion de 5 à 10 fois supérieure
à celle fournie pour le chauffage du mélange. On aurait alors
un amplificateur de puissance. La réalisation de l’ignition serait
une étape ultérieure.
Comment contenir ce mélange ? le problème du confinement
Aucun récipient matériel ne peut contenir (confiner) un plasma
à de telles températures.
Deux voies sont actuellement explorées pour obtenir un temps de
confinement suffisant et atteindre l’ignition :
On oblige, à l’aide de champs magnétiques, les particules
chargées électriquement qui constituent le plasma à
circuler à l’intérieur d’un volume fermé. Mais l’étanchéité
et la stabilité de ces “bouteilles magnétiques” sont difficile
à obtenir surtout lorsque la densité du mélange augmente.
Il faut alors augmenter la durée du confinement.
Il faut noter que les neutrons produits par la réaction sont des
particules non chargées qui ne sont pas piégées par
les champs magnétiques. Porteurs des 4/5 de l’énergie produite
par la réaction, ces neutrons vont donc frapper les parois matérielles
qui entourent à distance ces bouteilles magnétiques, les
chauffer fortement et activer les matériaux qui les constituent.
Les neutrons sont absorbés par la paroi matérielle qu’ils
ne doivent pas franchir.
C’est ce type de confinement qui est envisagé dans le projet ITER.
Le mélange est contenu dans des petites sphères (1/2 mm de
diamètre) que l’on comprime et chauffe très rapidement (
en moins d’un milliardième de seconde) en faisant converger sur
elles plusieurs faisceaux lasers de grande puissance. On espère
ainsi atteindre une densité élevée qui compensera
la durée très faible du confinement réduite ici à
la durée d’implosion de la sphère.
Ce procédé est lié aux recherches sur les lasers de
puissance qui sont faites en France sous contrôle
militaire dans le cadre du projet “mégajoule” au BARP
près de Bordeaux
p.13
|
1-3 LE PRINCIPE D’UNE INSTALLATION DE FUSION CONTRÔLÉE
(type TOKAMAK)
Bien que l’on soit encore très loin de pouvoir envisager un prototype,
on en imagine déjà quelques caractéristiques.
L’option choisie pour le confinement est celle d‘un TOKAMAK dans lequel
le plasma est confiné dans un volume torique (forme d’une chambre
à air) grâce à des champs magnétiques. Ce concept
mis au point en URSS s’est imposé comme le plus performant pour
atteindre les conditions d’une réaction de fusion contrôlée.
La chaleur dégagée par la réaction de fusion serait
utilisée, à travers un échangeur de chaleur (partie
inférieure du schéma), pour faire fonctionner une turbine
qui fournirait de la puissance électrique.
Le Tritium, instable et radioactif, serait produit dans l’enceinte même
par l’action de neutrons sur une couche de lithium qui tapisserait intérieurement
l’enceinte.
Le schéma de l’installation serait grossièrement le suivant
(sur le schéma ne figurent par les dispositifs qui créent
les champs magnétiques nécessaires au confinement ni le dispositif
d’allumage).Les principales fonctions que devront assurer une installation
de ce type sont :
L’allumage du mélange gazeux initial.
Dans le JET, précurseur du projet ITER, Cet allumage est réalisé
par un courant électrique intense de plusieurs millions d’ampères
dans le plasma qui joue le rôle de secondaire d’un transformateur.
il est complété par l’injection d’atomes neutres préalablement
accélérés et l’action d’ondes électromagnétiques
de haute fréquence.
La création des champs magnétiques intenses qui piègent
le plasma. Cela est réalisé (JET) par des courants électriques
intenses circulant dans des bobines et par le courant électrique
qui traverse le plasma lui même. Pour éviter l’échauffement
des bobines conductrices elles doivent être refroidies à des
températures très basses, proches du zéro absolu (-273°C)
et n’offrent alors aucune résistance au passage du courant (bobines
supraconductrices).
Le plasma est alors confiné dans une zone torique (forme d’une
chambre à air) sans contact avec les parois matérielles entre
lesquelles il évolue.
