Introduction
Ce rapport présente une synthèse du débat national sur l'énergie et l'environnement qui s'est tenu en France de mai à octobre 1994. Organisé à l'initiative des ministres chargés de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ce débat a pris la forme de vingt débats régionaux, puis de six colloques tenus à Toulouse, Metz, Paris, Caen, Lyon et Marseille; Pour chacune des deux phases, l'objectif poursuivi par la mission d'organisation a été de permettre une véritable confrontation des analyses et des propositions dépassant le cercle restreint des experts et des institutions. Ce débat s'est donc voulu ouvert, essayant chaque fois de faire s'exprimer le plus grand éventail possible de sensibilités. Les débats tenus dans vingt régions ont ainsi rassemblé environ 6000 personnes. Les six colloques nationaux ont donné lieu à 35 tables rondes au cours desquels ont débattu 218 personnes (31 élus, 34 représentants d'associations, 34 chercheurs, 74 représentants d'entreprises et d'organisations professionnelles, 22 étrangers, 23 représentants de l'administration); de surcroît, plus de 2 000 personnes ont par leur présence, leurs questions ou leurs interventions, considérablement enrichi les échanges. Il est quasiment impossible de résumer, sans en omettre ou trahir aucune, l'ensemble des contributions qui ont marqué ces six mois de débats. Ce rapport ne saurait être exhaustif. Il résulte nécessairement d'un tri s'appuyant cependant sur les convergences ou les grandes lignes de force qui ont semblé ressortir des débats. L'ensemble des propositions ou témoignages est consigné dans la série de documents joints à ce rapport, auxquels il est conseillé de se référer. Les différents interlocuteurs sauront sans doute faire entendre leur voix pour présenter à nouveau les arguments ou suggestions qu'ils trouveraient sous-estimés. Ce rapport présente tout d'abord une courte analyse des situations énergétiques françaises et internationales, telle qu'elle s'est dégagée des débats. Sur ce fondement, il propose ensuite un ensemble d'orientations, regroupées en deux parties : l'une correspondant à l'application de règles générales concernant la définition des choix politiques, l'autre visant des aspects plus sectoriels de la politique énergétique et environnementale. (suite) | suite: I. Constat Les nombreuses propositions formulées à l'occasion des débats, pour être très diverses, et même parfois contradictoires, n'en relevaient pas moins d'analyses fortement convergentes de la situation énergétiques française et de l'environnement dans le monde, qui sont résumées ci-dessous et détaillées en annexe. 1. La situation énergétique française: un modèle singulier Depuis quelques années, la consommation d'énergie en France dérape et l'intensité énergétique de notre économie se remet à croître. Cela est sans doute dû à la fois au très bas prix des énergies fossiles et à un coût de l'argent historiquement très élevé. Cette tendance est particulièrement marquée dans le domaine des transports, qui continuent à faire un appel croissant aux produits pétroliers et contribuent, par leurs divers effets polluants, à nuire à la santé des populations urbaines. L'offre de chauffage est caractérisée par la position dominante du gaz et de l'électricité, et par un faible développement des réseaux de chaleur et de la cogénération; les énergies renouvelables, qu'il s'agisse du solaire, de l'éolien, de la microhydroélectricité ou de la géothermie, sont en situation généralement précaire. La recherche publique et parapublique est fortement concentrée sur le nucléaire, et, secondairement, sur le pétrole. La production d'électricité, concentrée pour l'essentiel sur une seule entreprise, la plus grande du monde dans ce domaine, est en situation durable de surcapacité pour la satisfaction des besoins intérieurs, partiellement compensée par de substantielles exportations. elle est à forte dominante nucléaire, grâce à un parc homogène de réacteurs généralement considéré comme le plus efficace et le plus sûr du monde, mais avec une économie de l'aval du cycle (surgénérateurs, déchets, démantèlement,…) qui semble beaucoup moins assurée, et soulève chez certains de fortes interrogations. La puissance unitaire élevée des centrales ainsi que les exportations entraînent le développement d'un réseau de lignes à très haute tension, qui soulève des réticences croissantes; la distribution électrique relève, pour l'essentiel, d'un régime monopolistique, assurant la péréquation des prix sur l'ensemble du territoire et achetant la production de producteurs indépendants à des conditions généralement considérées, sauf par EdF, comme sévèrement restrictives. La consommation se caractérise par un écart croissant, durant ces vingt dernières années, entre la pointe d'hiver et le creux de l'été, dû pour l'essentiel à un développement spectaculaire, et rarement constaté ailleurs, du chauffage électrique. Ainsi, la filière énergétique française fait apparaître de nombreuses particularités, certains insistant sur leur caractère exemplaire, et d'autres sur leur singularité. p.4 |
2. Un contexte nouveau Les problèmes énergétiques ne répondent plus aujourd'hui, aux yeux du public, à une logique seulement économique. Si les deux chocs pétroliers ont centré l'attention sur le double impératif de sécurité d'approvisionnement et de réduction de la facture énergétique, la dernière décennie a manifestement élargi cette perception aux effets sur l'environnement des options choisies (Tchernobyl, effet de serre,…). Une politique énergétique soucieuse de l'environnement ne peut plus désormais se définir sans référence à la situation générale, européenne et mondiale. Risques et pollutions ne se limitent pas à notre territoire, et concerneront d'ailleurs aussi les générations que nous suivront. L'interdépendance appelle la solidarité. Dorénavant, la définition des grands choix implique tout autant le citoyen que le consommateur. Le développement économique de la planète entraînera inéluctablement la croissance des besoins en énergie. Cette croissance doit se faire d'une manière moins polluante, moins dévoreuse de capitaux et avec moins de gaspillage que par le passé. Il paraît vain d'espérer voir les autres pays s'imposer ces contraintes si nous ne le faisons pas nous-mêmes. Dans la mesure où les énergies renouvelables ne paraissent pas pouvoir, même à long terme, satisfaire la totalité des besoins de la planète, il semble difficile d'échapper à une augmentation des nuisances induites par les différentes filières classiques de production, fossiles ou nucléaires. Au stade actuel, la comparaison des impacts respectifs (risques et déchets nucléaires d'une part, émissions polluantes et effet de serre d'autre part) est loin de reposer sur des données objectives et quantifiables. Les critères de choix sont donc avant tout de nature politique. En tout état de cause, l'énergie qui pollue le moins est celle que l'on ne consomme pas. L'attention croissante portée aux pollutions confère immanquablement une importance accrue à la maîtrise d'énergie. Mise à part la prédominance du pétrole dans le domaine des transports, l'économie de l'énergie connaît des modifications profondes, et le plus souvent difficilement prévisibles, à une cadence plus rapide qu'on ne le perçoit généralement. Vingt ans suffisent à apporter des changements considérables. La définition de stratégies en avenir incertain doit ainsi privilégier la possibilité d'une réelle souplesse d'adaptation des options énergétiques; on peut noter à ce titre l'avantage offert par l'électricité dont l'une des caractéristiques principales, en dépit de la difficulté de son stockage, réside dans les innombrables manières dont on peut la produire : soleil, rivières et océans, vents, forêts, piles à combustible, pétrole, gaz, charbon, déchets de toutes natures, fission et peut-être plus tard fusion nucléaires, tout concourt à sa production. De surcroît, l'apparition de nouvelles technologies, conjuguée à une perception croissante des coûts environnementaux des réseaux de transport et de distribution est venue battre en brèche la loi, jusqu'alors sacro-sainte, des rendements croissants. ce qui est plus gros n'est pas nécessairement plus efficace, ou moins polluants, que ce qui est plus petit. Dès lors, les aspirations à la déconcentration, à la décentralisation, à une responsabilité accrue des collectivités locales, prennent une force accrue. La conciliation de la spécificité et de l'efficacité de notre modèle énergétique avec ces nouvelles tendances constitue la source première d'inspiration des propositions qui font l'objet de ce rapport. (suite) | suite: II. Mesures découlant de règles générales Certaines des propositions reprises dans ce rapport découlent de l'application aux secteurs énergétique et environnemental de quelques règles générales devant présider à l'élaboration de toute politique. Ces règles concernent le savoir, la transparence et le caractère démocratique des processus de décision, la définition des responsabilités, le contrôle et l'évaluation, la cohérence et, enfin, l'attention aux données internationales. 1. Savoir L'énergie et l'environnement sont des domaines complexes, où des acteurs sont amenés à prendre des décisions lourdes de conséquences sur les plans économique, financier et social. Il est frappant de constater néanmoins que certaines de ces décisions, et non les moindres, se fondent sur des connaissances imparfaites et sur des critères de jugement mal précisés. Les processus de décision en avenir incertain, la prise en compte du futur lointain, l'acceptabilité des risques d'accident doivent se fonder sur une réalité mieux connue et des choix clairement évalués. La connaissance de l'état actuel de notre environnement, des pollutions générées par la production, le transport et la consommation d'énergies, la quantification des effets de ces pollutions (atmosphérique, sonore, visuelle…) sur la santé, les climats, les paysages, l'équilibre de nos riverains, la qualité de vie frappent par leur caractère lacunaire et flou. La réalisation d'audits environnementaux apporterait une première réponse. En particulier, les effets sur l'environnement de l'aval du cycle nucléaire, dans ses caractéristiques actuelles ou futures, ne sont encore totalement évalués. Il en est de même pour le démantèlement des installations nucléaires. De même, des bilans environnementaux pourraient être conduits pour la cogénération. Celle-ci fait principalement appel à des combustibles fossiles mais offre un rendement énergétique beaucoup plus élevé que les installations de production classiques. De fait, si chacun reconnaît son impact positif à court terme sur la pollution de l'air, un développement plus important à moyen terme de la cogénération suppose cependant que ses effets globaux soient mieux évalués par comparaison avec d'autres modes de production plus respectueux de la qualité de l'air (nucléaire, énergies renouvelables). D'autres domaines pourraient également faire l'objet d'études précises : les conséquences environnementales de l'évolution de la distribution des produits pétroliers (diminution de nombre de dépôts d'hydrocarbures et de stations service), la valorisation énergétique des terres agricoles mises en jachère (biocarburants, biocombustibles), les exportations d'électricité, la chaîne de production gazière. En matière d'écotoxicologie, deux domaines particuliers attirent l'attention : les effets de la radioactivité et des champs électromagnétiques; la radioactivité suscite de nombreuses inquiétudes. La crainte d'effets génétiques, que les explosions d'Hiroshima et Nagasaki n'ont pas catégoriquement prouvés, a suscité, à la suite de l'accident de Tchernobyl, plus d'avortements que la catastrophe a fait de victimes à court terme. les recommandations de la CIPR en vue de rendre plus sévères les normes de radioprotection (dites CIPR 60) sont actuellement en cours d'adoption. La connaissance des effets des faibles doses devrait progresser, afin de vérifier notamment la pertinence des hypothèses qui ont justifié un tel abaissement des normes. p.5 |
