GAZETTE NUCLÉAIRE
189/190, mai 2001
L'URANIUM APPAUVRI

(Suite)
I - Extraits de "l'uranium est mortifère qu'il soit civil ou militaire (janvier 2001)
Roger Belbéoch

     Dans le numéro précédent 187/188 les éléments présents soit dans l'uranium appauvri, soit dans l'uranium naturel ont été présentés. Je rappelle seulement que l'uranium 238 est en équilibre avec ses 2 descendants (thorium 234 et protactinium 234, deux émetteurs bêta, gamma) en 120 jours. Que la présence de 236 ne rend pas l'uranium appauvri plus dangereux mais que, par contre cette présence signe un séjour en réacteur et la présence d'autres produits que la chaîne de l'uranium.
     Cependant on peut conclure que l'uranium naturel (puis enrichi ou appauvri en U 235) " renferme outre U238, U236, U234, trois autre radioéléments : Th234, Pa 234 pour U238 et Th231 pour U235. Ceci est valable quelque soit le composé chimique, à l'état massique ou en poudre, qu'il s'agisse d'un stockage d'oxyde d'uranium appauvri comme à Bessines ou de poussières d'oxydes d'uranium comme celles formées et dispersées après impact d'obus perforants à uranium appauvri."

A LIRE ABSOLUMENT /
L'URANIUM APPAUVRI : la guerre invisible de M. Meissonnier, R. Trilling, F. Loore (Robert Laffont)

     La présence de l'uranium 236
     Cet isotope n'existe pas à l'état naturel. Il provient de l'activation de l'isotope 235 dans un réacteur nucléaire. On le trouvera donc dans l'uranium de retraitement des combustibles usés, à la fois militaires et civils (et dans tous les composés qui en seront issus). On le trouvera aussi dans l'uranium enrichi obtenu à partir de cet uranium de retraitement et dans l'uranium appauvri qui en résulte.
     Ce qui est généralement ignoré c'est que des normes commerciales sont en vigueur, basées sur le code américain ASTM (American Society for Testing and Materials). On peut supposer que ces normes s'appliquent aux " dérivés" de l'uranium appauvri que sont les flèches perforantes des obus américains... Mais ce qui est certain c'est que ce sont celles qui sont adoptées en France par la COGEMA ainsi que le spécifie un document du dossier COGEMA obtenu après l'enquête publique lors du projet de stockage de 265 000 tonnes d'oxyde d'uranium appauvri U308 à Bessines dans le Limousin. (Cet "entreposage" fut abaissé à 199 900 tonnes et accepté par le Préfet malgré l'avis négatif exprimé par la Commission d'enquête. Des containers sont déjà arrivés sur le site et stockés dans ce qui semble être de simples hangars agricoles). Ce dossier nous permet d'avoir quelques renseignements sur les pratiques industrielles, qu'elles soient civiles ou militaires.
     En quoi consistent ces "normes ASTM" ? D'après ce document intitulé "Sur la prise en compte d'uranium 236 dans l'U3O8 appauvri", cette norme " ASTM C787-90" admet que l'uranium peut être considéré commercialement comme de " l'uranium naturel " si la concentration en U236 ne dépasse pas 20 ppm (0,0020 %, 2 10-5), I'U236 étant considéré comme une impureté car "comme pour toute substance ayant été manipulée et conditionnée, la pureté absolue ne peut être garantie".

