GAZETTE NUCLÉAIRE

COMMISSION NATIONALE D'EVALUATION
Relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs
Instituée par l’article L 542 du Code de l’environnement Issu de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991
RAPPORT D’ÉVALUATION N°8

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
     Les recherches menées suivant les trois axes de la loi de 1991, séparation et transmutation, stockage géologique profond, conditionnement et entreposage de longue durée, visent à proposer un ensemble de solutions utilisables en partie ou en totalité dans toute stratégie de gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue. Toutefois, la CNE rappelle que le stockage en formation géologique profonde de certains déchets sera, à son avis, nécessaire, quelle que soit la stratégie retenue.
     L’évolution des recherches sur les trois axes de la loi a permis de renforcer les perspectives favorables, après de longues années d’incertitude, sur le troisième axe de la loi (conteneurs et entreposage). La Commission note que le second axe de la loi (laboratoires souterrains) et peut-être à terme, le premier axe (transmutation) prennent un retard significatif. Les programmes expérimentaux appellent désormais la réalisation d’installations expérimentales lourdes. La réalisation de telles installations soulève des problèmes de sûreté et de radioprotection. Certains sont déjà pris en compte depuis longtemps par les autorités compétentes. D’autres seront nouveaux. La CNE n’en ayant pas la compétence, ils devront être étudiés par l’Autorité de sûreté et de radioprotection.
     Les travaux scientifiques sur les problèmes de séparation sont en bonne voie. La faisabilité technologique de la plupart des procédés de séparation devrait normalement être acquise en 2006. Toutefois la CNE recommande que des solutions de gestion des produits séparés soient étudiées avec les industriels, afin que des décisions sur les suites à donner puissent être prises par les pouvoirs publics. Un bilan des recherches et des perspectives pourra être présenté fin 2006.
    Les recherches sur la transmutation posent des problèmes plus complexes. Elles sont d’une grande importance car elles font partie intégrante des possibilités de réduction de l’inventaire radiologique des déchets à vie longue  ouvert par la loi de 1991. Elles constituent, tant pour les parlementaires que pour les citoyens, un élément important de l’accord intervenu à cette époque et des débats à venir. Elles sont liées à une vision du développement durable de la filière nucléaire de fission qui pourrait être plus facilement acceptée par la Société. La remise en cause de certaines de ces recherches serait de nature à amoindrir la crédibilité de l’effort d’ensemble.
   En premier lieu, il reste des interrogations sur la disponibilité effective du réacteur à neutrons rapides PHENIX, indispensable pour mener les campagnes d’irradiation prévues dans le programme d’essai de transmutation.
     En second lieu, les laboratoires du CNRS se sont largement mobilisés et associés  avec le CEA et FRAMATOME pour que la France soit le promoteur actif d’une collaboration européenne sur la transmutation. En particulier, un réacteur sous-critique, assisté par un accélérateur de particules (ADS), semble un bon outil pour transmuter efficacement des actinides mineurs séparés des combustibles usés. La réalisation d’un démonstrateur d’ADS a été proposée en avril 2001 par le Technical Working Group (TWG) placé sous la présidence de C. Rubbia. Les projets MUSE et MEGAPIE menés au plan européen, représentent un effort significatif dans ce sens.
    Cependant, la faible priorité accordée au domaine “ fission nucléaire ” au niveau européen fait que, même si la transmutation reçoit près de 30% des crédits de ce domaine dans le 6 ème PCRD, les montants alloués sont insuffisants et reculent les échéances du projet. L’idée de réaliser un tel démonstrateur dans le cadre d’une action mondiale rattachée au projet AAA des États-Unis – comme le propose le CEA – peut certes être défendue, mais on peut s’interroger sur le devenir de cette proposition, compte tenu des incertitudes de l’engagement américain.
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     La CNE recommande donc de maintenir le cap de l’approche européenne. La France devrait prendre une initiative forte pour soutenir l’activité des laboratoires qui se sont engagés et lancer l’étude détaillée d’un démonstrateur. À titre d’exemple, le programme IPHI d’accélérateur de protons, élément important de ce type de réacteur, et qui a été, voici peu d’années, à l’origine d’une remarquable première à Saclay, devrait faire l’objet d’un soutien accru dans la durée. La CNE s’interroge enfin sur le rôle du projet CEA-ENEA TRADE, ainsi que sur sa place dans la démarche européenne que la CNE a toujours soutenue.
     Le bilan présenté en 2006 devra s’appuyer particulièrement sur les expériences menées dans PHENIX. Il devra intégrer les recherches menées au niveau européen, centrées sur un projet de démonstrateur de système hybride dédié à l’élimination des déchets.
     L’inventaire des colis à stocker est un problème commun à tout scénario de stockage. La CNE avait attiré l’attention sur l’urgence d’en disposer. Après l’étude sur la méthodologie de l’inventaire confiée au Président de l’ANDRA en 1999 et approuvée par la CNE en mai 2000, le Gouvernement a décidé de faire entreprendre l’inventaire en juin 2001. Le premier inventaire est attendu pour 2004.
     Les recherches en laboratoire souterrain pour acquérir les connaissances nécessaires à un futur stockage en situation géologique, où qu’il soit situé, ont été retardées à plusieurs reprises de façon importante. Le second axe de la loi représente un enjeu social très important. Les recherches sur le stockage souterrain sont actuellement très liées à l’avancement du laboratoire de Bure. L’état d’avancement du puits principal de l’ouvrage souterrain, actuellement arrêté à la suite du tragique accident du 15 mai 2002, et la vitesse journalière de creusement constatée ultérieurement donnent lieu à de grandes inquiétudes sur le calendrier des recherches. La durée nécessaire pour atteindre le niveau de la niche d’observation, la réalisation de celle-ci, et la reprise du fonçage du puits pour atteindre la cote du laboratoire laissent à penser que le fond du puits principal sera atteint au mieux vers la fin de l’année 2003.
     Il faudra alors creuser en 2004 les premières galeries (dont la réalisation était initialement prévue à partir d’octobre 2002) pour y procéder aux expériences programmées. Dans ces conditions, environ deux années (2005 et 2006) resteraient disponibles pour opérer dans les galeries. On peut anticiper que les observations géologiques sur la présence et le rôle éventuel de failles ou de fractures pourraient être effectuées dans ce délai, ainsi que certaines observations et expériences relevant de la mécanique des roches (en particulier l’endommagement des formations par le creusement des ouvrages, les conditions de scellement, etc.). Par contre, les expériences concernant les transferts de fluides et la géochimie (écoulements, diffusion, migration dans les argiles, comportement des radionucléides dans les formations géologiques) ne pourront donner que des résultats préliminaires, demandant confirmation, à la fin de 2006.
     Pour compenser, l’ANDRA pourrait prendre l’initiative d’essais plus consistants menés à partir de la niche du puits principal de Bure, si les conditions de sécurité permettent de le faire. Quelle stratégie complémentaire l’ANDRA pourrait-elle envisager de mettre en œuvre (par exemple : utiliser les techniques pétrolières les plus élaborées pour effectuer, à Bure, des mesures nouvelles de paramètres dans de nouveaux forages ; réaliser des travaux expérimentaux supplémentaires à Mont-Terri dont les argiles sont assez comparables à celles de Bure) ?
     Par ailleurs, les modélisations hydrogéologiques préliminaires réalisées par l’ANDRA dans les aquifères du Dogger et de l’Oxfordien calcaire encadrant les argilites montrent clairement l’insuffisance des données actuellement disponibles sur ces aquifères dans le secteur Meuse-Haute-Marne, particulièrement pour le Dogger qui n’est reconnu qu’en deux points. La CNE recommande donc la réalisation de plusieurs forages hydrogéologiques dans ce secteur, dans les meilleurs délais compatibles avec l’obtention des autorisations de travaux, et que soient réalisées des diagraphies de la meilleure qualité possible.