En matière de champs électromagnétiques
, il est frappant, là encore, de constater l'inquiétude suscitée
par l'effet supposé des lignes à haute tension sur la santé,
qui engendre un effet de stress bien réel. Depuis 1982, une soixantaine
d'études épidémiologiques ou expérimentales ont
été conduites sans qu'il soit possible de conclure de manière
certaine à l'existence d'effets sur la santé, sinon, pour quelques
cas, à un niveau extrêmement faible. Le besoin de sortir de
cette situation d'incertitude est nettement apparu. Pour ce faire, il conviendrait,
dans un premier temps, de traduire en termes compréhensibles par le
plus grand nombre les résultats des études existantes, et de
donner une idée quantitative des risques. Dans l'état actuel
des connaissances exposées au cours du débat, et sous réserve
de cette clarification, il ne paraît pas justifié de continuer
à investir massivement dans la conduite de nouvelles études
épidémiologiques à grande échelle, ni d'encourager
le lancement d'études locales souvent réalisées sans
référence à l'état sanitaire des populations
avant l'installation des lignes. En revanche, les études expérimentales
permettant de mieux comprendre le phénomène d'interactions
entre la matière vivante et les champs magnétiques doivent
se poursuivre. La question de l'établissement de normes en matière
d'exposition aux champs électromagnétiques ne se pose donc
pas, à l'heure actuelle, en l'absence d'éléments nouveaux
qui justifieraient un nouvel examen de cette question par le Conseil d'hygiène
publique de la France. Par ailleurs, on peut regretter que le rapport coût/efficacité des mesures envisagées ou prises (écotaxe, essence sans plomb, pot catalytique, enfouissement des lignes électriques, CFC, stabilisation des émissions de CO2…) ait rarement été établi. Il devrait être systématiquement calculé, ne serait-ce que de manière approchée. Le comportement des usagers et leurs critères de choix (automobile, appareils électroménagers, chauffage, modes de transport individuel ou collectif, distance domicile-travail…) sont généralement mal appréhendés. Les prévisions, si nécessaires dans un domaine où le long terme prédomine, frappent par leur caractère incertain. La lecture des travaux du club de Rome, datant d'une vingtaine d'années, la constatation de surcapacité de notre appareil de production électrique, la constance dans l'erreur d'appréciation, depuis presque 10 ans, par les meilleurs experts internationaux, de l'évolution du prix du pétrole, sont à cet égard édifiantes. Chercheurs, économistes, sociologues, et même philosophes, doivent être mobilisés pour parfaire ce socle de connaissances, sans lequel toute politique risque de reposer sur du sable. Sur tous ces sujets, l'Observatoire de l'énergie pourrait, en liaison avec d'autres structures, renforcer ou étendre son expertise. L'analyse des effets sur l'environnement, la production et la consommation d'énergie dans les régions, la prospective, les comparaisons internationales et la connaissance de la politique énergétiques dans le reste du monde, l'évaluation des politiques publiques, l'impact économique (production, filières industrielles, exportations contraintes environnementales, etc…), l'approche coût/avantages des politiques énergétiques et environnementales devraient faire partie de ses domaines d'investigation. Le savoir est un droit et un devoir d'adressant à tous. Or les débats ont mis en évidence les insuffisances du système français de formation des citoyens, des travailleurs et des consommateurs dans le domaine de l'énergie et de l'environnement. Un plan d'action devrait être rapidement défini (écoles, lycées, universités, médias,…). 2.Transparance et caractère démocratique des processus de décision Les débats qui se sont déroulés, à l'échelon régional comme au niveau national, ont révélé une perception critique des conditions dans lesquelles s'est élaborée la politique énergétique française depuis le premier choc pétrolier, et notamment dans ses conséquences, par leurs impacts et leurs nuisances, concernent l'ensemble des citoyens, quoique de manière inégale. Certes, les grandes décisions de politique énergétique ont toujours été prises, ou entérinées, par une autorité légitime. La dénonciation de leur caractère insuffisamment démocratique peut donc sembler excessive, et par conséquent injuste. Il reste que les exigences d'une démocratie moderne ne s'arrêtent pas seulement à cette première règle fondamentale, la légitimité de l'autorité compétente. (suite) | suite: Il convient en effet que toute décision soit précédée d'une consultation large et d'une expertise pluraliste et autonome, et que, pour les grandes options d'intérêt collectif, la représentation nationale ait été saisie pour en débattre au fond. La décision définitive appartient évidemment au pouvoir compétent; Une fois prise, sa justification, ses objectifs et ses modalités doivent être clairement présentés. a) Définition de l'intérêt général En matière de politique énergétique et environnementale, le sentiment général d'un déficit démocratique appelle que l'Etat puisse répondre à deux exigences : la mise en place d'un cadre précis définissant les principes, les objectifs et les moyens que l'État entend imposer pour les prochaines années aux opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques, et la validation d'un tel cadre par la représentation nationale au terme d'un débat ouvert, suivant une instruction contradictoire des hypothèses et des choix. Afin de ne pas limiter cet effort de clarification à un simple exercice formel, il conviendrait que cet examen des orientations fixées par la collectivité puisse se faire de manière réellement contradictoire par la mise en place de moyens d'expertise indépendants des opérateurs. Il relève de la responsabilité de l'État d'expliquer tous les quatre ou cinq ans devant le Parlement le contenu de ses politiques, d'en faire le bilan et de justifier ses orientations nouvelles. De cette manière, il s'astreint à un exercice de clarification de ce qu'il considère comme l'intérêt général du pays pour les prochaines années, s'engage de manière publique sur une politique précise et fixe un cadre aux opérateurs en charge des différentes actions de production et de distribution. L'organisation d'un tel débat parlementaire prendra d'autant plus de sens que les députés et sénateurs seront à même de disposer d'une capacité d'expertise et de proposition renforcée par un élargissement des compétences et du rôle de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. La complexité technique des questions énergétiques exclut qu'un débat de fond puisse s'organiser sur la base d'une seule expertise, celle des opérateurs. Il appartient donc en premier lieu à l'État de développer ses propres pôles de compétence en vue de pouvoir disposer d'éléments d'expertise d'origines variées et, partant, d'une capacité de décision autonome. La création d'un budget lui permettant de financer des expertises, et pouvant être saisi pour avis par les autorités gouvernementales et parlementaires, marquerait un second pas dans cette voie. b) Décisions en matière d'infrastructures La construction de nouveaux équipements de production et de transport d'énergie crée inévitablement des risques d'accident et porte atteinte à l'environnement. Elle relève donc d'autorisations des autorités politiques, qui doivent se fonder sur la satisfaction de l'intérêt général. Les oppositions de plus en plus vives manifestées localement imposent la démonstration de leur nécessité. A ce titre, l'utilité de nouveaux ouvrages doit être clairement établie, leurs caractéristiques ou leur tracé suffisamment justifiés, et les règles d'indemnisation des intérêts particuliers équitablement définies. Le protocole État/EdF du 25 août 1992 confère à l'administration la possibilité de diligenter une contre expertise sur le tracé d'une ligne électrique. Pour les ouvrages à haute et très haute tension, la possibilité devrait être ouverte à l'État et aux collectivités de faire réaliser, avant le dépôt du dossier de déclaration d'utilité publique, une contre expertise portant non seulement sur le tracé d'une ligne, mais aussi, le cas échéant, sur la justification économique des ouvrages et sur les solutions alternatives (autre organisation du réseau, solutions d'électrification plus locales, etc). Ces contre expertises appelleraient une réponse du pétitionnaire. Certaines hypothèses présentées dans les dossiers d'ouvrages électriques devraient être confirmées par un avis écrit et motivé des administrations déconcentrées compétentes (développement de l'habitat, de l'industrie, etc). Les enquêtes publiques constituent une occasion privilégiée d'expression des citoyens. Elles pourraient donner lieu systématiquement, pour les grands équipements énergétiques, à des auditions publiques menées sous l'égide des représentants de l'administration. Les conclusions de l'enquête devraient clairement distinguer les remarques portant, d'une part, sur l'utilité de l'ouvrage, et d'autre part, sur ses caractéristiques (tracé, implantation, etc). Les commissaires enquêteurs devraient bénéficier d'une formation plus complète, en particulier sur la justification technico-économique des ouvrages. p.6 |
En matière de lignes électriques, la question de l'insertion dans l'environnement
, et plus particulièrement de la mise en souterrain des lignes aériennes,
été posée au cours des débats de manière
particulièrement vive. si le protocole État : EdF du 25 août
1992 a fixé de nouveaux objectifs dans ce domaine, il semble que ceux-ci
pourraient être aujourd'hui plus ambitieux : la construction de lignes
basse et moyenne tension aériennes devrait devenir exceptionnelle.
