RECOMMANDATIONS
Orientation générale: Dynamiser la
recherche et le développement sur les technologies de l'énergie
autour d'une organisation rénovée et lancer sans délai
la construction de démonstrateurs.
1. Décloisonner les recherches sur les technologies de l'énergie
et faire coopérer les organismes existants.
2. Renforcer la recherche sur l'économie de l'énergie
et notamment les équipes de l'IEI et de l'IEPE.
3. Mettre en pratique la méthode des externalités dans
les évaluations officielles du secrétariat d'État
à l'industrie.
4. Imprimer une nouvelle dynamique au CEA en élargissant avec
les moyens budgétaires correspondant, sa mission à l'ensemble
des énergies d'avenir.
5. Tirer parti des atouts de la France dans les technologies du charbon
propre en construisant en France, un démonstrateur de chaudière
LFC supercritique.
6. Donner l'ordre à EDF de passer commande d'un EPR à
1450 MWé, en faisant compenser par l'Ètat les coûts
d'une mise en service anticipée de 5 ans par rapport à ses
besoins.
7. Construire une pile à combustible de puissance
8. Accélérer la recherche sur les piles à combustibles
embarquées en renforçant la coopération Etat-industrie.
9. Lancer des études approfondies et coordonnées avec
l'industrie sur une nouvelle filière hydrogène.
IDÉES CLÉS
Une étude sur les coûts de production de l'électricité
doit aujourd'hui nécessairement avoir non seulement une dimension
économique mais aussi une dimension environnementale.
En réalisant cette étude, conformément à
la tradition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques, nous avons voulu atteindre une plus grande transparence
dans un domaine où la complexité du raisonnement économique
s'ajoute aux considérations techniques, en identifiant les incertitudes
et en indiquant des pistes de recherche.
Peut-on considérer aujourd'hui que nous savons tout du coût
du kWh ? La réponse est qu on ne peut se satisfaire des chiffres
produits par les études officielles, non pas qu'il y ait une volonté
de rétention de l'information de la part de l'administration mais
plutôt parce que certaines avancées méthodologiques
ne sont pas encore prises en compte, par souci de précaution, quelquefois
excessifs des administrations.
1. - Nous assistons à une percée remarquable de formes
d'énergie autres que nucléaires, qui sont plus complémentaires
que concurrentes
La baisse des cours du pétrole et du gaz est un fait majeur
du paysage énergétique mondial. A ce facteur économique
s'ajoutent des progrès techniques considérables sur les turbines
qui font des centrales à cycle combiné à gaz des moyens
de production d'électricité parmi les moins coûteux,
lors de l'investissement et pendant l'exploitation. La cogénération
au gaz, en permettant des rendements de l'ordre de 80%, possède
un intérêt économique évident pour les applications
associant électricité et vapeur.
Les piles à combustibles offrent, quant à elles, des
perspectives prometteuses pour la cogénération dans leur
version stationnaire et pour la production d'électricité
embarquée.
Le charbon propre, avec les chaudières à lit fluidisé
circulant, devrait trouver des applications importantes en Chine et en
Inde.
Les énergies renouvelables commencent à voir leurs coûts
d'investissement chuter et s'ouvrir des débouchés intéressants.
Quand au nucléaire, qui fournit 78,2% de notre électricité
et représente 38% de notre énergie primaire, il constitue
le socle de notre approvisionnement énergétique, dont il
faut examiner l'avenir, dans la perspective de l'arrivée en fin
de vie vers 2010 des premiers réacteurs du parc REP 900.
2.- Le kWh nucléaire à moins de 19 centimes en 1995,
bien en dessous du coût du kWh produit par les autres centrales électriques
en France
En 1995, las de voir contester la compétitivité du nucléaire,
EDF prend l'initiative de publier le coût complet du kWh produit
par EDF. Avec un coût de 19 centimes au kWh, le nucléaire
se situe à plus de 5 centimes en dessous du charbon. Depuis lors,
le prix du kWh a baissé, grâce aux réacteurs du palier
REP 1300. Le prix du kWh charbon aussi, mais l'écart reste le même.
