GAZETTE NUCLÉAIRE
189/190, mai 2001

Le plutonium
janvier 2001

 
     Ce numéro est consacré au plutonium, élément radioactif artificiel. Cet élément, radiotoxique dangereux, est, de plus, connu pour sa première utilisation militaire en 1945.
     Comme le souligne A.C. Lacoste dans son avant-propos:
     "Cette matière est aujourd'hui générée de façon continue comme sous produit inévitable de l'irradiation des combustibles dans les centrales électronucléaires de puissance ....... Les quantités de plutonium à venir en France, de l'ordre de 8 à 9 tonnes par an, proviennent en majeures partie de l'exploitation des centrales nucléaires."
     Il conclut : "Ainsi le plutonium présente des risques particuliers, qui appellent une gestion adéquate à tous les stades : entreposage des quantités de plutonium non séparé, sûreté des opérations liées à la transformation de plutonium séparé, surveillance dans l'environnement, immobilisation des quantités non réutilisées et reprise des déchets anciens, sans oublier la maîtrise des aspects relatifs à la non-prolifération."
     J'ajouterai que se mêlent aussi des interprétations sur la fin du cycle et sur la nécessité de valoriser le Pu. Voici d'ailleurs ce que nous avons publié dans la gazette 165/166 (1998) à propos du rapport Mandil-Vesseron
     EXTRAITS DE LA GAZETTE 165/166
     Page 4 et page 5 du rapport deux items sont en contradiction. Le premier est l’affirmation " l’aval du cycle doit continuer, sans a priori, de faire l’objet d’une veille sous différents aspects :
     -les aspects économiques, avec le suivi de l’évolution des ressources en matières premières énergétiques,
     -les aspects techniques, en nouant en tant que de besoin des coopérations avec nos partenaires étrangers, que ce soit dans le domaine industriel ou dans le domaine de la sûreté,
     -les aspects internationaux...,
     -les aspects réglementaires...,
     -les aspects sûreté et évaluation de l’impact sur l’environnement .."
suite:
     Le deuxième est " Il convient que la stratégie actuelle dans l’attente des décisions qui seront prises à l’échéance prévue par la loi, puisse continuer à se développer jusqu’en 2006 dans un contexte harmonieux et en optimisant les performances du parc actuel. Cette optimisation passe par l’autorisation de charger en combustible MOX les 12 réacteurs de 900 MWé qui ne sont pas encore autorisés à le faire, par l’extension des capacités d’entreposage de l’uranium issu du retraitement et par l’augmentation des taux d’irradiation du combustible sous réserve d’une analyse de sûreté préalable.
     Expliquez-moi comment on peut faire une veille sans a priori de tous les aspects du cycle et en même temps moxer, retraiter et augmenter le taux d’irradiation. Finalement pourquoi faire une veille chère, inutile puisqu’on sait déjà qu’on va moxer et retraiter à fond la caisse....
     Notons que ce document se réfère sans arrêt à la loi du 30 décembre 1991 dont la lecture doit être plutôt difficile car chacun interprète à sa façon les différents articles. Répétons que cette loi fait obligation à la nation et aux différents acteurs du nucléaire de prendre au sérieux le problème des déchets. Elle se limite malheureusement aux déchets de moyenne et haute activité à vie longue. Elle n’oblige pas à avoir des solutions en 2006 mais elle ne dit pas non plus qu’on doit s’être englué dans le nucléaire au point de ne plus pouvoir rien faire d’autre pendant des siècles!!
     Enfin tous les espoirs sont permis "ce document constitue une étape et en aucun cas un terme dans la réflexion "
     Sauf que la réflexion s’étant mal engagée et avec pour seuls acteurs ceux du nucléaire, on voit mal comment elle pourrait s’infléchir toute seule.
p.11

Le plutonium
Thierry Charles

     Présentation du plutonium et de ses différents isotopes (15 au total, tous radioactifs et de période variant entre 87,7 ans pour le Pu 238, 24390 ans pour le Pu 239, 387000 ans pour le Pu 242, et quelques minutes pour les Pu 232, 233).
     Le plutonium est produit dans les réacteurs. Ce que l'on cherchait était l'isotope 239 qui sert dans les bombes. Pour l'obtenir on a construit ce que l'on appelait des piles plutonigènes. Les réacteurs Graphites Gaz (UNGG) et les RMBK russes pouvaient servir pour obtenir le 239. Si le plutonium des réacteurs type REP n'a pas la bonne composition isotopique pour réaliser des bombes très opérantes, il peut tout de même être utilisé.
     Il est souligné que ses propriétés nucléaires en font un produit induisant des risques : "afin de fixer un ordre de grandeur, il peut être noté que, sur la base d'une évaluation utilisant des paramètres moyens ou conventionnels, tant pour la composition du plutonium que la dispersion atmosphérique et l'évaluation de dose, l'atteinte d'une dose efficace de 1 mSv, en cas d'inhalation d'aérosols plutonifères par un adulte à une distance de 500 m sous le vent, correspond à un rejet inférieur à 100 mg de plutonium issu du retraitement d'un combustible irradié provenant d'un réacteur à eau sous pression."
     Le plutonium est un corps dont les caractéristiques nécessitent un dimensionnement adapté des stockages :
     -auto absorption partielle du rayonnement -> échauffement, puissance thermique dégagée 0,57 Watts/g (Pu 238) et 0,002 Watts/g pour le 239,
     -radiolyse => production de gaz par exemple l'hydrogène, explosif,
     -pyrophore. Sous forme de poudre métallique, le Pu s'enflamme en atmosphère humide. On doit travailler sous atmosphère inerte (azote par ex)
     - oxyde PuO2, utilisé dans le MOX. stable mais " des chercheurs américains ont mis en évidence une réaction de ce composé avec l'oxygène en présence d'eau, qui forme lentement un composé plus oxydé, jusque là non identifié, pouvant notamment entraîner une mobilité plus grande du Pu en milieu humide oxydant."
     Notons un point important l'émission neutronique des Pu due à la fission spontanée de certains isotopes (238, 239, 240, 242): 162g x 2500 n/s/g+ 5723g x 0,022n/s/g + 2215g x 910n/s/g + 491g x 1700n/s/g = 6,8 millions de neutrons/s pour 1 tonne de combustible enrichi à 3,5 % en uranium 235 et irradié à 33000 MWj/t. Comme on peut le constater un conteneur de transport de combustible irradié émet une copieuse ration de neutrons. La dose reçue en neutrons représente environ 3 fois celle venant des gammas.


