GAZETTE NUCLÉAIRE

APPEL POUR YURI BANADEZHEVSKY

Paris le 20 février 2002

LETTRE DU GSIEN
A Son Excellence, Monsieur Vladimir Senko
Ambassadeur du Bélarus en France
38 Bd Suchet, 75016 Paris


     Monsieur l’Ambassadeur,
 
     Nous avons rencontré vos collaborateurs, MM. Istomin et Romanovsky le 16 janvier dernier afin d’évoquer le sort du Pr. Youri Bandazhevsky actuellement en prison à Minsk et dont nous demandons la libération de toute urgence.
     A l’issue de la discussion il nous a été suggéré de vous remettre un mémoire le concernant. Des problèmes scientifiques sont manifestement en cause dans la situation pénible accablant aujourd’hui le Pr Y. Bandazhevsky ce qui est inacceptable.
     Le mémoire ci-joint comprend deux parties. La première, de 4 pages, est un argumentaire résumant nos conclusions sur la nécessité de libérer Y. Bandazhevsky dans l’intérêt de votre pays et aussi du point de vue du progrès des connaissances scientifiques. La deuxième est une analyse de quelques fondements de la radioprotection internationale qui se sont manifestement avérés erronés suite à l’épidémie de cancers de la thyroïde chez les enfants du Bélarus. Il est bon de se souvenir que ces fondements ne sont donc pas infaillibles.
     Nous donnons également un bref aperçu des travaux de Y. Bandazhevsky qui révèlent une action nocive, sur l’état sanitaire des habitants de votre pays, des radionucléides incorporés d’une façon chronique.
     Il est clair que cette nocivité n’est pas expliquée correctement aujourd’hui par les concepts de base de la radioprotection, concepts élaborés principalement à partir de l’irradiation externe et non sur l’irradiation interne chronique à laquelle sont exposés vos compatriotes. Il est nécessaire d’approfondir les recherches à ce sujet.
     Nous vous demandons instamment de bien vouloir considérer que les travaux du Pr. Bandazhevsky ont une portée fondamentale par la description exhaustive des anomalies qui résultent de l’incorporation chronique de divers radioéléments et qui affectent la santé en particulier celle des enfants. Sa tentative de tenir compte des interactions des divers systèmes de l’organisme peut s’avérer extrêmement fructueuse pour comprendre les phénomènes complexes qui altèrent l’intégrité de l’organisme. Il ne faut pas oublier que votre pays a ce triste privilège de connaître une contamination jamais vue jusqu’à présent et dont les manifestations nocives sur les habitants se poursuivront pendant des générations. 
     Nous espérons que ce bref mémoire contribuera à vous éclairer sur l’importance des travaux du Pr. Bandazhevsky et que vous voudrez bien intervenir auprès de votre Président de la République du Bélarus pour que la liberté soit rendue à Youri Bandazhevsky. 
     En vous remerciant à l’avance, nous vous prions, Monsieur l’Ambassadeur, d’agréer nos salutations respectueuses.
p.7