Concernant les lignes à haute et très haute tension, pour lesquelles
les difficultés techniques et le surcoût ne permettent pas de
généraliser la mise en souterrain, un objectif de maintien
du kilométrage aérien total pourrait être poursuivi,
grâce notamment à un effort de rationalisation du réseau
et de dépose des lignes devenues obsolètes. Pour le reste, l'exemple de la Suisse, où a été élaboré un ensemble de règle à respecter en matière d'insertion des lignes aériennes dans l'environnement, pourrait être suivi. L'utilisation de couloirs existants devrait être privilégiée plus systématiquement. Enfin, les possibilités offertes par le développement technologique devraient être plus rapidement et plus systématiquement utilisées (pylônes plus esthétiques, couleur des pylônes et des câbles, utilisation du verre). Ces principes devraient être appliqués avec une attention toute particulière dans le cas des lignes électriques transfrontalières. Le projet de ligne Cazaril - Aragon, qui doit permettre de renforcer l'interconnexion des réseaux électriques français et espagnols, et l'exportation d'électricité en Espagne, est à cet égard exemplaire. Mis à l'étude il y a une vingtaine d'années, déclaré d'utilité publique, ce projet - manifestées localement. Une plus grande concertation eût certainement permis d'éviter le blocage actuel. On peut cependant laisser perdurer une telle situation de blocage dont personne ne sait quelle sera l'issue. L'État est par ailleurs engagé, tant au niveau national que vis-à-vis de l'Espagne. Sauf à trouver sans délai un tracé alternatif qui recueillerait l'ensemble des accords amiables des riverains concernés, la réalisation du projet selon te tracé prévu devrait être engagée. c) Lisibilité des procédures d'autorisation Les procédures relatives aux ouvrages énergétiques sont souvent complexes, leurs phases multiples et leurs échéances floues. Pour améliorer la lisibilité du déroulement des procédures, l'échéancier de construction et de mise en service des ouvrages devrait être indiqué précisément dans les projets; une durée maximale entre la déclaration d'utilité publique et la construction ou la mise en service d'un ouvrage devrait être prévue, au-delà de laquelle une nouvelle déclaration serait obligatoire. Le cas des installations nucléaires (centrales, installations de fabrication du combustible et de retraitement, centres de stockage) est spécifique : les procédures s'appuient sur des législations nombreuses, qui ne leur confèrent pas pour autant un caractère démocratique suffisant. Des aménagements de procédure sont donc souhaitables. L'introduction de dispositions analogues à celles récemment adoptées dans les lois sur l'environnement (loi sur l'eau, loi sur les installations classées pour la protection de l'environnement) devrait être recherchée. En particulier, l'établissement d'un lien entre permis de construire et enquête publique s'impose. L'amélioration du fonctionnement démocratique pourrait, quant à lui, passer par une formalisation de la décision de construction des centrales, et par un renforcement du rôle du Parlement. (suite) | suite: d) Établissement des coûts de l'électricité La rentabilité de l'électricité produite par des acteurs décentralisés ou par l'exploitation d'énergies renouvelables dépend étroitement, du fait du quasi monopole de distribution, de leur comparaison avec les coûts d'Électricité de France, fondés essentiellement sur le prix du kilowattheure d'origine nucléaire. Or, les modes de calcul de ces coûts de référence sont contestés, accusés notamment de sous-estimer les coûts de gestion des combustibles usés, les effets du vieillissement des réacteurs, l'impact du démantèlement des installations nucléaires et la couverture du risque en cas d'accident. L'examen de ces coûts de référence pourrait faire l'objet d'un travail élargi à des experts indépendants de l'administration, dont la conduite serait confiée, par exemple, au groupe permanent d'étude dont la création a été proposée plus haut. Ce travail pourrait s'étendre également à toutes les autres formes de production d'électricité. La détermination du coût réel de l'électricité nucléaire ne peut cependant être effectuée sans une vision claire des hypothèses retenues pour la gestion de l'aval du cycle. dans ce domaine, un effort de transparence est souhaitable. e) Transparence Dans deux domaines au moins, il apparaît difficile de bien connaître et de comprendre les politiques suivies. En premier lieu, les dépenses publiques de recherche et développement dans le domaine de l'énergie et de l'environnement s'élèvent à plusieurs milliards de francs par an. Il est malaisé, pour un non expert, de savoir à quoi cet argent est dépensé, pour développer quelles filières, avec quels objectifs, et dans quels laboratoires. La répartition des fonds devrait pourtant répondre à des choix explicites de priorités, ou d'efficacité. En second lieu, le problème posé par la gestion de l'aval du cycle nucléaire (retraitement des combustibles usés, sur ou sous générateurs, transmutation des déchets, entreposage, enfouissement profond…) présente aux yeux des Français un intérêt majeur. Il n'est pas sûr que la clarté des explications officielles entraîne la conviction générale, les décisions prises ou à prendre révélant une situation à tout le moins complexe, et évolutive. La France a choisi l'option du retraitement combustibles usés, comme le Japon, ce qui ne la dispensera pas du stockage profond de certains déchets. d'autres pays ont opté pour le stockage des combustibles en l'état. A l'image de la gestion des déchets industriels, une saine politique de gestion de l'aval du cycle nucléaire doit viser à réduire au maximum le volume de déchets ultimes. Le retraitement apparaît alors comme la voie la plus favorable, sous réserve que l'on soit en mesure de recycler effectivement le plutonium, dans les meilleures conditions de sécurité, et que les déchets stockés in fine (produits de fission, actinides mineurs) présentent une radioactivité qui disparaisse le plus rapidement possible, l'objectif étant de passer d'une échelle géologique (environ un million d'années) à une échelle historique (environ mille ans). Tels sont les deux objectifs qui devraient être poursuivis, en particulier dans le délai de 15 années prévu par la loi du 30 décembre 1991 relative aux déchets radioactifs, grâce à un effort de recherche adéquat. Ils pourraient être intégrés dans un plan stratégique de l'aval du nucléaire, distinguant les objectifs et les capacités assignées aux différentes filières de retraitement et de stockage pour la totalité des combustibles usés attendus au cours des prochaines décennies. Ce plan pourrait être présenté au Parlement par le Gouvernement. p.7 |
Dans ce cadre, les conditions de démantèlement
des installations nucléaires devraient être précisées.