Résoudre le problème des instabilités du plasma
pour empêcher les particules chargées électriquement
qui le constituent de frapper la paroi matérielle à l’intérieur
de laquelle il évolue.
(suite )
|
suite:
Un problème important à résoudre est l’élimination
des impuretés qui résultent des interactions entre le plasma
et le revêtement de la chambre torique qui contient le plasma. L’idée
est d’utiliser pour cela un déflecteur magnétique le “ divertor
”. les impuretés sont séparés, à ce niveau,
du reste du mélange et aspirées par des pompes cryogéniques.
La possibilité de manipuler les éléments de ce
réacteur à distance pour les réparations.
La récupération de l’énergie libérée
par la réaction dont 80% est emportée par les neutrons
et 20% par l’Hélium. Les neutrons très énergiques
heurtent les parois de la chambre torique et la chauffe.
Réaliser la production de tritium à partir du lithium
et alimenter le plasma avec ce tritium.
2 ITER (International Thermonuclear Experimental
Reactor)
2-1 HISTORIQUE DU PROJET ITER
ITER est un projet international visant à la réalisation
d’un prototype de démonstration sur la faisabilité d’un réacteur
de fusion thermonucléaire contrôlé capable de produire
de l’électricité.
1985 Proposition de l’URSS de construire une nouvelle génération
de TOKAMAK avec la collaboration des quatre principaux programmes existants
dans le monde. Réponse favorable des USA , du Japon et de la Communauté
Européenne.
1988 Début des travaux de la ITER CDA (Conceptual Design
Activities) pour définir les objectifs programmatiques et techniques
du projet et orienter les recherches des diverses parties vers des buts
communs.
Déc 1990 fin des travaux de l’ITER CDA
Juillet 1992 création de l’EDA (Engineering Design Activities)
. Le Canada et le Kazakstan sont associés au projet. Créé
au départ pour 6 ans, cet organisme a pour but de mettre au point
un projet intégré complet d’ITER avec les données
techniques nécessaires pour sa construction.
Les six années de collaboration internationale aboutissent en 1998
à un projet conforme aux objectifs fixés.
1998 Les parties renoncent au projet initial pour des raisons financières.
Les différents pays recherchent des options qui permettraient une
réduction de 50% du coût de construction, pour cela on prolonge
jusqu’en juillet 2001 les activités de l’EDA. Le coût estimé
du projet est de 6.7 milliards d’euros.
p.14
|
1999 Les USA abandonnent
le projet considéré comme trop coûteux et trop hasardeux.
2000 Fin 1999, les grandes lignes d’un projet moins ambitieux, ITER-FEAT
( Fusion Energy Advanced Tokamak), est soumis aux parties restantes. Un
rapport final est proposé qui permet aux diverses parties de préciser
les coûts et de mettre en place les étapes pour la réalisation.
Le coût du projet est ramené à 3.5 milliards d’euros.
2001 Le Canada s’associe au projet et propose un site pour l’accueillir.
2002 17-18 septembre réunion à Toronto pour effectuer
le choix du site d’implantation.
2-2 ITER-FEAT:
LES OBJECTIFS
Atteindre le breakeven (mais pas encore l’ignition)
-La création d’un plasma dans les conditions thermonucléaires
-L’ignition pendant de larges impulsions.
-Étude des matériaux de la paroi matérielle face au
plasma soumise à d’importants flux thermiques et neutroniques (flux
de neutrons produits par la réaction).
-Étude de la régénération et de l’alimentation
en tritium (fourni par des sources extérieures)
-La viabilité écologique et économique
Les paramètres du prototype seraient:
-Une intensité de courant dans le plasma de 13.3 MA
-La chambre torique aurait un rayon maximum de 6.2m et un rayon minimum
de 1.9m. Le volume offert au plasma serait de 837m 3.
-Le temps de réaction serait supérieur à 400s et la
puissance de fusion atteindrait environ 500MW.
-Le rapport entre la puissance de fusion et la puissance de chauffage auxiliaire
serait supérieure à 10. L’appareil serait donc un amplificateur
de puissance.