Le combustible MOX dans la production d'électricité à EDF
Michel Debès et Gilles Zask

et
La sûreté du combustible MOX en réacteur
Nicolas Tricot et P. Tran Dai

     Ces 2 articles se complètent trop pour que je les sépare. Le premier nous apprend que EDF a pour stratégie l'utilisation du MOX pour permettre "la valorisation des matières séparées tout en respectant l'économie du kWh nucléaire. Elle s'inscrit par ailleurs dans la perspective d'augmentation des taux de combustion moyen des combustibles UO2 et MOX, pouvant aller pour l'UO2 jusqu'à 57 GWj/t en moyenne d'ici 2010 .
     Cette stratégie permet également :
     -le conditionnement sûr, durable et confinant des produits de fission de la réaction nucléaire grâce à la vitrification réalisée à la fin des opérations de retraitement à la Hague,
     -la stabilisation, voire la réduction, de la quantité d'assemblage UO2, irradiés en attente de retraitement, grâce à la moindre quantité de combustible irradié produite lorsqu'on augmente les taux de combustion du combustible,

suite:
     -la concentration du plutonium produit dans les combustibles UO2, dans des assemblages MOX et par conséquent sous un volume réduit (un assemblage MOX irradié pour 7 UO2). Ces assemblages sont alors entreposés pour refroidissement pendant quelques dizaines d'années, ce qui permet de laisser ouverts les choix quant à leur devenir.
     Ceci implique d'améliorer les performances du MOX, afin de maintenir l'équivalence économique avec les UO2 auxquels il se substitue pour la production d'électricité".
     Les affirmations citées ci-dessus sont tout simplement fausses. En effet :
     - Si on ne retraite pas, on évite les rejets et surtout le gros point noir que représente l'usine de la Hague. On laisse le combustible en l'état et on évite tous les déchets technologiques qui représentent de gros volumes,
     -Quant à stabiliser ou diminuer, ceci est une autre histoire. De toute façon seulement 20 tranches sur 28 ont été chargées en MOX et sont autorisées à utiliser ce combustible,
     -Pourquoi vouloir extraire du plutonium si c'est pour le confiner dans un autre assemblage. Hormis les coûts élevés de ce MOX, c'est toute la chaîne de rejets qu'on évite,
     Le premier article ne tient absolument pas compte des problèmes techniques liés à l'utilisation du MOX, problèmes qui sont les suivants :
     "Pour ce qui concerne la physique du coeur, le comportement du combustible MOX diffère de celui tout uranium sur les principaux points suivants :
     1) Les différents isotopes du plutonium ont des sections efficaces d'absorption nettement plus élevées que celles de l'uranium dans le domaine thermique, ce qui entraîne un déplacement du spectre neutronique vers les hautes énergies et une diminution de l'efficacité de tous les absorbants thermiques. En particulier :
     -Les grappes sont moins efficaces, ce qui a nécessité d'accroître le nombre de grappes d'arrêt disponibles en réacteur (53 en UO2, 57 en MOX),
     -le bore soluble a une efficacité plus faible, ce qui a nécessité une augmentation des concentrations en bore requises en exploitation,
     -l'empoisonnement dû au xénon sera diminué et le coeur sera plus stable du fait de la réduction de l'amplitude d'éventuelles oscillations xénon,
     2) Certains coefficients de réactivité (coefficient Doppler, effet de vide, coefficient de température du modérateur) sont augmentée en valeur absolue. Cette caractéristique est défavorable sur la cinétique de certains transitoires accidentels tels que les accidents de refroidissement.
     3) La fraction effective de neutrons retardés est plus faible pour le plutonium que pour l'uranium; le coeur mixte réagira par conséquent avec une cinétique neutronique accrue en cas d'insertion de réactivité et le risque de prompte criticité sera plus important.
     4) La différence de comportement neutronique entre les assemblages mixtes et tout uranium entraîne des pics de puissance aux interfaces entre UO2 et MOX. Afin de réduire ces pics de puissance dans les assemblages périphériques, l'assemblage mixte a dû être zoné. La gestion des pics de puissance aux interfaces introduit également de plus grandes contraintes dans l'élaboration des plans de chargement.
     5) Enfin, la puissance résiduelle du coeur est supérieure à celle du coeur tout UO2, ce qui est défavorable pendant la gestion des phases long terme des accidents (évacuation de la puissance résiduelle). "

COMMENTAIRE
     Comme quoi la comparaison entre les 2 articles permet de mieux saisir le décalage. En effet le recours au MOX pose des problèmes de sûreté encore à l'étude. En particulier "l'introduction du MOX est susceptible, en fonction du type de gestion retenue (faibles fuites neutronique ou non), d'augmenter la fluence reçue par la cuve." Or le temps de vie de la cuve est liée à cette fluence mais aussi l'évolution des défauts.

 p.12

Conséquences du développement des combustibles MOX sur l'aval du cycle
Jean-Pierre Goumondy