Les principales expériences nationales concernent des réacteurs
de petite dimension du Commissariat à l'énergie atomique. en
France, il est prévu de démanteler, dès leur arrêt,
les installations situées à l'extérieur de l'enceinte
contenant le réacteur, puis d'attendre quelques décennies avant
de procéder au démantèlement complet. Cette stratégie
d'attente, distincte de celle prévue au Japon, peut présenter
des avantages (diminution des coûts et de la radioactivité)
et des inconvénients (maintien de la surveillance des installations,
indisponibilité du site, etc…). La politique prévue en France
devrait être réexaminée, sans exclure aucune possibilité
a priori. La gestion des déchets très faiblement radioactifs,
qui représenteront, avec le démantèlement futur des
installations, des volumes très importants, suppose la définition
d'une doctrine et d'une réglementation spécifiques. Un autre maillon de l'aval du cycle est constitué par les transports de produits radioactifs. Dans ce domaine, le renforcement des colis destinés au transport aérien et l'amélioration de la surveillance des transports en cas d'immobilisation devraient être recherchés. Notons enfin que la présentation à la française des statistiques d'énergie est différente des présentations internationales. En effet, la France utilise, dans tous ses bilans énergétiques, l'équivalence à la production; l'Agence internationale de l'énergie utilise quant à elle, l'équivalence à la consommation pour les bilans de consommation, et des équivalences dépendant des moyens de production utilisés pour les bilans de production. Sans doute est-ce un hasard si l'approche française aboutit à renforcer le poids de la production électrique par rapport aux autres énergies, et accroît le taux d'indépendance énergétique de la France…Quoi qu'il en soit, et quelles que soient les justifications de l'une ou l'autre approche, il conviendrait que la France s'aligne sur la méthodologie adoptée au plan international. 3.Définition des responsabilités L'intérêt général ne se confond pas avec celui d'une entreprise, fut-elle entièrement propriété de l'État ou en position monopolistique. Cette affirmation, énoncée dans le domaine de l'énergie, apparaît cependant aux yeux du personnel des entreprises concernées comme une critique injuste de leur action. Il reste que la logique de développement d'une entreprise, même chargée d'un service public, impose que l'État fixe un certain nombre de règles et d'obligations conformes à l'intérêt général, et que les entreprises n'ont pas vocation à intégrer spontanément. Personne ne s'étonne que l'État, et non la Seita, se préoccupe de limiter la consommation de tabac. Pourtant, il ne semble pas admis de tous que la politique et les objectifs de maîtrise de la demande en électricité relèvent des pouvoirs publics, c'est-à-dire des institutions concédantes, et non pas des concessionnaires. De même, personne n'attend d'une société d'armement, fut-elle nationalisée, qu'elle limite d'elle même ses exportations. Il appartient donc aux pouvoirs publics de décider s'il y a lieu, et dans quelle mesure, de limiter les exportations d'électricité. On ne voit pas clairement, en effet, selon, quels critères d'appréciations internes à leur entreprise les opérateurs décideraient ou non d'autolimiter une activité rentable. En bref, il s'agit de séparer clairement la fonction de régulateur de celle d'opérateur. Il est frappant de constater à quel point le système énergétique français est organisé par délégation de responsabilités à des organismes marqués par une compétence technique forte. Il semblerait judicieux de mobiliser l'action des institutions nationales, régionales et locales, par l'établissement d'objectifs normatifs dont la cohérence serait assurée à tous les niveaux. La réduction ou la stabilisation des émissions de différents gaz dans l'atmosphère, la diminution de l'intensité énergétique de notre système économique, celle de la consommation automobile, des congestions de trafic en zones urbaines, des distances de trajet domicile - travail, du nombre de logements soumis à un bruit excessif pourraient faire l'objet de plans pluriannuels établis par les communes, les départements, les régions ou l'État, traduisant ainsi la volonté publique en objectifs quantifiables, correspondant aux réalités locales et engageant plus clairement leurs responsabilités. (suite) | suite: Les débats ont en effet montré l'intérêt que portent les collectivités territoriales à l'énergie. Leur action pourrait se développer dans deux secteurs prioritaires. Les contrats de plan entre l'État et les Régions pourraient comprendre un volet portant sur la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables . Dans ce cadre, des actions associant également les départements et les villes les plus importantes pourraient être menées dans les domaines suivants : consommations des collectivités locales, réduction des consommations dans les PMI, dans les logements, promotion des énergies renouvelables, approvisionnement énergétique des zones rurales, maîtrise de l'énergie dans les transports (véhicule alternatif, etc). Les financements pourraient provenir de l'État, des collectivités, du fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE). Électricité de France pourrait être associé à certaines opérations. Pour ce qui est de la distribution de l'énergie , le souhait exprimé par de nombreuses collectivités locales de disposer de toutes les énergies doit se concilier avec la nécessité d'organiser le marché, afin de développer des solutions plus cohérentes, de favoriser le service au client, et non la quantité vendue, de permettre le développement de solutions utilisant les ressources locales. Pour ce faire, les plans d'occupation de sols et les schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme pourraient comprendre un volet énergie, décrivant notamment la situation des réseaux, et permettant de mettre en cohérence l'évolution prévisible des besoins (urbanisation, zones industrielles) et les possibilités de chaque filière énergétique pour y répondre. Dans ce cadre, la possibilité ouverte par la loi aux collectivités de classer les réseaux de chaleur, c'est-à-dire de rendre obligatoire le raccordement à un réseau dès lors que celui-ci existe, n'a jamais été utilisée, malgré l'intérêt de cette filière pour la valorisation des ressources locales (incinération de déchets, cogénération). C'est pourquoi l'obligation de raccordement à certains réseaux de chaleur, notamment issus d'usines d'incinération d'ordures ménagères, pourrait être envisagée. 4. Contrôle et évaluation des mesures prises On ne peut qu'être frappé par la multiplicité des observations formulées lors des débats sur le non respect des réglementations. Transports routiers, stations services, transports maritimes, règles de fonctionnement des véhicules, isolation des bâtiments neufs, comptage individuel des consommations dans les immeubles collectifs, la liste est longue des secteurs où les infractions semblent nombreuses, pour ne pas dire généralisées. Il est possible, dans certains cas, que cette situation résulte d'une trop grande complexité, ou même d'une trop grande rigueur de la réglementation. Il convient alors de simplifier et d'amender. L'égalité de tous devant la loi et sa rigueur d'application apparaît comme un impératif non seulement d'efficacité mais de démocratie. L'évaluation de l'efficacité des dépenses engagées paraît peu fréquente, et peu formalisée. Elle est pourtant hautement souhaitable lorsque sont mises en place des politiques d'incitation financière vigoureuses. Le soutien aux biocarburants, l'application des accords entre l'ADEME et Électricité de France, les incitations financières liées au plan énergie pourraient figurer parmi les points d'application les plus indiqués. Mais c'est surtout dans le domaine de la recherche et du développement que les procédures d'évaluation paraissent insuffisamment établies. Le principe selon lequel il ne paraît pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ne de réussir pour persévérer devrait être appliqué avec davantage de précaution. Il faut parfois plus de courage pour arrêter des recherches que pour décider leur maintien. La faible mobilité des chercheurs, le peu de coordination entre laboratoires relevant d'organismes différents font lever des interrogations sur l'efficacité des recherches, malgré la qualité incontestable de certaines équipes. Le développement d'une politique d'audits paraît, là encore, souhaitable. p.8 |
5 . Cohérence L'étude des mesures prises dans les domaines énergétiques et environnementaux révèle un certain nombre d'incohérence. Il est difficile d'apercevoir la logique des disparités fiscales relatives aux carburants et aux combustibles. Leur justification semble reposer parfois sur des situations passées qui se sont considérablement modifiées. Ainsi, des ressources énergétiques, telles que le gaz naturel ou le charbon, continuent à être considérées comme nationales longtemps après que leur caractère importé est devenu prédominant. Il est certes possible que la différence des taxes frappant l'essence et le gazole ait une justification économique, industrielle, écologique ou sociale. La démonstration n'en a cependant pas été jusqu'ici clairement apportée. Un réexamen approfondi des taxes frappant des biocarburants répond davantage à une logique de politique agricole que de politique énergétique ou environnementale, et devrait être envisagé avec une prudence en fonction de l'évolution de la recherche, au même titre que les autres solutions de valorisation énergétique des jachères. A tout le moins, les quantités fabriquées et le niveau de l'exonération fiscale devraient évoluer chaque année, dans le cadre de contrats de progrès. Les autres possibilités de valorisation énergétique des jachères (biocombustibles, biomasse solides) devraient être sérieusement examinées, et leur bilan en termes économique, énergétique et environnemental établi. Le blocage quasi total de nouvelles installations de petite hydroélectricité frappe un mode de production d'électricité qui ne génère aucune pollution atmosphérique, et s'effectue à des coûts très compétitifs, même vis-à-vis du nucléaire. Ces avantages mériteraient, à tout le moins, d'être confrontés, au cas par cas, aux perturbations apportées à l'équilibre écologique des cours d'eau. Des politiques industrielles, au sens large du terme, accompagnent trop rarement le développement de tel ou tel type d'énergie que l'on entend promouvoir. La géothermie, les