Calendrier
Il est prévu une durée de 8 années entre l’obtention
de l’autorisation de construire et la production du premier plasma. Les
premières années seront consacrées à des simulations
de plasma utilisant uniquement de l’hydrogène avant de passer à
l’utilisation des mélanges Deutérium, Tritium qui pourrait
se faire cinq ans plus tard.
2-3 ITER
: L’ORGANISATION
ITER est un projet international qui associe la Russie, Le japon, la Communauté
Européenne et le Canada depuis 2001. Cela suppose une coordination
administrative, financière, scientifique et technique complexe.
Une direction générale en liaison avec une équipe
internationale localisée sur deux sites Garching près de
Munich en Allemagne et Naka près de Tokyo au japon.
Des équipes en provenance de plus de 10 nations participent de façon
semi permanente à l’équipe internationale pour apporter l’ensemble
des compétences requises par le projet.
Organisation
européenne pour la fusion
En Europe l’ensemble des recherches sur la fusion est intégrée
au sein d’un programme unique : Le Programme Euratom pour la Fusion. Il
associe les organismes nationaux des pays membres de l’Euratom et des pays
associés (La Suisse et plusieurs pays de l’est).
En France, l’organisme qui a la responsabilité du programme sur
la fusion est le DRFC (Département de Recherche sur la Fusion Contrôlée),
qui dépend, au sein du CEA (Commissariat à l’Énergie
Atomique) de la DSM (Direction des Sciences de la matière)
Le DRFC, qui emploie 300 personnes environ en permanence plus une cinquantaine
de membres non permanents, est implanté à Cadarache.
Adresse : Association Euratom-CEA
DRFC
CEA-Cadarache F-13108 Saint Paul Lez Durance
Tel : 04.42.25.70.00
Site internet : http://www.fusion-magnetique.cea.fr
(suite )
|
suite:
2-4 ITER
: LE CHOIX DU SITE
Actuellement quatre sites, dont deux européens, sont en concurrence
pour accueillir le projet :
Cadarache en France, Vandellos en Espagne pour l’EUROPE,
Clarington près
de Toronto pour le Canada et Rokkasho-Mura dans la Préfecture d’Aomori
pour le japon.
Pour l’Europe, l’EFDA, a créé en octobre un organisme, EISS
(European Iter Site Study), qui prépare les bases techniques pour
les propositions de site. Ses objectifs sont :
-Établir la conformité des sites européens avec les
exigences techniques du projet ITER.
-Identifier les éléments clés pour les procédures
d’autorisation.
-Évaluer les aspects spécifiques de la construction d’ITER
et le coût des opérations.
-Évaluer les impacts sociaux et environnementaux.
-Assister les négociateurs européens en leur procurant les
informations sur les sujets précédents.
Une réunion des parties doit se tenir les 17 et 18 septembre 2002
à Toronto pour décider du choix du site.
2-5 ITER - LE PRÉCURSEUR (JET)
Sans refaire tout l’historique des recherches sur la fusion thermonucléaire
contrôlée il est intéressant de considérer les
projets qui servent de point de point de départ au projet ITER
L’expérience du TFR (Tokamak de Fontenay aux Roses) réalisé
par le CEA a démontré que pour atteindre le critère
de Lawson il fallait augmenter le temps de confinement et que celui ci
était proportionnel au volume du plasma.
Pour atteindre l’ignition il fallait donc augmenter la taille des machine
(volume de 1000 m3 pour le plasma) et donc, simultanément
,les coûts de construction et de fonctionnement (il fallait multiplier
par 1000 le volume des installations par rapport aux précédentes).
De ces considérations sont nés les grands tokamak qui ont
précédés le projet ITER :
JET, Joint European Torus projet européen en Angleterre, TFTR, Tokamak
Fusion Test Reactor, aux USA, et JT-60 au Japon .
Ces projets ont été mis en service dans les années
80 après 10 ans de gestation. Les considérations financières
ont conduit à réduire l’objectif. L’URSS a du renoncer à
son projet T20.