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     Une autre cause d’inquiétude concernant le second axe de la loi est l’absence actuelle d’un second laboratoire. Il faut avant tout se rappeler que, si la loi demande clairement un second laboratoire, elle n’impose ni la nature de la roche, ni la simultanéité des deux ouvrages. On pourrait donc desserrer les contraintes qui ne figurent pas dans la loi, et ne pas restreindre les possibilités d’implantation du second laboratoire aux seuls sites granitiques.
     La modélisation numérique d’un stockage et du comportement des radionucléides, depuis le conteneur jusqu’à un éventuel retour à la biosphère, constitue un élément capital des recherches sur les stockages souterrains. Il fait donc l’objet d’un chapitre particulier du rapport de la CNE. La mise en équations des phénomènes complexes pris isolément est en bonne voie et d’un bon niveau ; par contre, l’outil d’intégration de ces éléments pour simuler le comportement d’un stockage fait actuellement défaut. Pour réunir les moyens nécessaires, l’ANDRA projette de mettre en place, en commun avec le CEA, la “ plate-forme de simulation ” ALLIANCES. Elle a aussi suscité la création du GdR MOMAS. Par ailleurs, ANDRA a présenté un premier exercice d’intégration simplifiée dans le cadre du dossier “ ARGILE ” 2001 ; les simplifications sont encore très nombreuses, et paraissent parfois arbitraires, les logiciels appropriés sont loin d’être prêts. Le principal logiciel utilisé par l’ANDRA (PORFLOW) ne prend pas en compte la géochimie de façon réaliste : comportement des espèces chimiques, équilibres chimiques entre les espèces transportées et les roches. Il devra être remédié à cette insuffisance. ANDRA doit tout à la fois se procurer des outils plus puissants, disponibles et utilisables dans l’immédiat, et préparer l’avenir en intensifiant son effort sur ALLIANCES.
     D’autre part, l’ANDRA n’a pas, à ce jour, présenté de résultats sur les scénarios d’évolution altérée ou accidentelle. La CNE a déjà indiqué que les moyens de modélisation et de simulation, et les compétences disponibles lui apparaissent encore insuffisants pour décrire un scénario d’évolution normale. À cet égard, l’hypothèse que rien ne s’échappera des conteneurs avant 10 000 ans dans le scénario d’évolution normale apparaît préliminaire. Le problème de l’assurance-qualité pour la fabrication des conteneurs reste à résoudre.
     La CNE a bien noté que l’ANDRA a prévu d’étudier ultérieurement le cas du défaut initial des conteneurs. Ceci accroîtra certainement la crédibilité scientifique des évaluations de sûreté.
     Le bilan des recherches prévu en 2006 sur le second axe de la loi devra s’appuyer sur les résultats obtenus à Bure dans le domaine de la tectonique (existence, importance et rôle de failles éventuelles), de l’endommagement des roches (qui sera, comme l’a montré l’ANDRA, un élément critique) et de l’ingénierie minière. Pour les déplacements de fluides et la migration des éléments, il devrait intégrer les réalisations obtenues au Mont-Terri et ceux de la modélisation numérique.
     La CNE a formulé, dans son rapport n°7, des recommandations fortes sur le conditionnement et l’entreposage, objets du troisième axe de la loi. Elle considère que ces études relèvent d’une bonne ingénierie, pour laquelle délais et obligation de résultat sont de rigueur.
     Les projets de conteneurs   – en premier lieu pour les colis de déchets B et de combustibles usés – et l’engagement de présenter des démonstrateurs fonctionnels en 2002, et des conteneurs en vraie grandeur en 2004, résultent d’un accord CEA-EDF qui donne à ce calendrier un caractère crédible. Afin d’éviter les risques d’un éventuel reconditionnement, la CNE souhaite que la continuité entre entreposage et stockage soit assurée a minima par des “ colis primaires stockables ”. Dans l’idéal, les “ colis d’entreposage ” devraient avoir des caractéristiques telles qu’ils puissent être agréés par l’ANDRA pour devenir des “ colis de stockage ”. Il serait nécessaire, pour cela, que l’ANDRA présente ses “ spécifications de niveau 2 ” et que des conclusions soient tirées en commun par CEA et ANDRA. Malgré ses demandes, la CNE n’a pas entendu d’exposé sur les conteneurs de colis de verres C pour le stockage.
     Les entreposages de fait existent depuis longtemps. Le concept et la réalisation d’un entreposage de surface ou de subsurface répondant aux termes de la loi et aux connaissances actuelles relèvent, encore une fois, de la bonne ingénierie.
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Les engagements pris par le CEA de présenter dès 2002 un ou deux avant-projet(s) et d’assumer une obligation de résultat à temps pour offrir de véritables choix en 2006 devront faire l’objet de rendez-vous intermédiaires.
     Les déchets B et le combustible usé en attente de longue durée sont les premiers objectifs de ces recherches. Bien que les déchets ultimes justiciables d’un stockage, il faudra probablement attendre plusieurs décennies la disponibilité d’un tel ouvrage, ce qui exige un entreposage approprié.
     L’entreposage prolongé de combustibles usés non encore retraités vise un double objectif : nécessité technique de refroidissement et attente des choix énergétiques et environnementaux qui devront être faits en France. Dans le cas des combustibles usés MOX, la durée réaliste de l’entreposage serait de l’ordre du siècle, voire plus pour les combustibles de deuxième ou troisième génération, s’il devait en exister.
     L’entreposage des déchets de retraitement vitrifiés de haute activité (déchets C) à La Hague paraît une solution éprouvée, bénéficiant sur le site d’une expérience industrielle et d’une surveillance facilitée. Si la durée d’attente d’un stockage réversible appropriée impose un entreposage de longue durée, il faudrait étudier si ce dernier peut être développé sur place, en bénéficiant de l’expérience des installations réalisées à La Hague (E-EVSE) et aux Pays-Bas (HABOG).
     Les critères de simplicité, manutention facile, sûreté des travailleurs et protection des ouvrages (intrusion humaine malveillante, chute d’avion de fort tonnage, effet de moindre de la sismicité, etc.) sont de rigueur. En ce sens, la CNE renouvelle son intérêt pour les ouvrages de subsurface (à flanc de colline), ainsi que pour une éventuelle co-localisation d’un site d’entreposage et d’un site de stockage, qui minimiserait les transports et faciliterait la mise en œuvre de la réversibilité du stockage, si elle s’avère un jour nécessaire. La réalisation précoce d’une galerie d’entreposage de subsurface, avec des prototypes de conteneurs en place, fera progresser la maîtrise de l’ingénierie. De surcroît, si elle était située sur un site nucléaire approprié accessible au public, elle ferait grandement progresser la compréhension du problème par la population.
     Le bilan des recherches prévu en 2006 sur le troisième axe de la loi devra présenter les résultats obtenus en matière d’ingénierie (conteneurs et ouvrages d’entreposage), ainsi que les perspectives d’entreposage de longue durée pour les déchets C et les combustibles usés, ou d’attente de disponibilité du stockage pour les déchets B.
     La CNE a toujours examiné les travaux prévus par la loi de 1991 dans le cadre des normes de radioprotection élaborées par l’autorité compétente. Les auditions auxquelles elle a participé durant l’année n’ont pas fait allusion à des éléments scientifiques nouveaux concernant les phénomènes biologiques impliqués. Le sujet donne actuellement lieu à de nombreuses publications de biologies tissulaire, cellulaire et moléculaire, malheureusement rarement d’origine française. La CNE s’interroge sur l’apport de ces résultats. Leur maturité scientifique est-elle suffisante pour en tirer des bases nouvelles concernant les normes établies par les Commissions internationales spécialisées ? Ne faudrait-il pas renforcer les recherches effectuées en vue de résoudre les controverses concernant ces normes ?