     2 rappels :
     1- Par an 1200 tonnes de combustibles sont déchargés des réacteurs français, 850 tonnes sont retraités fournissant entre 8 et 9 tonnes de plutonium. Une partie est utilisée à MELOX (COGEMA-Marcoule) pour les 20 réacteurs chargés en MOX.
     2- 3 types de combustibles UO2 existent :
     -UOX1 à 3,5% en U 235 et à taux de combustion 33 GWj/t,
     -UOX2 à 3,7% en U 235 et à taux de combustion 45 GWj/t,
     -UOX3 à 4,5% en U 235 et à taux de combustion 60 GWj/t.
     Si on accroît le taux d'irradiation des UO2 la concentration en isotopes neutrophage (Pu 240 et 242) augmente. Ceci diminue donc la teneur en isotope 239 et donc "les propriétés fissiles du plutonium produit."
     Comme l'objectif est d'avoir le même taux de combustion pour les MOX et les UO2 pour " obtenir des temps de séjour en réacteur identiques (...) et faciliter leur gestion.", ceci conduit à des teneurs initiales en Pu en forte augmentation (de 5,5% à 33 GWj/t on envisagerait 11% à 55 GWj/t et même 17,7% à 65 GWj/t). D'après les études réalisées à EDF (entre autre) et publiées dans la Gazette 163/164 page 21 : "Il existe une valeur limite de la teneur en Pu au delà de laquelle le bilan neutronique bascule en faveur des fissions rapides : le coefficient de vide devient alors positif. De nombreuses études ont permis de situer cette teneur limite entre 12 et 14%."
     Dans ces conditions vouloir arriver à 17,7% signifie qu'on accepte le risque d'avoir un réacteur qui peut s'emballer et au sein duquel, pour certaines séquences accidentelles on peut avoir l'amorce d'une réaction explosive.
     En ce qui concerne les caractéristiques radiochimiques des combustibles et des UO2 :
 
MOX
UO2
taux irradiation en GWj/t
temps refroidissement an
45
 

5

45
 

4

Caractéristiques des combustibles
activité alpha Bq/tmli*
Activité béta
Bq/tlmi*
puissance W/tmli
émission neutron
n/s/tmli*
Am241 g/tmli*
Cm244 g/tmli*

 
 

27200

4150

3870

8,8 milliards
2893
796


 
 

5550

546

505

1,1 milliards
355
82

Caractéristiques Pu
activité alpha TBq/kg
puissance W/kg
émission neutron
n/s/kg

 

27,5
25

58 millions


 

21,5
19,5

1 million

*tmli = tonne métaux lourds initiaux

suite:
     Les combustibles MOX ont une activité béta et alpha environ 10 fois plus élevée que celles des UO2.
     En ce qui concerne la présence d'américium et de curium, il y en a environ 9 fois plus dans le MOX.
     La décroissance de la puissance thermique des MOX est beaucoup plus lente. Pour les MOX il faut attendre une centaine d'années pour atteindre 1 kW, valeur atteinte par les UO2 en 5 à 6 ans.
     En conséquence "le devenir final des combustibles MOX usés n'est pas encore arrêté. Actuellement EDF n'envisage pas leur retraitement à court et moyen terme."
     En ce qui concerne la gestion des combustibles :
     -l'entreposage devra se faire sous eau et/ou à sec pendant de longue période avant d'envisager un retraitement différé ou un stockage.
     -le transport ne pourra être effectué qu'après un temps de refroidissement supérieur à celui des UO2. Il faudra adapter les colis avec des surprotection biologiques pour limiter le flux neutronique (9 fois plus élevé) et l'utilisation. Il faudra aussi revoir les risques de criticité.
     COGEMA a demandé l'autorisation de retraiter du MOX dans l'atelier R4 de UP2-800. Ces opérations pourraient démarrer en 2001 avec un MOX à 5,3%. Cependant il est seulement possible de traiter un mélange de 2,6 tonnes de UOX2 et de 1,03 tonne de MOX par jour pour obtenir 80 kg de Pu. Plusieurs problèmes restent pendants:
     -caractéristiques des fines de dissolutions (quantité, activité et puissance spécifique, teneur en Pu, etc...)
     -concentration et entreposage des solutions de produits de fission => à préciser les risques de précipitation et de montée en ébullition en cas de défaut de refroidissement.
     -production de colis de verres => l'accroissement du curium (actuellement limité à 90g par colis ) entraînera une augmentation significative du nombre de colis par tonne de combustible retraité (environ un facteur 10 pour 45 GWj/t et jusqu'à 20 si on augmente le taux de combustion)
     -purification du Pu. La présence du Pu 238 en quantité significativement plus élevée entraînera une radiolyse du solvant et changera les performances du procédé (fuites de Pu dans le solvant, risques de précipitation et de bouchage,...)

CONCLUSION de la gazette 153/154 sur le MOX (1996)

     L'utilisation du MOX présente des avantages et inconvénients techniques dont l'évaluation financière est difficile, mais pire dont l'impact sur la sûreté est très important.

     Coté avantages
     -on fait une économie d'uranium et d'UTS,
     -on recycle le plutonium du retraitement qui, autrement reste "sur l'étagère",
     -on justifie le maintien du retraitement des combustibles irradiés dans la mesure où son meilleur atout consistait dans le recyclage du plutonium,
     -on a construit l'usine MELOX à Marcoule.
     Il faut noter que ces avantages ne concernent pas les mêmes groupes de pression. La valorisation du plutonium conforte les usines de la Hague mais pas les mines d'uranium ( que l'on ferme ), ni EURODIF (qui ne fonctionne qu'à 50 % de sa capacité ).

     Coté inconvénients
     Comme nous l'avons vu, il existe de nombreuses contraintes techniques pour la fabrication et la gestion du combustible:
 

p.13
figure 1

Figure 1. Evolution de la puissance thermique résiduelle d'un assemblage UOX1, UOX2 et MOX en fonction du temps de refroidissement