LIBERTE POUR YURI BANADEZHEVSKY
Bella BELBEOCH
février 2002


     Le 18 juin 2000, le Pr. Youri Bandazhevsky, ex-recteur de l'Institut de médecine de Gomel (Bélarus), accusé de corruption, a été condamné par le tribunal militaire de Gomel à huit ans de prison à régime sévère. Aucun des faits reprochés n'a été prouvé : Amnesty International considère Youri Bandazhevsky comme un prisonnier de conscience emprisonnépour avoir exercé son droit à la liberté d'expression et appelle à sa libération immédiate et inconditionnelle.
     La liberté d'expression exercée par Y. Bandazhevsky concerne ses travaux scientifiques qui mettent en évidence l'impact nocif sur la santé des habitants vivant dans des zones contaminées par les radionucléides rejetés suite à l'explosion du réacteur nucléaire de la centrale de Tchernobyl; impact nocif particulièrement net chez les enfants. Le gouvernement du Bélarus demande une aide internationale pour tenter de remédier aux conséquences de Tchernobyl alors qu'il emprisonne un scientifique qui apporte des précisions importantes sur les pathologies subies par la population qui rendent cette aide nécessaire. Ceci estincohérent.
     Situation sanitaire dégradée depuis Tchernobyl
     La situation sanitaire est mauvaise au Bélarus et cela est bien visible : depuis 1985 la natalité a chuté de près de la moitié, elle était en 1985 de 17,5 pour 1000 et est aujourd'hui de 9,1 pour 1000 alors que la mortalité a augmenté de 9,2 pour 1000 à 13,5 pour 1000. Elle dépasse la natalité depuis 1993 dans des proportions qui mettent en péril l'existence même du pays. Plus de 2 millions d'habitants dont 500 000 enfants vivent dans des zones contaminées à plus de 1 Ci/km2. Il y a encore des zones contaminées à plus de 15 Ci/km2 et dont les habitants n'ont pas pu être évacués.
     Les experts internationaux comme ceux de l'UNSCEAR (1) ne veulent pas admettre les conséquences de Tchernobyl sur la santé. Ils ont mis plus de cinq ans à accepter, du bout des lèvres, que l'épidémie de cancers de la thyroïde chez les enfants était bien due aux iodes radioactifs émis par Tchernobyl, mais sinon rien d'autre, à part des effets "psychologiques ". La seule aide internationale va-t-elle être d'envoyer psychiatres et divans au Bélarus ? 
     Les experts internationaux n'admettent pas l'augmentation des malformations congénitales pourtant bien documentée par Lajzuk (2) et dont l'incidence augmente avec le niveau de contamination du sol. Parmi ces malformations on observe une montée des malformations cardiaques. D'après le Pr. Tchitchko (3) en 1999 près de 6000 enfants souffrant de cardiopathies congénitales attendaient un traitement chirurgical en Bélarus. Dans la région de Gomel parmi 1714 enfants souffrant de cardiopathies congénitales et examinés en 1999, 95 étaient nouveaux nés et 39 sont morts dans l'année. Dans la région de Moguilev, parmi 1169 enfants examinés en 1999, 76 nouveaux nés et 43 sont morts dans l'année. 
     Il nous faut insister sur le fait que l'incidence la plus faible des malformations et cardiopathies congénitales est enregistrée dans la région " propre " de Vitebsk, comme cela a aussi été le cas pour l'incidence des cancers de la thyroïde chez les enfants, or la région de Vitebsk au nord du Bélarus a été la plus épargnée par les retombées de Tchernobyl. Qu'il y ait des cofacteurs autres que les radionucléides c'est probable, mais ces deux séries distinctes d'observations ne sont pas dues au hasard. N'est-ce pas suffisant pour montrer l'influence néfaste des radionucléides alors que le sol contaminé produit de la nourriture contaminée responsable de l'irradiation chronique interne des habitants?
suite:
     Des mutations minisatellites de novo chez les enfants nés de parents vivant en zones contaminées sont observées, plus nombreuses quand le niveau de contamination est plus élevé et sont la marque qu'il y a bien une action au niveau des gènes dont on ignore quel peut être l'impact sanitaire dans le futur (6). Ce n'est pas lié aux radiations disent les experts. Ils n'admettent pas l'augmentation de morbidité chez les enfants, qu'il s'agisse d'anémies, de troubles du système cardio-vasculaire, des systèmes musculo-squelettique, génito-urinaire, d'asthme, de troubles mentaux, de retard de puberté, de diabète comme l'a indiqué le Pr. Tchitchko (3). 
     Qu'est-ce qu'une " preuve " pour les experts
     Ce qui importe à ces experts c'est d'avoir une relation entre les effets observés et la dose d'irradiation reçue et que tout soit compatible avec ce qui était officiellement reconnu avant Tchernobyl sur les effets des rayonnements ionisants. S'il n'y a pas cette relation, ils nient l'effet. Si la dose reçue calculée d'après les modèles officiels est trop faible ils nient l'effet. Dans ces modèles bio-cinétiques et dosimétriques le corps humain est décomposé en divers " compartiments " constitués d'organes et tissus (poumons, tractus gastro-intestinal, coeur, etc.). Pour chaque radioélément les doses engagées sont calculées organe par organe ou tissu. Pour calculer la dose efficace on applique aux doses-organes des coefficients (dont la somme vaut 1) et on additionne ces doses. Tous ces modèles ont été initialement établis par les experts de la Commission Internationale de Protection Radiologique pour des travailleurs sous rayonnement afin de calculer les doses engagées suite à l'ingestion ou l'inhalation ponctuelle d'un becquerel d'un radioélément donné. Ces modèles sont obligatoirement réducteurs, basés sur la bio-cinétique de rétention du radionucléide pour un homme " standard ". Pour chaque radionucléide il y a des tableaux donnant les doses à l'organe et la dose efficace qui sont désormais calculées en fonction de l'âge de l'individu exposé. Tableaux faciles à appliquer : " tel âge, tant de becquerels, d'où on déduit telle dose ". 
     Ces experts ne se posent plus la question : comment ont été établis ces modèles, quelle base expérimentale les a validés alors que le plus souvent ce ne sont que des modèles mathématiques. Ils ne se posent pas non plus la question : quelles doses calculer et comment les calculer dans les conditions spécifiques et multifactorielles post-Tchernobyl où un cocktail de radionucléides a été émis dans l'environnement, où la reconstruction des doses reçues en 1986 et après 1986 (et à recevoir la vie durant) est quasiment impossible par une contamination chronique et non pas ponctuelle avec synergie possible d'autres polluants. Est-ce que ces calculs ont un sens, sont-ils adaptés à des ingestions et inhalations chroniques de plusieurs radionucléides par des enfants, chacun agissant simultanément sur des organes différents dont les modèles considèrent a priori qu'ils sont sans interactions entre eux. C'est là un modèle purement mécaniste et qui ne peut que nier la complexité du vivant. Ces doses calculées ne devraient servir que de repères car on ne sait pas faire mieux. 
     Les experts ne sont pas infaillibles
     ils se sont trompés pour les cancers de la thyroïde. On est surpris de voir que d'éminents collègues de Youri Bandazhevsky, interrogés par l'agence Belta après sa condamnation aient pu jeter la suspicion sur l'importance des travaux de Bandazhevsky parce que les doses sont trop faibles pour avoir un effet biologique et que ses travaux ne sont pas cités dans les rapports de l'UNSCEAR, alors qu'être cité est le " signe du professionnalisme de leurs auteurs dans le domaine de la radiologie ". C'est la raison pour laquelle nous allons d'abord démontrer en annexe la faillite des dogmes qui sous-tendent le consensus international sur les effets des rayonnements
p.8

