GAZETTE NUCLEAIRE
EXTRAITS ENERPRESSE

I- LES NOUVELLES NORMES EUROPÉENNES DE RADIOPROTECTION CONTESTÉES PAR LES EXPERTS (No 7317 mai 1999)

Bien connue pour ses déclarations souvent alarmistes, la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (Crii-Rad) a récemment déclaré à l'AFP que la limite réglementaire actuelle de radioprotection des travailleurs du nucléaire, soit 50 millisieverts (mSv) «correspond à un risque cancérigène élevé (200 cancers mortels pour 100000 travailleurs)».

Pour être correcte, cette information aurait dû être rédigée ainsi: pour une irradiation de 50 millisiverts, le risque supposé calculé avec d' énormes marges de sécurité pourrait induire, alors que le risque à ce niveau d'irradiation n'a jamais été démontré, un maximum de 200 cancers si 100 000 personnes étaient exposées a ce niveau avec, par conséquent, un certain nombre de cas mortels. On mesure par là le dérapage dans l'interprétation des normes qui fixent des limites de sécurité mais qui ne correspondent pas à des niveaux à partir desquels il y aurait un risque sanitaire.

Il faut savoir qu'avec des irradiations de 200 mSv pour l'adulte et de 100 mSv pour l'enfant, on n'observe rien et que, de plus, l'augmentation de la fréquence des leucémies, formes de cancer les plus induites par les radiations, n'est établie que pour des doses supérieures à 200 mSv reçues en un temps très court et de 400 mSv pour des irradiations étalées dans le temps.

Pour les faibles doses, qui intéressent directement la santé publique, le gouvernement français a demandé à l'Académie des Sciences de lui rédiger un rapport sur cette question, qui a été remis en octobre 1995 et a fait l'objet d'une analyse publiée dans la presse anglo-saxonne en 1998 par l'un de ses rapporteurs, le professeur Maurice Tubiana, directeur honoraire de l'Institut Gustave Roussy, membre de l'Académie des Sciences et de l'Académie de médecine, et président du Centre Antoine Béclère.

D'autre part, afin de faire le point sur les dernières données concernant l'effet des faibles doses, l'Académie des Sciences a organisé un colloque international de haut niveau en mai 1998, dont le compte rendu vient d'être publié. Le rapport indique clairement que les nouvelles recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), sur lesquelles sont fondées toutes les normes de radioprotection, sont aujourd'hui dépassées.

Il faut se rappeler que, pour les faibles doses, l'extrapolation linéaire sans seuil des effets observés à forte dose a été imaginéc au début des années 1960 en application du principe de précaution, du fait du manque de connaissances qui régnait à l'époque mais aussi pour des raisons de commodité administrative. Cette extrapolation linéaire sans justification scientifique est devenue au fil du temps un postulat, voire un dogme. Cet état d'esprit a conduit les groupes antinucléaires à estimer que toute dose de rayonnement, si faible soit-elle, est dangereuse et que, partant, l'énergie nucléaire est inacceptable.

Depuis huit ans, cependant, les connaissances sur les niveaux et la nature des irradiations subies par les survivants d'Hiroshima et de Nagasaki se sont affinées, les observations sur les irradiés médicaux se sont accumulées, les études épidémiologiques et les statistiques sur l'induction des cancers et des leucémies pour les populations soumises à des doses d'irradiation naturelles fortes (50 à 100 mSv par an) se sont étendues, et les expériences sur des animaux se sont multipliées. Ce sont ces nouveaux éléments qui ont conduit les spécialistes réunis par l'Académie des Sciences à reconsidérer les demières recommandations de la CIPR et la proposition de la Commission européenne émise en juillet 1993 d'obliger tous les Etats membres, à partir du 13 mai 2000, à limiter à 1 mSv pour le public, la dose supplémentaire d'irradiation à ne pas dépasser en supplément de l'irradiation naturelle.