suite:
     Cette norme ASTM serait en vigueur à l'usine Eurodif. Concernant l'usine W de Pierrelatte, (où s'effectue la défluoration de l'hexafluorure d'uranium), cette usine peut avoir des clients pour lesquels la norme C787-90 de 20 ppm n'est pas respectée et l'arrêté préfectoral de la Drôme (n° 4249 du 17 décembre 1991) fixe à 0,01 % la concentration maximale en U236. « Cette même teneur pourra se retrouver dans le sesquioxyde [appauvri] stocké ».
     C'est donc une norme commerciale de l'American Society for Testing and Materials qui fait office de loi en France et transforme l'uranium appauvri en uranium appauvri "naturel" bien qu'il renferme de l'U236 !
     Dans ce texte COGEMA il est spécifié que la norme ASTM, pour l'uranium issu du retraitement est beaucoup plus élevée et limite la teneur en U236 à 8400 ppm (0,84%).
     Le premier résultat du laboratoire suisse ayant analysé des résidus d'obus tirés au Kosovo par l'OTAN indique une teneur de 28 ppm, soit 0,0028%. Ceci est troublant car cette teneur est proche de celle de l'uranium appauvri considéré comme "naturel" par les normes commerciales ASTM. (La plage d'erreur n'a pas été communiquée par le laboratoire). Il serait très important de connaître la teneur réelle en U236 des uraniums appauvris américains y compris de ceux issus du retraitement (voir plus loin).
     U236 est un émetteur alpha dont la période est de 23,42 millions d'années. Sa désintégration produit du thorium 232 émetteur alpha dont la période est de 14,1 milliards d'années. Le Th232 ne contribuera pratiquement pas à l'activité alpha d'un uranium renfermant de l'U236, qu'il s'agisse de débris d'obus ou d'un stockage comme à Bessines. (Il faudra attendre 70 milliards d'années pour que l'équilibre radioactif soit atteint).

Activité alpha de U236
par rapport à l'activité alpha de U238

      A masses égales de ces deux isotopes, le 236 sera 192,4 fois plus actif que le 238 
     (4,468 milliards / 23,42 millions)x(238/236) = 192,4
     Pour différentes compositions de l'uranium appauvri (UA) on a donc une activité alpha de U236 rapportée à celle de U238 suivant le tableau:
Nature du produit teneur en U236
Activité alpha U326 ( par rapport à celle de U238
UA "naturel" Norme ASTM 2,0 10 -5

Mesure suisse 2,8 10 -5

UA de Pierrelatte 10,0 10 -5

192,4 x 2,0 10 -5 = 0,38 %

192,4 x 2,8 10 -5 = 0,54 %

192,4 x 1,0 10 -5 = 1,9 %

     L'uranium appauvri accepté à Pierrelatte est ainsi relativement riche en U236. Sa contribution à l'activité alpha de l'uranium ne dépasserait pas 2% de celle de U238 et serait inférieure à 0,7% si l'on tient compte des descendants à vie courte de U238.
     A partir des teneurs en U238,234,235,236, indiquées par COGEMA pour les uraniums appauvris on en déduit leur activité. L'activité calculée de l'UA dit "naturel" est de 40 millions de becquerels par kilo (40MBq/kg), celle de l'UA de Pierrelatte 46 MBq/kg. Ces deux valeurs sont légèrement inférieures à 50MBq/kg, activité de l'uranium naturel.

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     Présence de radioéléments parasites
     Aucun traitement de purification chimique ne peut être réalisé avec un rendement de 100% qui éliminerait tous les éléments parasites présents au départ dans le matériau traité. Mais si l'on traite des composés d'uranium qui ne sont pas passés dans un réacteur nucléaire on est certain à 100% qu'il n'y aura ni U236 ni plutonium ou autres !
     Le combustible usé contient un grand nombre d'éléments chimiques (produits de fission et produits d'activation). La présence de traces de plutonium est donc possible. Comme l'uranium appauvri déjà en cours de stockage à Bessines contient de l'uranium 236 issu du retraitement, on ne peut exclure la présence de traces de plutonium. (Il peut aussi exister des traces de Ruthénium106/Rhodium106, Ruthénium103 et de bien d'autres produits de fission émetteurs gamma).
     Il faut mentionner que la concentration en plutonium (Pu) dans l'uranium de retraitement après purification chimique sera d'autant plus grande que la concentration en plutonium dans le combustible usé avant retraitement sera élevée.
     Les USA ne retraitant pas le combustible usé des réacteurs civils, si les obus contiennent de l'uranium appauvri issu du retraitement (prouvé par la présence de U236) il s'agit d'un uranium en provenance de réacteurs nucléaires militaires.
     En général, les militaires ne tiennent pas à avoir beaucoup d'isotopes de plutonium supérieurs au Pu239. Ceci exige un court séjour du combustible dans les réacteurs. Dans ces conditions le rapport Pu239/U238 devrait être plus faible dans les combustibles usés militaires que dans les combustibles usés des réacteurs civils qui séjournent plus longtemps dans les réacteurs.
     Ainsi les « traces » de plutonium dans l'UA issu du retraitement des combustibles usés pourraient être plus importantes dans les stocks d'UA pollués de Bessines que dans les obus américains car l'uranium appauvri de retraitement provient essentiellement de combustibles usés de réacteurs civils.
     Cependant on doit tenir compte du fait que sont autorisés dans le commerce des UA issus de l'enrichissement d'uranium de retraitement qui, d'après les normes ASTM, peuvent contenir des teneurs en U236 jusqu'à 8400 ppm soit 0,84%. Dans ce cas l'U236 devient majoritaire par rapport à U238, son activité alpha est 1,68 fois celle de U238. 