     -la présence d'émetteurs alpha accompagnés d'émetteurs gamma (américium 241) nécessite la fabrication du combustible dans des enceintes confinées. Cette nécessité entraîne un surcoût important qui explique le facteur entre 3 et 10 par rapport aux UOX,
     -pour réduire le niveau d'irradiation gamma du à l'américium 241 on doit limiter sa teneur à une valeur que l'on atteint après un stockage de 1,5 à 2 ans maximum tout suite après le retraitement. On doit donc fabriquer les éléments MOX dans des délais très courts après retraitement,
     -le zonage, c'est-à-dire la présence dans un même assemblage de 3 enrichissements différents complique le cycle de fabrication et exige une identification fiable des crayons en fonction de leur teneur en Pu,
     -la teneur isotopique du Pu doit être homogénéisé. Ceci explique la nécessité de mélanger les Pu et complique la gestion des MOX neufs,
     -le débit de dose important issu du combustible neuf impose des protections pour le transport et les opérations de chargement-déchargement des assemblages dans les réacteurs,
     -l'accroissement du temps de séjour en réacteur oblige à un enrichissement plus fort des combustibles: 4,2% pour les assemblages UOX mais 8 % pour le MOX, ce qui conduit à des contraintes pour la fabrication des MOX.
     -la teneur en transuraniens des déchets vitrifiés issus du retraitement des MOX est si importante que la radiotoxicité de ces verres est quasiment égale à celle du combustible UOX irradié non retraité.
     Il existe également des contraintes au plan sûreté:
     -conduite du réacteur,
     -métallurgie,
     -relâchement des gaz de fission,
     -corrosion des gaines.
     Les avantages ne l'emportent pas sur les inconvénients. La modification importante induite par l'introduction du combustible au Pu dans les REP ne peut s'analyser uniquement en terme de coût. Il faut analyser l'impact de ce choix sur l'ensemble du cycle en incluant les étapes de fin de cycle et la gestion des déchets. Cette analyse de sûreté conduit à l'abandon du MOX
     -car la conduite des REP avec MOX est nettement plus délicate que celle des REP UOX,
     -car le retraitement des combustibles MOX est aussi plus difficile à cause de l'insolubilité du Pu,
     -car si l'on retraite du MOX, les verres sont plus actifs et atteignent le niveau des combustibles classiques non retraités,
     -car la métallurgie exige des études longues si on désire accroître le taux de combustion pour atteindre un taux économiquement rentable
     On doit aussi assurer la formation du personnel.

ET EN PLUS, LA QUANTITÉ DE DÉCHETS CROÎT...


Sûreté et Radioprotection de l'usine MELOX de fabrication de combustibles MOX
Jean-Luc Voitellier

     Le texte commence bien sûr par "La fabrication de combustibles à base d'un mélange d'oxydes de Pu et d'U (MOX) pour les réacteurs électronucléaires s'inscrit dans une politique énergétique cohérente qui permet de recycler le Pu issu du retraitement des combustibles usés."
     Je n'ai pas résisté à vous citer le passage en entier..... Bien, reste qu'il y a 3 dangers principaux :
     1- le risque de dispersion de matières radioactives
     Pour pallier ce risque les dispositifs de prévention reposent sur des systèmes de confinement -> interposition de barrières statiques : boîte à gants, local d'implantation de la dite boîte puis bâtiment. Un confinement dynamique complète ce système statique -> ventilation assurant une cascade de dépression pour maintenir une circulation depuis le faible jusqu'au fort risque de contamination, rejet au travers de filtres à très haute efficacité (THE).
     2- le risque de criticité
     Le procédé met en oeuvre des matières fissiles sèches ou peu humides. La maîtrise du risque s'appuie sur l'application de la règle fondamentale RFS 1.3.c soit:

suite:
     -géométrie des équipements,
     -masse de matières fissiles,
     -modération.
     3- le risque d'exposition externe
     Ce risque est dû aux rayonnements gamma de faible énergie et à l'émission neutronique des isotopes du Pu.
     L'objectif de radioprotection est de réduire le nombre d'agents dépassant 5mSv par an (1/10 de la dose réglementaire..). Pour atteindre cet objectif :
     -mise en place d'écrans de protection au plus près des équipements contenant des matières fissiles,
     -automatisation des procédés et conduite à distance,
     -conception des équipements visant à réduire le nombre et la durée des interventions,
     -formation du personnel,
     -contrôle et surveillance radiologique des locaux, du personnel et de l'environnement.
     3-les résultats dosimétriques
     Depuis 1995, date de mise en service de MELOX, l'ensemble du personnel reçoit moins de 1 mSv. Pour 95% du personnel surveillé la dose individuelle annuelle est inférieure à 5 mSV.
     En 1998 aucune dose n'a dépassé 10 mSV.
     En 1999 les résultats ont été moins bons compte tenu des caractéristiques des matières mises en oeuvre.
     4-les autres risques
     -dégagement thermiques liées à la puissance spécifique des isotopes du Pu, principalement dans les entreposages. Il y a nécessité à maintenir la ventilation.
     -risque d'incendie (strict respect de la RFS 1.4.a). Les équipes d'intervention ont reçu une formation de pompiers.
     -séisme (démarche en conformité avec la RFS 1.1.c)

     COMMENTAIRE
     La conclusion est que tout va bien. Soulignons cependant que :
     -Le risque de criticité est en cours de revue suite à l'accident de Tokaï Mura et que prendre pour paravent une RFS n'a jamais mis à l'abri de commettre des erreurs.
     -La directive européenne qui devait être transcrite en droit français pour le 13 mai 2000 est plus restrictive que 50 mSv, elle est à 20 mSv par an. Quant aux statistiques présentées, il faudrait avoir celles du personnel directement affecté aux rayonnement et ne pas moyenner sur tout le monde. De plus dire que les résultats de 1999 ne sont pas bons n'est pas une statistique.
     Pour le reste la comparaison avec la radioactivité naturelle est sans objet, ce qui compte c'est la partie ajoutée. Car c'est cela le problème, vivant en équilibre avec notre milieu sommes-nous capables de supporter une dose supplémentaire même faible. Dans un certain nombre de cas la réponse est non.
     Quant aux séismes, une étude de géologues de Jacques Muller et Denise Nury fait état du fait que l'usine MOX de Cadarache serait située sur une zone de failles, Ces failles s'étendent sur la région Sud-Est. Or la région Rhône-Alpes est riche en installations de tout genre.

EXTRAIT DE LA GAZETTE 161/162 (1997)

Le risque d’accident de criticité constitue une préoccupation importante dans les installations où sont manipulées des matières fissiles. La prévention du risque de criticité a eu un impact considérable sur la conception des ateliers et usines. Les stockages de matières fissiles sont conçus selon une géométrie sûre. La gestion rigoureuse des matières fissiles dans les installations et enfin le dimensionnement au séisme des bâtiments concernés permettent de minimiser le risque d’excursion critique en fonctionnement normal. Néanmoins, l’éventualité d’un accident ne peut pas être complètement écartée; elle justifie la mise en place d’une dosimétrie de criticité dans les installations à risque et la poursuite des programmes de recherche dans ce domaine. L’évaluation de l’exposition des individus en cas d’accident de criticité constitue précisément l’un des axes de travail poursuivi par le Service de Dosimétrie l’IPSN (SDOS). La problématique est de disposer de moyens dosimétriques adaptés à la mesure de fortes doses et forts débits de dose en champs mixtes (neutrons, gamma).
 