Dans le projet JET le volume du plasma est 50 fois plus grand que dans
TFR, l’intensité du courant dans le plasma est 10 fois plus grande.
Le projet TORE SUPRA construit en France à Cadarache est un tokamak
de une taille plus modeste. Il a été mis en service en 1988
et utilise des aimants supraconducteurs (refroidis vers –270°C) qui
ont permis d’obtenir des courants de plasma pendant des durées “longues”
de 90 secondes.
Le projet JET (Joint European Torus)
Projet européen décidé au Conseil des ministres de
la CE en juin 1978, au départ pour une durée de 12 ans, mais
prolongé jusqu’en janvier 2000.
Actuellement, l’usage collectif de l’installation est gérée
par l’EFDA (European Fusion Development Agreement) qui a été
mis en place par la commission européenne pour une durée
limitée de janvier 1999 jusqu’au 31 décembre 2002.
L’installation est localisée à ABINGDON près d’OXFORD
en Angleterre. Son financement est assuré à 80% par Euratom,
10% par l’UKAEA (United Kingdom Atomic Energy Agency), le reste par des
pays utilisateurs non membres d’Euratom.
Le principe est celui d’un TOKAMAK, caractérisé essentiellement
par un confinement magnétique du plasma dans une chambre de configuration
torique. Cette configuration, imaginée en URSS dans les années
60, s’est imposée comme la plus prometteuse pour la fusion contrôlée.
La mise en service est effective en 1983. Le JET est opérationnel
en 1991, date à laquelle on effectue la première réaction
entre du deutérium et du tritium directement injecté dans
le mélange.
p.15
|
Le JET a approché (sans
l’atteindre) le breakeven à l’automne 1997 avec les performances
suivantes :
Production d’une énergie de fusion de 21MJ.
Puissance de fusion produite de 16 MW avec un rapport puissance de fusion
sur puissance fournie de 65%.
A noter que dans ces dernières expériences, la réaction
a également été produite entre du deutérium
et du tritium directement injecté dans la chambre.
Mise au point d’un divertor et d’un dispositif de manipulation à
distance pour les éléments.
3 ITER- Les objections:
3-1 objections d’ordre général sur la filière
1.En 1998 les USA abandonnent le projet ITER et retirent leur participation
financière et le personnel mis à disposition du projet. Succédant
à l’arrêt définitif de leur projet national (TFTR)
cela montre une défiance par rapport à l’avenir de la fusion
contrôlée au moins dans la filière Tokamak telle qu’elle
est envisagée dans le projet ITER.
La défiance provient surtout de la grande complexité de ces
machines (les réacteurs à fission sont d’une simplicité
extrême par comparaison) qui même si elles arrivent un jour
à produire de l’électricité ne le feront sûrement
pas dans des conditions économiques et industrielles acceptables.
En cause, en particulier, l’allumage du mélange qui nécessiterait
des puissances de plusieurs gigawatts (soit la puissance fournie par plusieurs
centrales nucléaires classiques fonctionnant simultanément
!) et qui ne pourra être envisagé avec le projet ITER-FEAT.
2.La fusion rencontre des opposants dans le milieu nucléaire
lui-même. Cette contestation s’est amplifiée avec l’arrivée
des grands tokamak (JET et TFTR) Elle porte sur la conviction que jamais
ces machines n’atteindront le stade de la rentabilité économique.
La contestation existe même au sein des équipes formant la
communauté des chercheurs engagés. Trop de problèmes
non résolus : fonctionnement du divertor, tenu des parois au flux
intense de neutron, instabilités du plasma, difficulté de
tirer des enseignements d’une machine qui n’aura pas la taille suffisante
pour atteindre l’ignition etc…
3.Une autre raison du retrait des USA du projet ITER est la lourdeur
du fonctionnement dans la prise de décision. La coopération
internationale impose des concertations complexes qui ralentissent les
projets, les incertitudes sur les capacités de financement de certaines
parties rendent aléatoire le calendrier de déroulement des
opérations.