Selon les experts, cette limitation est sans justification scientifique alors que la moyenne de l'irradiation naturelle en France est de 2,4 mSv et qu'elle peut atteindre, et même dépasser 10 mSv, y compris dans la région de La Hague. La communauté scientifique internationale, y compris des expert onusiens, confirment ce point de vue et estiment que la relation linéaire dose-effet sans seuil ne peut plus être utilisée pour calculer les risques à faible dose. Si les nouvelles études épidémiologiques demandées sur l'influence de la radioactivité naturelle sur la santé publique continuent d'être négatives, les spécialistes proposent de considérer comme insignifiante toute dose égale ou inférieure à 10 mSv. Ainsi pourrait-on éviter qu'en toute bonne foi un Français atteint d'un cancer de la thyroïde intente un procès à l'Ukraine parce qu'il a été en vacances en Autriche après le passage du nuage de Tchernobyl.

Une justification scientifique des normes proposées s'impose donc le plus rapidement possible. Le risque cancérigène pour les faibles doses est actuellement surestimé d'un facteur deux pour leur partie haute alors que, pour les très faibles doses, il existe très probablement un seuil, tout au moins pour certains types de cancers. Tel est l'avis que partagent un nombre croissant de scientifiques. (Correspondance particulière)

Commentaire Gazette
Le papier choc de Enerpresse n'est que l'expression de quelques experts français type Tubiana, Charpak. De fait beaucoup d'autres sont nettement moins affirmatifs et beaucoup plus prudents. Nos croisés du nucléaire n'hésitent pas à affirmer ce qu'ils sont incapables de prouver.

Quant à la directive européenne concernant le 1 milliSv par an pour les populations et 20 pour les travailleurs, elle est en cours de transcription, contrairement aux affirmations de ces experts. Ces fameux experts feraient bien de méditer sur le sang contamilié. la dioxine et l'amiante.

Qui permetàô des experts de se placer du côté des industries? Qu'est-ce qui les rend aussi imperméable au principe de prévention?

Il y a des études en cours mais il manque cruellement les bases de données (registres de morbidité des populations) que l'on pourra utiliser pour faire des enquêtes épidémiologiques. Quant au suivi des installations il s'agit tout juste de faire un suivi du fonctionnement et absolument pas une estimation de l'impact dosimétrique. Dans ces conditions il est impossible de donner des conclusions définitives. De plus le suivi des travailleurs est erratique, la reconnaissance des maladies professionnelles un parcours du combattant.

En ce qui concerne la relation linéaire sans seuil elle est aussi admise par les radioprotectionistes au plan mondial. Il est reconnu que toute dose a un impact. Que cet effet dépende de l'état de réception de celui qui le reçoit, c' est exact aussi mais affirmer que les faibles doses sont inoffensives est une contrevérité manifeste. Les fameux "experts en nombre croissant» qui demanderaient de fixer un seuil à 10 millisieverts n'existent que dans la tête de Tubiana et sous la plume de Enerpresse.

Il y a cruelle confusion entre I' irradiation naturelle, l'irradiation médicale et celle due aux installations nucléaires. Comme on ne peut as éviter le naturel, seulement limiter le médical, il convient de limiter l'impact de ces dernières. Nous vivons dans un certain équilibre avec la radioactivité naturelle et ce qui compte c'est de savoir si on rajoute quelque chose, si I'humain peut le supporter. Or tout porte à croire que l'équilibre est précaire.

De toute façon toutes ces affirmations reposent sur du vent car comme le montre l'article de Annie Thébaud-Mony on a encore beaucoup à faire pour savoir ce qui se passe sur un site.

J'aime assez que les fameuses mesures de Mr Pronost cancernant la radioactivité naturelle (Gazette No 173/174) et les rejets de Cogema dans le Nord-Cotentin puissent être prises au sérieux face aux études menées par l'IPSN et l'ACRO. C'est tout de même incroyable de croire en un document qui repose sur3 ou 4 points pris on ne sait même pas où!!!

Bon un peu de sérieux dans les informations sur les faibles doses aiderait à mieux comprendre les phénomènes. L'industrie nucléaire fait suffisamment de bêtises, il n'est pas utile de la conforter dans une démarche où on ignore la santé des populations et des travailleurs.