3.- Ce montant inclut-il toutes les dépenses ? La réponse
est oui
Les charges d'exploitation représentent 7 centimes. Les charges
de combustible représentent une part de 6 centimes, comprenant les
provisions pour retraitement et stockage. Les charges en capital hors rémunération
de l'actionnaire - l'État -représentent 6 centimes, ce qui
intègre remboursement du capital, intérêts et amortissement.
L'examen des provisions constituées par EDF montre que ses charges
sont bien couvertes. Le récent rapport de la Cour des Comptes n'en
contestait d'ailleurs pas le montant mais le mode de gestion.
4.- Le programme électronucléaire français :
une bonne décision.
Le programme électronucléaire a incontestablement permis
des économies d'importations de combustibles fossiles que l'on peut
chiffrer à 600 milliards. Simultanément, l'industrie nucléaire
française et EDF ont pu exporter leur savoir-faire et leur production,
dégageant des exportations de 25 milliards de francs par an. Le
parc électronucléaire français a divisé par
4 le poids de la facture énergétique dans le PIB.
5.- Un parc entrant dans sa phase de plus grande rentabilité
Le gain en termes de balance commerciale va bien évidemment
se prolonger. D'autres avantages vont s'amplifier. Le parc électronucléaire
est un atout dont il serait inconséquent de se priver.
En effet, l'arrivée à maturité du parc va entraîner
une augmentation considérable du «cash flow» d'EDF.
A cet égard, on peut estimer que la prolongation de dix années
de la durée de vie des centrales se traduira approximativement par
un «cash flow» supplémentaire pour EDF de 100 à
150 milliards de francs utilisables pour baisser les tarifs dans une certaine
mesure, se désendetter, préparer le parc électrique
du futur et se développer.
6.- Maintenant, que faire lorsque ce parc devra être renouvelé
? Quelles parts pour les différentes énergies?
Chaque type de filière de production d'électricité
a des caractéristiqucs intrinsèques particulières.
Lc nucléaire est fait pour assurer la production d'électricité
de base. Ceci veut dire qu'un réacteur nucléaire a vocation
à fonctionner en continu, avec le moins possible de variations de
puissance. Le nucléaire est incontournable, de par sa compétitivité
en base à un risque moindre que le gaz, sa contribution à
l'indépendance énergétique et son apport sans égal
à la lutte contre l'effet de serre.
Le gaz a une plage d'utilisation optimale appelée la semi-base,
c'est-à-dire 4000 à 7000 heures par an au lieu de 5000 pour
le nucléaire. Le charbon a à peu près les mêmes
caractéristiques.
Par ailleurs, à côté des sources de production
d'électricité centralisées, apparaissent les moyens
de production décentralisés, comme la cogénération
et, bientôt les piles à combustibles, qui peuvent satisfaire
des besoins locaux en résolvant par exemple des problèmes
de réseau.
7.- Des évaluations crédibles de coût de production
de l'électricité existent pour l'avenir, établies
par les exploi-tants mais aussi par l'administration.
Le Secrétariat d'État à l'industrie réalise
tous les quatre ans, une étude intitulée «coûts
de référence» de la production électrique.
L'OCDE vient de publier une étude comparative sur la base d'informations
transmises par des pays qui n'ont pas fait jouer au nucléaire un
rôle aussi important que la France.
Ces études donnent des résultats similaires et mettent
toutes en évidence une convergence des performances des différentes
filières.
8.- Pour de nouvelles installations, ces évaluations montrent
qu'il y a convergence des coûts pour les différentes filières.
L'avantage naguère impressionnant du nucléaire s'est
réduit, mais il subsiste en base. Les cycles combinés à
gaz dominent pour la semi-base, voire la pointe.
La structure des coûts du kWh diffère d'une filière
à l'autre. Le coût du combustible ne représente que
20% environ du coût du kWh nucléaire. La part du combustible
s'élève à 60% au minimum pour le gaz. Le coût
du kWh nucléaire présente donc l'avantage d'une plus grande
robustesse par rapport aux variations du prix des combustibles.
9.- Mais il y a des problèmes de méthode
Le calcul des coûts du kWh fait appel à une méthode
classique - l'actualisation - qui est en réalité difficile
d'application. Le taux d'actualisation sur la durée de vie des installations
doit refléter une réalité des marchés de capitaux
difficile à anticiper. Les dépenses à très
long terme sont elles aussi difficiles à estimer, le choix d'un
taux d'actualisation intergénérationnel faisant l'objet de
controverses. Par ailleurs, il est difficile de définir des périmètres
de charges à imputer à la production d'électricité
qui soient homogènes.