 

p.14

Le plutonium dans l'environnement - Études radioécologiques menées en basse vallée du Rhône
Philippe Renaud, Céline Duffa et Didier Louvat

     Cet article traite de la mesure du plutonium dans l'environnement. Bien sûr il est signalé que la majeure partie de ce qui est présents dans les sols provient des essais atmosphériques menés entre 1945 et 1980, ainsi que de satellites contenant du Pu238. Les retombées sont caractérisées par un rapport Pu238/Pu239 + 240 voisin de 0,03 (ceci correspond à une activité de 50 Bq/m2 en Pu 239+240.
     L'IPSN par l'intermédiaire de son laboratoire le SERNAT mesure les activités autour des divers sites EDF et COGEMA.
     250 échantillons ont été prélevés autour de Marcoule. L'activité de retraitement sur ce site a démarré en 1958 et stoppé en 1997. Le site a traité des combustibles issus de réacteurs à vocation militaire pour lesquels le rapport est 0,05. Puis le traitement de la filière graphite-gaz a donné un rapport 0,3.
     Dans les échantillon eau/sol/végétal, si le rapport 238/239+240 est de 0,03 ± 0,005, on considère qu'il s'agit des retombées des tirs aériens. Si ce rapport est supérieur alors il s'agit des rejets de Marcoule.
     Dans la région proche de Marcoule, les quantités de Pu sont de 2 à 5 fois supérieures à la moyenne nationale.
     En Camargue, on trouve aussi des sols dont les activités sont nettement supérieures à la moyenne nationale.
     Pour le moment la quantité de Pu n'est pas estimée. Ce sont des études en cours qui permettront de préciser le marquage de Marcoule.
     Un premier bilan a été dressé. Il s'agit des flux de Pu et d'Am intégrés depuis 1960 (rejets Marcoule et retombées).
     Dans le milieu terrestre 750 GBq sont stockés, Marcoule représentant 5% de ce stock (décelables dans les sols de la zone Marcoule ).
     Dans le Rhône et ses canaux la majeure partie des rejets est parvenue à la mer mais il faut préciser la part encore présente dans les sédiments.

COMMENTAIRE
     Il serait très intéressant, même si les mesures sont difficiles de mettre en compétition divers laboratoires. La CRIIRAD qui a fait plusieurs campagnes donne des résultats moins optimistes que l'IPSN. 250 mesures sont insuffisantes pour analyser l'état du milieu. D'ailleurs il est bien précisé que les analyses de sédiments doivent être continuées. Le fait d'avoir diminué les rejets ne peut qu'aider à diminuer la pollution, cependant il faut mieux connaître ce qui est encore dans l'environnement.


La sûreté des transports du plutonium
Bruno Desnoyers

     Quels transports :
     1-Le Pu extrait des combustibles usés, entreposé sous forme de poudre (PuO2) en conteneurs, est acheminé vers les usines de fabrication de combustible. Il y ait additionné à de l'oxyde d'U pour former le MOX. Cet oxyde mixte est transformé en pastilles céramiques. Ces pastilles servent pour les aiguilles, assemblées en assemblages.
     2- Comme les usines de fabrications des pastilles ne sont pas toutes équipées pour fabriquer tous les types d'assemblages, on sera amené à transporter des aiguilles de MOX.
     3- Les assemblages sont convoyés vers les centrales nucléaires.
     4- L'industrie du Pu génère des rebuts de fabrication (aiguilles hors normes) et des déchets. Ces rebuts et déchets, pas toujours réutilisables sur place, sont transportés vers d'autres usines pour extraire et recycler le Pu contenu.

     Quelles réglementations :
     1-Le Pu relève de la classe 7 (fissile et dangereux)
     2-Les seuls modes de transport utilisés sont le transport par route (France et Europe) et par voie maritime (Japon).

suite:
     3-la réglementation comprend:
     -le volet européen -> accord européen adopté en France le 5 décembre 1996.
     -le volet international -> code maritime des matières dangereuse, règlement de sécurité des bateaux.
     Tous ces règlements s'appuient sur les règles émises par l'AIEA.
     Le règlement AIEA considère 3 types de situations:
     -les conditions de transport de routine : le colis n'a pas de contrainte -> aucun incident ou accident.
     -les conditions normales de transport : le colis doit résister à -> chute de 1,2m du colis sur surface indéformable, compression du colis de 5 fois sa masse, chute d'une barre de 6 kg sur le colis....
     -les conditions accidentelles : le colis doit résister à -> chute de 9 m du colis sur surface indéformable, chute de 1m du colis sur une barre métallique, feu d'hydrocarbures de 30 mn, immersion sous 15 m d'eau (30 m pour les combustibles usés) pendant 8 h...
     Ce règlement classe les colis en 4 catégories :
     -les colis exceptés (<70 Bq/g)-> pour des activités transportées très faibles (< 0,05 mSv/h) -> on ne considère que les conditions de routine.
     -les colis industriels : faible activité par unité de masse ou faiblement contaminés -> condition de routine.
     -les colis type A : si l'activité ne dépasse pas les valeurs du règlement (15g) -> conditions de routine
     -les colis type B : si l'activité dépasse celle des colis A (15g), on doit considérer toutes les conditions de transport aussi bien normales qu'accidentelles.
     Les colis de type B doivent être agréés par l'Autorité de Sûreté par délégation du ministre en charge de l'industrie et de la ministre en charge de l'environnement.
     Les performances des colis B sont les suivantes :
     -confinement, limitation de la contamination externe (4 Bq/cm2), limitation de l'intensité du rayonnement (2 milliSv/h au contact),
     -à l'issue des épreuves, il ne doit pas y avoir perte de matière et la dégradation de la protection biologique doit être inférieure à 20%,
     -maintien de la sous-criticité d'un colis isolé et d'un réseau de colis, avec ou sans eau en toutes situations (routine, normales et accidentelles)
     Divers types d'emballage ont été conçus pour transporter la poudre d'oxydes, les aiguilles, les assemblages.
     Le bilan actuel, ont été transportés :
     -plus de 70 tonnes de Pu .
     -plus de 1000 assemblages de MOX;
     -200 transports contenant du Pu sont réalisés par an.