II - A propos de la mise en orchestration de la culpabilité de l'uranium 236
Roger et Bella Belbéoch, 17 janvier 2001

     Cet isotope de l'uranium est de plus en plus mis en cause, à la fois par les autorités officielles et par certains opposants, pour expliquer les maladies des soldats après l'utilisation des obus américains à uranium appauvri en Irak, en Bosnie et au Kosovo.
     Concernant la toxicité chimique de cet isotope, il a les mêmes propriétés chimiques que ses frères 234, 235, 238 et par conséquent la même toxicité chimique.
     Concernant la radiotoxicité des isotopes d'uranium, (toxicité due au rayonnement qu'ils produisent en se désintégrant), qui décroît, à activité égale, lorsqu'on passe de U 234, à U 236, U 235, U 238, elle diffère de quelques pour cents avec une fourchette inférieure à 17 % dans le cas de l'inhalation. 

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Ainsi le 236 n'est pas très différent des 3 autres isotopes comme le prouve la limite annuelle d'incorporation voisine de celle des autres uraniums. La limite annuelle d'incorporation (LAI) fixe la quantité de becquerels d'un radioélément que l'on « peut » incorporer, LAI par inhalation et LAI par ingestion, avant de dépasser la limite de dose déclarée « admissible », soit 1 millisievert d'après la directive européenne (qui n'est toujours pas légalisée en France). Ces LAI sont la signature de la radiotoxicité d'un radioélément, plus elle est basse plus le radioélément est radiotoxique.
     Pourquoi se polariser sur l'uranium 236 ? L'argumentation repose sur le fait qu'U 236 n'est pas un résidu issu de l'enrichissement d'uranium naturel mais d'uranium provenant du retraitement des combustibles usés des réacteurs nucléaires. L'uranium de retraitement peut être contaminé par certains produits de fission (des lanthanides en particulier) qu'il n'est pas possible d'éliminer totalement lors du retraitement. De là à conclure que peut-être ce serait eux les produits dangereux ? Mais pour l'instant il n'y a pas de résultats d'analyses permettant d'étayer cette hypothèse dont la conséquence est qu'on change de suspect: En effet, les américains ne retraitent pas les combustibles usés de leurs réacteurs nucléaires civils. Il ne peut donc s'agir que du combustible issu de réacteurs militaires. Ainsi la gravité de ce qui était imputé à l'uranium appauvri tombe sous la responsabilité et la culpabilité de l'industrie nucléaire militaire, dédouanant du même coup l'industrie nucléaire civile.
     L'uranium civil serait sans danger. Haro sur le militaire. On voit tout de suite l'intérêt d'une telle argumentation: les obus américains sont dangereux mais les 199 900 tonnes d'oxyde d'uranium appauvri qui vont être stockées en Limousin à Bessines, aucun danger, ne vous inquiétez pas.
     L'absence d'uranium dans les urines de soldats malades a été présentée comme la preuve de l'innocence de l'uranium appauvri. Cette argumentation évacue deux processus :1) on oublie le rayonnement externe qui ne contamine pas l'organisme mais qui est nocif. 2) Seul l'uranium éliminé par les reins est détecté par analyse d'urine. Or le test des urines n'est pas approprié quand l'uranium est fixé sur un organe ou un tissu particulier. Ainsi s'il est fixé sur la moelle osseuse rouge il peut être à l'origine de leucémie. Un soldat atteint de leucémie peut ne pas avoir eu des tests positifs d'urine lorsqu'ils ont été effectués. Il faudrait l'autopsier et analyser tous ses organes...
     Rappelons que ne sont pas connus, ou n'ont pas été communiqués, les paramètres physico- chimiques et structuraux des poussières ingérées et inhalées par les soldats (et par les populations civiles), que dépendant de ces paramètres, les organes les plus sensibles peuvent être différents (surfaces osseuses, moelle osseuse rouge, poumons etc). Bien que les experts aient établi des normes de radioprotection il est possible que tout cela soit mal connu, au moins aussi mal connu que les diverses variétés d'oxydes d'uranium du diagramme uranium- oxygène. On ignore comment joue l'auto-irradiation alpha dans la fragmentation des poussières, comment peut se modifier au cours du temps leur solubilité dans les fluides de l'organisme etc. En fait, on a trop peu d'informations sur les durées de rétention des uraniums sous formes chimiques variées dans les divers organes du corps humain pour conclure d'une façon péremptoire que l'absence d'uranium dans les urines permet de nier d'une façon absolue la présence d'uranium dans différents organes du corps pouvant causer des leucémies ou des cancers de tumeurs solides dans les années à venir.
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III - CONTAMINATION RADIOACTIVE PAR L'URANIUM " APPAUVRI"
Le 3 février 2001
Henri Pezerat, Toxicologue, Directeur de recherche honoraire au CNRS