pompes à chaleur, l'énergie solaire ont, dans un passé récent, fortement pâti de cette absence de mesures d'accompagnement. Les politiques de formation correspondantes sont également souvent absentes. Encore plus incertaine, car certainement plus difficile, apparaît la cohérence de la politique énergétique et environnementale avec celles suivies dans de nombreux autres domaines : aménagement du territoire, emploi, urbanisme, infrastructures, bâtiments publics, les exemples sont nombreux. Les dépenses publiques de recherche et développement dans le domaine de l'énergie sont importantes, mais très inégalement réparties. De manière simplifiée, on peut estimer que la fission nucléaire bénéficie des deux tiers de l'effort public, le pétrole du cinquième, la fusion nucléaire du vingtième, tous les autres secteurs de l'énergie, maîtrise de la demande incluse, se partageant le reste. Il n'est pas établi que cette répartition soit cohérente avec la vision du système énergétique que l'on prévoit, ou que l'on espère. En matière de sûreté et de sécurité nucléaires , l'action des pouvoirs publics fait intervenir de très nombreuses acteurs. L'opportunité d'une plus grande coordination ou d'un regroupement de ces activités aux synergies fortes pourrait être étudiée, à l'image des pratiques observées dans certains pays voisins. Cette évolution devrait sans doute s'articuler autour de la direction de la sûreté des installations nucléaires, dont la compétence et la qualité de l'action sont unanimement reconnues. (suite) | suite: 6. Ouverture internationale Des décisions de portée environnementale et financière considérables sont désormais prises dans un cadre multilatéral. La nécessité, rappelée dès le début de ce rapport, d'affermir le support théorique et scientifique, devrait s'imposer à Bruxelles ou à Rio autant qu'à Paris. L'affirmation politique, fut-elle internationale, de l'importance de phénomènes relevant de l'expertise scientifique n'est pas, à elle seule, garante de leur réalité. Cela étant, rien ne justifierait la non application par la France des accords qu'elle ratifie. Le respect des engagements pris à la Conférence de Rio devrait notamment apparaître comme un impératif s'imposant à tous. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Les pays à économie développée sont évidemment tous confrontés à des problèmes analogues à ceux rencontrés par la France, malgré les différences introduites par les ressources énergétiques dont chacun peut disposer. Des mesures, à la fois intéressantes et originales, sont prises par des États qui ne sont pas nécessairement les plus importants ni les plus puissants. Il paraîtrait utile de les analyser avec plus d'attention, et de s'en inspirer plus souvent. Les besoins en énergie des pays en voie de développement apparaissent considérables. La Chine, à elle seule, a prévu de s'équiper dans les quinze prochaines années d'un parc de centrales électriques, principalement au charbon, représentant plus de cinq fois la capacité de production française. Pour que chaque Chinois puisse consommer autant d'électricité qu'un Français, il faudra construire en Chine un parc de centrales équivalent à 30 fois le nôtre. De même, le jour où la Chine aura un degré de motorisation analogue à celui du Portugal, son parc automobile sera égal au parc mondial total actuel. Le choix d'un modèle de développement planétaire reproduisant celui suivi dans le passé par les pays développés aboutirait à des conséquences énergétiques et environnementales difficilement supportables. Un changement de modèle sera le fait de tous, ou de personne. A ce titre, le développement de techniques exportables de production d'électricité ne devrait pas, en France, se limiter au nucléaire. On peut songer notamment au charbon propre et au photovoltaïque . En matière de charbon, quatre procédés industriels sont en compétition pour les centrales de demain. La France reste dans la course, mais les efforts sont dispersés et l'absence de vitrine nationale est dommageable au niveau international. C'est pourquoi le lancement d'un plan charbon propre, susceptible de mobiliser les acteurs autour d'objectifs communs paraît indispensable. Ce plan permettrait de soutenir les recherches sur les nouveaux procédés et de réaliser des études, notamment sur l'environnement. La situation du parc de centrales nucléaires dans les pays de l'Est de l'Europe ne laisse pas d'être préoccupante. Une amélioration drastique de sa sécurité est apparue essentielle à de nombreux participants aux débats, pour qui l'aide occidentale devrait être plus strictement mesurée à l'aune de la sûreté nucléaire et des économies d'énergie, et les autorisations nationales de mise en service de centrales, nouvelles ou rénovées, accordées dans des conditions similaires à celles des pays occidentaux. p.9 |
III. Mesures d'efficacité sectorielle De nombreuses mesures proposées lors du débat présentaient un caractère sectoriel plus marqué. On les a regroupées en six catégories : les trois premières relèvent des trois domaines majeurs de la consommation d'énergie : chauffage, transports et industrie; la quatrième concerne le secteur électrique, la cinquième a trait à la maîtrise d'énergie, et la dernière à la recherche. Cette liste n'est naturellement pas exhaustive, et l'examen des actes des colloques et des documents de préparation en fait apparaître de nombreuses autres. Elle vise à présenter des propositions qui sont apparues les plus pertinentes sur les problèmes les plus urgents. 1. Chauffage Les orientations proposées en matière de chauffage découlent pour l'essentiel de trois principes: a) Une bonne architecture et une isolation efficace valent mieux qu'un chauffage ou une climatisation coûteuse Des progrès sensibles pourraient être atteints tant par un respect plus strict de la réglementation existante en matière d'isolation des bâtiments neufs que par un renforcement des normes . La marge de progrès semble, dans ce domaine, considérable : les normes concernant les bâtiments neufs pourraient être relevées d'environ 10% dans le secteur de l'habitat (la réglementation date de 1988 et marque aujourd'hui un retard sensible par rapport à l'Allemagne ou la Grande-Bretagne), et de près de 40% dans le secteur tertiaire. Par ailleurs, un développement de l'effort de recherche sur les matériaux isolants s'impose. La normalisation en matière d'efficacité énergétique devrait être développée ou renforcée dans certains domaines (matériaux, inhalation et entretien des chaudières, appareils électroménagers, coût du chauffage). Le développement de la climatisation au cours des dernières années semble d'autant plus abusif que celle-ci se substitue trop souvent aux méthodes de ventilation des bâtiments, qui, pour autant que la température extérieure reste inférieure à la température intérieure, présentent le double intérêt de n'avoir aucun impact sur l'environnement et d'être financièrement avantageuses. Il reste cependant aux maîtres d'ouvrages, notamment publics, à veiller à ce que les nouveaux bâtiments prévoient de telles possibilités. b)Une plus grande liberté de choix doit être offerte au consommateur, dans un marché concurrentiel et transparent. La transparence suppose en premier lieu une information systématique des consommateurs. A ce titre, l'affichage des consommations thermiques et de leur coûts, dans le secteur résidentiel tertiaire, calculés selon une norme à définir, devrait être rendu obligatoire à l'occasion de chaque transaction immobilière. En matière de chauffage, le choix est généralement limité, pour diverses raisons : installation du mode de chauffage le plus économique pour le constructeur ou promoteur, impossibilité technique, habitudes, etc. Afin d'élargir la liberté de choix , les demandes de permis de construire des bâtiments les plus importants devraient prévoir une étude énergétique détaillée comportant l'examen de plusieurs solutions. Dans le même esprit, l'initiative prise par le Conseil Général de Savoie pourrait être étendue : toute aide de l'État à la construction ou la réfection d'un logement devrait être conditionnée à la réalisation d'un audit énergétique, comportant l'étude de diverses solutions fondées notamment sur l'utilisation des énergies renouvelables. L'obligation de construction d'un conduit de fumée dans les bâtiments neufs devrait en outre être rétablie. Les règles financières et fiscales applicables à la consommation des différents combustibles doivent être rendues plus équitable. En premier lieu, la fiscalité sur les combustibles doit refléter plus fortement leurs avantages ou leurs inconvénients, en matière de respect de l'environnement et de sécurité d'approvisionnement. (suite) | suite: En second lieu, les subventions accordées par des collectivités pour le développement d'infrastructures de transport et de distribution d'une énergie thermique particulière nécessitent d'être davantage encadrées afin de ne pas fausser la concurrence avec d'autres sources éventuelles. Trois filières sont concernées. Tout d'abord, en matière d'électricité, la participation des collectivités, en complément du FACE, à l'électrification rurale est parfois excessive. Ensuite, la plus grande vigilance s'impose en matière de subventions publiques en faveur du gaz; récemment, des collectivités locales ont consenti de très importantes subventions (plus de 30% de l'investissement) pour le développement de distributions publiques de gaz. Enfin, en matière de réseaux de chaleur, les aides publiques devraient être concentrées sur les réseaux reliés aux installations d'incinération d'ordures ménagères, et modulées afin de favoriser la valorisation énergétique sous forme d'électricité et de chaleur (cogénération). En dernier lieu, l'amélioration des conditions d'exercice de la concurrence entre les différents types de combustibles suppose que l'on fasse respecter l'interdiction du dumping sur les ventes, ou de toute autre pratique commerciale injustifiée. Une limitation des publicités et une tarification de l'électricité reflétant mieux la réalité des coûts dans l'espace et dans le temps y contribueraient aussi, de même sans doute qu'une séparation des services commerciaux d'électricité de France et de Gaz de France. c) Le recours aux énergies renouvelables devrait être encouragé. La promotion des énergies renouvelables, en dehors du problème spécifique des tarifs d'achat par EdF de l'électricité vendue au réseau, qui sera abordé plus loin, passe par un encouragement financier plus massif. Un élargissement des modalités d'intervention du FACE et l'adaptation de la fiscalité en faveur des solutions plus favorables à l'environnement y contribueraient. Ainsi, les installations de chauffage individuel conçues pour l'utilisation d'énergies renouvelables (bois, solaire thermique) pourraient être soumises à un taux de TVA réduit et bénéficier plus largement des systèmes de tiers financement. L'effort devrait également porter sur l'organisation des filières, et la qualité et la normalisation des équipements. Enfin, le développement des installations solaires d'eau chaude permettant de satisfaire au minimum la consommation d'été passe par une action volontariste des pouvoirs publics. 