Éditorial
Pierre DELACROIX, Pilote du Réseau Énergie A la trappe, les provocateurs !
Il y a eu le temps des cris d’alarme: écologistes scientifiques
tâtant de la vulgarisation, ou journalistes spécialisés
tâtant de la science, le sentiment de l’urgence et du danger les
a réunis pour secouer la foule des badauds qui se complaisaient
dans la société de consommation. Peu à peu, l’alarme
étant perçue, chacun a retrouvé son rôle.
Mais, comme chaque fois que de grands problèmes secouent ainsi l’humanité,
il est bien rare que quelque chercheur, au delà de la classique
querelle d’experts, ne prenne un malin plaisir à vouloir prouver
tout le contraire du reste de la communauté scientifique, avec des
argumentations parfois douteuses. Pinaillage scientifique ? Goût
immodéré de la singularité ? Ou envie de provoquer
pour être mieux connu ?
De même chez des journalistes en mal de sensationnel. Quel plaisir
ineffable de se payer un carton sur ces écolos pisse-vinaigre, sur
“ la Voynet ”, ou sur les empêcheurs de rouler l’âme en paix
en 4X4 nickelé, climatisé et pétaradant dans un Paris
Dakar insultant pour les pauvres, mais sûr moyen de passer au Vingt
Heure !
Je citerai deux cas pour illustrer ces propos. D’abord, celui de l’économiste
danois Bjørn Lomborg. L’hebdomadaire Courrier International (n°
607 de juin) a publié son article écrit pour The Economist
(Londres)
; Libération s’est récemment fait l’écho de
ses théories. Dernière coqueluche de la presse, il y attaque
toutes les données écologiques actuelles, concluant que même
si certaines prédictions inquiétantes sont fondées,
l’économie de marché suffira, par ses mécanismes propres,
à réaliser les corrections nécessaires. A l’évidence,
il semble n’avoir entendu parler ni d’Enron, ni de Vivendi ! Le tout démontré
à grands coups de statistiques trompeuses et de propos caricaturaux.
Au point, rappelle Antoine Bonduelle (Président d’honneur du Réseau
Action Climat France), qu’il existe des sites Internet dédiés
aux perles de Lomborg collectionnées par des scientifiques exaspérés
(*) !
L’autre est un journaliste du Figaro, Jean Paul Croizé, qui bouffe
de l’écologiste dans un pamphlet récent, que ses confrères
se font un plaisir de citer. Ainsi de La Dépêche du Midi
(23
juin), qui lui consacre une double page, ravie de le voir lancer des formules
choc du style “ les éoliennes, c’est du vent ! ” ou “ les
OGM, c’est l’avenir ”.“
(suite)
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Ahurissant,
écrit ce bon apôtre,
EDF va augmenter ses tarifs de 5%
pour financer la recherche sur les énergies renouvelables. Tout
cet argent pour quels résultats ? ”. Il ne lui vient par contre
pas à l’idée de s’interroger sur les résultats des
investissements autrement colossaux que fait régulièrement
l’Union européenne pour la recherche sur la fusion nucléaire
ou la gestion des déchets radioactifs (1,23 milliards d’Euros sur
5 ans). C’est dommage, il aurait des surprises ! Et de conclure : “ J’ai
inversé les rôles, en mettant les écologistes au défi
de prouver que mes affirmations sont fausses ”. C’est vrai qu’il risque
d’attendre. Car nous sommes plus à l’écoute des experts internationaux
du GIEC que de ces élucubrations grotesques.
En quoi nous avons tort, car nous devrions contrer plus durement ce genre
de thèses. Parce qu’elles relèvent de ce sale vieux principe
qui garde, hélas, toute sa efficacité au XXIème
siècle : “ médisez, médisez, il en restera toujours
quelque chose ”. Alors, pas de pitié pour Lomborg, et Croizé
: ne laissez rien passer !
1.1. Les premiers mots de Mme Fontaine
La nouvelle Ministre déléguée à l’industrie
française, Nicole Fontaine, a indiqué les premières
grandes mesures qu’elle envisage dans le secteur de l’énergie :
-une loi d’orientation sur l’énergie soumise au vote en 2003
Elle sera précédée par l’organisation d’un débat
public, la forme de cette consultation nationale n’ayant pas été
arrêtée. [Notons que la loi électrique de 2000 prévoit
qu’une loi de programmation des investissements de production électrique
doit être votée avant fin 2002.]
-la transposition de la Directive européenne sur l’ouverture du
marché du gaz
[Cette directive de 1998 aurait dû être transposée avant
août 2000, ce qui vaudra à la France une condamnation par
la Cour européenne de justice.]
- un projet de loi début 2003 pour modifier les statuts d’EDF et
de GDF
Ceci permettra l’ouverture partielle de leur capital. Les deux géants
de l’énergie pourront ainsi enfler à l’international en toute
quiétude !