Chapitre 2

     Les orientations stratégiques et les recherches
   La loi du 30 décembre 1991 (article l 542 du Code de l’Environnement) fixe trois axes de recherches et la finalité globale de celles-ci, qui est de fournir au Parlement en 2006 des éléments pour statuer sur la gestion à venir des déchets radioactifs en France. D’une façon plus précise, elle dispose que le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d’évaluation de ces recherches accompagné d’un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d’un centre de stockage de HAVL (article 3). Les recherches qui ont été entreprises dès 1992 sous la responsabilité du CEA et de l’ANDRA et qui engagent aujourd’hui une large communauté scientifique ont permis de dégager des perspectives de résultats pour cette échéance.
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  La Commission a rendu compte annuellement des avancées dans chaque axe et a précisé pour chacun d’eux les limites de la connaissance qu’on pense en avoir en 2006, dans la mesure où les programmes engagés et annoncés pourront être conduits à terme. Les recherches dans les différents axes se situent dans un contexte politique, social et économique qui conduit, en dehors des aléas, à des stratégies de développement des recherches. Ces dernières ont des répercussions différentes sur les programmes de recherche selon les axes. Par exemple, celles de l’axe 1 sont socialement acceptées mais liées à une vision du développement du nucléaire de fission. L’acceptation sociale des recherches de l’axe 2 est plus nuancée et celles-ci sont liées à l’avancement des travaux dans le laboratoire de Bure, pour les années qui viennent. Enfin pour l’axe 3 il n’y a pas de contrainte autre que la volonté d’aboutir à des réalisations concrètes.
     Au cours de l’année écoulée la Commission a eu à sa disposition divers documents pour apprécier le développement et l’orientation des recherches dans chacun des axes. Elle a reçu comme chaque année les réponses à ses recommandations du rapport n°7. Le document de synthèse émis par le Ministère de la Recherche “ Stratégies et programmes de recherches 2002-2006 ”, les documents faisant suite aux présentations orales sur la stratégie des recherches, élaborés par les acteurs de la loi (séparément ou en commun) et elle a pu s’appuyer sur les déclarations des responsables des acteurs du nucléaire lors de réunions organisées par le Sénat ou l’OPESCT. La Commission juge la qualité des recherches sur d’autres documents, plus scientifiques ou plus techniques, présentés lors des auditions de la Commission ou qui lui sont remis ensuite.
     Dans ce chapitre, la Commission fait le point sur les stratégies de recherches, notamment lorsque des inflexions lui sont apparues dans la conduite ou les objectifs des recherches affichées jusqu’à aujourd’hui, ainsi que sur les conséquences que ces inflexions pourraient avoir. Les commentaires sont d’abord de nature générale, puis se rapportent ensuite à chacun des axes de la loi.

     2.1 Orientations générales du Nucléaire en France et dans le monde
     La stratégie générale d’EDF pour l’utilisation du plutonium généré dans le combustible nucléaire vise à recycler, sous forme de combustible MOX, la totalité du plutonium engendré dans le combustible UOX. Le combustible MOX, dont les performances doivent, à terme, être portées au même niveau que celles du combustible UOX, sera ensuite entreposé, dans l’attente d’un retraitement ou d’un stockage direct, selon les conditions économiques, l’évolution future du parc de réacteurs nucléaires et les décisions prises par les Pouvoirs publics.
     Le taux de combustion du combustible UOX, et, de façon différée, celui du combustible MOX, seront substantiellement accrus : il en résultera une diminution de tonnage de combustible UOX déchargé annuellement et ultérieurement retraité.
     EDF ne s’est pas prononcée plus précisément sur la stratégie de gestion du combustible MOX usé et des déchets issus du retraitement, sinon pour confirmer qu’elle souhaite laisser l’option nucléaire la plus ouverte possible et s’inscrivant dans une perspective de développement durable. Ceci implique un entreposage de longue durée des combustibles MOX usés.
     À cet égard le CEA et EDF ont fait part à la Commission de leurs réflexions sur des réacteurs du futur et sur le devenir de l’aval du cycle. Elles se situent au niveau mondial dans le cadre du forum “ Génération IV ”. La toile de fond de la réflexion est le problème des ressources énergétiques nécessaires pour faire face aux besoins croissants du futur (un facteur de 2,5 est annoncé pour 2050) ainsi que la place du nucléaire qualifié de “ durable ” dans la panoplie des ressources tenant compte des impacts de leur utilisation sur l’environnement. Ces réflexions ne sont pas directement en rapport avec les recherches conduites dans le cadre de la loi, mais elles indiquent des orientations dont les conséquences interfèrent avec les recherches à conduire d’ici 2006 ou pourraient laisser certaines de ces recherches sans lendemain. En effet, elles concernent la période où s’inscrirait une éventuelle mise en œuvre de la séparation transmutation par multi-recyclage du plutonium et des actinides, telle qu’étudiée actuellement dans l’axe 1.
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     La Commission note en particulier que l’objectif affiché des prochaines générations de réacteurs critiques ou sous-critiques est de produire au total moins de radionucléides à vie longue (RNVL) que les réacteurs actuels. Pour cela il faudra faire appel à de nouvelles technologies permettant, par exemple, une utilisation plus complète des combustibles actuels ou futurs, l’auto-consommation des RNVL produits ainsi que l’utilisation de combustibles à base de thorium. Cela va dans le sens de l’esprit de l’axe 1 de la loi et les recherches conduites jusqu’à maintenant en France et dans l’Union Européenne ont certainement contribué, comme celles conduites au Japon et aux USA dans le même sens, à cette orientation vers un “ nucléaire nouveau ” qui a pour ambition d’être à la fois plus sûr et plus propre.
     La Commission constate que le calendrier des recherches menées en France dans le cadre de la loi n’est pas en contradiction avec celui des réflexions internationales menées sur l’énergie, ce qui donne un relief particulier aux nombreux résultats déjà acquis, mais aussi, et peut-être surtout, aux programmes de recherches correspondants. Elle constate également que la vision internationale des recherches pour atteindre les nouveaux objectifs de réduction de la nocivité des déchets nucléaires doit largement dépasser 2006 comme elle l’a déjà souligné.
     Hors de la prise en compte de ce contexte et de la mise en œuvre des résolutions affichées dans le cadre de l’axe 1, la stratégie générale de gestion des déchets serait ranimée à ce qu’elle était avant 1991, c’est-à-dire à l’entreposage industriel puis au stockage définitif des déchets.
     La Commission est consciente que l’importance des recherches et des moyens de développement nécessaires à mettre en place sur les dizaines d’années à venir pour atteindre ces objectifs ne peut être envisagé pour le seul traitement des déchets du nucléaire de développement de l’énergie nucléaire, ou du siècle ou plus. En effet, l’effort à fournir doit s’accompagner autant que faire se peut d’un bénéfice des réductions significatives de l’inventaire des RNVL, incluant le plutonium, suppose a minima le maintien des outils nucléaires actuels.
     Divers responsables d’organismes impliqués dans le nucléaire et des responsables politiques ou d’associations ont donné leurs points de vue sur l’avenir du nucléaire dans diverses réunions (Gestion des déchets nucléaires et entreposage à long terme des combustibles irradiés non retraités – Audition publique de l’OPESCT -, 3 mai 2001 ; Colloque Énergie nucléaire, sortie ou relance ? Aspects internationaux, 6 novembre 2001 ;  Incinération des déchets nucléaires, Sénat 13 novembre 2001). À la demande du CEA, les hautes personnalités scientifiques du Visiting Committee “ Aval du cycle du combustible ” ont aussi exprimé leur avis en avril 2001. Certains de ces avis et opinions ont été repris par le CEA. Néanmoins, certaines déclarations faites par des responsables des organismes en charge du nucléaire brouillent les positions exprimées soit dans le document “ Stratégie et programmes des recherches ”, soit pendant les auditions de la Commission.
     La Commission souhaite donc avoir des clarifications sur les trois points suivants, qui ont des répercussions indirectes sur les recherches en cours dans l’axe 1 de la loi.
     - clarification sur la mono-recyclage et sur le multi-recyclage du plutonium, qui semblent engager des options d’aval du cycle contradictoires ;
     - clarification sur les dates possibles d’apparition et sur les rôles respectifs de EPR, RCG, ADF et RSF jusqu’en 2050. Plusieurs dates différentes ou floues sont avancées et les rôles assignés à ces systèmes dans la réduction de la nocivité des déchets sont, pour certains, mal définis ;
     - clarification sur la stratégie de recherche et développement des ADS, en particulier sur le maintien du cadre européen pour la réalisation d’un démonstrateur d’ADS tel qu’il est proposé dans le document d’avril 2001 du TWG.
     Il est par ailleurs très souhaitable que, dès à présent, les acteurs de la loi conçoivent, sans exclure a priori aucune option, différents scénarios pour le futur de l’utilisation de l’énergie nucléaire, afin d’orienter les recherches futures.
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       2.2 Orientation gEnErale des recherches en France
     La Commission a déjà souligné l’an dernier la nécessité d’orienter les priorités de recherches et les calendriers vers des réalisations concrètes afin de pouvoir faire au Parlement et au Gouvernement des propositions constructives en 2006. C’est dans cet esprit que la Commission a recommandé que les recherches soient structurées en véritables projets, avec une obligation de résultats pour des dates jalons s’échelonnant jusqu’à 2006. À cet égard la Commission se réjouit que les acteurs de la loi se soient organisés pour des propositions d’actions concertées avec la mise en place de nombreuses entités de coordination (GDR, CTT). Cela leur a permis d’obtenir rapidement des résultats montrant une cohérence accrue entre les axes de la loi et d’afficher des objectifs bien ciblés, à la fois techniquement et dans le temps. En dehors des chercheurs des organismes pilotes (CEA et ANDRA), la participation de nombreux scientifiques d’organismes autrefois peu impliqués dans le nucléaire est considérée par la Commission comme une réussite remarquable et porteuse d’avenir.
     Au stade actuel de l’engagement de la recherche dans le cadre de la loi, reflété dans le document “ Stratégie et programmes de recherches 2002-2006   ” .Il est permis de penser que le remontage global, cohérent, de l’ensemble des résultats acquis et prévus dans les prochaines années, mais aussi des questions encore sans réponse, permettra de présenter un ensemble organisé de propositions pour l’échéance de 2006, sous réserve que le retard pris par le calendrier des travaux prévus à Bure puisse être compensé par des approches nouvelles.