     L'actualité, suite aux opérations militaires en Irak et dans les Balkans, oblige à poser la question des risques de contamination radioactive par 1'uranium.
     C'est une question à laquelle des travailleurs s'affrontent journellement sur divers sites industriels, en particulier à Malvesi (près de Narbonne et à Pierrelatte. Plusieurs cas de leucémies y sont été repérés et, à chaque fois, les autorités (Cogema, CEA, etc...) et la médecine du travail tentent de nier un risque pourtant bien réel.
     C'est le même problème pour les populations civiles et militaires qui ont été exposées à des poussières radioactives -riches en fines particules d'oxyde d'uranium- formées lors de l'inflammation de l'uranium métal, porté à haute température par l'impact des obus sur les cibles.
     Est-on en droit de considérer comme plausible un risque lié à la radio toxicité de telles poussières ? Il est probable qu'il y a eu des expérimentations animales secrètes permettant de répondre à cette question.
     A défaut d'en connaître les résultats, il est possible d'exposer les raisons qui justifient de considérer que le risque est bien réel.
     L'inhalation de poussières relativement insolubles, de type oxydes d'uranium, conduisant à une incorporation à un niveau supérieur ou égal à la limite de dose annuelle de 1 millisievert (l mSv), est capable de générer des cancers, car il n'y a pas de dose seuil, et il est connu que de tels composés conduisent à une fixation d'uranium sur certains organes, comme les os, pendant plusieurs années.
     A la dose de l mSv correspond pour un adulte une inhalation de radioéléments de la famille de l'uranium (sous une forme chimique classée comme insoluble) ayant une activité de 125 Becquerels (Bq). Pour un enfant, à la même limite de dose de l mSv, correspondra l'incorporation de poussières ayant seulement une activité de 34 Bq.
     Ces valeurs, et quelques autres qui suivent, sont extraites du document de Roger Belbéoch du 30 janvier 2l001 .
     Par ailleurs 1 mg d'Uranium appauvri (U.A.) -en tenant compte de la présence en son sein d'un fraction résiduelle en uranium 235 et de 10 ppm d'U 236- a une activité de l'ordre de 40Bq. Cette activité est calculée à partir de l'activité d'U 238 en équilibre avec ses deux descendants à vie courte Th et Pa 234, et de 1'activité d'U 235 en équilibre avec son descendant à vie courte, le Th 231. A noter que ces équilibres sont atteints très rapidement.
     Dans le cas de l'U 238 qui représente l'essentiel de 1'U. A., la présence des descendants entraînent une multiplication de l'activité par 3. Th 234, Pa 234 et Th 231 sont trois radioéléments émetteurs béta, y, permettant une irradiation des tissus en beaucoup plus grande profondeur que les émissions a des U 238 et U 235.
     -3mg d'uranium appauvri -soit 3,5mg d'U3O8- admettons 4mg, ont donc une activité supérieure aux 125 Bq nécessaire pour délivrer la dose de 1 mSv.
     Sur ces bases on peut se poser trois questions:
     - Est-il plausible qu'il y ait eu, chez des militaires, inhalation de 4mg d'oxydes d'uranium ?
     - Quels effets radio toxiques pouvaient être attendus ?