COMMENTAIRE
     Les transports des colis sont souvent l'occasion d'incidents plus ou moins graves. Il faut se garder de penser que tout va bien. En particulier la vérification de l'émission neutronique n'est pas faite par manque de détecteurs adaptés or cette émission multiplie par un facteur proche de 3 l'activité des colis.
     L'exemption pose toujours des questions car tout repose sur le fait que les déclarations sont correctes. Or on retrouve trop de produits dans les décharges pour être convaincu que tout se fait bien. La vigilance reste de rigueur.
     Notons qu'il y a des mouvements entre la Hague et les usines de fabrication de pastilles, puis entre ces usines et celles de façonnage d'assemblages. Quelles précautions sont prises ?
     A-t-on revu les problèmes de criticité ? En effet il est apparu que si des pastilles se répandaient lors d'un accident, il fallait prévoir des procédures particulières pour en effectuer le regroupement afin d'éviter le rassemblement d'une masse critique. En effet pour un enrichissement autour de 4% la masse critique est autour de 30kg en milieu aqueux et pour le Pu la masse critique est beaucoup plus faible (quelques kg).

p.15

La protection physique du plutonium
Didier Lallemand

     La loi du 25 juillet 1980 (voir la gazette 53) soumet à autorisation préalable les personnes physiques ou morales exerçant des activités d'importation, exportation, élaboration, transfert, utilisation et transport des matières nucléaire : uranium, deutérium, thorium, tritium, lithium enrichi en isotope 6, plutonium.
     De plus elles sont soumises à contrôle par un corps d'agents assermentés. La loi qualifie en délits correctionnels des faits graves tels que l'appropriation indue de matières nucléaires ou l'obstacle à l'exercice du contrôle.
     L'exploitant doit se soumettre à 2 principes
     1- classement des matières nucléaires.
     Pour le plutonium il y a 3 catégories :
     -catégorie III : 3g < Q < 400g
     -catégorie II : 400g <Q< 2 kg
     -catégorie I : Q> 2 kg
     2- confidentialité
     Sont soumises à condition, définie par la loi :
     -la détention,
     Ces conditions portent sur la quantité, la protection, les mesures de sûreté.
     -le transport :
     *Conception , fabrication des véhicules,
     *Conditions du transport -> autorisations portant sur le parcours, les arrêts, la surveillance, l'escorte....
     -l'inspection
     * inspection dans les installations
     * inspection des conditions d'exécution des transports
     * inspection des véhicules


Accords internationaux de traitement et d'élimination du plutonium militaire en excès des besoins de défense
Olivier Caron

     Les enjeux de ces accords sont la gestion des stocks de matières fissiles déclarées inutiles aux besoins de défense des États-Unis et des pays de l'ex-URSS.
     Les accords START 1 (fin 1994) ont prévu le démantèlement des armes nucléaires. START II va accélérer le processus.
     Le stock russe d'U hautement enrichi est destiné à être vendu et recyclé (accord entre Moscou et Washington en 1992). Par contre les 50 tonnes de Pu (100 au total pour les 2 pays) pourraient être vendues à des pays désireux de faire partie du club des pays ayant la bombe.
     En conséquence il faut trouver une solution pour éviter leur réutilisation.
     Une des solutions envisagées est la conversion du Pu en MOX :
     -les États-Unis veulent convertir 25 tonnes sur les 34 à éliminer ce qui est une nouveauté puisque les américains ne retraitent pas et sont hostiles au MOX.
     -Les Russes ont prévu d'utiliser les 34 tonnes concernées par l'accord sous forme de MOX.
     Cette utilisation permet:
     1- de valoriser un stock de Pu,
     2- de rendre la solution politique plus sûre
     3- par rapport à la vitrification, elle comme avantage de dégrader le Pu militaire et de le rendre " impropre à un usage militaire."
     La France a aidé la Russie en définissant le "procédé de recyclage du Pu comme combustible MOX destiné à être irradié dans les réacteurs VVER 1000 et BN 600 situés en Russie."
     En 1998 l'Allemagne s'est jointe aux accord (AIDA-MOX II). La Belgique et l'Italie vont les rejoindre.

COMMENTAIRE
     Les inspections et les règlements aident mais ne sont pas toujours suffisants si les contrôleurs sont en nombre insuffisant pour pouvoir exercer une surveillance efficace.
     Notons que l'idée de moxer les réacteurs pour utiliser le Pu militaire est une idée dangereuse. Il vaut mieux vitrifier et entreposer. L'entreposage est la seule solution qui nous rendra conscient des erreurs pour ne pas parler des fautes que nous avons accumulées.

suite:
     La participation française au sauvetage de l'industrie russe n'est pas philanthropique ni altruiste. De fait si un autre accident se produit, l'industrie nucléaire sera frappée de plein fouet : c'est donc très intéressé. Et de toute façon il y a aussi à la clé des possibilités de développement industriel d'où des contrats d'où de l'argent....