     2.3 Document “StratEgie et Programmes des Recherches 2002-2006”
     La version provisoire de ce rapport a été présentée à la Commission le 6 mars 2002. Ce document apporte un éclairage essentiel sur la place de chaque recherche dans le contexte général et de nombreux renseignements tant sur les résultats des recherches que sur les échéances envisagées. Par ailleurs, il donne la vue unifiée des acteurs de la loi. Ce document diffère dans sa forme des rapports précédents mais il leur reste conforme sur le fond. La Commission note que le Ministère prépare une grille d’évaluation d’analyse des scénarios de gestion des déchets HAVL et MAVL qui pourraient résulter des recherches conduites dans le cadre de la loi. Cette grille est fondée sur des critères complémentaires aux critères scientifiques. Le développement de cet outil d’analyses multicritères est donc en soi un objet de recherche que la Commission considère indispensable pour valoriser le temps venu les recherches. Elle souhaite être informé sur cette recherche particulière. La version finale du rapport est parvenue à la Commission le 12 juin 2002.
     Dans ce document, il est fait état de la production par le CEA de rapports de synthèse. Certains ont été reçus par la Commission et évalués dans le présent rapport. D’autres prévus pour 2002 sont encore en préparation : Synthèse sur le comportement à long terme des colis déchets, Données sur les RNVL. La Commission attend ces rapports qui traitent de sujets très importants. Le second devrait servir de référence pour tous les acteurs de la loi.
     Ce document expose comment les recherches sont coordonnées et, à cet égard, la Commission apprécie le résultat des efforts entrepris ces dernières années. Enfin les collaborations internationales sont répertoriées, qui confirment que, pour la plupart des domaines liés aux axes de la loi, plus aucune recherche n’est conduite isolément.
     La présentation lors de l’audition du 6 mars a fait toutefois ressortir des inflexions d’orientations dans les recherches, non apparentes dans le texte. Elles sont discutées ci-dessous.

     2.4 AXE 1
     2.4.1. Généralités

     La finalité de l’axe 1 est une réduction de “ l’inventaire de radiotoxicité ” à long terme des déchets, qui ne peut être atteint que par la transmutation des RNVL présents dans les combustibles usés. Cet objectif couvre toutes les situations envisageables pour assurer la sûreté d’un stockage géologique des déchets auxquels serait appliquée la stratégie Séparation-Transmutation et plus particulièrement celles correspondant à des situations dégradées par rapport à la situation d’évolution normale.
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En effet, dans ce cas on ne peut pas tenir compte du retard apporté par les différentes barrières du stockage, qui dans la première situation in fine sont le garant de la sûreté par confinement. Au contraire il faut tenir compte d’une variété plus grande d’événements hypothétiques pouvant court-circuiter le lent retour des radionucléides à la biosphère sur lequel se fonde la sûreté. À cet égard la pertinence de l’objectif fixé par l’axe 1 de la loi, et donc une décision éventuelle de sa mise en œuvre, semble plus d’ordre politique et social que technique et il apparaît comme une application du principe de précaution. En termes usuels, l’objectif de l’axe 1 pourrait être énoncé comme “ moins le stockage contiendra de radioactivité, mieux cela vaudra ”. En fait, son intérêt doit être évalué en termes de comparaison d’impacts de nature radiologique et chimique, non explicitement pris simultanément en compte par la loi, à la fois sur l’homme et l’environnement, entre les deux situations avec ou sans applications des résultats de l’axe 1. Les recherches correspondantes sont effectuées en dehors du cadre de la loi et la Commission a déjà commenté ce point et y revient au paragraphe 2.7.
     Les recherches visant à atteindre l’objectif de l’axe 1 sont bien lancées. Elles portent sur la séparation de certains éléments des combustibles usés et sur leur transmutation par des flux de neutrons, ce qui passe par la fabrication de cibles et de combustibles destinés à la transmutation. La Commission a noté quelques modifications de stratégie pour les recherches de nature physico-chimique (séparation et cibles) à conduire d’ici 2006 mais elle s’interroge surtout sur l’avenir des recherches portant sur la transmutation durant cette période, et après.

