GAZETTE NUCLÉAIRE

PLAINTE ADRESSÉE À LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(02.10.01)
     Mémoire
     Le 2 octobre 2001, La Présidente
     POUR :
     - ADEPAL, association de défense de l’environnement des pays Limousins et du Limousin, association agréée au niveau régional, représentée par sa Présidente Bernadette PRIEUR, Montaigut - 87500 St Yrieix la Perche
     Contre :
     l’État Français, Ministère de l’environnement chargé des installations classées. 
     Faits :
     Par arrêté du 20 décembre 1995 (Annexe 1) le Préfet de la Haute-Vienne a autorisé la COGEMA à stocker à Bessines sur Gartempe, site d’anciennes mines d’uranium, 199 900 T. d’oxyde d’uranium appauvri dans des hangars de surface. 
     Cette autorisation a été donnée après une enquête publique par une commission d’enquête qui avait donné un avis défavorable compte tenu des dangers encourus et de l’incertitude sur la composition exacte des substances radioactives dans les fûts à stocker. 
     Le 9 juillet 1998 le Tribunal administratif de Limoges a annulé ce jugement et le 23 mai 2001 le Conseil d’État a confirmé cette annulation (Annexe 3)
     Parmi les nombreux moyens soulevés figurait la violation du droit communautaire et en particulier de l’art. 13 de la directive 96-29 euratom du Conseil du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. 
     Le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur la violation de cette directive au prétexte que la méconnaissance d’une directive ne peut être utilement invoquée à l’appui d’un recours contre une décision administrative individuelle. Il a ajouté que, d’ailleurs, le délai de transposition n’était pas encore expiré à la date de l’arrêté attaqué. 
    Réclamation auprès de la Commission
     L’ADEPAL demande à la commission d’intenter une action en manquement contre la France au titre de l’art. 226 du traité pour violation de l’art. 13 de la directive 06-29 du 13 mai 1996 sur le site de stockage d’uranium appauvri de Bessines (Haute-Vienne) du fait que l’annexe de l’arrêté d’administration (para 5-11) fixe à 5 mSv/an la dose d’exposition à l’extérieur du site.
     Depuis le 13 mai 2000 cette directive est en effet applicable sur le territoire français et la limite de dose de 1 mSv par an doit s’imposer à toutes les installations aux lieux et places de la dose de 5 mSv. Cette nouvelle norme aurait dû s’appliquer immédiatement, or l’arrêté d’autorisation de stockage des déchets radioactifs d’uranium appauvri du 20 décembre 1995 n’a toujours pas été modifié pour se conformer à la directive. L’abaissement du seuil de 5 mSv à 1 mSv doit nécessairement entraîner un arrêt immédiat du stockage ou une réduction de la quantité d’uranium appauvri à stocker. 
     On soulignera que l’exposition sanitaire de la population est en l’espèce particulièrement aggravée car le site de stockage se trouve seulement à 170 m d’un abattoir de viande Limousine labellisée et de la SOMAFER entrepôt de viande congelée. L’avis du directeur des services vétérinaires du 23 décembre 1994 sur le projet de stockage est éclairant à cet égard (Annexe 4).
     La carence de la France pour respecter la directive 96/29 du 13 mai 1996 est d’ailleurs antérieure à l’entrée en vigueur de cette dernière puisque conformément à l’arrêt rendu le 18 décembre 1997, inter environnement Wallonie aff. C. 129.96, pendant le délai de transposition l’État ne peut pas prendre de mesures de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par la directive. En refusant de modifier l’arrêté du 20 décembre 1995 pour le rendre conforme à la directive du 13 mai 1996 et ceci de 1996 à 2000, puis après le 13 mai 1996 en ne procédant toujours pas à cette modification, l’État français a de façon continue ignoré le caractère impératif de la norme sanitaire imposée et aggravé les risques pour la santé en tolérant une dose d’exposition annuelle cinq fois supérieure à l’obligation communautaire. 
suite:
     L’association réclamante n’a pas cessé d’attirer sans succès l’attention tant du Préfet que du Ministre et du Premier Ministre depuis plusieurs années (6 lettres jointes du 09.07.97, 11.03.98 et 21.05.2000, annexe 5). Michel Barnier Ministre de l’environnement à l’époque écrivait au Président du Conseil Régional le 20 décembre 1994 que le préfet avait pour instruction d’appliquer par anticipation la recommandation CIPR 60 et la directive dès qu’elle serait adoptée. Il n’en a rien été contrairement à cette promesse (annexe 6). 
     Depuis les premiers stockages réalisés en 1998 l’accumulation de substances radioactives dans un site de dépôts des stériles et déchets radioactifs de l’ancienne usine SIMO de traitement du minerai d’uranium, fait que la norme de 1 mSv a déjà été largement dépassée et ne peut plus être respectée sans cesser tout stockage. 
     En effet, compte tenu de la radioactivité existante déjà sur le site (de 5 à 8 mSv/an selon la CRIIRAD (annexe 7) et de 2 mSv selon Cogema) le niveau d’exposition externe pour le public était déjà atteint avant tout stockage. A supposer que l’exposition externe ajoutée soit de 0,7 mSv comme le prétend la Cogema sans présentation d’un mode de calcul ou d’une méthodologie et sans analyse contradictoire, le total est nécessairement supérieur à 1 mSv 
     L’ADEPAL pour ces motifs prie donc la Commission de bien vouloir saisir la Cour de Justice pour non respect à Bessines de la directive du 13 mai 1996.
Annexe 1 - arrêté du 20 décembre 1991 
Annexe 2 - TA de Limoges, 9 juillet 1998 
Annexe 3 - CE, 23 mai 2001 
Annexe 4 - avis du 23 décembre 1994 du Directeur des services vétérinaire 
Annexe 5 - Lettres au préfet, au Ministre de l’environnement et au Premier ministre 
Annexe 6 - Lettre de M. Barnier du 20 décembre 1994 
Annexe 7 - Rapport CRIIRAD de 1994
Réponse de la Commission Européenne
Direction Générale Environnement
Luxembourg, le 4 avril 2002
S. KAISER - Chef d’Unité
     Objet : Plainte 2001/5064 concernant l’autorisation d’exploitation d’un entreposage d’oxyde d’uranium appauvri à la commune de Bessines-sur-Gartempe - Limite de dose pour la population.
     Madame Prieur,
     Par lettre du 2 octobre 2001 vous avez déposé une plainte concernant l’autorisation d’exploitation d’un entreposage d’oxyde d’uranium appauvri dans la commune de Bessines-sur-Gartempe. Cette plainte a été enregistrée sous le n° P-2001/5064. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir mentionner ce numéro de référence dans toute correspondance. 
     Votre plainte souligne, en substance, le fait que l’arrêté n° 548 du 20 décembre 1995 du Préfet de la Région Limousin contiendrait une limite de 5 ms, non conforme à la limite de dose pour la population prévue par le Directive 96/29/Euratom fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants (1 ms). Votre plainte met donc en évidence une possible infraction aux normes de base communautaires en matière de radioprotection. 
     Je vous informe que, par lettre du Directeur Général de l’Environnement datée du 12 mars 2002, nous avons demandé aux autorités françaises des renseignements afin de pouvoir examiner cette question en tenant compte de tous les éléments en cause ainsi que toute autre information pertinente. Nous vous tiendrons dûment informée des résultats de notre enquête. 
     Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de ma considération distinguée.
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