La reprise des cuves plutonifères du laboratoire de chimie du plutonium du centre CEA de Fontenay aux Roses.
Pierre Maynardier

     Le laboratoire de chimie du Pu a fonctionné de 1961 à 1995, date du transfert des activités à Marcoule.
     Avant démantèlement l'assainissement commence par la vidange et le rinçage des cuves plutonifères puis leur décontamination. Les 2 objectifs essentiels de décontamination sont d'une part la réduction des niveaux d'irradiation et d'autre part minimiser la radioactivité des déchets pour les envoyer en site de surface.
     Les cuves utilisées sont de 2 types :
     -les cuves procédé situées en boite à gants ou en cellules blindées -> 72 cuves de capacité entre 16 et 300 litres (total 8,5 m3)
     -les cuves d'effluents assurant la collecte des solutions -> 14 cuves de capacité entre 500 et 2000 litres (18,5 m3 au total).
     La gestion de criticité se faisait en limitant la quantité de Pu. Cette gestion est en cours d'élaboration pour l'assainissement.
     Lors de l'arrêt du laboratoire, il s'y trouvait 10 m3 d'effluents dont l'évacuation vers Marcoule exigeait un double traitement :
     -récupération du Pu par extraction chromatographique, puis précipitation sous forme d'oxalate et enfin calcination. Ce procédé permet d'obtenir de l'oxyde de Pu stable.
     -réducteur des teneurs en ions sulfate, phosphate et chlorure des effluents à évacuer vers la vitrification de Marcoule (AVM) pour respecter les spécifications des solutions à vitrifier.
     La récupération du Pu s'est terminée en 1999 et on a évacué vers Marcoule 14 m3 d'effluents hautement actifs. Il en reste 2 m3 à traiter.
     Après vidange, il faut assainir, le procédé est en cours d'étude. Il consistera à traiter les cuves par une solution très oxydante de cérium IV. Il faut étudier le problème de criticité
     -contenu en matière fissile des cuves
     -concentration en poison neutronique (gadolinium) pour être sous-critique,
     -quantité limitée de cériumIV pour ne pas trop dissoudre de Pu (350 g max)

COMMENTAIRE
     La reprise difficile des laboratoires chauds est une préfiguration de ce qui nous attend pour assainir Marcoule puis surtout la Hague. Ces expérimentations aideront probablement à mieux cerner les divers problèmes.
     On constate ici que l'on transporte beaucoup de produits sur les routes et les voies ferroviaires françaises et pas seulement des petits colis.
     Voyons maintenant comment opèrent les Anglais.


Récupération de substances contaminées au plutonium sur le site BNFL de Drigg dans le nord-ouest de l'Angleterre
J. Streatfield

     C'est le site de déchets équivalent à celui de la Manche. Il a été entreposé comme sur le site Manche des produits qu'il faut reprendre.
     Par exemple sur le site Manche il a fallu évacuer des déchets, : tritiés, radifères, ...
     En ce qui concerne le site BNFL ce sont des déchets contaminés au Pu, résidus du programme militaires qui ont du être repris;
     Entre 1979 et 1984 " 500 fûts de 200 litres ont été retournés à l'atelier de retraitement de combustible de Sellafield situé à 6 miles au nord et 5000 ont été transférés à un stockage dédié à Drigg."

p.16

     Pour récupérer à Drigg et entreposer à Sellafield 3 autorisations sont requises :
     -permis de construire
     Selon la loi de 1990 " les exploitants désireux de construire une nouvelle installation doivent être en possession d'un permis de construire délivré par une autorité d'aménagement locale (...) Dans le cas où elle donne son accord, celui-ci peut être assorti de certaines conditions (...) Par exemple, en 1989 (...). L'une des conditions était que BNFL reprennent tous les déchets plutonigènes du site de Drigg au plus tard 3 ans après la mise en exploitation du stockage. Cette échéance a été repoussée à 2 reprises, et la date d'enlèvement (..) est maintenant fixée à fin 2006."
     -autorisation d'élimination des déchets radioactifs et de rejets d'effluents radioactifs
     Ce sont des dispositions récentes (1993 puis 1995 et 1996 (transposition de la directive EURATOM 96/29)).
     Le site de Drigg a les autorisations suivantes :
     "-le stockage de déchets radioactifs solides de faible activité (alpha < 4 GBq/t, bêta < 12 GBq/t) dans des casemates en béton et le rejet d'eau de lixiviation contaminée à partir de tranchées de stockage préexistantes vers la Mer d'Irlande par une tuyauterie;
     -le rejet de poussières, d'aérosols et de gaz radioactifs dans l'atmosphère;
     -l'évacuation de déchets de faible activité vers le site de Sellafield;
     -l'évacuation de déchets plutonifères vers le site de Sellafield."
     -autorisation d'exploitation
     Elle concerne la sécurité du personnel et du public dont les employeurs sont responsables selon la législation britannique (1974).
     La reprise des fûts est difficile car d'une part leur poids varie entre 50 kg et plus de 9t et d'autre part la teneur en matières fissiles et radioactives est inconnue.
     Dans ces conditions on commence par caractériser le colis avant son transfert.
     La conclusion est qu'il reste encore 5 soutes datant des années 50 à vider et qu'il sera difficile de tenir le délai de 2006 pour l'achèvement des opérations.

COMMENTAIRE
     Nos voisins ont le même genre de préoccupations que nous. Ce que je n'ai pas repéré c'est le cas où le fût n'est pas conforme pour être transféré : On le remet dans sa casemate ? ou quoi ?
     L'autorisation actuelle pour le transfert est de 1000m3 contenant 1000 TBq d'alpha et 10000 TBq de bêta.


Fabrication de crayons MOX en vue du stockage direct pour l'élimination des surplus de plutonium
Michael Sailer et Christian Küppers

     L'analyse porte sur la possibilité de fabriquer des crayons de stockage MOX. Les étapes seraient les suivantes:
     - fabrication de pastilles et de crayons de stockage dans les mêmes conditions que les combustibles MOX,
     -transport des crayons comme les MOX neuf,
     -entreposage
     On peut mélanger combustible irradié et les crayons de stockage,
     Les crayons de stockage ne passeront pas en réacteur, ce qui réduira les exigences de qualité et diminuera les coûts.
     Ce serait une méthode pour réduire les stocks de Pu.