3-2 Objections sur les arguments classiquement proposés en faveur
Les arguments mis en avant pour justifier l’effort financier considérable
que représente ce projet sont :
La possibilité de fournir une quantité illimité d’énergie
par un procédé qui génère peu de gaz à
effet de serre (en considérant l’ensemble de la filière)
et beaucoup moins de déchets radioactifs à vie longue que
la filière nucléaire à fission.
Le droit imprescriptible de la recherche de chercher là où
elle veut sans que ses orientations soient soumises à un débat
public.
4.La justification des projets se base sur l’augmentation
de la demande d’électricité dans le monde. C’est le même
argument qui avait été utilisé au début des
années 70 pour justifier le dimensionnement du parc électronucléaire
français.
Il était évident pour les économistes d’alors que
la consommation d’électricité allait suivre l’évolution
du PIB. Il n’en a rien été grâce aux progrès
de l’efficacité énergétique et nous nous retrouvons
aujourd’hui avec un parc électronucléaire largement surdimensionné
qui nous impose des exportations (à perte) de 63 TWh par ans et
le développement de l’absurdité que constitue le chauffage
électrique en France.
5. Ajoutons à cela que cette technologie demandera des investissements
considérables hors de portée de la plupart des pays sans
parler des équipes techniques et de la stabilité socio-politique
nécessaires pour faire fonctionner en toute sécurité
ces installations. Ces arguments sont déjà valables avec
les centrales nucléaires actuelles.
(suite )
|
suite:
6. De plus des crédits considérables sont mis à
disposition d’un projet dont l’efficacité technique n’est aucunement
assurée et que les spécialistes favorables à ce projet
ne voient pas aboutir avant cinquante ans au moins (et cela fait trente
ans que cet horizon de cinquante ans est évoqué). Or ces
crédits sont autant de moins pour les recherches sur l’efficacité
énergétique, les énergies renouvelables et l’utilisation
rationnelle des réserves fossiles qui, elles offrent une réelle
réponse aux demandes du futur.
7.Un autre argument est celui qui consiste à dire que ce
mode de production d’énergie permettra de lutter contre le changement
climatique. Une première réponse est de dire que la production
d’électricité dans le monde n’est pas, et de loin, l’activité
qui pèse le plus lourd dans la production des gaz à effet
de serre. Dans ce domaine les économies d’énergie et le recours
aux renouvelables, accessibles à tous les pays, font aussi bien
que le nucléaire à un coût largement inférieur
et sans produire de déchets. C’est dans les domaines des transports
et de l’habitat que les gains significatifs sur la production de gaz à
effet de serre pourront se faire.
8.Un risque caché
En réponse à l’argument économique certains évoquent
la possibilité que le projet ITER-FEAT soit utilisé comme
point de départ d’un réacteur hybride (fusion-fission) dans
lequel les neutrons produits par la réaction de fusion serviraient
à déclencher une réaction de fission dans l’enveloppe
constituée d’un matériau fissile (une enveloppe de 50 cm
d’uranium par exemple) ce qui amplifierait d’un facteur 10 la puissance
libérée par la fusion. Dans cette hypothèse il y aurait
production d’éléments radioactifs lourds comme dans les réacteurs
actuels à fission.
3-3 Risques liés au procédé lui même
9 Le Tritium est un élément radioactif dont la
période est de 12.36 années. Sa préparation à
partir du Lithium
10 Le flux de neutrons issus de la réaction cède son énergie
à la paroi en la chauffant et en activant les matériaux qui
la constitue. On a ainsi une production d’éléments radioactifs
lourds, en quantité certes inférieure à celle produite
dans les réacteurs à fission.
3-4 Risques liés au site
11 Nécessité d’acheminer la puissance électrique
considérable (plusieurs GW) nécessaire pour le chauffage
du plasma. Cela impose la création de lignes HT supplémentaires.
12 Destruction des riches milieux de la forêt domaniale de Cadarache
déjà déstabilisée par les sondages. Plantations
faites depuis moins de trente ans avec des fonds publics et un engagement
trentenaire de l’État d’en conserver la vocation forestière.
Unité de population génétiquement pure de mouflons,
avifaune du confluent Durance –Verdon.
