Introduction
L’étendue des zones contaminées, les niveaux de contamination rencontrés, l’importance numérique des populations concernées font de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl une catastrophe industrielle sans précédent. Les pressions occidentales se sont exercées dès le début de la crise ouverte par l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl afin de minimiser l’impact sanitaire de l’accident concernant les effets biologiques à long terme (cancers et effets génétiques) de l’exposition aux radiations des habitants de l’ex-URSS. En fait, l’émergence de problèmes sanitaires inédits avec un accroissement visible de la morbidité, en particulier chez les enfants, dès les premières années ayant suivi l’accident ont relégué les effets à long terme au second plan, mais comme eux ils ont été minimisés, voire niés, tant par les autorités sanitaires soviétiques que par les experts occidentaux. L’argument souvent avancé pour nier les observations faites sur le terrain par les médecins locaux est qu’elles ne correspondent pas aux effets observés chez les survivants japonais des bombes atomiques. Or les deux situations ne sont pas identiques. A Hiroshima et Nagasaki il s’est agi essentiellement d’irradiation externe en un temps très court (et le suivi de mortalité a commencé 5 ans après le flash). A Tchernobyl il y a d’abord eu une "phase d’urgence" (assez longue puisque les rejets se sont poursuivis durant le mois de mai) avec irradiation externe par le nuage et les dépôts au sol, contamination interne par inhalation et ingestion de produits contaminés suivie d’une irradiation chronique essentiellement due à la contamination interne par ingestion d’aliments contaminés pour laquelle il n’y a aucune donnée expérimentale fiable : Tchernobyl constitue la première mondiale d’ une "expérimentation" à grande échelle. Des zones "sous contrôle" ont été décrétées en Ukraine, Biélorussie et Russie, là où la contamination du sol dépasse 5 curies au km2 en césium 137 (5 Ci/km2). Le degré de contrôle dépend du niveau de contamination du sol. Plus de 800 000 personnes vivent sur ces zones contrôlées [1], plus de 7 millions sur des territoires contaminés à plus de 1 Ci/km2 (voir annexe). La dégradation de la santé surtout celle des enfants a engendré une inquiétude dans la population se traduisant par des manifestations de rue. Les prises de position de scientifiques des Académies des sciences, inhabituelles en URSS (et ailleurs), ont amené les autorités des républiques d’Ukraine et de Biélorussie à envisager de nouvelles évacuations. En octobre 1989 est publié en Biélorussie le programme de déplacement de plus de 100 000 habitants des zones les plus contaminées (supérieure à 15 Ci/km2) dont certaines sont situées à plus de 200 km de Tchernobyl [2]. Le pouvoir central a pu s’opposer efficacement à la réalisation de ces plans et à leur extension à la totalité des zones sous contrôle grâce à l’intervention des experts occidentaux. Il est bien évident que la préoccupation essentielle de ces experts est relative à la gestion d’une crise nucléaire éventuelle dans leur propre pays. Nous analyserons chronologiquement quelques faits significatifs du point de vue des problèmes sanitaires. Vienne, 25-29 août 1986 : Conférence internationale
de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) . Premier
bilan sanitaire.
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En effet, outre les problèmes d’irradiation aiguë des "intervenants rapprochés" sur le réacteur en détresse (greffes de moelle etc.) et ceux liés à l’évaluation de la dose externe des 135 000 évacués de la zone proche du réacteur devenue zone interdite, sont abordées les conséquences sanitaires à long terme de l’accident pour 75 millions d’habitants de la partie européenne de l’URSS, pour lesquels sont estimées la dose collective externe et la dose efficace collective engagée sur 70 ans par contamination chronique interne due aux césiums 137 et 134. Avec l’hypothèse retenue par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) d’une relation linéaire, sans seuil, de proportionnalité entre le nombre de cancers mortels radio induits et la dose reçue et en tenant compte du facteur de risque qui estime le nombre de cancers mortels radio induits par unité de dose de rayonnement, l’évaluation de la dose collective permet de chiffrer le nombre de cancers radio induits [4]. Les cancers mortels dus à l’iode radioactif étaient également chiffrés. (Le rapport soviétique ne tenait pas compte du strontium 90 et indiquait que ce radioélément pourrait s’avérer non négligeable par la suite). Ce fut un tollé général car le bilan conduisait à un excès de cancers mortels de 30 000 à 40 000 morts (dont plus de 80% dus au césium) représentant jusqu’à 0,4% du nombre de cancers mortels "naturels" prévus sur 70 ans, bilan jugé trop élevé par les occidentaux. A la conférence de presse du 26 août D. Beninson, Président du groupe de travail sur les conséquences sanitaires, qualifie les chiffres soviétiques d’"extrêmement surestimés". M. Rosen, directeur de la sûreté à l’AIEA, fixe la limite supérieure à 25 000 morts. Deux jours plus tard elle est à 10 000 et pour D. Beninson au plus à 5100 [5]. Beninson est Président de la Commission Internationale de Protection Radiologique et son opinion a donc du poids (c’est aussi un dirigeant de l’énergie atomique en Argentine). Pour Rosen et Beninson les chiffres soviétiques sont trop élevés car la contamination interne par les césiums radioactifs a été surestimée. Pourtant à ce moment là ils n’ont aucun élément scientifique pour l’affirmer. Cette annexe 7, source de soucis pour les promoteurs du nucléaire, a quasiment été censurée. Peu de gens en ont eu connaissance car le rapport principal a été traduit en français et diffusé mais pas les annexes. Les Soviétiques ne se référeront plus jamais à cette annexe 7, comme si elle n’avait pas existé. La remise en cause de l’estimation initiale
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Rappelons que la "démocratisation"
des doses en augmentant le nombre de personnes exposées à
des doses plus faibles ne change pas le bilan final. La même dose
collective conduit au même nombre de morts par cancers radio induits
si l’on admet la relation linéaire (sans seuil) entre le nombre
de cancers mortels radio induits et la dose. Moïesseev en revient
en fait au modèle avec seuil lorsqu’il dit que les résultats
de sa communication doivent être considérés comme une
estimation qui maximise les conséquences de Tchernobyl.