     2.4.2. Aspects physico-chimiques de l’axe 1
     Séparation poussée
     Pour ce qui concerne la séparation poussée, c’est la voie hydrométallurgique bien maîtrisée dans le nucléaire qui est choisie pour poursuivre les recherches. La Commission a déjà dit que les avancées scientifiques dans ce domaine ont été spectaculaires. Les schémas de séparation des actinides mineurs et de technétium, iode et césium ont été confirmés cette année au stade de la faisabilité scientifique et la démonstration de la faisabilité technique de ces procédés dans ATALANTE, notamment dans l’installation CBP, est programmée de 2002 à 2005. Dans ce domaine, la stratégie est claire et les programmes sont bien définis jusqu’à 2005. En fait le CEA se fixe l’échéance de ses recherches à fin 2004. Certains jalons sont à préciser concernant le neptunium, l’iode et le technétium.
     La faisabilité technique ne peut être totalement acquise sans une participation de l’industriel COGEMA, qui devra ensuite, s’il y a lieu, apporter une réponse à la faisabilité industrielle. Cette partie du programme est en mesure d’être présentée à l’échéance 2006 avec tous les résultats nécessaires pour faire des propositions concrètes. En particulier la Commission soutient vivement la poursuite de l’étude technico-économique d’un atelier de séparation poussée par un groupe de travail CEA – COGEMA – SGN car il est clair que la dimension économique sera un des éléments importants à présenter lors des propositions de 2006 au Parlement. La Commission note la déclaration, sur laquelle elle ne peut se prononcer, que les installations actuelles de retraitement de la Hague ne pourront pas servir de support à un tel atelier, ce qui renvoie toute réalisation concrète de séparation poussée à la construction d’une nouvelle unité de retraitement. Cela amène au point suivant.
     Si le débat politique public et technique concluait en 2006 à l’intérêt de la mise en œuvre de la transmutation ou du conditionnement spécifique pour un stockage, la question de l’échéance de leur application devrait être clairement posée. La logique voudrait que l’on évite le plus tôt possible d’incorporer dans le verre nucléaire les éléments ayant des RNVL susceptibles de bénéficier de ces options.
     Cela pose dès maintenant la question de la date d’une éventuelle mise en œuvre de la séparation poussée et celle de l’entreposage des éléments alors séparés, en attente des possibilités de transmutation ou de conditionnement dont l’occurrence serait progressive mais globalement à plus long terme.
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       C’est pourquoi, considérant cette interrogation, la Commission a demandé que soient lancées des recherches sur les séparations à mener en fonction du devenir (type de transmutation et/ou de conditionnement) des éléments séparés ainsi que sur leur entreposage. Certaines ont certes été déjà conduites, mais la Commission considère qu’il est nécessaire de les poursuivre et d’étudier les composés chimiques les mieux adaptés à n entreposage d’attente de transmutation des éléments séparés. Ce sujet n’est pas explicitement évoqué dans le document “ Stratégie et programmes des recherches 2002-2006 ”. La Commission souligne l’importance de cette étude car elle constitue un maillon indispensable à la cohérence d’une proposition éventuelle de mise en œuvre avancée de la séparation poussée, qui implique évidemment une décision quant à un atelier de séparation. Les composés chimiques à privilégier sont tout d’abord ceux identifiés pour constituer les cibles ou combustibles de transmutation, ou des composés plus simples (comme les oxydes) servant à les faire, dans les hypothèses envisagées.
     La Commission considère que la mise en route éventuelle de la séparation poussée doit être rapidement clarifiée, pour lever les doutes liés aux informations en sa possession. Si besoin est, un programme complémentaire de recherche doit être défini jusqu’à 2005.
     D’autres produits de fission et d’activation à vie longue sont à considérer dans les études de sûreté d’un stockage (126Sn, 79Se, 107Pd, 59Ni, 94Nb, 36Ci), non pour leur abondance ni pour leur intérêt à être transmutés, mais en raison de leur mobilité lors d’un retour vers la biosphère, qui reste toutefois à confirmer pour certains. À cet égard le CEA a un programme expérimental qui débute, pour moins connaître leur comportement dans les étapes du retraitement actuel. Le CEA a également annoncé la constitution d’un recueil des données disponibles et pertinentes concernant ces radionucléides au regard des divers critères à considérer au titre des axes 1 et 2 de la loi : abondance, toxicité, solubilité, mobilité, possibilité de récupération sélective, aptitude à la transmutation. La Commission encourage la réalisation de ce travail et souhaite que l’acquisition expérimentale des données manquantes soit lancée pour les radionucléides les plus critiques.
     Séparation par pyrochimie
     Les recherches en pyrochimie ont fait l’objet d’une présentation complète avec leurs différentes finalités : recyclage de cibles de transmutation telles que prévues, mais aussi traitement de combustibles de nouveaux types de réacteurs qui ne seront pas retraitables par voie aqueuse. La Commission juge ce programme important car il lève des contraintes qui pourraient être trop fortes pour la réalisation de stratégies mettant en œuvre de futurs concepts de transmutation (par systèmes hybrides ou réacteurs). Dans ce domaine, la ligne de recherche déjà définie est suivie.
     Cibles et combustibles de transmutation
     Qu’il s’agisse de recyclage homogène dans les combustibles du parc ou de recyclage hétérogène dans des cibles, l’étude de la faisabilité de la transmutation nécessite des recherches sur des matériaux propres à être irradiés en réacteurs. À cet égard le programme présenté par le CEA à la Commission se poursuit. Elle note les progrès réalisés dans la préparation de combustibles et cibles prototypes en vraie grandeur. Elle considère ce programme comme prioritaire, car il constitue, avec la séparation poussée, un élément clé et incontournable de l’axe 1. Comme les années précédentes, la Commission s’inquiète de la possibilité effective d’étudier, le comportement sous irradiation prolongée de ces nouveaux matériaux compte tenu de l’avenir incertain des moyens d’irradiation, tels que Phénix, dont on dispose.
     Conditionnements spécifiques
     Comme il a été dit précédemment deux stratégies sont actuellement étudiées, la transmutation des éléments séparés et leur conditionnement spécifique. Seule la stratégie de Séparation-Transmutation peut apporter une réponse à la réduction de l’inventaire de radiotoxicité, et non la stratégie Séparation-Conditionnement. Toutefois celle-ci pourrait contribuer à retarder dans le futur (situation d’évolution normale d’un stockage) la venue des radionucléides vers la biosphère, dans la mesure où un conditionnement spécifique présenterait in fine de bien meilleures performances de confinement que le verre nucléaire utilisé pour les déchets de haute activité.
suite:
Dans l’état actuel des recherches, le CEA a montré que le pouvoir confinant des matrices étudiées est au moins 100 fois meilleur pour quasiment tous les éléments séparés. En fait, la question d’un conditionnement spécifique se pose réellement pour les produits de fission à vie longue, car les actinides sont peu mobiles en milieu réducteur et éminemment transmutables. La transmutation de certains produits de fission apparaît soit réalisable, soit d’un coût prohibitif.
     Dans une situation altérée de stockage ; l’intérêt d’un conditionnement spécifique n’a pas été évalué. La Commission considère qu’il devrait l’être.
     La Commission a noté que la stratégie “ Séparation-Conditionnement ” est vue désormais par le CEA comme un complément éventuel à la transmutation, ce qui n’était pas apparu jusqu’ici. Mais d’autres présentations récentes considèrent que cette stratégie est en elle-même porteuse d’une solution de réduction de nocivité aux exutoires d’un stockage. La Commission souhaite donc avoir une clarification sur ce point, le document “ Stratégie et programme des recherches 2002-2006 ” ne l’apportant pas ”.
     Depuis cette année, le CEA a rattaché à l’axe 1 les recherches portant sur les conditionnements spécifiques d’éléments séparés pour le long terme sans préciser si les moyens affectés aux recherches sont ou seront touchés. La Commission souhaite donc connaître, dans le fil du souhait précédent, quelle est la situation.
     Les recherches dans cette voie sont bien lancées. La Commission en présente les avancées au chapitre 6.

     2.4.3. Transmutation
     Comme on l’a dit ci-dessus, il est difficile de dissocier la problématique de la transmutation des RNVL existants ou futurs du développement d’un nouveau parc électronucléaire intégrant l’objectif de minimisation des déchets à produire et de la transmutation des déchets existants. L’ampleur financière de telles études est considérable et c’est avant tout l’attrait économique qui déterminera le choix des filières, tout en optimisant la production des déchets nucléaires autour de son minimum. Devant la perspective d’une relance du nucléaire au plan mondial, avec des enjeux économiques considérables, de nombreuses propositions d’études analogues à celles qui ont marqué le début de l’électronucléaire surgissent. Toutes ont leur place mais elles seront inéluctablement confrontées aux choix financiers de leur développement, qui se fera sur des critères débordant largement l’objectif de l’axe 1 de la loi de 1991.
     Dans ce contexte, l’approche stratégique du CEA comporte deux objectifs :
     - démontrer la faisabilité scientifique et technique de la transmutation dans un parc composé de réacteurs de technologie existante (REP et RNR) et évaluer un ordre de grandeur du coût associé : cet objectif n’est pas nouveau ;
     - évaluer la capacité de transmutation des réacteurs innovants (réacteurs électrogènes à haute température à neutrons modérés ou rapides) et de systèmes de réacteurs associés à des accélérateurs (ADS) : cet objectif est nouveau.
     À moyen terme, les efforts du CEA portent pour l’essentiel sur les nouveaux concepts d’assemblages à technologie innovante qui alimenteraient un futur parc EPR : assemblage CORAIL, prévu à échéance de 2015, puis assemblage APA, à échéance ultérieure. Ces assemblages permettraient de stabiliser l’inventaire en plutonium d’un parc de réacteur à eau formé de REP ou de EPR. La phase suivante envisagée et nouvelle, est le développement, avec les industriels et dans un cadre international, de réacteurs à haute température (HTR) refroidis par un caloporteur gaz, à spectre de neutrons thermique ou rapide (RCG-T, RCG-R). L’arrivée des RCG-T est à l’horizon 2025 et celle des RCG-R à l’horizon 2035. Ces derniers visent à répondre à un développement durable de l’option nucléaire grâce au multi-recyclage des radionucléides fissiles et au spectre rapide, qui permettent l’utilisation de la totalité de l’uranium, voire du thorium. Les RCG-R constituent un saut technologique majeur par rapport aux HTR précédents, et la Commission souhaiterait connaître les spécificités de cette filière en termes de production de déchets nucléaires à vie longue.
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       Dans une perspective se situant également à l’horizon de plusieurs décennies, et avec des objectifs similaires, des équipes du CNRS étudient, en relation avec EDF, les propriétés du cycle thorium-uranium 233 associé à un réacteur à sel fondu (RSF) fonctionnant en spectre thermique et recyclant en continu ses actinides. Le démarrage d’une telle filière serait assuré par les actinides, essentiellement le plutonium, déchargés des réacteurs REP du parc actuel. Des scénarios de transition des REP vers les RSF ont été présentés à la Commission.
     L’étude de ces deux voies vise un nucléaire du futur qui a pour ambition de minimiser à la fois l’emploi des ressources naturelles en matière fertile et les déchets produits ; ceci montre bien le foisonnement des propositions, dont certaines sont complémentaires voire concurrentielles.
     S’agissant de la transmutation proprement dite des déchets actuels, les systèmes dédiés à la transmutation de type ADS sont présentés pour fonctionner en deuxième strate de réacteurs électrogènes, tels que les REP ou les RNR, pour transmuter efficacement les actinides mineurs. À cet égard le CEA a fait part à la Commission de négociations qu’il a avec ENEA pour le projet TRADE consistant à coupler un cyclotron accélérant des protons, au réacteur piscine expérimental à spectre thermique TRIGA de Casacia près de Rome.
     La Commission s’interroge sur les nouvelles orientations de recherches du CEA en matière d’ADS : mise en veilleuse de l’approche européenne, démarré avec le 5ème PCRD et le rapport d’avril 2001 du TWG, au profit d’une éventuelle approche mondiale sous leadership américain et d’un accord bilatéral avec l’ENEA (projet TRADE). La Commission attend de prendre connaissance du dossier correspondant pour évaluer la pertinence de ce nouveau projet et son intérêt pour le projet XADS dont elle note que les options de base sont radicalement différentes. D’une manière générale, ces recherches s’inscrivent dans une perspective allant bien au-delà de 2006 et, par conséquent, la Commission s’interroge sur une éventuelle incidence de cette nouvelle orientation sur les moyens affectés aux recherches programmées d’ici 2006, notamment à propos du projet XADS. Ce point est discuté plus en détail au chapitre 4.
     La Commission souhaite à titre d’information,   disposer d’un document montrant comment pourrait s’enchaîner dans le temps la poursuite de toutes ces études et quel est réellement leur impact sur les recherches programmées d’ici 2006.