10.- Pour le nucléaire, un nouvel effort d'analyses semble
utile.
L'évaluation des charges du nucléaire à une dimension
à la fois politique et technique difficile. Les charges sont-elles
bien prises en compte?
L'évaluation des effets sanitaires des rejets sur la santé
doit être faite dans l'absolu mais aussi par référence
à un niveau incompressible de radioactivité naturelle. L'évaluation
de ces mêmes dommages potentiels fait appel à des modèles
de dispersion des radionucléides dans l'environnement qui supposent
une dispersion suffisante.
11.-En réalité, la question globale qui est posée
est celle des externalités.
La démarche de calcul du coût du kWh doit ainsi prendre
en compte les externalités dès lors qu'elles sont mesurables.
Il s'agit non seulement de calculer les coûts prives assumés
par les exploitants mais aussi d'intégrer les coûts externes.
A cet égard, il faut mesurer les effet sur la santé et l'environnement
non seulement des radionucléides mais aussi des polluants classiques
502, NOx, poussières et du C02.
12.- L'émergence d'une méthodologie partagée
en Europe et aux Etats-Unis : ExternE.
Les méthodes d'évaluation des coûts externes ont
longtemps été diverses et partielles. L'étude ExternE
réalisée sous la direction de la Commission européenne
par différentes équipes de recherche des pays membres, marque
l'émergence d'une méthodologie complète, allant des
émissions jusqu'à l'évaluation économique des
dommages, et commune à tous les pays, y compris les États-Unis
associés à l'élaboration de la méthodologie.
Cette méthode fournit un cadre d'analyse cohérent et
détaillé qu'il faut toutefois utiliser avec discernement,
certaines évaluations étant encore empreintes d'incertitudes
importantes.
13.- L'augmentation de la concentration du C02 dans l'atmosphère
: une certitude qui oblige à réagir face à un risque
immense.
L'influence de l'augmentation de la concentration du C02 sur le climat
n'est pas certaine. Mais elle induit un risque majeur de réchauffement
et peut-être de perturbation du climat.
14.-Inclure le coût du C()2 dans les coûts de production
de l'électricité.
Les gouvernements se sont en conséquence engagés sur
la base du protocole de Kyoto à maîtriser leurs émissions
de C02. La maîtrise des émissions aura un coût. Des
estimations convergentes dessinent une valeur de la tonne de carbone comprise
entre 100 et 200 dollars. Ce coût de réduction a une existence
certaine. L'impact sur le coût du kWh pourrait dépasser les
5 centimes.
Il serait irresponsable de ne pas le prendre en compte.
CONCLUSIONS
Le programme nucléaire français, décidé
en 1970 à la veille du premier choc pétrolier, s'est révélé
être un choix gagnant en terme d'indépendance énergétique,
de progrès technologiques, d'économies d'importations et
de capacité exportatrice. Il a aussi été et demeure
un atout décisif pour la compétitivité globale de
l'économie française. L'analyse des statistiques économiques
et les simulations macroéconomiques rétrospectives le montrent
sans aucune ambiguïté.
Toutes les données objectives confortent donc les choix du nucléaire
civil faits en 1970 mais surtout en 1973 et confirmés, depuis lors,
par les gouvernements successifs, les administra-tions et la collectivité
nationale avec un sens de l'anticipation et de l'intérêt supérieur
de notre pays auquel les Rapporteurs tiennent à rendre hommage.
Grâce à un effort d'investissement cumulé de 450
milliards de flancs, la France dispose aujourd'hui d'un parc électronucléaire
qui, en 1997, a généré 376 TWh, soit 78,2% de l'électricité
produite en France.
Le coût de production du kWh nucléaire était en
1995 de 19 centimes toutes charges comprises, y compris les charges de
capital, les coûts de l'aval du cycle et les coûts du démantèlement.
Depuis cette date, les coûts ont probablement diminué de
3 à 5%, ce qui, en plaçant le coût du kWh nucléaire
du parc actuel à 18,5 centimes, donne sans conteste au nucléaire
la première place dans la compétition de l'énergie.
C'est grâce au parc électronucléaire que l'industrie
française dispose d'ailleurs du courant le moins cher d'Europe.