En septembre 1987 L. A. Iline et O. A. Pavlovski présentent à Vienne à l’AIEA un rapport [10] dont le sous-titre est " L’analyse des données confirme l’efficacité des actions à grande échelle pour limiter les effets de l’accident ". Lors de l’accident, la décision d’évacuation (115 000 personnes d’après les auteurs dont les habitants de Pripyat) a été prise de façon à ce que les doses d’exposition tant du corps entier que de la thyroïde soient nettement inférieures aux niveaux d’intervention établis avant 1986. (Il n’est pas fait mention des 18 700 Biélorusses évacués entre juin et août 1986 [2]). Personne n’a subi de dommage déterministe. Il est indiqué que 5,4 millions de personnes dont 1,7 millions d’enfants auraient reçu de l’iode stable à titre prophylactique contre l’iode radioactif. Les mesures de protection à grande échelle, comme l’introduction de normes alimentaires, auraient été efficaces en particulier l’interdiction du lait contaminé en Iode 131 à des niveaux supérieurs à 3700 becquerels par litre (3700 Bq/l). Les doses moyennes à la thyroïde des enfants sont données pour les régions du nord de l’Ukraine (pas pour la Biélorussie). D’après leur rapport on ne relève aucune augmentation de morbidité chez les enfants, il n’y a pas de différences entre régions contaminées et régions-témoins. Pour la première fois il est fait mention du syndrome de radiophobie chez les habitants des zones contaminées. C’est l’équivalent de dose efficace engagée pour toute la population soviétique (278 millions d’habitants) qui est estimé. Il est 18 fois plus faible que pour les 75 millions d’habitants considérés dans l’annexe 7 de 1986. En avril 1988 L. A. Iline réaugmente la dose [11] et en 1988 le Comité Scientifique des Nations-Unies sur les Effets des Radiations Atomiques (UNSCEAR) fait la "moyenne" des deux estimations et entérine la réduction de la dose de l’annexe 7 de 1986 par un facteur 9 [12]. M. Beninson peut être satisfait. Remarquons qu’Iline et Pavlovski étaient signataires de l’annexe 7. C’est donc d’une véritable autocritique qu’il s’agit dans ces deux publications. La réduction des doses collectives est attribuée à l’efficacité des contre-mesures. Cet optimisme officiel est contredit par V. Legassov dont le testament publié par la Pravda (20 mai 1988) témoigne de l’incurie qui a suivi la catastrophe [13]. On peut douter de l’efficacité de ces mesures étant donné l’importance de la population paysanne qui vit en autosubsistance (près de la moitié des 75 millions considérés dans l’annexe 7) et les niveaux de contamination de la nourriture locale (le lait a atteint 1 million de Bq/l en Biélorussie du sud) sans parler de la réputation d’inefficacité de la bureaucratie soviétique. La viande très contaminée en Biélorussie a été en partie éliminée mais a été aussi exportée pour être mélangée à de la viande "propre" [14][2]. Même à Moscou ont été vendues des viandes hors normes [15]. "Démocratiquement" les normes édictées pour le thé varient avec la région et les utilisateurs, Moscou et les zones très contaminées ont "droit" à du thé moins contaminé, les cafétérias d’entreprises à du thé plus contaminé [2]. Il faudra attendre juillet 1989 pour que soient indiquées à deux reprises dans les journaux ukrainiens les limitations pour le ramassage des champignons, baies et plantes médicinales [13][16][17]. Des informations à titre privé commencent à arriver en France : la situation sanitaire se dégrade en Ukraine et Biélorussie et le mécontentement grandit (comme en témoigne le film Microphone de G. Chkliarevski et V. Kolinko). Il faudra cependant la publication (9/2/1989) par le journal Sovietskaya Bieloroussia des cartes des zones "sous contrôle" contaminées en césium 137 à plus de 5 Ci/km2 en Biélorussie pour se rendre compte de l’étendue des régions affectées et du nombre de gens concernés dans leur vie quotidienne : contrôle de la nourriture, apport de nourriture "propre" si la nourriture locale est "sale", petite prime mensuelle, surveillance médicale, conseils d’emploi de cabines étanches pour les tracteurs etc. [2]. (suite)
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Le Président du Conseil des Ministres de Biélorussie résumait ainsi la situation : " On n’a pas réussi à remettre le djinn radioactif dans la bouteille" (Pravda, 11/2/1989). La Pravda publie le 20 mars 1989 la carte des débits de dose du rayonnement gamma relevés le 10 mai 1986 pour les trois républiques d’Ukraine, de Biélorussie et de la Fédération de Russie. Les cartes sont accompagnées d’un long article indiquant les conditions ayant régi les évacuations en 1986 : zone fermée pour des débits de dose supérieurs à 20 milliroentgen par heure (20 mR/h), évacuation pour des débits supérieurs à 5 mR/h, évacuation temporaire des femmes enceintes et des enfants pour des débits compris entre 3 et 5 mR/h. D’après les cartes on ne comprend pas pourquoi des régions situées loin de Tchernobyl (districts de Gomel, Moghilev et Bryansk) n’ont pas été incluses dans le programme d’évacuation de 1986 puisque sont indiqués pour elles des débits de dose supérieurs à 5 mR/h et même 15 mR/h. Fin 1988 on apprendra que des villages du district de Naroditchi en Ukraine, (proches de la zone évacuée en 1986) sont en instance d’évacuation. Critère de "résidence sans danger" : "35 rem en 70
ans" [17].