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1.2. Quelle énergie
pour les pays en développement ?
La Commission européenne a publié le 17 juillet une Communication
sur la coopération dans le domaine de l’énergie avec les
pays en développement, en vue du Sommet mondial de Johannesburg.
Suite à une discussion préalable au sein de la Commission,
Mme de Palacio (Commissaire à l’énergie) a perdu
son pari de présenter le nucléaire comme une des technologies
énergétiques à promouvoir dans les pays en développement
(en contradiction claire avec ce qui s’est décidé lors des
grandes négociations internationales). Les Commissaires ont exclut
la phrase la plus controversée qui laissait entendre que l’Union
européenne promouvrait “ une énergie nucléaire moderne
et sûre ” dans les pays en développement intéressés
par cette filière...
Cette Communication est également extrêmement frileuse sur
les énergies renouvelables, puisque le solaire, l’éolien
et l’hydraulique sont jugées trop onéreuses pour les pays
en développement.
Au final, ce serait essentiellement par le biais de transferts de technologies
plus “ propres ” que se concrétiserait cette coopération
; une manière de garder l’accent sur les technologies fossiles comme
le charbon et le pétrole !
Dans le cadre de cette communication, la Commission a dévoilé
son projet d’Initiative de l’Union européenne pour l’énergie
qui sera présentée au Sommet de Johannesburg. Sans surprise
(hélas), elle ne propose pas mieux qu’un appel au volontariat pour
la mise en place de partenariats public/privé de fourniture d’énergie
dans les pays du Sud...
Pour en savoir plus:
1.3. La France
de Rennes à Johannesburg
Lors des journées de Rennes, les 1er et 2 juillet, le
gouvernement français a présenté sa stratégie
pour le Sommet de Johannesburg sur le développement durable. Visiblement
pris de cours, les nouveaux ministres n’ont pas eu grand chose de concret
à sortir de leur besace. Mme Bachelot, Ministre de l’Écologie
et du Développement durable, a toutefois annoncé que la France
soutiendrait l’Initiative de l’Union européenne pour l’énergie.
De nombreuses ONG poussent fortement pour qu’un programme politique ambitieux
de promotion des énergies renouvelables soit adopté à
Johannesburg, mais le manque de répondant de la France et de l’Europe
sont flagrants.
Dans le Livre blanc présenté à Rennes, énergie
semble rimer avec œillères au Nord et exportation de nos logiques
industrielles néfastes au Sud...
1.4. Un forum qui
évince les ONG
La Commissaire européenne à l’énergie et aux transports,
Loyola de Palacio, a publié la liste des 34 membres du Forum Européen
de l’Énergie et des Transports qui relayera les avis des parties
concernées par son action future. C’est peu dire que le milieu associatif
a obtenu la portion congrue : sur les 4 ONG environnementales ayant présenté
une candidature, seul un poste de suppléant a été
accordé à l’association T&E. Cet évincement très
clair de la société civile a été fortement
fustigé par les huit plus grandes ONG environnementales de Bruxelles
(dont le BEE et le Réseau Action Climat Europe). FNE s’associe
pleinement à cette protestation et exige un rééquilibrage
du Forum.
1.5. Un pavé
sur le climat
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
(OPECST) a rendu public le rapport du Sénateur Deneux sur l’évaluation
de l’ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact
prévisible sur la géographie de la France à l’horizon
2025, 2050 et 2100. Ce rapport est accompagné de la retranscription
de l’ensemble des entretiens réalisés par le Sénateur
et d’un CD-ROM contenant des documents annexes (dont le livret de la campagne
SOS CLIMAT organisée par le RAC et FNE en 2001).
(suite)
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suite:
Pour en savoir plus: http://www.senat.fr/rap/r01-224-1/r01-224-1.html
1.6. Sur le front des éoliennes
Même si le nombre d’éoliennes installées est toujours
très faible en France, on note une préoccupation grandissante
chez nos gouvernants qui ont compris que ce sujet méritait une considération
sérieuse.
Ainsi, les Préfets sont désormais au courant des simplifications
des procédures administratives décidées par le précédent
gouvernement, et les décrets portant sur les seuils d’étude
d’impact et d’enquête publique sont examinés par le Conseil
d’État.
Ceci n’a pas empêché le Sénateur Le Grand de proposer
son propre projet de loi visant à réglementer l’implantation
des éoliennes. Ce projet, qui semble quelque peu redondant avec
les décrets précédemment évoqués, a
eu le mérite d’attirer l’attention des Sénateurs sur les
engagements de la France et les considérations environnementales
relatives aux éoliennes.