     Ces dogmes proviennent de l'étude des survivants japonais des bombes atomiques et ne peuvent pas s'appliquer tels quels à l'irradiation chronique à laquelle sont soumis les habitants du Bélarus. Ce que l'on peut attendre de ces études des survivants c'est la recension de pathologies qui se sont avérées radioinduites. Par contre la façon dont elles s'expriment au cours du temps est liée aux conditions spécifiques d'irradiation. Rappelons que l'irradiation des survivants a été essentiellement externe et reçue en un temps très court, la dose moyenne des survivants qui font partie de la cohorte du suivi épidémiologique a été estimée à 0,2 sievert. 
     Ces études ne peuvent pas permettre de prédire ce qui se passe au cours du temps par irradiation chronique interne de plusieurs radionucléides où des pathologies radioinduites pourraient survenir plus tôt comme pour les cancers thyroïdiens. On ne peut exclure que la contamination chronique puisse induire des effets nouveaux.
     Le "syndrome dû à l'incorporation de radionucléides à longue période radioactive " (4). 
     Un grand nombre d'examens cliniques de première main ont été effectués, des résultats de tests immunologiques, hématologiques et biochimiques ont été analysés par le Pr. Bandazhevsky et ses collaborateurs de l'Institut de médecine de Gomel au sein même de la population d'une zone très contaminée par les retombées de Tchernobyl y compris dans les zones rurales où la consommation de produits locaux aboutit à une charge corporelle en Césium 137 plus élevée qu'en ville pour des classes d'âge comparables d'enfants (le lait est plus contaminé, l'alimentation comporte largement poisson, baies des forêts, gibier, champignons accumulateurs de Cs 137). C'est l'état sanitaire de milliers d'adultes et d'enfants qui a été l'objet d'une investigation rigoureuse. 
     Pourquoi cet acharnement contre Bandazhevsky ? N'est-ce pas parce que dans cet écheveau compliqué de l'ensemble des causes responsables des pathologies, qu'elles impliquent ou non les radiations, il a réussi à tirer un fil conducteur, à savoir la charge corporelle en Cs137[1]des personnes examinées ou leur concentration moyenne corporelle en Cs137 ? La charge corporelle est déterminée à partir d'un examen anthropométrique donnant l'intensité de la raie d'émission du Cs137 ce qui est une mesure physique directe et incontestable. 
     C'est ainsi qu'à partir de données cliniques, de tests de laboratoire, à partir d'autopsies ‚.-adultes et enfants- et d'expérimentations animales, le Pr Bandazhevsky trouve que l'incorporation chronique de radionucléides à longue durée de vie comme le césium 137 joue un rôle moteur dans les processus pathologiques. Le Cs137 incorporé est pathogène, il conduit à une détérioration des structures des membranes cellulaires et aux dysfonctionnements de leurs processus métaboliques, à des altérations morphologiques et fonctionnelles interdépendantes entraînant des troubles de tous les systèmes et organes vitaux (coeur, foie, reins, glandes endocrines). La gravité des désordres créés augmente avec la concentration en Cs137 dans les organes qui sont atteints simultanément et d'une façon chronique par ce radiotoxique dont la répartition n'est pas homogène entre les différents organes du corps comme le montrent les mesures faites lors d'autopsies. 
     Toutes ces altérations découlent d'un processus pathologique spécifique que Youri Bandazhevsky a appelé " syndrome de l'incorporation des radionucléides à longue période ", qui, par altération de l'intégrité de la structure et de la fonction d'organes et des systèmes endocrinien et immunitaire peut entraîner des maladies nouvelles pour le sujet ou aggraver les maladies préexistantes. C'est aussi l'accumulation de Cs137 dans le placenta qui modifie la production des hormones et est à l'origine des pathologies survenant au cours de la grossesse et après l'accouchement.
suite:
     En annexe nous donnons en exemple les anomalies cardiologiques et de la vision chez les enfants dont la gravité augmente linéairement avec la concentration moyenne de Césium 137 dans le corps. Même s'il y a d'autres cofacteurs ceci prouve leur corrélation au Cs137. Ces maladies sont bien dues à Tchernobyl. 
Ajoutons que certaines de ces pathologies du coeur, foie, etc. ont fini par émerger " avec une précision statistique " suffisante chez les survivants d'Hiroshima et Nagasaki bien longtemps après leur irradiation par le flash de la bombe et sont donc à considérer comme des maladies radioinduites (voir en annexe). Pour les habitants victimes de Tchernobyl, le temps s'est " comprimé ", ces pathologies existent depuis des années déjà. 
    Conclusion : les conséquences de Tchernobyl vont durer longtemps.
     Les experts, les autorités sanitaires internationales ont été très surpris par l'irruption des cancers de la thyroïde des enfants en Bélarus et aussi en Ukraine et Russie. Désormais de l'iode stable est distribué près des centrales françaises. Mais il n'y a pas eu que des iodes radioactifs dans l'environnement. On doit considérer les cancers thyroïdiens comme des bio-indicateurs de la contamination. Le Cs-137 va durer encore longtemps (son activité sera divisée par 1000 en l'an 2286) tout comme le Sr-90 dont on ne parle guère. Les émetteurs alpha (comme le plutonium 239, période 24400 ans) commencent à troubler les scientifiques par les instabilités génomiques qu'ils induisent, les dégâts collatéraux qui se manifestent en dehors de la cellule directement touchée (5). Appliqué à Tchernobyl ceci veut dire une action plus néfaste que prévu des particules chaudes de combustible, présentes certes en moins grand nombre que dans la zone interdite mais tout de même présentes ailleurs (peut-être au delà de Vietka le long de l'Ipout, du Beced, du Soj, car là, il y a beaucoup de strontium 90 il y a vraisemblablement aussi du plutonium [2]). Or non seulement des particules chaudes ont été émises en 1986 lors de l'explosion du réacteur mais du plutonium 241 a aussi été émis qui se désintègre avec une période de 14 ans pour donner de l'américium 241, émetteur alpha‚... 
     ( Et peut-on exclure a priori d'autres effets encore inconnus pour les rayonnements à faible transfert linéique délivrés d'une façon chronique en synergie avec des polluants chimiques ?). 
     Contrairement aux hypothèses initiales des experts, le césium 137 est toujours dans les couches superficielles du sol. Les habitants des zones contaminées sont donc soumis à une irradiation interne chronique par la consommation d'aliments de production locale, y compris les baies des forêts et les champignons, ressources lucratives traditionnelles au Bélarus. Aucune collectivité aussi importante n'a été soumise pendant longtemps - et cela va continuer- à l'action conjuguée et chronique d'un cocktail de radionucléides tels que ceux qui polluent la terre et sont remis en suspension lors des travaux des champs ou du moindre incendie de forêt comme l'a décrit E. Konoplya dès octobre 1990 lors du séminaire international de Luxembourg sur l'impact sur l'environnement des rejets des accidents nucléaires Kychtym, Windscale, Tchernobyl. 
     Des pathologies affectent la population. Elles sont observées par les médecins locaux mais sont niées par les autorités internationales qui invoquent le " stress " sans critères scientifiques, car aucune étude épidémiologique n'a été réalisée ni même tentée pour corréler des niveaux de stress mesurés et des niveaux de contamination. 
     En résumé le problème essentiel, du point de vue de la santé publique, est donc de connaître l'impact sanitaire de cette contamination chronique qui conduit à des pathologies visibles en particulier chez les enfants pour pouvoir y remédier au mieux, ce qui nous amène à formuler les conclusions suivantes :
p.9