13 Élargissement des routes menant au site pour faire passer
les transporteurs de pièces volumineuses du réacteur
14 Pas de protection contre les séismes de magnitude 6 (survenu
en 1909)
15 Pas de protection contre les chutes d’aéronefs.
16 En cas d’accident, en fonction de la direction des vents, c’est
l’ensemble de la population de la région PACA qui est potentiellement
menacée.
3-5 L’ÉVALUATION DU PROGRAMME SUR LA FUSION PAR LA COMMUNAUTÉ
EUROPÉENNE
La CE s’est dotée d’un service d’évaluation des programmes
scientifiques et techniques, la STOA (Scientific and Technological Options
Assessments) qui a produit deux rapports sur la fusion :
En
juillet 1991 un rapport rédigé par C. Sweet, T. Jackson,
J. Sweet pour faire une analyse critique d’un rapport publié en
1989, commandé par la commission Européenne sur l’évaluation
du programme européen de fusion. De cette analyse critique il ressort
:
p.16
|
1) Que le programme de fusion est classiquement un programme de recherche
et développement qui doit être soumis aux règles ordinaires
de la politique énergétique et à ses contraintes budgétaires.
Or le rapport sur lequel porte la critique propose une méthode avec
la réalisation successive d’objectifs scientifiques puis techniques
avant de rendre le projet compatible avec les contraintes sociales, environnementales
et financières. La fusion est présentée comme un impératif
moral avec le postulat que c’est une énergie propre et inépuisable
et que les considérations sociales, environnementales et autres
n’ont pas à conditionner les choix scientifiques et techniques.
2) Le rapport incriminé a été rédigé
par des rédacteurs directement liés au milieu de la fusion
et est clairement orienté vers les intérêts de ce milieu.
La conclusion de cette analyse critique est qu’un nouveau cadre de prise
de décision doit être mis en place avec la participation de
spécialistes de la gestion et de l’évaluation de projets
pris en dehors du milieu “ nucléaire ”. Il recommande que l’on applique
à ces projets les règles classiques pour les technologies
en développement.
En janvier 1998 un rapport rédigé par Michaël SHARPE
“ the operational requirements for a commercial fusion reactor ” n’est
pas plus convaincant.
Notes
1-L’Hydrogène a dans son noyau un proton seulement, le Deutérium
a dans son noyau un proton et un neutron, le tritium un proton et deux
neutrons.
2-La période est la durée au bout de laquelle la moitié
des atomes initialement présents se sont désintégrés
3-Break-even en anglais se traduit par seuil de rentabilité
4-Ignition en anglais se traduit par allumage
5-voir le paragraphe 2-5 sur le JET
6-To divert en anglais signifie détourner, se débarrasser
de. On pourrait traduire divertor par extracteur .
7-Consulter le site http://www.jet.uk.org
8-Article d’André Ertaut in Revue générale nucléaire
, Mai-Juin 1985
9- site internet (ligne incomplète dans la version papier):
4-GLOSSAIRE
BREAKEVEN Stade dans lequel la réaction de fusion se déclenche
et produit par la fusion une puissance au moins égale à celle
du chauffage. Si on arrête le chauffage extérieur la réaction
s’arrête.
CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique). Établissement
public de recherche et de développement à vocation scientifique,
technique et industrielle, créé en 1945. Il comporte 6 directions
opérationnelles dont la DSM. Avec un budget de 19 milliards de F
en 1996, le CEA employait 17250 personnes pour les recherches civiles et
militaires.
Deutérium Isotope de l’hydrogène dont le
noyau comporte un proton et un neutron. Il est symbolisé par D ou
par H. 0.2% de l’hydrogène de l’eau de mer est du deutérium,
cela représente un verre d’eau lourde par mètre cube.
DIVERTOR Dispositif magnétique qui permet d’extraire du plasma
les impuretés produites par les intéractions inévitables
entre le plasma et les parois matérielles qui l’entoure.
DRFC (Direction de la Recherche sur la Fusion Contrôlée)
organisme du CEA rattaché à la Direction des Sciences de
la matière. Son siège est à Cadarache.