Pour en savoir plus: http://www.senat.fr/rap/l01-360/l01-3606.html
Devant les questionnements et les difficultés que présentent
le choix des sites pour l’implantation des parcs, certaines initiatives
méritent d’être citées :
- le département de l’Aude a recruté un “ médiateur
éolien ” qui publie une feuille d’information (contact: aude.eolienne@free.fr)
-l’association “ Énergies et Territoires ” a vu le jour, animée
par Jacques Quantin ; son objectif est de faciliter l’intégration
territoriale et l’appropriation locale des énergies renouvelables
(contact
: j.quantin@energies-territoires.org)
-le département du Finistère a publié une “ charte
de l’éolien ” visant à réglementer l’implantation
des parcs ; elle servira également de guide pour les porteurs de
projets.
1.7. La loi sur
la transparence nucléaire réapparaît...
Nous vous annoncions le mois dernier que le projet de loi sur la transparence
nucléaire avait été retiré de l’ordre du jour
du Sénat. Nous n’avions par contre pas noté que, le lendemain,
Mme Bachelot remettait à l’ordre du jour un projet de loi sur le
même sujet. Ce tour de passe-passe montre que le nouveau gouvernement
ne renonce pas à se pencher sur cette épineuse question,
ce que nous saluons. M. Raffarin a précisé dans son discours
de politique générale que l’Assemblée serait amenée
à “ délibérer prochainement sur la transparence
et la sûreté du nucléaire ”. Affaire toujours à
suivre !
Pour en savoir
plus: http://www.senat.fr/leg/pjl01-326.html
1.8. EDF au rapport
Depuis le 12 juillet, EDF distribue en accompagnement de ses traditionnelles
factures d’électricité un bilan de ses performances environnementales.
25 millions de clients en France auront ainsi des informations et indicateurs
sur l’impact environnemental de l’électricien en 2001.
En parallèle, EDF a annoncé un investissement de 50 millions
d’Euros dans la recherche sur les énergies renouvelables de 2002
à 2007. A cela s’ajoute la création de l’option “ équilibre
”, une offre aux entreprises qui leur permet de choisir de l’électricité
issue de sources renouvelables (garantie par des “ certificats verts ”,
qui existent déjà dans d’autres pays européens).
Pour en finir avec EDF, notons que le Premier Ministre vient de trancher
contre la hausse de ses tarifs en 2003. L’électricien (appartenant
à l’État) justifiait sa demande par ses difficultés
concernant ses missions de service public, notamment sur les énergies
renouvelables. Or, comme le rappelle le Syndicat des énergies renouvelables
(SER), cet argument n’est pas valable !
Pour en savoir
plus : lire le communiqué de presse du SER en annexe 1 d'Info-Energie.
p.28
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1.9. Brèves d’été...
- La Commission européenne a (enfin) publié les résultats
de la consultation qu’elle a organisée pendant plus d’un an sur
le Livre vert sur la sécurité d’approvisionnement énergétique
de l’Europe (publié en 2000):
- G. W. Bush a donné son feu vert au projet de stockage de déchets
nucléaires de haute activité dans le Nevada. Il concerne
77.000 tonnes de déchets provenant de 103 centrales.
- Suite à la décision du gouvernement finlandais de construire
un cinquième réacteur nucléaire, des étudiantes
finlandaises se sont engagées à ne pas faire d’enfants tant
que le projet ne serait pas abandonné. Cette “ grève de la
natalité ” sera poursuivie pendant au moins quatre ans.
1.10. Refaites vos calculs !
Le Ministère de
l’industrie a annoncé récemment que les conventions françaises
de calculs de certaines unités énergétiques étaient
modifiées, afin de s’aligner sur les normes internationales. La
conversion entre tonnes équivalent pétrole et kilo Watt heures
et la comptabilisation de l’électricité dans les bilans énergétiques
s’effectueront différemment. Voilà qui rendra plus ardue
la tâche d’éclairer le néophyte...
Pour en savoir plus, lire :
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1.11. Citation
et sondage
Mme Roselyne Bachelot a affirmé, lors d’un déplacement
le 22 juin, que les Français étaient “ réconciliés
” avec l’énergie nucléaire. Elle aurait sans doute dû
attendre la publication du baromètre d’opinion annuel sur nos concitoyens
et l’énergie. Car, pour la première fois, on y constate que
les Français jugeant que le nucléaire présente plutôt
des inconvénients (43,9%) sont plus nombreux que ceux qui y voient
plutôt des avantages (42,3%) - tandis que 13,8% sont encore indécis.
Pour en savoir
plus :
1.12. Lectures
-“Le développement durable dans le secteur de l’énergie” (rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie, voir : http://www.iea.org/new/releases/2002/susdev.htm
-“L’avenir climatique” de Jean-Marc Jancovici (Éditions
du Seuil - 20 Euros)
-“La filière nucléaire du plutonium, menace pour le
vivant” de Jean-Pierre Morichaud (à paraître en octobre)
-“qualité environnementale des bâtiments, manuel à
l'usage de la maîtrise d'ouvrage et des acteurs du bâtiment”
(guide édité par l’ademe - voir http://www.ademe.fr/presse/
)
p.29
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