     Depuis Claude Bernard et son Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (1865) l'activité scientifique repose essentiellement sur l'observation. Apparemment ce n'est pas le point de vue de ceux qui nient la réalité vécue dans les zones contaminées de l'ex-URSS car pour eux les modèles bio-cinétiques et dosimétriques ne sont pas des modèles, mais des dogmes. On est passé de la médecine expérimentale à la médecine institutionnelle qui n'est pas fiable car celle-ci a l'échine souple vis-à-vis de toute instance officielle et n'a que faire de la réalité des faits. 
     Confronter les interprétations aux résultats expérimentaux, aux données sur le terrain, les discuter, cela est primordial dans l'activité scientifique. Les interprétations avancées par Youri Bandazhevsky ne sont pas orthodoxes et de ce fait ne sont pas admises par ses pairs. Comment peut s'effectuer cet indispensable débat d'idées alors que le principal auteur de la controverse est en prison ? Ceci est inadmissible du point de vue de la science elle-même, de la progression des connaissances dans le domaine scientifique au cours de l'histoire, là où il est montré que même les théories erronées peuvent être source de progrès des connaissances à condition qu'il n'y ait pas une chape de plomb interdisant le débat d'idées. 
     Le gouvernement du Bélarus doit faire face à des problèmes sans précédent. Il a impérativement besoin de l'aide internationale. Il est immoral que ses habitants vivent dans ce contexte de dégradation sanitaire où la mortalité l'emporte sur la natalité d'une façon aussi tragique pour l'avenir du pays. Il y a un problème à résoudre à ce sujet : les instances internationales nient les problèmes sanitaires qui se posent au Bélarus, comme le montrent les conclusions du rapport de l'UNSCEAR 2000 et n'y trouvent que des problèmes psychologiques à résoudre. Dès lors :
     - comment espérer avoir l'aide d'organismes aveugles à ce qui se passe réellement si on met en prison les scientifiques qui sont susceptibles de les éclairer ? 
     - comment espérer avoir l'aide des ONG qui pourraient compenser la carence des organismes officiels si les médecins, les scientifiques du Bélarus n'osent plus dire la vérité de peur de subir des brimades administratives et, pire, de connaître eux aussi la prison. Comment espérer l'aide des ONG si les praticiens sur le terrain restent silencieux? 
     La détention en prison du Pr. Youri Bandazhevsky verrouille toute aide réelle possible à votre pays. Il est urgent de le libérer rapidement afin de permettre un véritable "état des lieux" auquel participeraient tous les praticiens locaux, en particulier les pédiatres, témoins de la situation sanitaire des enfants. Il est urgent de le libérer pour qu'il continue ses travaux, utiles non seulement aux habitants du Bélarus, mais à nous tous.

Annexe

Irradiation et pathologies radioinduites

     Les experts internationaux ne sont pas infaillibles. L'exemple du cancer de la thyroïde et les dogmes de base.

     Le monde médical et scientifique a été sceptique et les réactions ont été virulentes lorsque ont été publiés en 1992 les données sur l'augmentation spectaculaire de l'incidence des cancers thyroïdiens chez les enfants du Bélarus (7). La controverse a été vive : les experts ont nié la réalité des faits car cette augmentation ne pouvait pas être due à Tchernobyl : 
     1) le temps de latence était trop court et l'iode 131 était réputé moins cancérogène que le rayonnement externe vis-à-vis de la thyroïde 
     2) une augmentation de leucémie n'était pas observée [3]


     Il a bien fallu se rendre à l'évidence, ces cancers des enfants de moins de 15 ans étaient dus aux rejets d'iodes radioactifs de Tchernobyl (iode 131 et iodes à vie courte), ils ont été aussi observés en Ukraine et en Russie mais en moins grand nombre. Désormais ce sont les adolescents qui sont le plus atteints. 

suite:
     Chez les adultes le nombre de cancers de la thyroïde continue à augmenter surtout chez les femmes. 
     Il n'y a pas que le cancer, d'autres pathologies thyroïdiennes (thyroïdites, goitres, adénomes) ont été en augmentation chez les enfants et affectent désormais les adolescents (8). 
     .Il faut analyser les dogmes qui ont permis l'aveuglement des experts car ils sont tenaces. 
     Le dogme de base : la leucémie, seul effet précoce de l'irradiation. Les études sur les survivants japonais des bombes atomiques
     Le suivi épidémiologique LSS (Life Span Study) d'une cohorte de 120.000 survivants d'Hiroshima et Nagasaki n'a commencé qu'en 1950, cinq ans après les explosions d'août 1945 et, au départ, cette étude de mortalité par cancer n'a montré qu'un accroissement de mortalité par leucémie. D'où le dogme que le seul effet précoce d'une exposition aux rayonnements est l'apparition de leucémie et rien d'autre. Rappelons qu'il s'agit essentiellement de rayonnement externe, flash en un temps très court. 
     Les études de morbidité grâce au registre AHS (Adult Health Study) ont concerné moins de personnes au départ (environ 20 000 en 1950, 11000 en 1985 à cause des migrations). Elles montraient, mais sans signification statistique, sur un suivi de 1958-1971 (13 à 26 ans après l'exposition) que la thyroïde des enfants et adolescents était plus radiosensible que celle des adultes (9) avec d'autres pathologies que le cancer et une sensibilité des femmes plus élevée, la cancérogenèse étant toujours présente 40 ans après l'exposition (10). 
     Ce n'est qu'en 1993 et 1994 que seront publiées les études d'incidence de cancer et autres pathologies du suivi LSS sur la période 1958-1987 montrant sans ambiguïté une augmentation de l'incidence des cancers thyroïdiens et de pathologies thyroïdiennes autres que cancéreuses en fonction de la dose reçue, avec un risque accru chez ceux qui ont été irradiés avant l'âge de 20 ans (11) (12). 
Conclusions