2. Transports La croissance des consommations d'énergie dans le secteur des transports, et leur concentration de plus en plus exclusive sur les produits pétroliers, ont naturellement suscité un très grand nombre de propositions. La plupart peuvent être regroupées en trois rubriques : fiscalité, normes et règlements, urbanisme. a) Fiscalité La fiscalité des carburants ne frappe pas par sa cohérence. Les différences de traitement fiscal entre carburants devraient pouvoir être justifiées sur les plans économique, écologique, industriel, ou même agricole. De plus, elles devraient davantage refléter les différences en termes de sécurité d'approvisionnement. Plus généralement, les coûts externes induits par les différents modes de transports (charges d'infrastructures, occupation d'espace et contribution à la congestion des trafics, pollution atmosphériques et sonores) devraient être mieux établis, et mieux reflétés dans le taxation. Dans cette perspective, les péages pour les transports routiers de marchandise devraient sans doute être significativement augmentés. p.10 |
b) Normes et règlements La diminution des pollutions engendrées par le parc existant apparaît au moins aussi prioritaire que celle des véhicules neufs. L'amélioration des caractéristiques des carburants, du réglage permanent des moteurs à explosion, la diminution des émissions de particules ou de fumées des moteurs diesels paraissent d'une grande efficacité. Si la réglementation pourrait être renforcée, notamment en matière d'émissions sonores, il conviendrait surtout de faire appliquer, notamment par les transporteurs routiers, celle qui existe. En matière de transport de personnes, il serait judicieux de s'inspirer de l'exemple californien d'abaissement de la consommation moyenne des véhicules neufs vendus et d'introduction de véhicules "zéro émission". La promotion des véhicules alternatifs (électriques, utilisant le gaz naturel ou le gaz de pétrole liquéfié) devrait être engagée résolument. Cela se passe en particulier par une action volontariste concernant les flottes publiques qui devraient comprendre un nombre croissant de tels véhicules. Les taxis pourraient se voir encouragés à s'équiper de véhicules alternatifs, par exemple en réservant au G.P.L. et au gaz la franchise de taxe réservée jusque là au gazole. La fiscalité du G.P.L. devrait sans doute être différentiée de celle du gazole. Enfin, un plan véhicule électrique devrait être lancé. En matière de transport de marchandises, la promotion du transport ferroviaire doit être vigoureusement engagée. A cet égard, le transport combiné devrait constituer l'axe privilégié de développement du fret ferré. Il doit être encouragé là où il est le plus compétitif, c'est-à-dire sur les longues distances qui représentent, tous modes confondus, plus de la moitié du trafic, et donc de la consommation et des nuisances. Si le rail doit effectivement reprendre des parts de marché à la route, une plus grande efficacité commerciale de la SNCF s'impose. Elle pourrait être recherchée, par exemple, par une filialisation de l'activité de fret. Concernant le transport routier, la mise en place, en Autriche, du système d'écopoints" ouvre une intéressante piste de régulation du transport routier à longue distance, dont les autres pays européens pourraient utilement s'inspirer. c) Urbanisme Les débats ont mis en évidence la dépendance des consommations énergétiques de transport vis-à-vis des politiques d'urbanisme, explicites ou implicites, suivies par les collectivités territoriales. Ces politiques aboutissent le plus souvent à privilégier dans nos villes la circulation automobile. Viennent ensuite les transports en commun. Piétons, cyclistes, et motards doivent s'accommoder des restes. Un grand nombre de mesures proposées avaient pour objectif de renverser cet ordre de priorité. D'autres, aussi nombreuses, visaient à la diminution des transports automobiles individuels : réaménagement des centres villes, amélioration de l'intermodalité des différents modes de transport, cohérence entre l'urbanisation de nouveaux quartiers et le développement de transports en commun. Leur application suppose avant tout la mise en oeuvre, à tous les niveaux, d'une volonté politique forte. 3. Industrie Force est de constater que les problèmes industriels ont été peu évoqués, à l'occasion du débat national et que, lorsqu'ils l'ont été, peu de propositions se sont écartées du discours actuellement dominant en la matière : pas de taxes nouvelles autres que mondialement appliquées. La constatation dominante est que de gros efforts ont déjà été effectués, avec d'ailleurs des résultats significatifs, et que, par l'effet de la crise et renchérissement de l'argent, la poursuite de nos efforts est difficile sans la mise en place d'incitations importantes. De fait, toute taxation supplémentaire devrait sans doute s'accompagner d'aides aux économies d'énergie ou à la dépollution, d'un montant équivalent. (suite) | suite: Dans ce domaine réglementaire, la procédure d'expertise énergétique triennale n'est plus guère appliquée. Son évolution pourrait passer par un rapprochement avec la législation relative à l'environnement. La cogénération présente un intérêt évident sur les grands sites industriels, et notamment chimiques, mais aussi dans le secteur tertiaire et pour la valorisation énergétique des déchets. Elle connaît, en France, un développement significatif depuis deux ans, et mérite d'être encouragée, notamment par des conditions d'achat spécifiques du courant électrique livré au réseau. Ces améliorations ne se conçoivent cependant pas sans un encadrement normatif précis. A ce titre, un statut de la cogénération devrait être défini. Il fixerait notamment un rendement minimal des installations, et la part minimale de la chaleur dans l'énergie fournie. La définition de normes spécifiques en matière d'environnement s'impose également. Les contrats passés avec Électricité de France devraient s'étendre sur toute la durée d'amortissement des installations. La mise en place d'un mécanisme de garantie financière atténuerait la sensibilité aux risques d'évolution des prix des combustibles. Concernant les pertes de débouchés de chaleur (défaillance d'un client industriel), une clause de sauvegarde de l'obligation d'achat pourrait être accordée, pour une durée limitée, dans des conditions strictes à définir. Enfin, les installations de cogénération biénergie (bagasse, charbon,…) devraient être favorisées. Les problèmes posés par l'avenir du raffinage français n'ont été que peu abordés. Ils n'en sont pas moins pour autant considérables, et complexes. Leurs solution nécessite une vision claire de nos besoins futurs en carburants et combustibles, et une juste appréciation des impératifs de sécurité d'approvisionnement. Par ailleurs, il convient, comme il l'a été mentionné plus haut, de définir avec soin, comme le font d'autres pays développés, les politiques industrielles (au sens large) d'accompagnement des énergies que l'on entent promouvoir, en fonction de nos besoins intérieurs, et de nos possibilités à l'exportation. Il en est de même pour les politiques de dépollution ou de maîtrise de l'énergie. Les technologies de cogénération notamment à base de charbon ou de déchets, la fabrication des éoliennes, des chaudières de toutes sortes, les technologies de dépollution atmosphérique, l'accentuation des programmes d'enfouissement de lignes électriques, le développement du photovoltaïque, ou des technologies de chauffage solaire doivent faire l'objet de cet accompagnement. Il va de soi enfin que la pertinence de notre politique industrielle est un élément essentiel à la réussite de l'option nucléaire. 4. Électricité L'ampleur, la complexité et la spécificité de notre système de production, de transport et de distribution d'électricité ont accaparé une bonne part des débats. L'adéquation entre l'organisation monopolistique de ce secteur et les données politiques ou technologiques, que nul, ou presque, ne songeait à contester dans le passé, soulève aujourd'hui des interrogations. L'opérateur national, habitué à l'estime qui lui est légitimement portée du fait de ses performances, à tendance à les ressentir comme une ingratitude. Ce rapport ne traite pas des répercussions des décisions communautaires, qui ne manqueront pas d'intervenir, sur l'organisation du marché européen de l'énergie. Ce n'est pas que le sujet ne soit pas de la plus haute importance; c'est plutôt que le débat n'a pas apporté de lumières bien nouvelles sur une matière déjà largement débattue. Des points importants ont déjà été mentionnés et on n'y reviendra pas : politique de l'aval du cycle nucléaire, définition de l'intérêt général (création de nouvelles infrastructures, niveau des exportations), fixation des coûts de production, tarifs de vente, centrales nucléaires à l'Est, besoins des pays en voie de développement. Ceux relatifs à la maîtrise de la demande en électricité, seront abordés en fin de rapport. p.11 |
D'autres doivent ici être mentionnés. Il s'agit de la diversification de
la production électrique et de l'obligation d'achat imposée à Électricité
de France, du traitement des pointes de consommation, de l'épineuse question