     Étude de scénarios pour le dossier de 2006
     Pour les scénarios de transmutation disponibles à court terme (réacteurs existants) la Commission soutient vivement la proposition du CEA faite dans le document “ Stratégie et programmes des recherches ” de procéder à des bilans complets (scénarios détaillés) et à des estimations économiques associées. La COmmission a grandement apprécié qu’à ce stade une étude d’impact des opérations du cycle associée à un scénario avec recyclage hétérogène ait été présentée et que les conditions industrielles de la mise en œuvre d’un de ces scénarios aient été bien explicitées.
La Commission souhaite que, d’ici à 2006, quelques scénarios non conventionnels avec systèmes hybrides ou des réacteurs innovants lui soient présentés sous la même forme.

     Projet européen de démonstrateur ADS
     La Commission a bien noté l’effort significatif fait par le CEA, le CNRS et FRAMATOME dans le domaine des systèmes hybrides : MUSE, MEGAPIE, participations aux projets n-TOF et PDS-XADS dans le cadre européen.
     La Commission recommande que cet effort soit maintenu car elle considère que les systèmes hybrides restent les plus performants pour atteindre des facteurs de réduction importants et à des échéances raisonnables de l’inventaire de radio-toxicité des combustibles usés.
     Aussi recommande-t-elle vivement que le 6 ème PCRD soit l’occasion de poursuivre dans la voie européenne pour la réalisation d’un démonstateur d’ADS (XADS) comme suite du projet PDS-XADS du 5ème PCRD. Une initiative forte devrait être prise en ce sens par les partenaires français (CEA, CNRS notamment).
     En termes généraux sur l’axe 1, il n’est pas inutile de rappeler une nouvelle fois que la transmutation des actinides dits mineurs et de certains produits de fission n’a de sens que si les éléments majeurs uranium et plutonium ne sont massivement stockés comme déchets.
suite:
     2.5. AXE 2
     2.5.1. Généralités

     Le programme de recherche animé par l’ANDRA pour l’étude de la faisabilité du stockage en formation géologique profonde est articulé en deux projets : HAVL Argile et HAVL Granite.
     En raison de l’échec de la “ Mission granite ”, le second projet, à défaut d’un site identifié en France, n’ a pour l’instant pour objectif que d’établir un dossier d’évaluation de l’intérêt du granite pour un stockage HAVL. La Commission déplore cette situation qui place l’axe 2 en situation fausse vis-à-vis de la loi, laquelle dispose que les recherches doivent être menées dans “ des laboratoires souterrains ”.
     Un aspect est commun à tous les sites envisageables de stockage, celui de l’inventaire des colis à stocker. Une étude spécifique a été demandée en 1999 au Président de l’ANDRA sur la méthodologie de l’inventaire des déchets radioactifs et elle a été présentée à la Commission en mai 2000. Après approbation de cette méthodologie, la Commission avait recommandé qu’un premier inventaire soit établi selon cette méthodologie. La décision de lancement de cet inventaire a été prise le 26 juin 2001. La Commission souhaite être informée du déroulement de ce travail. En attendant sa réalisation, l’ANDRA s’appuie sur un modèle d’inventaire préliminaire (MIP) bâti sur des hypothèses de production pou chaque famille de colis, qui prend en compte différents scénarios de retraitement des combustibles usés, en soulignant bien qu’ils ne visent pas à une représentation de réalité industrielle. Cette approche est justifiée afin de disposer d’un éventail de solutions pour faire face à des situations qui ne peuvent encore être définies. Le modèle d’inventaire de dimensionnement (MID) est annoncé pour septembre 2002. Dans le domaine de l’inventaire des colis à stocker la stratégie est désormais claire.