     1) Dans les deux situations, survivants japonais et victimes de Tchernobyl, ce sont les individus qui ont été exposés dans leur jeune âge qui sont les plus touchés. Tout se passe donc comme s'il y avait un décalage temporel de 20 ans, voire davantage entre les pathologies affectant les survivants de Hiroshima et Nagasaki et les affections thyroïdiennes observées chez les habitants du Bélarus qui ont été exposés au panache radioactif et vivent dans des zones contaminées par les retombées de Tchernobyl comme s'il y avait compression du temps de latence dans l'expression des pathologies liées à Tchernobyl. 

     2) Contrairement aux affirmations initiales des experts internationaux la contamination interne par les iodes radioactifs est aussi efficace que l'irradiation externe, non seulement dans la cancérogénèse mais aussi dans des pathologies non cancéreuses. La population du Bélarus qui a été exposée aux iodes radioactifs est numériquement sans précédent‚ -par rapport aux victimes des retombées des essais nucléaires des Iles Marshall - et les niveaux d'irradiation ont pu être très élevés. Il ne faut pas oublier que la contamination en iode 131 du lait a dépassé 1 million de becquerels par litre au mois de mai 1986 en Biélorussie méridionale et qu'elle a duré plus de 3 mois dans certaines zones (l'activité est divisée par 1000 au bout de 80 jours). 
     A propos de quelques pathologies observées au Bélarus

     Au Bélarus il n'y a pas eu que le rayonnement externe du panache et des dépôts au sol, ni que les iodes radioactifs. Les habitants des zones contaminées sont soumis en permanence aux faibles doses d'une irradiation chronique à la fois externe par les dépôts au sol mais surtout interne via la nourriture produite sur des terrains contaminés par différents radionucléides, essentiellement le Cs137 (sans toutefois oublier le Strontium 90 et les transuraniens). Le problème essentiel, du point de vue de la santé publique, est donc de connaître l'impact sanitaire de cette contamination chronique. 