Prise en compte du plutonium dans les études de stockage en formation géologique profonde
Jean-Michel Hoorelbeke

     Objectifs et contexte des études
     C'est le 2 ème axe de la loi. On cherche " à évaluer à l'horizon 2005 la faisabilité d'un stockage sûr en y intégrant une logique de réversibilité."
     Pour l'argile c'est le site de Bure qui servira. Par contre pour le granite on aura recours aux expériences étrangères (Suède, Finlande, Canada, Suisse)
     L'ANDRA prend en compte plusieurs formes possibles du Pu :
     -UOX usés non retraités
     -MOX usés (avec un stockage direct des MOX, 99% du Pu serait sous forme de combustible)
     -incorporation du Pu dans les matrices de verre avec les produits de fission et les actinides mineurs (taux d'incorporation limité pour ne pas altérer les verres).
     Élaboration des concepts de stockage
     -séparation des catégories de déchets stockés en zones dédiées,
     -éloignement des zones dédiées pour minimiser les interactions physico-chimiques
     A court terme (exploitation) on prend en compte, par ex dissémination accidentelle de produits radioactifs. Dans ce cas on tient compte des particularités du Pu.
     A long terme, on étudie l'arrivée d'eau sur les colis, la mise en solution, des corps radioactifs puis leur transfert vers la biosphère et l'homme.
     Le Pu pose 3 questions principales :
     -effets de la thermicité :
     *accessibilité des ouvrages avant la fermeture,
     *effet de l'échauffement sur la durabilité et l'efficacité des barrières -> dans l'état actuel on doit attendre de 30 à 50 ans avant d'envisager un stockage de combustible usé.

suite:
     -relâchement et migration du Pu
     *solubilité : le Pu est peu soluble mais dans des conditions particulières ce concept devient faux:
     En phase aqueuse oxydante, sa solubilité est plus élevée.
     En présence de ciment, le pH devient élevé et la solubilité semble croître significativement.
     Si on stocke des MOX il faut aussi considérer les actinides et les produits de fission emprisonnés dans les pastilles.
     -risque de criticité
     En cours de remplissage, il faut une géométrie adéquate.
     A plus long terme, il faut étudier l'effondrement des alvéoles, l'affaissement dans les colis, la possibilité de migration du Pu.
     -réversibilité
     en cours de définition
     En conclusion "la quantité de plutonium stocké dimensionne l'emprise en souterrain des installations, pour maintenir l'échauffement à des niveaux acceptables."

COMMENTAIRE
     Les dernières nouvelles des USA annonçant des migrations de Pu et la transformation du PuO2 en une forme plus oxydée avec dégagement d'hydrogène et une mobilité différente conduit à être très prudent sur la faisabilité des stockages.


L'industrie du plutonium : de l'effritement d'un mythe à l'urgence d'une reconversion
Mycle Schneider et Xavier Coeytaux

     Cet article explique la genèse du programme nucléaire français. "La séparation industrielle du Pu a commencé à partir de 1958 dans UP1 à Marcoule et à grande échelle en 1966 avec le démarrage de l'usine UP2 à la Hague financée moitié/moitié par les budgets civils et militaire du CEA."
     De fait le CEA avait mis en place ce retraitement à des fins militaires bien sûr, pour les piles G1, G2, G3. Puis soit-disant pour recycler dans les réacteurs à neutrons rapides, technique difficile et d'un niveau de sûreté faible (ce type de réacteur a un coefficient de vide positif, en cas de perte du caloporteur, on peut avoir un emballement de la réaction. Cet aspect se retrouve dans les REP chargé avec du MOX très enrichi en Pu (+ que 11 %)
     L'article fait le point sur les stocks de Pu, sur les coûts :
     -le stock actuel de Pu atteint 75,9 t dont 35,6 t attribuables aux clients étrangers
     -les coûts -> le rapport Charpin, Dessus, Pellat (gazette 185/186 -Oct 2000) " a notamment évalué le coût global du parc nucléaire actuel d'EDF depuis son origine jusqu'à sa fin de vie (avec une hypothèse de durée de vie moyenne des réacteurs portée à 45 ans). En comparant un scénario d'extension du MOX dans la parc avec un scénario fictif où le même parc fonctionne sans retraitement et sans MOX sur l'ensemble de sa vie (mais avec la même production d'électricité), le rapport évalue le surcoût global de l'option retraitement-MOX à 164 milliards de franc ou presque 6 % du coût total du parc. Cette dépense supplémentaire permet de réduire les quantités de plutonium dans l'inventaire final des déchets de 667 tonnes à 514 tonnes, soit 153 tonnes, ou moins d'une tonne par milliard dépensé ! Il permettrait au passage une réduction de 15 milliers de tonnes des besoins en uranium naturel, soit seulement 3%. Mais il se solde surtout par la gestion de 4800 tonnes de MOX irradié, qui nécessitent un entreposage avant stockage dont la durée est de 100 à 150 ans plus longue que pour l'UOX irradié."
     Il fait aussi le point sur :
     -la sûreté
     -la gestion des déchets
     "Un déchet compact, le combustible irradié, est découpé, mis dans un bain d'acide et réparti en divers flux de déchets liquides, gazeux et solides. Une partie est rejetée sous forme gazeuse et liquide -La Hague émet en radioactivité totale de l'ordre de 20000 fois plus qu'un réacteur nucléaire français-, le reste est conditionné pour stockage définit. Le conditionnement tel qu'il a été pratiqué à la Hague, soit par vitrification, bitumage ou bétonnage, a conduit à des volumes très supérieurs au conditionnement pour stockage direct des combustibles irradiés. Il convient d'y ajouter les déchets en provenance du démantèlement des usines de retraitement, les déchets étrangers qui se trouvent illégalement en France depuis que la loi de 1991 en interdit le stockage sur le sol national et les combustibles MOX irradiés."
     Il est ajouté que non seulement un MOX irradié est beaucoup plus chaud qu'un UOX mais que lors du stockage il lui faudra 4 fois plus de place alors que le volume MOX et identique à celui de l'UOX.
     De plus il est rappelé que les emballages et les verres devront tenir sur les temps géologiques or COGEMA n'a soumis aucun bloc de verre (sur 10000 existant) à un examen destructif. Étonnant !!
     Je vous livre la conclusion :
     "Aussi longtemps que les décideurs de cette industrie ne doivent rendre compte ouvertement à personne, que rien ne les force à répondre aux interrogations des citoyens autrement que par des affirmations absurdes ou non, on aggravera le problème du plutonium en reculant le moment d'étudier ses vraies solutions. Il faudra bien commencer un jour la difficile mais possible reconversion du site de la Hague."
     Et j'ajouterai la reconversion est que ce site sera un centre de stockage de déchets au même titre que le site déjà fermé juste à côté..

p.17

Retour vers la G@zette189/190