Pendant des décennies les prédictions
d’épuisement des énergies fossiles les plus demandées,
pétrole, puis gaz naturel, tenaient de la farce. Le monde disposait
toujours d’environ quarante années de réserves, l’épuisement
des gisements en exploitation étant compensé par la découverte
de nouveaux gisements exploitables aux prix courants du moment. Ces prévisions
négligeaient toutefois les besoins des pays du tiers-monde, 80%
de la population mondiale, ayant de grandes ambitions socio-économiques
et une population croissante (Hamon, 2000).
Ce n’est qu’assez récemment
que la situation s’est dégradée, la faiblesse des prix courants
ne justifiant ni l’exploitation des gisements connus de pétroles
ultra-lourds sont exploités, le gaz naturel n’est plus brûlé
à la sortie des puits, et la prospection et l’exploitation des zones
difficiles (gisements sous-marins arctiques ou très profonds, Asie
centrale) sont en cours. La pénurie de pétrole et de gaz
naturel nous guette toujours, mais à plus longue échéance
(Bauquis, 2001 ; Desmaret, 2001 ; Hamon, 2002 a).
Le climat terrestre a toujours
été en perpétuelle évolution, mais raisonnablement
stable et favorable à Homo sapiens au cours des dernières
100 000 années, bien documentées par les carottages glaciaires
et de nombreuses autres technologies (Huet, 2000). Ce climat résulte
d’un équilibre entre l’énergie solaire reçue, et celle
renvoyée dans l’espace par le rayonnement terrestre. Cet équilibre
dépend de la concentration dans notre atmosphère de gaz à
effet de serre, vapeur d’eau, gaz carbonique, méthane (gaz naturel)
et autres de moindre importance quantitative. Sans l’influence des gaz
à effet de serre, la Terre serait une planète glacée,
impropre à la vie. Grâce à ces gaz, la température
moyenne de notre planète au niveau du sol est de l’ordre de 15°
Celsius, depuis des millénaires. Cette stabilité est compromise
par la production anthropique croissante de gaz carbonique et de méthane,
résultant de l’utilisation massive d’énergies fossiles conventionnelles,
lignite, charbon, pétrole, gaz naturel, depuis le début de
l’ère industrielle. Pour faciliter les comparaisons, ces émissions
anthropiques sont quantifiées en termes de tonnes équivalent
carbone (Le Treut & Jancovici, 2001).
La biosphère peut
recycler naturellement, annuellement, quelques trois milliards de tonnes
équivalent carbone de gaz à effet de serre, alors que nous
en émettons six milliards de tonnes dont les excédents ont
une durée de vie de l’ordre du siècle. Réduire les
émissions à 50% de leur présent niveau ne limiterait
en rien l’influence des émissions excédentaires antérieures
de gaz à effet de serre. Pour compenser 20 années de production
à 200% du niveau tolérable, soit 1981-2000, il faudrait 20
années de production nulle, soit 2001-2020. Le protocole de Kyoto,
prônant un retour aux niveaux d’émissions de 1990, relève
du cautère sur une jambe de bois (Anonyme, 2001 ; Dalle, 2001).
A partir d’une certaine
augmentation de la température terrestre, l’évolution du
climat pourrait ne plus dépendre des émissions excédentaires
de gaz à effet de serre par suite du relargage progressif du gaz
carbonique dissous dans la couche supérieure des océans,
de la production de méthane par les marécages de la région
arctique cessant d’être gelés la majeure partie de l’année
et, peut-être, par la libération de tout ou partie des hydrates
de méthane actuellement immobilisés dans le permafrost.
Réduire les émissions
de gaz à effet de serre provenant d’énergies fossiles conventionnelles
pose un problème politique majeur. Plus de la moitié de ces
émissions proviennent des grands pays industrialisés, habités
par moins de 17% des terriens ;
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doivent-ils réduire leurs émissions
à moins de 5% de leur présent niveau, ou peuvent-ils demander
aux pays du tiers monde assurant moins de la moitié de ces émissions
et habités par plus de 83% des terriens, de sacrifier leurs perspectives
de développement socio-économique au bénéfice
des pays industrialisés (Agarwal, 1999 a). Depuis Kyoto, en dépit
de la modestie des objectifs retenus, toutes les tentatives de concertation
internationale sur le partage des restrictions ont échoué
sur ce point.
Le Conseil de l’Europe,
très actif dans ce domaine, en est resté aux propositions
du Protocole de Kyoto et n’envisage donc aucune action compatible avec
l’ampleur du problème à résoudre (Olrich, 2001 ; Tiuri,
2001). La Communauté européenne à recommandé
de faire passer à plus de 20% la proportion des énergies
renouvelables dans la production d’électricité, qui en moyenne
est déjà presque à ce niveau (Bouchereau et Dormoy,
2001), alors que l’objectif devrait être de faire passer la part
des énergies renouvelables à 90%, ou plus, de la consommation
totale d’énergie ; en France où cette part est de l’ordre
de 8 à 10% (Mays, 2001), l’effort à accomplir sera énorme.