p.10

     Comme nous l'avons indiqué précédemment, Bandazhevsky a fait une étude systématique du paramètre physique qu'est la charge corporelle en césium 137 en relation avec l'ensemble des effets observés (cliniques, biochimiques, structurels et morphologiques) et aussi par expérimentation animale. 
     Nous nous bornerons à un bref aperçu. 
     Anomalies cardio-vasculaires et contamination chronique
     L'incorporation de Cs137 est un des facteurs étiologiques majeurs dans l'augmentation de la tension artérielle observée chez les enfants vivant dans les zones contaminées à plus de 15 Ci/km2 ce qui montre déjà que le Cs137 joue un rôle dans le système cardio-vasculaire. C'est une des contributions les plus importantes, me semble-t-il, du Pr. Bandazhevsky et de son équipe quant aux effets observés sur la fonction cardiaque qui montre sans ambiguïté le rôle néfaste du Césium 137 en particulier chez les enfants et qui permet, dans certains cas, d'y porter remède. 
     Par la pratique d'électrocardiogrammes systématiques (ECG) et la mesure conjointe de la concentration corporelle en Césium 137 Bandazhevsky a démontré la dépendance linéaire des altérations de la fonction cardiaque et de la concentration corporelle des enfants en Cs137 (exprimée en Bq par kg de poids de l'enfant, Bq/kg). La gravité augmente avec cette concentration. Des analyses biochimiques avec recherche d'enzymes du sérum sanguin reflétant l'activité métabolique sont aussi effectuées. 
     - Plus de 500 enfants ont été examinés (14), de cinq districts diversement contaminés en Cs 137, de moins de 1 Ci/km2 (Grodno, Minsk), à 1-5 Ci/km2 (Gomel) à 15-40 Ci/km2 (Vietka, Svietilovitch). Les enfants sont répartis pour chacun des districts en 5 sous-groupes de concentrations corporelles croissantes de 0-5 Bq/kg ; 11-25,9 ; 26-36,9 ; 37-74 et à plus de 74 Bq/kg. En comparant les électrocardiogrammes des enfants en fonction de la concentration corporelle on constate que plus celle-ci augmente et plus le nombre d'ECG normaux diminue, avec apparition d'arythmies et de troubles de la conduction cardiaque. En-dessous de 5 Bq/kg tout est normal. Dans la gamme des 5 Bq/kg, 85% des ECG sont normaux. Quand la concentration augmente, le nombre d'ECG normaux diminue et entre 74 et 100 Bq/kg il n'y a plus que 12% d'enfants avec un électrocardiogramme normal. 
     - Ceci est très clair à Gomel où les électrocardiogrammes de 227 jeunes enfants d'âge préscolaire (3-7 ans) montrent déjà des anomalies fonctionnelles : le pourcentage d'enfants avec anomalies de l'ECG augmente linéairement avec la concentration corporelle de 11 à 74 Bq/kg. Nous donnons ci-après ces pourcentages en fonction de la concentration corporelle : 
Concentration (Bq/kg) 0     11-25,9     26-36,9     37-74     >74 
% ECG anormaux       -       62,8           77,6           0,7         --
     Certaines arythmies sont si sévères à Gomel que des enfants doivent recourir à une stabilisation médicamenteuse du rythme (autrefois on observait ce genre d'altération chez les adultes, jamais chez les enfants[4]. 
     - Dans le village de Svietilovitch (contamination surfacique de 15-40 Ci/km2) sur 55 enfants âgés de 7 à 16 ans il n'y a que 3 enfants avec un ECG normal. Des enfants ayant une concentration en Cs137 de 100 Bq/kg ressentent des douleurs dans la région cardiaque. Murmure systolique et son sourd sont perçus durant l'auscultation. 
     - Des dysfonctionnements cardiaques sont observées chez 155 bébés (âgés de 14 jours à 14 mois) dans 98,1 % des cas et chez leur mère dans 90,3% des cas. Mères et bébés sont en résidence permanente à Gomel où ils sont soignés à l'hôpital clinique des enfants. Seuls 3 bébés avaient un électrocardiogramme normal.
suite:
     La prescription d'un entérosorbant pendant 5-6 jours a fait baisser la concentration moyenne en Cs137 de 34,93 (+/-3,30) Bq/kg à 25,43 (+/-2,54) Bq/kg ce qui est significatif et en même temps a fait baisser les anomalies (14). Ceci est très important car cela ne peut que modifier le devenir de l'enfant dans un sens favorable. Cette amélioration des symptômes quand du césium est éliminé est une preuve complémentaire du rôle du Cs 137 dans l'atteinte cardiaque. 
     - Les autopsies de 408 enfants et adultes de la région de Gomel décédés pour raisons diverses montrent dans 99 % des cas des altérations des myofibres et nécroses du tissu cardiaque. Le myocarde apparaît comme un des organes qui concentre le plus de Cs137 qui serait ainsi une des causes essentielles du décès. 
     Les modifications structurelles sont analogues à celles qui sont observées sur les coupes effectuées sur des animaux de laboratoire nourris avec du grain contaminé ou auxquels on a fait ingérer une solution contenant du Cs137. 
     Tout ceci dresse un bilan assez sombre de la situation (auquel on doit ajouter les décès de bébés par cardiopathies congénitales). 
     Ce bilan n'est pas accepté par les experts : pour une concentration moyenne du corps en Cs137 de 70 Bq/kg la dose annuelle efficace d'un enfant de 10 ans est de 0,2 mSv d'après les modèles officiels discutés dans la première partie. Trop faible pour avoir un effet, disent les experts. Mais les faits sont là, les ECG présentent des anomalies et des enfants ne vont pas bien. 
     Altérations de la vision chez l'enfant
     L'oeil est très sensible à l'action du Cs137 comme le révèlent les examens effectués en 1996 et 1997 chez les enfants des zones très contaminées de Vietka et Svietilovitch (15-40 Ci/km2). 
     Cataractes à Vietka
     Les enfants sont répartis en 3 groupes selon leur concentration corporelle en Cs 137 (0-20 ; 21-50 ; >50 Bq/kg). Comme nous l'avons constaté précédemment pour les anomalies cardiologiques, là aussi l'incidence de la cataracte augmente linéairement en fonction de la concentration corporelle en Cs 137. Elle est de 5% pour les enfants à concentration moyenne en Cs137 la plus faible, passe à 17% pour le groupe médian et atteint 23% pour les enfants ayant le plus de Cs 137 dans le corps. 
     Remarque : les instances internationales reconnaissent la cataracte comme étant un effet déterministe des rayonnements lors d'une irradiation externe aiguë mais le seuil de dose est très élevé (~ 2 grays) et plus élevé encore s'il s'agit d'une irradiation chronique externe. 
     Or voici qu'un article récent (16) indique l'apparition à Taïwan d'opacités du cristallin chez les enfants et les jeunes de moins de 20 ans exposés à une irradiation chronique externe, à faible débit de dose, par du rayonnement gamma émis par le cobalt 60 de recyclage présent dans l'acier des bâtiments où ils résident. Le nombre d'altérations du cristallin augmente d'une façon significative avec la dose et les auteurs soulignent la nécessité d'un suivi à long terme. 
     Bref aperçu d'autres pathologies et anomalies
     Les autopsies d'habitants de la région de Gomel montrent que la répartition du Cs137 n'est pas homogène dans le corps car Bandazhevsky mesure par spectrométrie gamma le Cs137 contenu dans les différents organes. Il trouve que le Cs137 se concentre davantage dans les organes vitaux (concentration donnée en Bq/kg) tels que le coeur, le foie, les reins, les glandes endocrines. Là encore Bandazhevsky constate que les altérations des fonctions et structures de ces organes sont liées à leur concentration en Cs137.
p.11