     2.5.2. Laboratoire de Bure
     Dans le cadre de la loi de 1991, le gouvernement a décidé la construction d’un laboratoire de recherche souterrain à Bure, dans la région Meuse Haute-Marne, et la recherche d’un site susceptible d’accueillir un second laboratoire en milieu granitique. Après l’échec de la mission de concertation destinée à rechercher des sites candidats, le gouvernement a demandé à l’ANDRA de poursuivre ses efforts en matière d’acquisition de connaissances génériques sur le milieu granitique.
     Les activités de l’ANDRA répondent bien à la demande gouvernementale. Celle-ci a lancé des recherches sur la corrosion des matériaux métalliques susceptibles d’enrober les déchets, sur le comportement et l’évolution des bétons, sur les argiles remaniées, sur le comportement des radionucléides, sur le comportement mécanique des argilites, sur l’étude des phénomènes couplés thermo-hydro-mécaniques ainsi que sur la formation de gaz. En outre, l’ANDRA a noué des partenariats avec les grandes institutions de recherche et notamment avec le CNRS et les équipes universitaires dans le cadre de groupements de recherche propre de l’Agence et les études lancées dans le cadre du GdR FORPRO et le bénéfice très positif tiré des thèses de recherches doctorales soutenues par l’ANDRA.
     Les opérations de surface dans la région de Bure ayant été menées à bien, la réalisation du programme de recherche sur le milieu argileux, qui doit aboutir à un rapport substantiel au gouvernement pour 2006, dépend maintenant étroitement du calendrier du fonçage des puits. À cet égard, les retards pris fin 2001 et la vitesse de creusement très inférieure aux prévisions imposeront une révision sensible du calendrier du programme expérimental de recherches. Les malheureux évènements survenus au cours des derniers mois amplifient le problème. Pour obtenir des résultats significatifs, l’ANDRA ne pourrait-elle pas lancer les expériences les plus longues, comme celles portant sur la diffusion des radionucléides, dans la niche expérimentale qui sera creusée dès l’entrée dans la couche d’argile du Callovo-Oxfordien ? Des résultats significatifs pourront-ils également être obtenus d’ici 2006 dans les galeries qui seront creusées dans le niveau principal, là où un stockage industriel pourrait éventuellement être installé ? Quelle stratégie complémentaire ANDRA envisage-t-elle de mettre en œuvre (par exemple : utiliser les techniques pétrolières les plus élaborées pour effectuer, à Bure, des mesures nouvelles de paramètres dans de nouveaux forages ; réaliser des travaux expérimentaux à Mont Terri dont les argiles sont assez comparables à celles de Bure) ?
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      L’ANDRA a présenté en 2001 une première vérification de sûreté qui porte sur l’évolution “ normale ” du dépôt. Ce dossier ne constitue qu’une première formulation destinée à tester les méthodes qui seront mises en œuvre pour la seconde vérification de sûreté, programmée en 2004, et qui bénéficiera des acquis des mesures effectuées en laboratoire souterrain. . La première vérification de sûreté ne montre pas que tous les rejets seront inférieurs à la norme de la RFS-III-2.f. La Commission observe que la seconde évaluation de sûreté doit aussi prendre en considérations, de façon approfondie, divers cas d’évolution (avec des défaillances, des évènements adverses : scénarios dits “ altérés ”). À cet égard, il est indispensable que l’ANDRA se dote de modèles performants et dispose de données précises pour les utiliser, car la méthode appliquée pour le dossier 2001-Argile, faisant appel à des paramètres majorés et insuffisamment représentatifs, a conduit logiquement à observer que les rejets aux exutoires peuvent dépasser les limites. Elle recommande en particulier que soit évalué dans ces scénarios l’impact de la mise en œuvre sur les déchets de haute activité des diverses méthodes de transmutation auxquelles pourraient conduire les recherches menées dans le cadre de l’axe 1 de la loi de 1991.
     Pour ce qui concerne le milieu granitique, l’ANDRA participe activement à des expériences menées dans les laboratoires souterrains étrangers, comme celui de Grimsel en Suisse. Les études portent sur le rôle des colloïdes, l’évaluation de l’influence des eaux très alcalines sur les propriétés hydrauliques et de transport d’une fracture et sur la migration des gaz produits dans le stockage. Enfin, l’ANDRA a renforcé sa participation aux expériences internationales d’intercomparaison de modélisations numériques. La Commission souligne que ces études génériques sur le milieu granitique ne constituent en aucun cas l’équivalent d’un programme de recherche mené sur un laboratoire souterrain creusé sur le sol français, parce que les propriétés des granites (et notamment leur fracturation) sont très variables en fonction de leur histoire géologique. Ainsi que le mentionne la RFS III.2.f, les études de qualification doivent être conduites en regard d’un site donné. Les études génériques permettent uniquement l’acquisition d’un savoir-faire nécessaire à la réalisation efficace d’éventuelles études qui pourraient être menées en France, mais rien de plus.
     La Commission déplore vivement que la réalisation d’un second laboratoire souterrain, prévu explicitement par la loi de 1991, ne soit toujours pas programmée. Elle souligne qu’un second laboratoire est indispensable pour comparer les qualités et les défauts des diverses formations géologiques susceptibles d’accueillir un stockage et ainsi d’offrir au législateur un choix motivé par des résultats scientifiques. La Commission rappelle que la loi de 1991 ne fait référence à aucun type de roche. Elle rappelle également que le terme d’argile désigne des roches présentant une grande variété de composition minéralogique et chimique ainsi que des propriétés physiques très variables (mécanique, conductivité thermique et hydraulique, diffusion). Un second laboratoire creusé dans une argile différente de celle du site Meuse Haute-Marne ne constituerait donc pas une simple duplication des recherches déjà menées ou en cours dans le cadre de la loi de 1991.

     2.5.3. Modélisation et simulation numérique
     L’importance de cette question justifie qu’un chapitre entier du rapport (chapitre 3) lui soit réservé.

     2.5.4. Coopération et actions internationales
     L’ANDRA développe un programme de coopération international fort dans le domaine des roches argileuses, en particulier avec la Suisse au Mont-Terri, et la Belgique à Mol. De nombreuses expériences ont été développées en commun, avec pour objectif principal jusqu’ici de développer et tester les méthodes qui seront utilisées dans le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne.
     Ce travail apparaît très pertinent à la Commission ; cependant, si les retards pris dans le fonçage des puits de Bure conduisaient à limiter de façon trop importante la durée des expériences qui seront réalisées sur ce site, il serait peut-être utile d’envisager de considérer que tel ou tel site étranger pourrait servir de site-test des capacités de l’ANDRA à faire une démonstration de sûreté, sans référence ni implication pour le site de Bure.
suite:
En effet, on peut se demander si, en 2006, il sera nécessaire de démontrer que tous les outils nécessaires à une démonstration de sûreté sont disponibles et opérationnels, et que seuls des données et résultats d’expérience sur le site de Bure restent à acquérir. Dans ce cas, il serait nécessaire que, pour les connaissances non encore acquises, l’ANDRA réalise et interprète toutes les expériences nécessaires à cette démonstration de sûreté, sur le site étranger choisi.
     Pour le granite, c’est la seule approche aujourd’hui disponible, et sur laquelle s’est lancée l’ANDRA, en collaboration avec la Suède, la Finlande, et la Suisse.

     2.6. AXE 3
     2.6.1. Généralités

     Dans son rapport n°7 la Commission a formulé des recommandations fortes sur l’ensemble de l’axe 3 “ conditionnement et entreposage ”. Elle a considéré que les études se rapportant à cet axe relèvent essentiellement de la technologie ou de l’ingénierie (à l’exception des études de comportement à long terme des matériaux et systèmes). Par conséquent, la Commission a estimé qu’une obligation de résultats devait être demandée au CEA pour ce qui touche au conditionnement des colis pour entreposage et à l’entreposage de longue durée lui-même. Le calendrier d’obtention des résultats ne devrait dépendre que des moyens mis en place.
     La Commission a ainsi considéré qu’il est indispensable que des prototypes de conteneurs d’entreposage soient réalisés et qu’une démonstration de leurs performances soit faite avant l’échéance de 2006. Elle a recommandé que cela soit conduit en harmonie avec l’ANDRA pour éviter tout hiatus entre l’acceptation des colis pour l’entreposage et l’acceptation des colis pour le stockage. Elle a également recommandé que l’accent soit mis sur l’entreposage de longue durée des déchets HAVL, pour décroissance thermique, et des combustibles usés, pour la même raison ou pour constituer un entreposage stratégique. Les déchets B sont plus logiquement destinés au stockage profond dès que celui-ci sera disponible.
     Le CEA a présenté à la Commission sa stratégie pour ce qui concerne ces points, qui répond aux soucis et aux recommandations de la Commission. La stratégie du CEA a été nettement clarifiée par rapport à ce qu’elle était l’an dernier. La Commission estime, comme l’an dernier, que les moyens ont été mis en place, tant au plan technique qu’organisationnel, pour être en état de respecter les jalons fixés. La Commission souligne à nouveau qu’il est essentiel de disposer des résultats pour 2006. Il reste néanmoins quelques points discutables.
     La Commission considère que la compatibilité des colis pour l’entreposage et le stockage doit encore faire l’objet d’un examen au cas par cas, car il est difficile d’imaginer une solution unique pour tous les types de déchets. Cette compatibilité doit couvrir à la fois les colis primaires de déchets, le conteneurage multicolis primaires pour entreposage et/ou stockage, s’il est utilisé, et leur transport.
L’ANDRA doit pouvoir utiliser directement tout ce qui vient de l’entreposage. L’objectif de l’harmonisation entre l’entreposage et le stockage est d’éviter des reconditionnements, qui seraient coûteux, entraîneraient une exposition radiologique des travailleurs et nécessiteraient des opérations pouvant produire des déchets secondaires.
     On peut considérer deux cas de figure :
          - soit les conditions de stockage sont parfaitement définie par l’ANDRA dans des spécifications valables indépendamment du site de stockage, et les études de l’axe 3 doivent alors être conduites en suivant précisément ces spécifications ;
- soit les conditions précises de stockage ne peuvent être fournies par l’ANDRA dans le calendrier fixé pour l’axe 3 en vue de l’échéance de 2006, et il est alors préférable de dissocier complètement les conditions d’entreposage de longue durée de celles du transport et du stockage. Une raison majeure d’une telle situation peut être, par exemple, la spécificité des conditions de stockage pour des sites dont les natures de roches seraient différentes.
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     Mais d’autres raisons pourraient être liées au processus même d’élaboration des spécifications de stockage. Dans ce cas, la compatibilité entre entreposage et stockage se réduirait à l’existence d’un “ colis primaire stockable ”. La définition des caractéristiques de ce “ colis primaire stockable ” devrait alors être un objectif des études restant à mener en commun par les producteurs de déchets et l’ANDRA dans le cadre de l’axe 3. L’entreposage pourrait être soit en structures fixes (comme pour les entrepôts de verres actuels), soit en structures mobiles transportables ou non (“ colis d’entreposage ”). Le “ colis primaire stockable ” devra a minima répondre impérativement à des spécifications que devrait au moins fixer l’ANDRA pour que de tels colis aillent au stockage, soit directement, soit en faisant l’objet d’un conteneurage pour former des “ colis de stockage ”. Cette question délicate est traitée au chapitre 6.