II- YUCCA MOUNTAIN DE NOUVEAU SUR LA SELLETTE DES SCIENTIFIQUES
(No 7337 JUIN 1999)

Il y a plusieurs centaines de milliers d'années, le site de Yucca Mountain, retenu par le département américain de l'Énergie (DOE) pour y entreposer de manière définitive des déchets nucléaires à haute activité et à vie longue, a été envahi par les eaux. C'est la découverte que vient de rendre publique Youri Doublyansky, un géologue membre de l'Académie des sciences russe, lors d'une conférence de l'American Geophysical Union. Étudiant la formation des cristaux de calcite de la colline, le géologue a remarqué des imperfections qui montrent que la roche a pu atteindre, il y a plusieurs centaines de milliers d'années, des températures de l'ordre de 170 degrés Celsius. Or, selon lui, seules des eaux remontant des profondeurs du globe peuvent atteindre une telle chaleur.

Y.Doublyansky estime avoir levé là un lièvre capable de remettre en cause le projet. James Paces, un scientifique américain qui a étudié le site pour le compte de l'US Geological Survey, n'est pourtant pas de cet avis. Pour lui, il y a bien eu de l'eau à Yucca Mountain, mais il s'agissait de suintements d'eaux de pluie, et non de remontées d'eaux souterraines, ce qui, à ses yeux, modifie radicalement les. données du problème. Selon lui en effet, les cristaux ont été formés par des infiltrations d'eau de pluie et «il ne fait aucun doute que le dépôt n'a jamais été saturé d'eau».

Quoi qu'il en soit, cette découverte ne fait pas les affaires du DOE dans le réglement d'une question qui, compte tenu du retard pris, commence à faire figure de scandale national outre-Atlantique, et cela d'autant plus que Yucca Mountaîn est le seul site retenu à ce jour pour accueillir les déchets nucléaires civils et militaires américains. Comble de malchance, le DOE connaît actuellement des difficultés insurmontables dans la mise au point du procédé de vitrification des déchets militaires stockés à Savannah, en Caroline du Sud (cf partie IV). Yucca Mountain devait à l'origine être opérationnel en janvier 1998 alors qu'on parle aujourd'hui de 2010 au plus tôt. Pressée par l'urgence, la National Regulatory Commission (NRC) a d'ailleurs décidé en février dernier de réviser certaines des dispositions appelées à régir le site, et cela sans attendre, au mépris de la loi, que l'Agence de protection de l'environnement (EPA) ait statué sur les aspects sanitaires et la sûreté du projet (cf Enerpresse n0 7271).

III- FEU VERT DE TOKYO AU REDÉMARRAGE DU RETRAITEMENT À TOKAI-MURA
(No 7335 JUIN 1999)

La commission pour la sûreté nucléaire japonaise (NSC), un organisme gouvernemental, a autorisé le redémarrage de l'installation de retraitement de Tokai- Mura, au nord-est de Tokyo, fermée depuis mars 1997, après le plus grave accident de l'industrie nucléaire du pays. Même si après un an d'étude, la NSC a conclu "qu'il n'y a plus de problème de mesures de sécurité dans le centre», la compagnie exploitante, le Japan Nuclear Cycle Development Institute (JNC), doit cependant encore recevoir le feu vert des autorités locales avant de pouvoir reprendre les opérations sur le site. Une tâche qui pourrait s'avérer difficile, d'une part parce que le gouvernement de la préfecture d'lbaraki n'a pas encore terminé sa propre inspection, d'autre part parce que la décision de la NSC a été critiquée dès hier mardi par les voisins de l'installation ainsi que par les associations anti-nucléaires.