     - L'examen des coupes révèle des altérations du myocarde dans 98,6% des décès par causes multiples. Qu'il s'agisse d'adultes ou d'enfants les modifications morphologiques et structurelles sont identiques à celles relevées chez les animaux de laboratoire soumis à une alimentation riche en Cs137. 
     - Des dommages prononcés aux reins sont rencontrés dans 88,8% des cas de mort subite et dans les décès enregistrés à l'hôpital de Gomel alors que les personnes ne souffraient pas d'affection rénale de leur vivant. Sur certains sujets il a été observé une destruction partielle des glomérules. 
     -Le foie est atteint de stéatose et de cirrhose dans 43% des cas. 
     -Les glandes endocrines sont altérées 
     Troubles du métabolisme chez l'enfant
     Ce sont des résultats de tests sanguins chez les enfants d'âge préscolaire (3-7 ans) de Gomel (1-5 Ci/km2) qui sont résumés ici. Lorsque la concentration moyenne du corps dépasse 30 Bq/kg en Cs137 on note une diminution statistiquement significative de protéines, albumine, créatinine, cholestérol dans le sang en même temps que la concentration en ions calcium augmente ce qui montre une détérioration des fonctions de synthèse effectuées par le foie. Les dysfonctionnements atteignent aussi le pancréas car une diminution du glucose est observée. 
     Dégradation du système immunitaire chez l'enfant
     Chez les enfants de Gomel l'activité phagocytaire des neutrophiles lymphocytaires est diminuée de même que le taux des IgA (immunoglobulines) alors que les IgM augmentent par rapport à ce qui est observé dans la région plus " propre " de Grodno. Par contre les taux d'IgM sont comparables. Pour Bandazhevsky ces modifications des indicateurs immunitaires expliquent que les maladies infectieuses enregistrées au Bélarus soient plus nombreuses récemment, notamment dans les régions les plus contaminées en Cs137 (tuberculose, hépatite virale, affections respiratoires aiguës). 
     Normalement il y a des corrélations spécifiques entre les hormones thyroïdiennes, les immunoglobulines et les indicateurs du métabolisme (urée, créatinine etc.). Les enfants des zones contaminées à plus de 15 Ci/km2 et dont la concentration corporelle en Cs137 est très élevée perdent ces corrélations. On voit apparaître des allergies au lait de vache chez des enfants d'âge scolaire de Svietilovitch. 
     Modifications du système hématopoïétique dans les zones contaminées
     A Gomel, Vietka et Svietilovitch on observe chez les enfants de ces zones contaminées une anémie macrocytaire. A Vietka et Svietilovitch où les concentrations corporelles sont les plus élevées le sang est appauvri en leucocytes (neutrophiles et monocytes) alors que le nombre de lymphocytes est augmenté et que les plaquettes diminuent. (Les comparaisons sont faites par rapport à la zone moins contaminée de Grodno). 
     Système reproducteur
     Il s'avère que le système reproducteur féminin est très sensible à l'incorporation du Cs137 qui modifie complètement le processus de l'ovulation et du cycle menstruel. 
     L'incorporation de Cs137 chez les jeunes femmes conduit à une inversion du cycle hormonal : ainsi pour une concentration corporelle en Cs137 dépassant 40 Bq/kg c'est une réduction de progestérone et une augmentation d'estradiol qui sont observées dans la seconde moitié du cycle et l'inverse dans la première moitié conduisant au bouleversement du cycle menstruel et à la stérilité
     Le Cs137 incorporé d'une façon chronique a donc un rôle beaucoup plus perturbant que le rayonnement externe qui provoque une stérilité temporaire pour des doses aux ovaires élevées (environ 3 gray). 
     Conclusion : rappelons ici quelques études récentes sur les survivants d'Hiroshima et Nagasaki qui peuvent donner des pistes pour les pathologies radioinduites. 
     Dans une publication de 1999 l'étude de mortalité sur un suivi de 40 ans (1950-1990) montre une association avec le rayonnement qui est significative pour les affections suivantes : maladies cardio-vasculaires, attaques cérébrales, maladies digestives et respiratoires, affections des systèmes hématopoïétiques (15). 
suite:
     Il n'y a pas que la mortalité: le suivi clinique des survivants (morbidité) montrent que sont corrélés à la dose reçue lors du " flash " les infarctus du myocarde, les attaques cérébrales, des indicateurs d'athérosclérose, l'hypertension, ainsi que les maladies chroniques du foie (11). 
     Ainsi nombre d'affections du système cardio-vasculaire et du foie décrites par Bandazhevsky s'avèrent être radioinduites chez les survivants des bombes quand le suivi est prolongé suffisamment
     Pour expliquer leurs résultats les auteurs (15) font plusieurs hypothèses et évoquent un mécanisme qui pourrait être la cause de ces affections, celui des déficiences du système immunitaire. 
     Signalons que les travaux de Titov ont montré des variations importantes des immunoglobulines chez les enfants du Bélarus dès les premiers mois après Tchernobyl et désormais constate l'augmentation des allergies (17). Bandazhevsky trouve chez les enfants vivant dans les zones contaminées un système immunitaire perturbé. 
     Avant de nier a priori la réalité des observations du Pr. Bandazhevsky, il serait important de reconnaître que même dans le cas simple d'une irradiation externe, les mécanismes de développement des maladies sont mal connus mais que sont invoquées des déficiences du système immunitaire. Les experts peuvent-ils prouver que le système immunitaire des enfants n'est pas atteint par la l'irradiation interne chronique qu'ils subissent ?
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     Additif : Remarque à propos des cancers autres que thyroïdiens. En 1994 ont été publiés les résultats du suivi 1958-1987 des survivants japonais. Un excès de risque significatif où l'incidence croît linéairement avec la dose est trouvé pour de nombreux cancers solides : sein, estomac, colon, poumon, ovaire, vessie, thyroïde, foie, cancer de la peau autre que le mélanome, glandes salivaires (12). 

     Au Bélarus, le rapport de 1996 de l'Académie des sciences donne la dynamique de l'incidence de certains cancers. Pour les hommes on observe une augmentation des cancers du rein, de la vessie, du colon. Pour les femmes colon, rein et surtout thyroïde dont l'incidence a été multipliée par 6 entre 1986 et 1994. 
     Cancer du sein: le suivi commencé en 1950 de la cohorte des femmes japonaises ayant survécu aux bombes atomiques a montré vers les années 70 une augmentation de l'incidence du cancer du sein, linéaire en fonction de la dose surtout pour la tranche d'âge 10-19 ans au moment de l'irradiation (pour des doses inférieures à 0,5 gray). Le fait nouveau du suivi 1950-1980 publié en 1987 a été la mise en évidence d'un excès de cancer chez les femmes ayant été exposées au flash avant l'âge de 10 ans. Ainsi la période pré-pubertaire est aussi vulnérable aux radiations (13). Et au Bélarus ? Des rapports préliminaires indiquaient une augmentation du cancer du sein dans les zones contaminées. Il paraît très important de suivre l'évolution de l'incidence du cancer du sein parmi les femmes ayant subi les plus fortes expositions en 1986-87 en tant qu'enfants ou adolescentes mais aussi parmi les enfants et adolescentes d'aujourd'hui vivant en zone contaminée. En effet le système endocrinien est complètement perturbé comme l'indiquent les retards de puberté observés (3). De plus, Bandazhevsky souligne le rôle du Cs137 incorporé dans les anomalies du cycle menstruel avec déséquilibre du couple d'hormones progestérone/estradiol chez les adolescentes et les jeunes femmes (4) et qui peut être un facteur clé de la stérilité. Il ne serait pas surprenant que les radionucléides incorporés d'une façon chronique puissent induire une augmentation de l'incidence de cancer du sein.