La sous-estimation communautaire de la gravité de la situation (Palz,
2001) est dramatique (Mortgat, 2001).
Différentes options
sont envisageables pour réduire la production de gaz à effet
de serre d’origine fossile : réduire la demande énergétique,
séquestrer le gaz carbonique, et faire appel à des puits
de carbone.
Une portion notable de l’énergie
consommée et gaspillée sans bénéfice pour qui
que ce soit. Celava d’une mauvaise conception des logements (Salomon et
Bedel, 1999), à une politique des transports et de production à
flux tendus hyper-gaspilleuse (OCDE, 1997 ; Sivardière, 2000), à
des pertes d’énergie électrique en ligne évitables,
et à des modes d’occupation des sols, de production et de vie à
la limite de l’irresponsabilité (Hamon, 2001 a ; Jancovici, 2001).
Réduire ces gaspillages demandera des décennies, le renouvellement
et la rénovation de l’habitat étant très lents, et
le remplacement de la route par le rail, au sens large de ces termes, demandant
d’énormes investissements et de grandes dépenses énergétiques
(Lajoinie, 2000). Par ailleurs il ne semble pas exister de consensus sur
la manière de rendre notre agriculture réellement durable
(de Ravignan, 1988 ; OCDE, 1995 ; Hamon, 1997 ; Pochon, 1998 ; Bové,
Dufour & Luneau, 2000).
Il est technologiquement
possible, avec un coût énergétique non négligeable,
de capturer le gaz carbonique à la sortie des centrales
thermiques puis de le séquestrer dans les profondeurs de la terre
: mines de charbon abandonnées, gisements de gaz et de pétrole
en fin d’exploitation, aquifères salés, profondeurs marines,
cette approche restant expérimentale (Mays, 2001 a), ce qui implique
évidemment une grande concentration des centrales thermiques et
le transport à longue distance tant du gaz carbonique liquéfié
que de l’électricité et, éventuellement, de l’hydrogène
produit par cracking. Les océanographes ont fait des réserves
concernant l’innocuité biologique de l’injection de gaz carbonique
dans les profondeurs marines (Guillemot, 2002).
Les arbres, lors de leur
croissance, absorbent le carbone atmosphérique, et le restituent
à l’atmosphère lorsqu’ils meurent, la balance atmosphérique
étant nulle. Ce fait a échappé aux négociateurs
des conférences sur la stabilisation du climat qui ont proposé
de traiter les forêts, et même les sols non cultivés,
comme des puits de carbone durables (Chauveau, 2002) alors que les forêts
tropicales disparaissent à vue d’œil, que les forêts tempérées
vont être dévolues à la production de bois de chauffe,
et toutes les terres arables disponibles utilisées pour la production
de biocarburants, libérant en passant la majeure partie de leur
carbone.
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L’Office parlementaire français
d’évaluation des choix scientifiques et technologiques vient de
publier un rapport sur
L’état actuel et les perspectives techniques
des énergies renouvelables (Birraux & Le Déaut, 2001).
Bien que rédigé dans le contexte du Protocole de kyoto, cette
étude constitue une excellente base pour déterminer ce qui
paraît possible, et ce qui ne l’est pas. Ce rapport paraît
sous-estimer le potentiel de la géothermie (Dickson & Fanelli,
2001) et surestimer celui des biocarburants liquides (Hamon, 2001 a). Le
potentiel d’énergie marine (Hanreich, 2001) n’a pas été
évoqué. Les auteurs n’accordent pas un grand potentiel à
l’éolien ni au photovoltaïque du fait de leur caractère
fluctuant, difficilement prévisible dans le cas de l’éolien
; ces points faibles, bien connus (Scheer, 2001) ne peuvent être
compensés que par des procédés de stockages d’énergie
d’un faible rendement (Hamon, 2001 b) ou bien un adossement à des
centrales thermiques conventionnelles ; on peut toutefois envisager, dans
le contexte d’une généralisation de l’appel au bois de chauffe,
de mettre en place une capacité éolienne et photovoltaïque
modérément excédentaire, d’utiliser cette électricité
excédentaire lors des périodes climatologique favorables
pour plaquetter les grumes puis sécher les plaquettes et, lorsque
soleil et vent font défaut, mettre en route des centrales à
bois automatisées.
Le climat se modifiant,
les prévisions concernant les potentiels énergétiques
éolien, hydraulique et des dérivés de la biomasse
sont fort aléatoires.
La problématique
climatique est maintenant bien documentée au niveau international,
ce qui rend puériles, sinon criminelles, les tentatives faites pour
en minimiser l’importance ou rechercher des échappatoires à
l’action (Agrwal, 1999 b ; Chemillier-Gendreau, 2000 ; Dalle, 2001). Une
stabilisation du climat terrestre paraît fort improbable au cours
du 21ème siècle et le pire (Anonyme, 2001), sans être
certain, paraît très probable (Morin, 2001 a & b).
