L'évolution des sciences et des techniques
est considérée comme synonyme de progrès. Mais si
la science est factuelle, le progrès est subjectif. Il arrive même
que la science ne résiste pas à l'idéologie, nous
l'avons vu à l'époque de Lyssenko. E=mc2 est une découverte
scientifique mais est-ce un progrès d'avoir su développer
des engins qui, en un seul tir, peuvent anéantir des milliers, voire
des millions d'êtres humains.
Sciences et techniques peuvent nous donner l'illusion
de la maîtrise de la matière. Elles ne sont que les moyens
de parvenir à un progrès, mais elles ne donnent pas les clefs
de son contrôle. Il n'est pas évident que les bonnes intentions
dont on les dote restent bonnes ( pour qui d'ailleurs ?) tout au long de
leur utilisation. Le don de sang en est un exemple: on sauvait des hommes
grâce à la générosité d'autres hommes.
On avait simplement omis de préciser que seul le don était
gratuit, tout le reste était source de profit !
La science et la technique ont besoin d'un contrôle
car leurs applications ne sont pas automatiquement sources de progrès
si progrès signifie mieux vivre, voire souvent tout simplement vivre.
On ne doit jamais oublier que tout développement peut apporter un
bien et un mal.
Chercheurs, ingénieurs et décideurs
ne sont pas les seuls acteurs pour décider le bien fondé
d'une décision. Le citoyen doit pouvoir intervenir. Questionnement
et doute sont nécessaires pour éviter que le progrès
ne soit un moyen d'asservir les hommes aux idées de quelques uns.
La France est dotée d'un Parlement élu qui pourrait exercer
ce contrôle. Les problèmes du nucléaire, du sang contaminé,
de la vache folle ou encore de l'amiante ont montré l'incapacité
des instances à prendre des décisions. Le poids des lobbies
et le poids économique à court terme conduisent à
des décisions hâtives (ou des non-décisions) lourdes
de conséquences. Une expertise indépendante menée
par des compétences non liées aux groupes industriels concernés,
encore faut-il en trouver, devrait faire contrepoids pour aider la prise
de décision. Les deux commissions qui ont travaillé sur Superphénix
et sur le centre de stockage de déchets nucléaire de La Hague
(CSM) ont montré les limites de l'exercice.
La notion de progrès est toute relative.
Le nucléaire a été présenté comme LE
progrès décisif en matière d'énergie propre
et bon marché. Les déchets (et Tchernobyl) sont venus ternir
le tableau et ce n'est pas la décision d'utiliser Superphénix
pour soi-disant éviter de léguer aux générations
futures des problèmes qui va le redorer. Le nucléaire a travaillé
quarante ans en se croyant capable de tout résoudre, il en a pour
au moins deux cents ans à faire le ménage. Il est donc urgent
de repenser nos besoins d'énergie et de limiter notre recours au
nucléaire.
Le citoyen berné ne revient plus sur sa méfiance
et refuse de continuer à cautionner la science qui conduit à
des errements de ce genre.
Le progrès en soi, érigé par
certains comme le but de la science et des réalisations techniques
a vécu.
- D'une part il faut savoir stopper un développement dont on
pourra pas maîtriser toutes les étapes.
- D'autre part le progrès n'est pas source de bien pour tous
mais peut n'être qu'une source de profits pour quelques uns.
L'utopie "progrès = apport positif pour l'humanité"
était une idée généreuse. Cette idée
du progrès est morte. Un contrôle étroit des applications
de nos prouesses technologiques s'impose pour ne pas les dévoyer
de leur but qui devrait être l'amélioration du devenir des
humains. Comment mettre en place ce contrôle? Comment le réussir?
Comment être assuré que le but d'amélioration sera
atteint plutôt que celui de gloire et de puissance pour le réalisateur
?
Avec le progrès en point de mire, on risque
de se lancer dans une surenchère dans le traitement des déchets
qui va nous mener dans une impasse complète. Traitons déjà
avec nos moyens et en essayant de ne pas polluer. Essayons de ne rien faire
d'irréversible et inaccessible car l'expérience montre qu'il
y a toujours un facteur qui nous joue des tours et qui a été
oublié.