Notes
1 - La charge corporelle en Cs137 est exprimée en becquerels. En divisant cette charge par le poids du corps on obtient la concentration moyenne de Cs137 dans le corps, par kg de poids de l’individu examiné. Elle est donc exprimée en becquerels par kg (Bq/kg).
     Le césium n’est pas réparti de façon homogène dans les différents organes du corps. Youri Bandazhevsky tient compte de la concentration en Cs137 dans les organes et tissus exprimés en Bq/kg de poids de cet organe ou tissu.
 p.12

2 - A Stari Bobovitchi, région de Bryansk en Russie au-delà de la frontière, la terre renfermait 112 Bq/kg de Pu238, 239, 240 (H. C. Chivdko, Radiobiologuiya, tome 31, vol 6, 1991 et Gazette nucléaire 157/158)
3 - Il faudrait dire n’était pas “documentée comme les cancers de la thyroïde”, car des médecins locaux ont observé une augmentation de leucémies. D’autre part si le système immunitaire est amoindri, les enfants peuvent décéder d’affections -pulmonaires par exemple- avant que la leucémie ait pu se déclarer. C’est la raison pour laquelle les études doivent porter sur un ensemble de pathologies.
4 - Il s’agit du “Belosorb 11”. Des entérosorbants à base de pectines (obtenue à partir des pommes) sont aussi très efficaces pour entraîner le Cs qui est éliminé par les selles.
Références

(1) UNSCEAR 2000, Report to the General Assembly, with Scientific Annexes, Sources and Effects of Ionizing Radiation. Overview. The Radiological Consequences of the Chernobyl Accident. (Vol. 1, p.4, article 19).

(2) Lajzuk G. I. et al Frequency changes of inherited anomalies in the Republic of Belarus after the Chernobyl accident, Radiation Protection Dosimetry, 1995, vol. 62, n1/2, 71-74.
Lajzuk G. et al, Genetic consequences of the Chernobyl Accident for Belarus Republic, Research Reactor Institute, Kyoto University, Research Activities about the Radiological Consequences of the NPS Chernobyl Accident and Social Activities to Assist the Sufferers by the Accident KURRI-KR-21, p. 174-177.
(3) Tchitchko Alexis, Conséquences de Tchernobyl : des cardiopathies congénitales chez les enfants vivant en zones contaminées par Tchernobyl ? 4ème journée de conférences médicales et rencontres hospitalières sur les conséquences médicales de l'accident de Tchernobyl sur la population biélorusse, Lille, 14 mars 2000, organisée par l'Association Avicenne avec le concours du Conseil Régional Nord - Pas de Calais.
(4) Structural and functional effects of radioisotopes incorporated by the organism, Ed. Pr. Yu. Bandazhevsky, Gomel 1997. Medical and biological effects of radiocesium incorporated into the human organism, Minsk 2000. [Il est dommage que ces traductions en anglais soient médiocres].
(5) Kadhim M.A. et al Transmission of chromosomal instability after plutonium alpha-particule irradiation, Nature, vol. 355, 20 February 1992
suite:
Kadhim et al Long-Term Genomic Instability in Human Lymphocytes Induced by Single-Particule Irradiation, Radiation Research, Vol. 155, n°1, p. 122-126. 
(6) Dubrova Y. E. et al Human minisatellite mutation rate after the Chernobyl accident, Nature, vol. 380, 25 April 1996. Further evidence for elevated human minisatellite mutation rate in Belarus eight years after the Chernobyl accident, Mutation Research, , 381 (1997) 267-278. Reply to a letter " Effects of radiation on children ", Chlyoko Sato, Mieko Kodaira, Nature, 383, 11 sept. 1997.
(7) Thyroid cancer after Chernobyl, Scientific Correspondence, Nature, vol. 359, 3 Sept. 1992, 21-22, letter from Kazakov V. S. et al ; letter from Baverstock K. et al.
Gazette Nucléaire 119/120, 1992. En Biélorussie : cancers de la thyroïde chez les enfants. (pas encore numérisé complètement)
(8) Yuri Demidchik, Thyroid cancer in Bélarus after Chernobyl, Lille, mars 2000, Ibid. Conséquences médicales de l'accident de Tchernobyl sur la population biélorusse.
(9) Parker L.N. et al. Thyroid carcinoma after exposure to atomic radiation. A continuing survey of a fixed population, Hiroshima and Nagasaki, 1958-1971. ABCC-TR 5-73, in Shuji Inoue
(10) Shuji Inoue et al. Thyroid diseases among A-bomb survivors in Nagasaki, (sujets examinés entre 1984-1987). TR-12-92
(11) Wong F. L. et al. Non cancer disease incidence in the atomic bomb survivors 1958-1986, RERF TR 1-92, Radiation Research (1993) 135 :418-430.
(12) Thompson D. E. Mabuchi K. et al. Cancer incidence in atomic bomb survivors, Part II, Solid tumors 1958-1987, Radiation Research, (1994), 135 :S17-S67.
(13) Masayoshi Tokunaga et al. Incidence of female breast cancer among atomic bomb survivors (1950-1980), Hiroshima and Nagasaki. RERF TR 15-84, et Radiation Research (1987), 112, 243-272.
(14) Yu. I. Bandazhevsky, Radioactive Caesium and Heart, Minsk, 2001.
(15) Yukiko Shimizu, Donald A. Pierce et al. Studies of the Mortality of Atomic Bomb survivors. Report 12, Part II. Non Cancer Mortality, 1950-1990, Radiation Research,152, 374-389, (1999).
(16) Wei-Li Chen et al Lenticular Opacities in Populations Exposed to Chronic Low-Dose-Rate Gamma Radiation from Radiocontaminated Buildings in Taiwan, Radiat. Res. (2001) 156, 71-77
(17) Titov L. P. Conséquences de Tchernobyl, Lille, mars 2000, Ibid. Résumé, Etude des marqueurs d'allergies chez des enfants biélorusses vivant en zones contaminées.
p.13

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