     2.6.2. Le colis
     Trois groupes de colis sont considérés par le CEA pour aller en entreposage : les colis de déchets vitrifiés, les colis de déchets de moyenne activité à vie longue (MAVL) et les assemblages de combustibles usés. Ces trois groupes d’objets diffèrent profondément : les colis de verre et les combustibles usés sont très standardisés, de faible volume et exothermiques alors que les autres colis sont très divers ; ils sont le siège d’un faible dégagement de chaleur et leur volume total est élevé. Les déchets vitrifiés et les combustibles usés relèvent pour l’essentiel de la même problématique, qui est bien traitée par le CEA et qui a été exposée à la Commission.
     Étant donné la place importante, voire primordiale, que présentent les colis de déchets vitrifiés en France, la Commission considère toutefois que les conditions de leur entreposage doit faire l’objet d’une présentation spéciale permettant à la fois une mise en valeur de ce qui est acquis et les questions encore en suspens pour leur entreposage et leur stockage, comme par exemple la nécessité ou non de les mettre dans un sur-conteneur (cf. chapitre 6).
     L’étude du comportement des colis en entreposage a fait l’objet d’une présentation complète cas par cas. Une attention particulière devra être portée aux colis CSD-D pour lesquels de nombreuses questions sont encore sans réponses et font l’objet d’études. Le souci de la Commission est de savoir si les résultats attendus le seront dans le calendrier fixé. En particulier la Commission recommande que soit examiné pour les colis CSD-C et les autres déchets B qui peuvent être concernés, le comportement de l’iode. En corollaire, un effort important devra être consenti pour affiner la mesure directe de l’iode dans ces colis.
     La Commission note avec intérêt la mise en place de la collaboration entre ANDRA, EDF et CEA pour la réalisation de conteneurs compatibles entreposage et stockage. Cette collaboration porte également sur les “ critères de prise en charge ” des colis fondés sur des principes communs. La Commission considère que cette coordination devra être étendue aux moyens de reprise, de manutention et de transport des colis d’un entreposage à un stockage.

     2.6.3. Les entreposages
     Les concepts d’entrepôts présentés cette année à la Commission, sont les mêmes que ceux présentés en 2001.L’avancement des études ne soulève pas de problèmes particuliers. Un effort important a été fait pour l’entreposage des assemblages de combustibles usés.
     Pour ce qui concerne l’entreposage des colis de verre, le CEA fait référence aux entrepôts de verre existants, notamment ceux de La Hague, dont la durée de vie est estimée de 50 à 70 ans. La qualité de ces entrepôts n’est pas mise en doute, mais on ne peut pas considérer que 70 ans couvrent “ la longue durée ”. La Commission considère que le CEA doit développer les grandes lignes de la stratégie d’entreposage au-delà de cette période et identifier, s’il apparaît des problèmes, les recherches à conduire pour y remédier. En particulier le CEA doit préciser si la stratégie d’entreposage de longue durée est fondée sur une reconduction des entrepôts de conception actuelle ou s’il est envisagé l’étude d’entrepôts différents, conçus spécialement pour la longue durée. Dans cet esprit, la Commission souhaite que soient clairement décrites les retombées des études menées pour les combustibles usés pour une transposition à l’entreposage de longue durée des colis de verres.  
suite:
     Dans la stratégie du “ colis primaire stockable ”, à la fois entreposable, transportable et stockable, il est nécessaire que soient parfaitement définies les structures d’entreposage et le ou les châteaux de transport. À cet égard la collaboration CEA et ANDRA est jugée très importante par la Commission.

     2.6.4. Coordination des études de l’entreposage de longue durée et du stockage
     La position du CEA pour l’ELD est de proposer sa réalisation, mais il souligne qu’il faut de fortes raisons pour passer d’un entreposage industriel à un ELD (par exemple perte d’intégrité des gaines ou re-localisation d’activité). Il part du principe suivant : pas de conteneurs d’entreposage pour le stockage, sauf si le stockage est imminent. Comme on n’est pas dans ce cas, il en résulte qu’il faut mettre en entreposage des objets (colis primaires stockables) dans des conteneurs d’entreposage d’où on puisse facilement les transférer en stockage, soit tels quels, soit en conteneurs de stockage.
     L’ANDRA conçoit le stockage comme celui des “ colis primaires stockables ” avec éventuellement “ un complément de colisage ” (qui implique pour certains colis primaires de déchets, la mise en conteneur pour réaliser des “ colis primaires stockables ”) pour former des “ colis de stockage ”, facilitant la standardisation et particulièrement la manutention des nombreux colis B. Des STB (spécifications techniques de besoin) sont en cours vis-à-vis des contraintes à respecter (manutention, mécanique et comportement vis-à-vis des gaz).
     Le CEA a donné des premiers choix de conception de ELD. Il s’agit de ELD en atmosphère non contrôlée. Il examine des critères de prise charge en ELD pour “ colis primaires stockables ”.

     2.7. Problèmes sanitaires posés par les déchets HAVL
     La loi de 1991 a défini un objectif sanitaire pour des générations futures qui seraient soumises à l’action nocive des déchets HAVL renfermant à la fois des RNVL et des éléments chimiques toxiques. Celui-ci pourrait être atteint en respectant pour l’impact radiologique des radionucléides une limite de dose de 0,25 mSv/an (indiquée dans la RFS-III.2.f) et pour les toxiques chimiques les limites réglementaires actuelles qui portent sur des concentrations d’éléments dans l’eau. Cette concentration d’éléments dans l’eau. Cette méthodologie pose des problèmes pour prendre en compte l’action des uns et des autres, par exemple en se référant aux concentrations dans l’eau.
     1 – Pour les radionucléides, il va falloir transformer les doses en concentrations dans l’eau. Les données disponibles sont celles utilisées par la CIPR pour la gestion de la radioprotection dans les installations nucléaires actuelles. Peu fondées scientifiquement, elles sont fragmentaires et souvent entachées d’incertitudes considérables. On doit aussi s’interroger sur la validité actuelle des bases scientifiques anciennes utilisées par la CIPR pour calculer ses limites de dose.
     2 – Pour les toxiques chimiques, il y a une difficulté essentielle : l’absence de concentration limites pour de nombreux éléments.
     3 – Enfin, il n’y a pas de méthode pour tenir compte des actions combinées des différents éléments.
     Aujourd’hui, on est incapable de savoir quels seront l’état sanitaire et l’espérance de vie des générations futures. On ne connaît pas non plus quel sera le niveau de leurs connaissances médicales.
     Assimiler les générations futures aux générations actuelles, comme cela a été fait pour le calcul de la limite alpha pour les stockages de surface, n’est acceptable que s’il n’existe pas d’autre solution mieux adaptée au problème. Or dans le cas des déchets HAVL, il existe une solution alternative proposée par l’Académie de médecine en décembre 2001, qui est l’utilisation de critères naturels. Cette solution impose d’abandonner l’approche pathologique pour passer à l’approche physiologique, ce qui constituerait un changement radical.
     La Commission recommande que des études soient lancées pour comparer les deux approches avec la méthodologie simple dont elle avait déjà, sans succès, recommandé l’emploi dans son quatrième rapport annuel de 1998. (page 124)..
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