Depuis le début des années 1990, des progrès techniques
considérables et plus rapides dans les autres filières que
dans le nucléaire et surtout une évolution très favorable
des cours mondiaux du charbon et du gaz ont provoqué toutefois une
convergence des coûts de production prévisibles pour de nouvelles
installations.
Le coût du kWh produit avec un cycle combiné à
gaz pourrait être, selon les demières évaluations disponibles,
compris entre 16,5 et 20,5 centimes, le coût du kWh nucléaire
se situant quant à lui dans un intervalle de 18 à 20 centimes.
Les performances du gaz et du nucléaire semblent donc converger
pour de futures installations. Mais la structure des coûts de production
de l'électricité devra cependant être prise en considération
pour les choix futurs.
En effet, le coût du combustible représente de 60 à
70% du coût total pour le gaz contre 20% pour le nucléaire.
Ces deux filières offrent ainsi des vulnérabilités
très différentes à des chocs éventuels sur
les prix ou les approvisionnemts.
Le nucléaire s'impose donc toujours en France pour la production
d'électricité en base, c'est-à-dire, pour des durées
de fonctionnement des installations de l'ordre de 8000 heures par an.
Le nucléaire s'impose d'autant plus pour les volumes de production
importants qu'il constitue pour le moment la seule technique efficace dans
la lutte contre l'effet de serre décidée à
Kyoto.
Ce phénomène de l'effet de serre provoqué par des concentrations croissantes en gaz carbonique est susceptible d'être relié directement aux élévations de température de l'atmosphère de notre planète, augmentations devenues indiscutables aux yeux des scientifiques de toutes nations. Les conséquences d'une élévation continue des températures seraient incalculables en termes de catastrophe planétaire. Il appartient donc à notre génération, compte tenu d'une progression prévisible de la consommation mondiale d'énergie, non seulement de stabiliser le phénomène mais sans doute de l'enrayer durablement.
A l'évidence, l'électricité nucléaire est
aujourd'hui la seule production de masse susceptible de faire face à
ce danger.
Les analyses nouvelles de la compétitivité des filières
électriques cherchent à juste titre à intégrer
les coûts externes de la production d'électricité,
au premier rang desquels figure le coût du C02.
Les premiers résultats de la méthode des externalités
développée par la Commission européenne confirment
l'avantage du nucléaire en termes de coûts environnementaux,
ce qui devrait accroître son rôle à l'avenir au regard
des immenses besoins en électricité des grands pays en développement
comme l'Inde et la Chine.
Pour autant, le cycle combiné à gaz, le charbon propre
et la cogénération voient leur compétitivité
et leurs débouchés à l'étranger s'accroître
d'une manière telle que le France ne peut se tenir à l'écart
de ces nouvelles techniques de production de l'électricité.
C'est pourquoi, sur un plan pratique, les Rapporteurs estiment que
la France doit reprendre, avec une grande modération mais résolument,
ses recherches et ses investissements dans l'énergie.
Les Rapporteurs estiment qu'EDF doit dès cette année passer
commande d'un premier réacteur EPR, avec l'aide éventuelle
de l'État, après avoir obtenu des constructeurs qu'ils améliorent
encore sa compétitivité en augmentant non pas sa puissance
nominale mais son rendement.
EDF possède la capacité d'autofinancement nécessaire
pour procéder à cet investissement indispensable à
la construction à partir de 2010 de la deuxième génération
du parc électro-nucléaire français.
Simultanément, la France doit créer les conditions favorables
au développement du cycle combiné à gaz, de la cogénération,
du charbon propre et des piles à combustible, par Électricité
de France, certes mais aussi par les entreprises privéesdu secteur
de l'énergie.
A ce titre, le renouvellement du parc fonctionnant en semi-base ou
en pointe devrait être engagé et ouvert à la concurrence.
Ainsi la France devra développer encore plus avant son expérience
dans le nucléaire dont elle a déjà une parfaite et
complète maîtrise et tirer parti de toutes les évolutions,
technologiques en cours.
Parallèlement. elle donnera à ses entreprises industrielles
les références nationales dont elles ont absolument besoin
pour valoriser leurs atouts techniques et conquérir les parts qu'elles
méritent sur un marché mondial de l'électricité
qui va connaître une croissance rapide.