GAZETTE NUCLÉAIRE

Conséquences pour la population française
de l'ingestion de denrées contaminées à la suite de l'accident de Tchernobyl
Dossier IRSN
Ph. Renaud, Ph. Bérard, B. Le Guen
     Selon les estimations faites par l’IPSN (1), les retombées en France de l'accident de Tchernobyl ont conduit, via l'alimentation, à une incorporation de 137Cs, 134Cs et 131I représentant pour l'année 1986 une dose efficace engagée pouvant aller jusqu'à 0,4 mSv dans l'est du pays.
     Ces trois radionucléides figurent parmi ceux recherchés lors du suivi médical des personnels travaillant dans les installations nucléaires. Les contrôles portent sur les activités dans les urines, le corps entier, et dans certains cas, la thyroïde.


Pourcentage de contrôles de 137Cs dans les urines, supérieurs au
seuil de mesure de 0,3 Bq/l.

     Il y a donc possibilité de vérifier que les résultats de ces contrôles anthropogammamétriques sont cohérents avec les estimations faites à partir des retombées au sol, pour compléter la vérification, présentée dans le rapport de l'IPSN précité, que la contamination des aliments est elle-même cohérente avec la contamination des sols. 

     L'étude a porté sur les travailleurs des sites du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), de la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) et d'Électricité de France (EDF).
     L'analyse des plus de 60 000 contrôles effectués, de mai 1986 à avril 1989, sur 17 de ces sites répartis sur l'ensemble du territoire montre que les conséquences des retombées de l'accident de Tchernobyl sont effectivement visibles dans les mesures anthropogammamétriques. 
suite:
     Avant cet accident les activités corporelles en 137Cs et 134Cs, se situaient toutes en dessous du seuil de mesure de 37 Bq. Il en était de même de l’activité dans les urines, qui était, inférieure à 0,3 BQ/l, et ne pouvait pas être mesurée dans le cadre des examens médicaux prévus pour contrôler les expositions professionnelles. Dès le mois de mai 1986, de nombreux contrôles sont devenus positifs, traduisant l’incorporation de césium due à la contamination de la chaîne alimentaire. A partir du début de l’année 1988, le retour progressif à une situation similaire à celle d’avant l’accident, traduit à la fois l’épuration de la chaîne alimentaire et l’élimination du 137Cs par l’organisme humain. 
     Cette analyse confirme en outre l’existence d’une atteinte moindre des populations habitant dans l’ouest du pays. 
     Les activités corporelles et les activités mesurées dans les urines correspondent bien aux estimations faites à l’aide des logiciels de calculs développés par l’IPSN.
     Notamment, la confrontation entre les valeurs maximales calculées permet de vérifier que les incorporations de 137Cs par les habitants de l’est du pays, les plus touchés par les retombées de Tchernobyl, n’ont pas dépassé les estimations de doses dues à l’ingestion de denrées contaminées présentées dans le rapport IPSN 97-03.
     Durant l’année 1986, les résultats de mesures sont même souvent inférieurs aux valeurs théoriques. Ceci s’explique probablement par l’utilisation, en quantités plus importantes que celle considérées pour les calculs, de produits de conservation, (lait notamment), pour lesquels les délais avant consommation sont plus longs, ce qui entraîne un étalement dans le temps des activités incorporées et donc une augmentation moins rapide des activités corporelles.
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Site de Marcoule (Gard)

Site de la Hague (Manche)
     Par ailleurs, des mesures élevées, se distinguant nettement des autres, ont quelquefois pu être expliquées par un séjour des personnes concernées dans des pays où les retombées de l’accident de Tchernobyl ont été plus importantes qu’en France : Grèce, Yougoslavie… 
     Les activités maximales corporelles et les activités maximales dans les urines, enregistrées sur les sites de l’ouest du pays témoignent que certaines personnes habitant dans des régions moins touchées par des retombées de Tchernobyl ont pu ingérer autant de 137Cs que celles résidant dans l’est du pays. Les doses maximales reçues par les habitants des régions de l’ouest ont donc sans doute été quelque peu sous-évaluées dans le rapport IPSN 97-03. Ceci est probablement dû aux habitudes alimentaires et à l’origine variée des productions agro-alimentaires. 
     Il n’existe pas de données anthropogammamétriques exploitables pour l’131I. Les activités thyroïdiennes de ce radionucléides sont toujours restées en dessous du seuil de mesure de 100 Bq. Les calculs confirment que les valeurs maximales n’ont effectivement pu dépasser cette valeur que durant quelques jours en mai 1986. Les activités en 131I des urines auraient peut être pu témoigner des incorporations d’131I, mais l’analyse correspondante n’est pas effectuée de manière systématique dans la surveillance de routine des personnels. Aussi, peu de données représentatives émanent des laboratoires et aucune n’a pu être exploitée pour cette étude.
Commentaire de la Gazette:
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1. Renaud Ph. et al, Conséquences Radioécologiques et Dosimétriques en France de l’accident de Tchernobyl. Rapport de l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire n° 97-03 et livre à paraître aux Éditions de Physique, avril 1999.
p.19

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