Le 11 mars 1997, une explosion et un incendie s'étaient produits dans l'atelier des bitumes, entraînant des fuites radioactives auxquelles 37 employés avaient été exposés (cf Enerpresse No 6787, No 6803). En outre, l'accident, classé au niveau trois sur l'échelle internationale Ines, était survenu après celui, en 1995, sur le surgénérateur de démonstration de Monju, qui avait souligné les graves fautes de gestion (notamment des dissimulations de rapports d'événements et des procédures défaillantes) par l'ancêtre du JNC, Power Nuclear Corporation (PNC). L'usine de Tokai a été construite en 1988 et, pour l'heure, dans l'attente du démarrage de Rokkasho-Mura, le seul site de retraitement nippon où le plutonium et l'uranium sont extraits des combustibles nucléaires usés.

Les dix grandes compagnies d'électricité nippones font retraiter et recycler leurs combustibles nucléaires usés à La Hague, dans le Cotentin, au titre d'un accord signé en 1977 et 1978 avec Cogema, et par l'homologue britannique du groupe français, British Nuclear Fuels (BNFL) dans son usine de Sellafield, en Combrie. Les exploitants des installations de retraitement doivent ensuite rapatrier au Japon les déchets d'une part et le MOX, d'autre part. Le dernier transport est arrivé dans l'archipel à la mi avril. Le Japon compte actuellement 52 réacteurs en activité, qui fournissent près d'un tiers de l'électricité nationale. A terme, le programme nucléaire nippon prévoit que ce chiffre atteigne plus de 40%.

Commentaire Gazette
Nos pauvres japonais n'ont pas fini de se demander si ça va redémarrer. il est vrai que pour le surgénérateur de Monju, le redémarrage se fait attendre aussi.

Il ne fait pas bon aux USA ou au Japon, pour les industriels de se planter car on leur coupe les vivres et on les empêche de travailler.
J' attends ce jour avec impatience en France.

IV- GRAVES DIFFICULTÉS TECHNIQUES POUR LE DOE SUR LE SITE DE SAVANNAH (No 7337 JUIN 1999)

Après seize ans d'études et d'expérimentations, le département américain de l'Énergie (DOE) a décidé d'abandonner son procédé de vitrification et de stockage des déchets nucléaires militaires entreposés dans l'usine de Savannah, en Caroline du Sud.

Son défaut, le procédé, étudié par Westinghouse Government Services et baptisé « in-tank precipitation » produit des gaz explosifs. Aussi BilI Richardson, le secrétaire à l'Énergie, a-t-il entrepris de rechercher un nouveau partenaire privé pour réfléchir à des solutions techniques alternatives.

Le but de l'opération est de séparer les déchets les plus radioactifs des liquides qui les entourent, afin de réduire au minimum les quantités qui devront être vitrifiées. Néanmoins, ce sont quelque 6000 conteneurs qui devront être fabriqués en trente ans, pour un coût estimé à plus de 17 milliards de dollars. Quant à la recherche d'une méthode de substitution, elle devrait prendre de huit à dix ans et demander entre 1 et 3,5 milliards de dollars...

C'est le General Accounting Office, l'équivalent américain de notre Cour des comptes, saisi par John Dingell, un représentant Républicain du Michigan, qui a fait éclater l'affaire. Le DOE aurait dû abandonner cette méthode depuis longtemps, a commenté le parlementaire, ajoutant que «la mauvaise gestion de ce programme a conduit à un gâchis fabuleux et pathétique d' argent public.» .... «Tout ce que nous rapportent les 500 millions de dollars (investis depuis 1983), c'est vingt ans de retard et la perspective de dépenser un milliard de plus pour faire fonctionner un procédé qui s'avère problématique".

Quant au DOE, il a fait savoir que la décision de renoncer au procédé "in-tank precipitation" avait été prise au début de l'année dernière, et que trois solutions de rechange étaient actuellement à l'étude, dont l'une porte sur la mise au point d'un procédé similaire mais sur une plus petite échelle.

Westinghouse a été remercié et une décision définitive devrait intervenir l'an prochain. En dépit de toutes ces difficultés, le DOE affirme toujours que les 35 millions de gallons (130 millions de litres) qui encombrent Savannah devraient avoir quitté le site en 2028, comme prévu. Ils devraient être alors stockés à Yucca Mountain, dont la mise en service est censée avoir lieu en 2010 (cf. partie II)


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