DSM (Direction des Sciences de la Matière) une des 6 directions
opérationnelles du CEA dont dépend la DRFC qui supervise
les recherches sur la fusion contrôlée.
EDA (Engineering Design Activities)
EFDA
EISS
EURATOM ou CEEA (Communauté Européenne de l’Energie
Atomique)
Créée lors du traité de Rome en 1957, en vigueur dés
janvier 1958. Son but est de promouvoir le développement de l’ énergie
nucléaire dans les états membres. Elle dispose d’un centre
commun de recherche avec 2000 chercheurs répartis dans quatre établissements
(Allemagne , Belgique, Italie, Pays Bas)
IGNITION C’est le point atteint lorsque la réaction de fusion
dégage une énergie suffisante pour s’autoentretenir sans
apport extérieur de chaleur. Ce point est atteint lorsque le critère
de Lawson est réalisé.
(suite )
|
suite:
Isotope Les noyaux des éléments contiennent des protons
et des neutrons. Chaque élément est caractérisé
par le nombre de protons dans le noyau. Les isotopes d’un même élément
diffèrent par le nombre de protons dans le noyau. Le deutérium
avec un neutron, le tritium avec deux neutrons sont des isotopes de l’hydrogène
qui n’a exceptionnellement aucun neutron dans son noyau
ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) Projet international
dont l’objectif initial, jusqu’en 1998, était la réalisation
d’un prototype de réacteur à fusion.
ITER-CDA (Conceptuel Design Activities)
ITER-FEAT (Fusion Energy Advanced TOKAMAK). Réduction du projet
ITER à un réacteur amplificateur d’énergie (atteignant
le breakeven mais pas l’ignition). Décision prise en 1998 avec le
retrait des USA du projet initial ITER.
JET (Joint European Torus)
JT- 60 Tokamak réalisé au Japon.
LAWSON (critère de Lawson). Ce critère donne, pour le
plasma, la condition nécessaire pour obtenir l’ignition. Il s’énonce
de la manière suivante : le produit de la densité de particule
n, de la température T et du temps de confinement t doit être
supérieur à une valeur donnée. Pour une température
T de 100 millions de degré le produit nt doit être supérieur
à 1020 sm-3 .
Lithium Elément naturel dont le noyau contient trois protons.
Bombardé par des neutrons le lithium produit du Tritium d’où
l’idée de revêtir les paroi de la chambre de lithium pour
produire in situ le Tritium nécessaire à la réaction
et éviter d’avoir à manipuler ce matériau radioactif.
Jusqu’à présent cette étape n’a pas été
atteinte et on a recouru à des injections directes de tritium pour
les expériences .
Neutron Particule élémentaire non chargée électriquement
ayant la même masse que le proton.
Plasma État de la matière dans lequel les atomes
sous la violence des chocs sont dépouillés de leurs électrons.
On a alors un gaz neutre électriquement formé de particules
chargées positivement et d’électrons chargés négativement.
Cet état s’observe à haute température.
Proton Particule élémentaire chargée électriquement
avec une charge positive. Le nombre de protons dans un noyau caractérise
l’élément
STOA (Scientific and Technological Options Assessments) Organisme associé
au Parlement Européen chargé de l’évaluation des choix
scientifiques et techniques.
Supraconducteur. C’est l’état d’un conducteur électrique
porté à de très basses températures. Sa résistance
électrique est alors rigoureusement nulle et le passage d’un courant
électrique n’entraîne aucun dégagement de chaleur.
Temps de confinement temps nécessaire pour qu’un plasma que
l’on cesse de chauffer voit sa température divisée par 3.
TFR (Tokamak de Fontenay aux Roses)
TFTR
TOKAMAK
TORE-SUPRA Le plus grand des Tokamak réalisé en France.
Situé à Cadarache. Caractérisé par l’utilisation
de bobines supraconductrices pour réaliser les champs magnétiques.
Tritium Isotope de l’hydrogène dont le noyau comporte
un proton et deux neutrons. Il est symbolisé par T ou 13H.
Le tritium est radioactif avec une période de 12.3 ans.