Agarwal, A., 1999 a – Making the kyoto protocol
work. Ecological and economic effectiveness, ans equity in the climate
regime. – Centre for science and environment, New Delhi, 16 pp.
Agarwal, A., 1999 b. – Adressing the challenge
of climatic change. How poor nations could save the world. – Centre for
science and environment, New Delhi, 21 pp.
Anonyme, 2001. – IPCC issue synthesis report
for policymakers. – Renewable energy World, 4 (6) : 11.
Birraux, C & Le Déaut, J.-Y.,
2001. – L’état actuel et les perspectives techniques des énergies
renouvelables. Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques. - Document de l’Assemblée nationale n° 3415
du Sénat n° 94, Paris, 348 pp.
Beauquis, P.-R., 2001. – Besoins et approvisionnements
en énergie à l’horizon 2050. – Découverte, 293 : 18-29.
Bouchereau, J.-M. & Dormoy, C.,
2001. – Le Monde n’est pas une marchandise. – La Découverte &
Syros, Paris, 240 pp.
Chauveau, L., 2002. – La planète mise
à sac. – Le Monde Diplomatique/Manière de voir, 52 : 34-36.
Dalle, C., 2001. – Cesser d’aggraver le désastre
climatique mondial. – Courrier de l’environnement de l’INRA, 44 : 84-88.
de Ravignan, F. 1988. – L’intendance ne suivra
pas. Essai sur l’agriculture française. – La Découverte,
Paris, 166 pp.
Desmaret, T., 2001. – Internationalisation
des marchés : vers une nouvelle organisation. – C. R. des Quatrièmes
rencontres parlementaires sur l’énergie, Palais Bourbon, Paris,
pp. 6-7.
(suite)
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suite:
Dickson, M. & Fanelli, M., 2001.
– Hidden resources, geothermal energy. – Renewable energy World, 4 (4)
: 210-217.
Guillemot, H., 2002. – Océanographie.
Les organismes marins très sensibles au CO2. – Science
& Vie, 1012 : 31.
Hamon, J., 1997. – A quoi ressemblera la France
métropolitaine dans un siècle ? Quel avenir pour son entomofaune
? – Bulletin de la Société linnéenne de Bordeaux,
25 : 53-69.
Hamon, J., 1997. – Demain, quelles énergies
? – Sud-Ouest nature, 106-107 ; 9-12.
Hamon, J., 2001 a. – Implications de la prochaine
crise de l’énergie pour l’occupation et l’exploitation des sols
en France métropolitaine. – Ingénieurs de la Vie, 455 : 30-33.
Hamon, J., 2001 b. – L’hydrogène, une
énergie d’avenir ? – Le Mois Scientifique bordelais, 220 : 1&4.
Hamon, J., 2002 a. – Les énergies renouvelables
et l’entomofaune. – sous presse.
Hamon, J., 2002 b. – Fin du monde, ou début
d’un monde nouveau ? – sous presse.
Hanreich, G., 2001. – Sustainable and secure.
Towards a european strategy for energy supply. – Renewable energy World,
4(3) : 134-140.
Huet, S., 2000. – Quel climat pour demain ?
Editions Calmann-Lévy, Paris, 238 pp.
Jancovici, J.-M, 2001. – Energie et choix de
société. – Découverte, 293 : 56-64.
Lajoinie, A., 2000. – Transports en France
et en Europe : éviter l’asphyxie. – Les documents d’information
de l’Assemblée nationale, Paris, 2533 : 297 pp.
Le Treut, H. & Jancovici, J.-M, 2001. –
L’effet de serre : allons nous changer le climat ? – Editions Flammarion,
Paris, 128 pp.
Mays, P., 2001 a. – Séquestration géologique
de CO2, le BRGM en première
ligne. – Technique, 210 : 17-18.
Mays, P., 2001 b. – Bilan 2000 des énergies
renouvelables en France. – Environnement & Technique, 210 : 37-38
Morin, H., 2001 a. – Le dérèglement
de la machine climatique pourrait durer des millénaires. – Le Monde,
3 octobre 2001 : 27.
Morin, H. 2001 b. – L’évolution du climat
réserve parfois des surprises inévitables. Des changements
brutaux se sont déjà produits. – Le Monde, 15 décembre
2001 : 27.
Mortgat, B., 2001. – Produire son électricité
à partir d’énergies renouvelables : plus d’indépendance
pour les entreprises et les collectivités ? – Environnement &
Technique, 212 : 51-54.
OCDE, 1995. – L’agriculture durable. Questions
de fond et politiques dans les pays de l’OCDE. – monographie OCDE,
Paris, 77 pp.
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à l’énergie et aux transports. Implications environnementales
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Olrich, T.I., 2001. – Basis of an energy strategy
for Europe. – Conseil de l’Europe, Document 8653, 32 pp.
Palz, W., 2001. – Les technologies des énergies
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Scheer, H., 2001. – Le solaire et l’économie
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for fulfilling the targets od the Kyoto Protocol (to the United Nations
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p.21
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