     - Peut-on -quelques années après les faits- apporter la preuve de l'exposition passée ?
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     Première question:
     Est-il plausible qu'il y ait eu contamination conséquente par l'U.A sur les champs de bataille ?
     Faute d'analyse d'uranium dans l'air lorsque les vents ont amené les nuages de poussières formés lors de l'impact de bombes, sur les soldats du champ de bataille, on peut du moins apporter une réponse probable à cette question à partir des données suivantes:
     - 4mg d'U3O8 ne représentent qu'un faible volume, de l'ordre de 0,5 mm3, ce qui est peu
     -L'incorporation par inhalation est modélisée par des expérimentations animales sur des babouins, décrites par exemple par Métivier et al (2). En 2 heures les babouins accumulent dans leurs poumons, par inhalation d'aérosols, de l'ordre de 5mg d'UO2 ou d'U3O8 en fines poussières.
     Or les poumons humains représentent un volume accessible 17 fois plus important, et si les concentrations d'uranium dans l'air inhalé ont été beaucoup plus faibles, les expositions ont pu s'étaler sur plusieurs semaines.
     -En nombre de particules, si l'on suppose que les poussières ont un diamètre moyen de l'ordre de 2 micron, les 4mg d'U3O8 vont représenter quelques dizaines de millions de particules, ce qui est beaucoup moins que ce que l'on pourrait penser, puisque c'est la charge habituelle, en nombre de particules minérales, de l g de poumon sec chez l'homme moyen.
     Le poids moyen des poumons humains sec étant de l'ordre de l00 g, les 4mg d'U308 vont représenter -en nombre de particules - 100 fois moins que la charge minérale moyenne des poumons humains dans leur totalité.
     Compte tenu du très grand nombre de bombes à l'U.A utilisé dans ces opérations militaires, il apparaît donc plausible que des militaires et des civils aient pu être contaminés.

     Seconde question:
     Quels effets sur la santé est-on en droit d'attendre suite à une contamination interne par inhalation de poussières d'U308 ?
     Deux types d'effets peuvent être attendus:
     - Des effets "directs", extrêmement divers et souvent ignorés par la littérature médicale française.
     La fatigue est un symptôme constant. Elle peut s'étaler sur plusieurs années. L'anorexie, les nausées, les atteintes des glandes salivaires, de la spermatogenèse, de l'intestin, des bronches, etc., sont des phénomènes qui surviennent plus ou moins rapidement et qui peuvent persister pendant plusieurs années.
     - Des effets cancérogènes peuvent survenir: leucémies et tumeurs solides. Les leucémies peuvent commencer à apparaître deux ans après l'exposition, les tumeurs solides, comme le cancer broncho-pulmonaire, pouvant se manifester de 10 à plus de 20 ans après la première exposition.
     La plus grande confusion règne sur les relations dose-effet, et il ne manque pas de partisans aveugles du nucléaire pour affirmer qu'il n'y a pas d'effet sur la santé en dessous d'une dose-seuil relativement élevée en rems ou en sieverts. Et moins encore d'effets "directs" (qualifiés de psychose) que d'effets en cancérogenèse.