du chauffage électrique, et du véhicule électrique. a) Diversification de la production Diversité et production locale doivent être encouragées, pour quatre séries de raisons : la production décentralisée peut, parfois, s'avérer économiquement favorable, d'autant qu'elle permet d'économiser un réseau électrique de plus en plus coûteux; elle est souvent favorable au regard de l'environnement; elle permet la valorisation d'énergies fatales (incinération des déchets); enfin, elle offre une plus grande souplesse d'adaptation dans un contexte incertain (il faut 10 ans pour construire une centrale nucléaire, beaucoup moins pour construire une installation décentralisée). La diversité passe notamment par la promotion des énergies renouvelables et de la cogénération. Dans cette voie, deux pistes doivent être privilégiées : l'examen systématique d'alternatives au renforcement des réseaux électriques, la révision des conditions d'achat de l'électricité par EdF. En premier lieu, du fait de sa position de quasi monopole de distributeur, mais non de producteur, Électricité de France se voit imposer l'achat à des producteurs indépendants de certaines quantités d'électricité. Les conditions actuelles d'achat sont soumises à une double critique : celle, d'une part, des producteurs indépendants, notamment d'énergie renouvelable, qui les jugent beaucoup trop restrictives et constatent qu'elles n'accordent, à la différence de nombreux pays européens, aucun avantage à l'électricité produite à partir de ce type d'énergie; celle d'Électricité de France, d'autre part persuadée, sans doute à juste titre, d'avoir les plus faibles prix de revient de production de base et pour qui, du fait de sa surcapacité, tout achat de courant à des producteurs indépendants entraîne la mise à l'arrêt de ses propres centrales thermiques qui lui auraient pourtant procuré du courant à un coût marginal plusieurs fois inférieur. Cette situation difficile est sans doute amenée à durer, au moins autant que la surcapacité (et que le monopole). Il y a donc lieu de limiter l'obligation d'achat aux filières présentant un intérêt énergétique et environnemental, c'est-à-dire les énergies renouvelables, la cogénération et la valorisation des déchets. En revanche, il convient sans doute de modifier les conditions d'achat pour ces énergies, afin de tenir compte notamment de leur caractère plus ou moins polluant, de leur absence d'émission de CO2 ou de leur meilleur rendement énergétique. Or aujourd'hui, le tarif d'achat de l'électricité produite de façon autonome est en pratique sensiblement inférieur au tarif de vente correspondant (au maximum 80% de ce tarif, mais en pratique de l'ordre de 60%). Un diminution de cet écart pourrait être apportée par la réduction de la pénalisation par kWh défaillants. Cela reviendrait, en pratique, à "regrouper" les installations de production autonome, afin de mutualiser les risques. Les tarifs d'achat pourraient ainsi se rapprocher significativement des tarifs de vente. Par ailleurs, des contrats de progrès pourraient être mis en place sous l'égide des pouvoirs publics pour certaines filières, comportant en particulier une majoration du tarif d'achat, appelée à se réduire progressivement dans le temps. b) Traitement de la pointe La consommation française connaît de fortes variations saisonnières et journalières. Les moyens de production en pointe sont généralement plus polluants que ceux en base; la pointe entraîne, en outre, un important surinvestissement en moyens de production qui ne fonctionnent que quelques centaines d'heures par an, et impliquent aussi un surdimensionnement du réseau de transport. (suite) | suite: La première mesure proposée est d'ordre tarifaire. En effet, en matière de consommation domestique, 95% des abonnés utilisent des tarifs ne comportant aucune modulation, ou une simple distinction entre jour et nuit. Or, ces tarifs reflètent très imparfaitement les coûts de production de l'électricité. Ils induisent de ce fait des comportements biaisés, et faussent la concurrence. Il conviendrait d'introduire, pour les usages domestiques, une tarification réellement modulée, correspondant aux coûts instantanés non seulement saisonniers, mais encore journaliers, ou même horaires. Après tout, France Télécom varie bien ses tarifs selon les périodes de la journée. Cela supposerait évidemment l'introduction généralisée de compteurs modernes. Électricité de France devrait ensuite engager un programme ambitieux de stations de pompage, permettant ainsi de transférer aux périodes creuses la charge de la pointe. Les possibilités d'interruption momentanée de la consommation de certains clients, notamment les industries grosses consommatrices (aluminium, aciers électriques…), pourraient être étendues dans le cadre d'un marché de l'effacement. c) Chauffage électrique Le développement spectaculaire en France du chauffage électrique, à un degré unique dans les pays développés, a soulevé, on le sait, de nombreuses questions et de vives critiques. Trois points sont indéniables. Tout d'abord, la conjonction d'un chauffage électrique et d'une mauvaise isolation entraîne une surconsommation et donc des factures d'électricité excessives qui frappent souvent des locataires aux faibles moyens. Ensuite, l'appel au chauffage électrique entraîne un surenchérissement notable du réseau de distribution, notamment dans les régions à l'habitat dispersé. Enfin, la péréquation des prix de l'électricité entraîne, sur une portion importante du territoire, une subvention marquée en faveur du chauffage électrique. Nul ne conteste que la satisfaction des besoins pour les usages spécifiques de l'électricité relève d'obligations de service public, au même titre que l'eau, le courrier ou le téléphone. En matière de chauffage, cependant, cette obligation apparaît moins clairement dès lors que les usagers ont le choix entre de multiples possibilités : électricité, fioul, bois, gaz naturel ou G.P.L., soleil, charbon…Autant la péréquation des prix de l'électricité paraît justifiée lorsqu'il s'agit d'éclairage ou d'appareils électroménagers, de téléviseurs, d'ordinateurs domestiques, etc…, autant elle semble discutable lorsqu'elle revient à conférer un traitement spécifique au chauffage électrique par rapport au bois, au gaz de pétrole liquéfié, au charbon, au fuel ou au chauffage solaire. La péréquation devrait donc être limitée aux seuls besoins suscités par les usages spécifiques de l'électricité. Chaque année, plus de 4 milliards de francs sont consacrés à l'électrification rurale . Les financements sont assurés pour moitié par le FACE, financé par EdF, et pour moitié par les collectivités locales. Initialement, le FACE devait répondre à une nécessité sociale d'alimentation des campagnes en énergie. Aujourd'hui, cet outil sert à étendre l'usage de l'électricité et le réseau électrique en zone rurale, là où des solutions locales d'électrification, d'utilisation d'autres énergies ou de maîtrise de l'énergie pourraient être apportées. La consommation d'électricité croît plus rapidement dans les campagnes que dans les villes…Faut-il maintenir cet outil en l'état ? Son mode de gestion par les départements est-il optimal ? Un bilan du FACE devrait être réalisé, et son évolution progressive vers un "Fonds d'Alimentation des Campagnes en Énergie", qui permettrait de développer des solutions alternatives (bois, énergies renouvelables, maîtrise de l'énergie, etc) devrait être envisagée. p.12 |
Par ailleurs, la publicité en faveur de tout mode de chauffage devrait être
sévèrement encadrée, sinon interdite, pour rétablir des conditions équitables
de concurrence. d) Véhicule électrique Du fait du caractère essentiellement nucléaire de la production électrique française, et, subsidiairement, de sa surcapacité actuelle, le développement des véhicules électriques (voitures, deux roues) ne peut que diminuer le niveau des pollutions atmosphériques locales et globales, et contribuer à l'effort de stabilisation des émissions de CO2 à laquelle la France s'est engagée. Les recharges de ces véhicules s'effectuant préférentiellement de nuit, période de basse consommation, ce développement ne devrait pas nécessiter d'équipements supplémentaires. Le développement du véhicule électrique est actuellement limité à quelques flottes de collectivités. Or, les constructeurs français sont désormais prêts à diffuser des modèles fiables et performants, fabriqués à partir de véhicules de série. L'ouverture du marché du véhicule électrique est en outre indispensable pour préparer la commercialisation prochaine de véhicules électriques spécifiques. Le véhicule électrique ne peut se substituer totalement au véhicule à moteur thermique, mais il peut s'imposer sur le marché des véhicules roulant uniquement en parcours urbain (marché estimé à plus de 100.000 véhicules par an, dont 75.000 particuliers et 25.000 flottes, dont 4.000 des administrations et assimilées). Son développement se heurte aujourd'hui au coût de fabrication, supérieur de 50%, pour des petites séries, à celui d'un véhicule classique équivalent. Une production de volumes plus importants permettrait de réduire très rapidement cet écart. C'est pourquoi un plan véhicule électrique devrait être lancé tant pour les deux roues que pour les voitures. Ce plan devrait notamment prévoir une action volontariste de l'État et des collectivités territoriales sur leurs propres flottes de véhicules, des incitations fiscales pour les entreprises, la mise en place des infrastructures nécessaires (système de location de batteries, réseau d'entretien, mise en place de prises, notamment dans les copropriétés, et de bornes de secours en ville), et une incitation financière limitée aux premiers acquéreurs et partiellement compensée par les recettes de TVA liées aux achats supplémentaires que ce marché susciterait. Parallèlement, il conviendrait de poursuivre activement la recherche-développement, notamment sur les batteries. 