LES HOUCHES: ÉNERGIES RENOUVELABLES
UNE CENTRALE SOLAIRE UNIQUE EN FRANCE
Le Dauphiné Libéré, Mercredi 25 septembre 2002, page 2

    Assurer son autonomie énergétique grâce au soleil, c’est le pari réussi d’un résident des Houches. Par son procédé innovant, son intégration dans l’environnement et sa puissance, cette centrale solaire est unique en France. Le point sur une expérience pilote pleine d’avenir.

    Dans un coin de la montagne, bien éloigné de Johannesburg et de la conférence sur ce sujet, un ancien ingénieur physicien du Cern a choisi depuis longtemps d’adapter les principes du développement durable. Ce concept qui repose (entre autres) sur le recyclage et la pollution zéro, inclut naturellement le recours aux énergies renouvelables qui, toutes, sont issues du soleil: incidence directe pour la chaleur et la lumière (rayonnement), indirecte pour la formation du vent (éoliennes), le cycle de l’eau (énergie hydraulique), la croissance des végétaux par la photosynthèse (énergie de la biomasse, notamment bois et biogaz).
    Or, si l’existence de cette énergie est avérée, son contrôle par l’homme ne fait que débuter. Jacques Dupin le sait bien, lui qui a bataillé pendant plusieurs années pour voir aboutir son projet. L'aventure, on le sait aujourd'hui, sera couronnée de succès et même plus, puisque sa centrale solaire, première du genre en France, fera désormais figure de référence.
    Pourtant, lorsqu'en 1979 il lance sa première expérimentation, il est loin de se douter des difficultés qui l'attendent. Car si à cette époque, on envisage volontiers le captage de l’énergie solaire, le matériel adéquat est difficilement trouvable; mais il finit par acquérir 17m2 de capteurs thermiques qui lui permettent d’engranger 6.000 kWh/an et assurent sa production d’eau chaude stockée dans un réservoir souterrain de 3.500 litres.
    Mais si cet essai concluant le persuade d’aller plius loin, il se heurte toujours au matériel: pour produire d’avantage d’énergie, il lui faudrait augmenter considérablement le nombre de capteurs, ce qui serait nuisible à l’esthétique. Pour ce défenseur acharné de l’environnement, pas question de dénaturer un lieu si propice à la réflexion et au recueillement. Le hasard, par la voix du professeur Antoine Labeyrie, ami de longue date, viendra (l'aider à) résoudre son problème. Le futur académicien lui conseilIe d’installer 1m2 de capteur photovoltaïque, récemment commercialisé, qui permet d'accroître la production d’énergie sur une surface plus réduite et donc, de limiter les nuisances visuelles. Jacques Dupin installe ce panneau, et parallèlement, entreprend une campagne de "mesures" (énergiques!) qui durera cinq ans. Cette étude sera plus que concluante, puisque de 1982 à 1987, il divisera sa consommation électrique par deux, uniquement grâce à ce petit m2 de photovoltaïque qui acheminent l’énergie vers des batteries de stockage.
    En 1988, il se rend à la conférence internationale sur le photovoltaïque à Florence (Italie). Il y rencontre des industriels français et étrangers qui étudient la possibilité d’appliquer cette technique à grande échelle, ce qui le convainc de passer à la vitesse supérieure de façon à assurer sa consommation totale. Il rachète alors 2m2 de panneaux qui, s’ils ne suffisent pas, permettent d’attendre la fabrication de panneaux plus étalés, c’est-à-dire sur une surface plus grande, mais plus mince et donc, plus facile à intégrer dans l’architecture. Il lui faudra patienter 11 ans avant d’apprendre qu’un fabricant américain a lancé le produit recherché. Il décide alors de refaire sa toiture et de la recouvrir d’ardoises photovoltaïques, ses mesures antérieures lui permettant de définir exactement la surface nécessaire à sa production personnelle.
     Reste le souci de l’intégration proprement dite car, s’il peut commander directement ses panneaux aux États-Unis, il peut difficilement les poser lui-même, d’autant que la conception du toit avec ardoises photovoltaïques intégrées et le raccordement électrique sont affaire de professionnels.
     Où les trouver puisque cette expérience est la première du genre en France? Par un bureau d’études avec lequel il est contact, Jacques Dupin apprend qu’ENERSUN, une jeune société drômoise s’est spécialisée dans l’installation de panneaux solaires chez les particuliers et les entreprises. L’amplitude du projet et son caractère novateur suscitent l’intérêt de l’installateur, convaincu de l’avenir de cet équipement qui attire par ailleurs l’attention de beaucoup de monde: la Région, si consciente de l’importance de cette réalisation qu’elle lui accorde une subvention; les chercheurs de l’Université de Savoie, très pressés d’examiner les mesures délivrées par les différents appareils (Jacques dupin n’est pas scientifique pour rien) installés en complément; la régie électrique locale qui va bénéficier du surplus de sa production puisque la caractéristique de cette centrale est son raccordement au réseau.
     Opérationnel depuis plusieurs mois, le toit solaire exposé au sud, équipé de 55m2 de panneaux sur une surface totale de 96m2, a largement prouvé son utilité: le tiers de la production suffsant à l’autonomie énergétique, les 2/3 restants étant prochainement vendus à la régie.
     Cependant, ne rêvons pas: ce protype, s’il permet de couvrir la consommation électrique domestique (appareils ménagers, éclairage) et le chauffage de la maison (devant être assuré par chauffage solaire thermique avec faible complément bois) que nécessite pourtant le climat de la région, il ne permet pas d’assurer le… gaspillage du chauffage électrique, véritable aberration énergétique, économique et… écologique! Cette expérience est donc sans doute la seule solution pour éviter l’asphyxie qui menace la planète. De quoi donner à réfléchir, non?

Fabienne  SABATIER
Encart
Un matériel en constante évolution
    En quelques années, la recherche a accompli de grands progrès en matière de panneaux solaires. Du capteur thermique où l’eau circule dans des tubes inclus dans une boîte vitrée isolante, à la première génération de capteurs photovoltaïques (monocristaux de silicium encapsulés dans une enveloppe plastique) on est passé au panneau “étalé”, plus écologique car réalisé avec du silicium amorphe en couches minces à 6%. Ce dernier modèle est présenté en longues bandes souples de 12 ardoises qui permettent une parfaite intégration architecturale, notamment losrqu’elles sont posées en alternance avec les éléments de couverture d’un toit.
    Reste la question du coût de cette énergie solaire, difficilement quantifiable car directement liée à l’importance de l’installation. Mais si vous vous voulez tenter l’aventure, sachez que des subventions, jusqu’à 50% du total, sont accordées, après étude du projet, par certains organismes publics.