T20 Projet de Tokamak (jamais réalisé) en URSS
UKAEA (United Kingdom Atomic Energy Agency)
Je n’ai pas le temps cette fois de vous analyser la fusion, mais le numéro de 2003 comportera cette analyse. Ce dossier vous donne quelques éléments très intéressants et vous permettra de mieux comprendre les enjeux. Rendez-vous en janvier 2003 pour un nouveau dossier. p.17
|
extrait page 198
Encadré VII
La preuve de la faisabilité scientifique de la fusion thermonucléaire
contrôlée comporte : . -démonstration de /'ignition
d'un mélange 2H et 3H pendant environ 1000
s (par exemple) ; . -démonstration de la possibilité de récupérer
/'énergie ; .
-démonstration du fonctionnement en continu ; . -démonstration
de la possibilité de récupérer et augmenter par (n,
2n) sur le béryllium le nombre des neutrons sortant du système
vers la « couverture » tritigène (à mettre au
point) où se produit la réaction
et donc régénérer le combustible 3H, et cela suffisamment pour, compte tenu des pertes de 3H, produire autant de 3H qu'on en a fusionné; .
-mise au point des matériaux nécessaires ; -récupération
et purification du tritium 3H ; . -fonctionnement, exploitation,
maintenance et remplacement des composants ou des éléments
défaillants, malgré le niveau élevé de radioactivité
; -étude de la sûreté, de la radioprotection, tant
pour les travailleurs que pour les populations et /'environnement, et traitement
des déchets ;
-étude des problèmes de protection contre la prolifération
;
-tout cela se fera sur plusieurs (à cause de la radioactivité)
machines devant, pour beaucoup, fonctionner à la puissance maximale
d’expérimentation, i. e. entre 1000 et 3000 MWth, à cause
de la non-linéarité des phénomènes.
(suite )
|
suite:
extrait page 202
8- Conclusion
L'encadre VII interdit-il de penser que la faisabilité scientifique
complète, telle que décrite ci-dessus sur la base de ce même
encadré VII, puisse advenir avant un nombre fort élevé
de décennies ? Mais a cette distance dans le temps, aucune prévision
de technologie, de durée, ni de succès éventuel, n'a
de sens solide. Toutefois, doit-on considérer comme vraisemblable,
à cause de la haute radioactivité des installations, qu'il
faudrait, construire des machines successives différentes ? Doit-on
considérer que le premier point de l’encadré VII n'est même
plus programme dans son entier, faute d'un financement suffisant? Pourtant
ce point étudié au début des années 90, était
un excellent projet du point de vue scientifique et aurait permis d'engager
fortement le processus de démonstration de la faisabilité
scientifique.
-Faut-il parler de faisabilité technique ? Ou bien, les éléments
techniques nécessaires devront-ils être déjà,
pour la plupart, dans la démonstration de faisabilité scientifique
?
-Au moins, peut-on penser qu'il faudrait un prototype industriel, après
les différentes machines concourant à montrer la faisabilité
scientifique (et une faisabilité technique distincte ?) ? Peut-on
entrevoir cela avant la deuxième moitié du siècle,
si c'est vraiment réalisable ?
-Et après une exploitation de durée suffisante, des éléments
d’évaluations comparatives des avantages, des inconvénients
sur une machine de type série reliée a un à ?
A ce niveau d'avenir incertain, de complexité de ces équipements,
de couplage étroit de la capacité de penser le futur avec
les technologies d'aujourd'hui, n'est-il pas préférable de
s’arrêter, de dire qu'on est dans l’inconnu quand on veut prévoir
si loin et donc de dire aussi que pour le moment la fusion thermonucléaire
ne peut pas encore être comptée, avec certitude, parmi les
sources industrielles d’énergie qui contribueront dans les décennies
qui viennent à maîtriser les changements climatiques ? N'est-ce
pas plutôt un sujet d’étude de physique important auquel il
faut assurer un soutien constant, persévérant, et a long
terme comme on le fait dans bien d'autres domaines de la physique, dans
le cadre général des recherches?
p.18
|