5. Maîtrise de l'énergie Le récent découpage des consommations, le retour à l'augmentation de l'intensité énergétique de l'économie française, les perspectives de non respect de nos engagements internationaux en matière de pollution atmosphérique justifient la relance de notre politique de maîtrise de l'énergie. Cette relance est rendue difficile par le bas tarif actuel des combustibles et carburants fossiles, la rareté des ressources budgétaires et les exigences des entreprises pour le temps de retour de leur investissements. Il est donc nécessaire, et d'ailleurs stimulant, de réfléchir aux modalités d'une politique à la fois efficace et économe. Ce chemin de la vertu n'est pas nécessairement le plus coûteux. Or, l'action de l'État en la matière apparaît aujourd'hui moins assurée et moins efficace que par le passé. Les capacités d'analyse et de propositions du SERURE, service du ministère de l'industrie, compétent en la matière, son poids vis-à-vis des autres administrations, gagneraient à être considérablement renforcés. (suite) | suite: La fusion de l'ancienne agence française pour la maîtrise de l'énergie dans la nouvelle ADEME a semble t-il estompé l'acuité de son action. Préalablement à la définition du montant des dotations budgétaires, il semblerait judicieux d'avoir une vision plus claire des objectifs poursuivis, de l'action menée et de l'évaluation des résultats obtenus : cette agence doit-elle être avant tout un guichet distributeur de subventions, un maître d'ouvrage d'études et de recherches, une agence d'information du public, un pôle d'expertise des pouvoirs publics ? Compte tenu de la réduction des crédits budgétaires, ses priorités devraient sans doute être mieux définies, et la tutelle mieux affirmée. Il conviendrait en tout état de cause, de réaliser un audit stratégique de cet établissement visant à mieux définir et spécialiser son activité. Par ailleurs, les délégations régionales de l'ADEME ont vu leurs missions se diversifier considérablement lors de la fusion des trois agences, et leurs efforts se disperser. De plus, la coexistence de délégations régionales avec plusieurs Agence Régionales d'Énergie et d'Environnement semble entraîner plus de rivalités que synergies. Les débats ont mis en évidence les insuffisances de la maîtrise de l'énergie dans les bâtiments publics. La circulaire du Premier Ministre du 24 janvier 1991 concernant les dépenses énergétiques de l'État n'est que très imparfaitement appliquée. Or, des expériences menées depuis des années dans plusieurs villes françaises (par exemple à Montpellier) ont largement démontré qu'une vigilance exercée dans la durée peut amener des baisses de consommation significatives, de 30 à 40% avec un minimum d'investissement. Il importe donc que l'État et les collectivités locales montrent l'exemple par la réduction programmée de leurs consommations, par la réalisation de bâtiments exemplaires sur le plan de la maîtrise de l'énergie, de l'architecture bioclimatique, de l'utilisation énergies renouvelables. Un recours accru, par l'administration et les collectivités territoriales, au système de tiers payants ou de crédit bail, aujourd'hui limité par l'impossibilité de récupérer la TVA, permettrait de réaliser davantage d'investissements de maîtrise de l'énergie dans les bâtiments publics, les hôpitaux, les lycées, les écoles, sans alourdir les dépenses budgétaires. L'ensemble de ces bâtiments pourrait sans doute avantageusement être équipé systématiquement de lampes basse consommation, l'achat étant assuré par Électricité de France qui en répercuterait l'amortissement sur ses factures d'électricité, à l'image de ce qui se fait déjà à la Guadeloupe. Rien ne justifie par ailleurs que la France soit un des pays européens où la consommation électrique des appareils électroménagers soit la plus élevée et la consommation d'énergie liée au fonctionnement en veille de nombreux appareils aussi importante. La démonstration de l'utilité des nouveaux équipements énergétiques, évoquées au début de ce rapport, devrait pouvoir s'accompagner d'une comparaison entre les montants des investissements prévus et celui des actions susceptibles d'économiser une consommation d'énergie égale à celle que l'on souhaite produire. Le "mégawatt" est parfois moins cher que le kilowatt correspondant…Une telle démarche n'a rien de spontané de la part des producteurs, dont la culture technique est, tout naturellement, à l'exact opposé. Elle doit donc être le fait des autorités concédantes. En matière d'électroménager , par exemple, il semble que seule une réglementation relative à l'efficacité énergétique des appareils permettrait d'exploiter le gisement d'économie d'énergie. La mise en place obligatoire d'un dispositif de coupure de l'alimentation lorsqu'elle n'est pas nécessaire au fonctionnement ou à la sécurité de l'appareil participerait également de cette démarche. p.13 |
En complément, des actions incitatives devraient
être menées; c'est dans ce cadre que le FACE pourrait voir,
comme on l'a vu, ses possibilités d'intervention élargies à
la maîtrise de l'énergie. Le fait que la péréquation des prix de l'électricité génère pour Électricité de France des pertes substantielles dans les territoires comme les départements d'outre mer (2 milliards de francs par an) ou la Corse incite à la mise en oeuvre de politique de réduction de consommation. L'expérience menée à la Guadeloupe en est déjà un bon exemple. Il paraîtrait judicieux de la renforcer et de l'étendre aux autres départements d'outre mer et à la Corse. Il serait d'ailleurs logique qu'E.D.F.. rémunère la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables ou participe aux investissements de maîtrise de l'énergie à la hauteur du coût évité localement, calculé selon un principe identique à celui utilité en métropole. Peut-être pourrait-on mener sur ces territoires une action de grande ampleur, portant à la fois sur le développement des énergies décentralisées et renouvelables, sur la cogénération à base de charbon propre et sur la maîtrise de l'énergie. Cette action donnerait, de plus, l'occasion d'expérimenter en vraie grandeur des techniques susceptibles de se généraliser à la métropole, et de constituer une vitrine de nos technologies et de notre savoir-faire à destination des pays en voie de développement. 6. Recherche et développement Comme il l'a été rappelé plus haut, la recherche publique française dans le domaine énergétique est très concentrée dans le domaine nucléaire, et bénéficie pour le reste d'une coordination faible. L'effort de recherche publique devrait sans doute être plus diversifié et faire l'objet de plans dans les secteurs considérés comme stratégiques. Cette diversification pourrait être facilitée par une mobilisation, notamment du CEA, vers d'autres secteurs que le nucléaire. Bien qu'il soit difficile de tracer précisément les axes d'un plan stratégique de la recherche en énergie, le débat a permis d'identifier d'ores et déjà certains secteurs clé : - les énergies renouvelables : la France est le premier pays européen en matière de production d'énergie renouvelable (grâce au bois et à l'hydroélectricité), et le dernier en terme d'effort de recherche. Le niveau atteint est aujourd'hui critique : la France consacre 15 fois moins de moyens que l'Allemagne à ce secteur, 20 fois moins que le Japon, 30 fois moins que les États-Unis. Cette situation ne saurait perdurer. L'accent devrait notamment être mis sur le solaire photovoltaïque (marché mondial de 6 milliards de F/an, perspectives d'amélioration des rendements et des coûts très importants). - le charbon : il s'agit, pour faire face aux enjeux de l'exportation et mobiliser les opérateurs et les industriels, de lancer un plan charbon propre afin de développer les nouvelles filières technologiques d'installations de combustion au charbon. Il paraît également intéressant de lancer un programme de recherche sur l'absorption de CO2 dans une installation de gazéification totale. - les transports terrestres : talon d'Achille de toute politique énergétique et environnementale, du fait de sa très grande dépendance vis-à-vis du pétrole, le secteur des transports doit faire l'objet d'efforts continus, notamment dans les domaines des véhicules propres et économes, du véhicule électrique, de l'organisation des transports, du transport ferré de marchandises. Le PREDIT (programme de recherche et développement sur les transports terrestres) devrait voir son intervention renforcée et pérennisée. (suite) | suite: - les technologies liées à la maîtrise de l'énergie et à la protection de l'environnement , dans l'industrie (dépollution, machines à rendement énergétique élevé) et le résidentiel tertiaire (matériaux, régulation, appareils électriques). - le stockage et le transport de l'électricité : un des handicaps principaux de l'électricité réside dans sa difficulté de stockage. Il apparaîtrait judicieux de renforcer les recherches sur toutes les formes de stockage : batteries, volants à sustentation magnétique ou, à plus long terme, supraconducteurs. L'intérêt d'un plan hydrogène mériterait d'être sérieusement évalué. De même, les recherches relatives aux possibilités de transport à longue distance de grandes quantités d'énergie électrique, notamment par voie souterraine, devraient se voir conférer une forte priorité, du fait de la difficulté croissante à réaliser des lignes aériennes (enfouissement, supraconductivité, câbles à isolation gazeuse). nfin, les programmes de recherches concernant le retraitement des combustibles, la sous-génération, la transmutation des déchets, gagneraient sans doute à être définis de façon plus transparente, et exécutés de manière plus ouverte et diversifiée, en excluant tout a priori de monoculture technologique. Superphénix ne peut pas être le seul instrument de cette recherche, n'étant pas nécessairement le plus pertinent. Ces programmes devraient naturellement être accompagnés de la réalisation systématique des écobilans comparés des différents types de traitement des déchets. L'importance des sommes consacrées à la fusion nucléaire mériterait sans doute d'être réévaluée en fonction de l'estimation de la date à laquelle les premières applications industrielles seraient appeler à voir le jour. D'autres recherches paraissent devoir aboutir dans des délais beaucoup plus courts, qui ne sont pas, et de loin, aussi activement soutenues. CONCLUSION
Ce rapport a proposé une interprétation des débats, destinée à faciliter la lecture des actes des colloques régionaux ou nationaux et aussi, et peut-être surtout, celle des documents préparatoires qui reprennent, regroupées en six thèmes principaux, les contributions écrites parvenues aux organisateurs. La richesse et la diversité de ces contributions devraient pouvoir aider les acteurs responsables dans la définition et la poursuite de politiques assurant à la fois la satisfaction de nos besoins en énergie et la protection de l'environnement. La leçon essentielle que l'on pourrait tirer de ces débats est sans doute qu'il serait illusoire de croire à l'existence d'une politique énergétique et environnementale fixée une fois pour toutes, et qui se révélerait la meilleure, en tout temps et en tout lieu. Il s'agit bien plutôt d'exploiter nos atouts spécifiques, de surmonter nos faiblesses, d'assurer le meilleur compromis entre l'efficacité économique, la sécurité d'approvisionnement, les risques d'accidents et les impacts inéluctables sur la santé et les conditions d'existence de l'ensemble des citoyens. Il s'agit aussi d'intégrer nos spécificités, et celles de nos partenaires européens, dans une organisation dont l'efficacité fasse oublier son inévitable caractère contraignant. C'est assez dire que cette action relève par excellence du domaine du politique et donc de la démocratie. p.14 |