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     Or le concept de dose-seuil, même s'il a été perfectionné en "dose efficace" en prenant en compte la radiosensibilité de l'organe cible, est avant tout fondé sur les effets d'une irradiation à partir d'une source externe à l'organisme, sans prendre en compte, lors d'une contamination interne, le métabolisme des radioéléments et des diverses espèces chimiques induites en milieu biologique par les rayonnements alpha, béta et gamma. L'approche actuelle des effets sur la santé ignore de fait ces phénomènes de métabolisation, c'est à dire de devenir chimique et biologique des radioéléments et des espèces induites, y compris radicalaires Un exemple simple: si la métabolisation se produit dans un compartiment biologique permettant la formation aisée d'un complexe soluble et peu réactif du radioélément, l'effet toxique sera très faible, même pour une dose à priori non négligeable, car le radioélément sera rapidement éliminé dans l'urine.
     Si par contre la nature chimique des espèces formées conduit à des liaisons fortes du radioélément complexé sur des sites biologiques sensibles aux radiations, il y aura non seulement rétention dans l'organisme mais des effets qui pourront s'étaler sur des années. C'est là le domaine de la toxicochimie, quasiment inexploré pour les radioéléments à l'origine d'une contamination interne, le mode le plus fréquent de contamination des travailleurs du nucléaire,, des civils et militaires exposés lors de l'utilisation de munitions à l'U.A.. Et il est important de remarquer, de ce point de vue, que lors d'expérimentation animale mettant en jeu l'inhalation d'oxydes d'uranium chez les babouins, les phénomènes de rétention à long terme tiennent une place importante dans le devenir de l'uranium inhalé.
     Il est certain qu'aujourd'hui personne ne peut expliquer l'ensemble des effets "directs" suite à une contamination interne par des poussières d'oxydes d'uranium, pas plus qu'on ne sait fixer la dose minimale nécessaire pour induire ces effets, et à fortiori une leucémie.
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     Mais par contre on ne pourra encore longtemps nier les faits. Ils ont été et sont encore observés en Biélorussie et en Ukraine suite à des contaminations internes par inhalation et ingestion de populations prétendument peu contaminées par les retombées de Tchernobyl. Ils sont aujourd'hui observés sur les soldats de retour des guerres du golfe et des Balkans. Les faits sont têtus et une partie de la communauté médicale et scientifique ne pourra pas continuer à leur tourner obstinément le dos.
     Les doses minimales en oxydes d'uranium inhalés ou ingérés, susceptibles de générer des effets directs et des effets cancérogènes sont des doses faibles.

     Troisième question: Y-a-t-il des preuves de l'exposition passée ?
     Plus d'un ou deux ans après l'exposition à de telles poussières, peut-on en administrer la preuve ?
     Là encore les modèles animaux sur babouins (2) plaident pour une rétention persistante et quasi stationnaire d'une partie importante de l'uranium inhalé. Le risque a diminué mais il persiste avec une élimination négligeable par voie urinaire. Il est donc illusoire de vouloir caractériser l'exposition passée par des analyses d'urine longtemps après un tel type d'exposition, et l'utilisation de chélateurs pour tenter d'extraire l'uranium fixé dans les os a été un échec.
     Seules des analyses post-mortem de certains tissus seraient susceptible de donner des indications sur la pollution passée.


(1) Roger Belbéoch: L'uranium est mortifère, qu'il soit civil ou militaire (30 janvier 2001)
(2) Métivier et al. Uranium behaviour in the baboon after deposition of a ceramic form of uranium dioxide, etc.-in Radioprotection, (1992), 27, 3, pp 263 à 281.
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