Les experts de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.).
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Outre M. Waight, secrétaire de l’O.M.S.,
nous retrouvons sous cette casquette Dan Beninson et le Pr. Pellerin, directeur
du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI).
Un naïf pourrait s’étonner de ce que M. Pellerin ait été
choisi alors qu’à la réunion de Copenhague de l’O.M.S. le
6 mai 1986 où les délégués des pays européens
avaient tous transmis les valeurs des débits de dose maximum relevés
dans leurs pays, la France, représentée par le SCPRI dirigé
par le Pr. Pellerin n’a pas communiqué de chiffre et se contentait
de l’expression "low" [18]. Est-ce la raison pour laquelle il a
été qualifié pour intervenir quelques années
plus tard dans la radioprotection des populations soviétiques ?
Le rapport des envoyés de l’O.M.S. est publié dans Sovietskaya Bieloroussia (11/7/1989) sous le titre Le Point de vue des experts. On relève ainsi :" [Les experts] ont conclu au sujet du critère d’une dose-vie de 35 rem dans le cas d’une situation post-accidentelle que cette valeur était conservative (...). La valeur de 35 rem est fondée sur l’estimation internationale actuelle du risque induit par les radiations ionisantes sur la santé. (...) Dans l’hypothèse où on leur aurait demandé de fixer la limite de dose cumulée durant la vie, les experts se seraient prononcés en faveur d’une limite de dose deux à trois fois 35 rem " [souligné par moi]. Le rapport dénigrait les scientifiques qui s’opposaient à la dose-vie préconisée par le pouvoir central soviétique : " Les scientifiques insuffisamment compétents dans le domaine des effets des radiations assimilent l’ensemble des différentes perturbations biologiques et médicales observées au seul effet des radiations ". Les trois experts invoquent quant à eux les facteurs psychologiques et le stress pour expliquer ces perturbations biologiques. En somme, tout est connu sur les effets du rayonnement, les observations sur le terrain n’ont qu’à s’aligner sur le consensus. On peut s’effrayer de la façon dont ces "experts" dénient à la catastrophe de Tchernobyl le triste privilège d’être une nouveauté dans le domaine de l’"expérience" médicale et ferment la seule voie possible pour appréhender cette nouveauté : enregistrer d’abord toutes les informations biologiques et médicales. Lors de la session du Soviet de Biélorussie fin juillet 1989, les autorités sanitaires et politiques biélorusses se sont appuyées sur ce rapport de la mission O.M.S. pour passer outre les protestations des scientifiques considérés comme des ignorants en ce qui concerne les questions radiologiques comme l’a souligné le vice-président de l’Académie des sciences de Biélorussie (Sovietskaya Bieloroussia 1/8/1989) et faire adopter la dose-vie de 35 rem. A Paris quelques personnes se sont émues. Qu’allait faire le Pr. Pellerin en Ukraine et en Biélorussie en déclarant faussement que la dose-vie de 35 rem était conforme aux recommandations internationales et en recommandant 2 à 3 fois 35 rem, ce qui est contraire à la réglementation française. La casquette de représentant de l’O.M.S. effaçait-elle les obligations du fonctionnaire du Ministère de la santé en charge de la radioprotection en France à respecter la législation française ? Malgré les démarches effectuées par cinq associations auprès du ministre de la santé nous n’avons pu obtenir d’éclaircissements à ce sujet [19]. Pendant ce temps, d’après les informations accessibles en France et les témoignages directs de médecins de retour d’Ukraine et Biélorussie la situation sanitaire se dégrade (entre autres, dysfonctionnements thyroïdiens, affections pulmonaires et mauvais état général des enfants). La réponse des autorités est : radiophobie. Manifestations à Minsk. Septembre 1989 : lettre à M. Gorbatchev de 92 spécialistes
en radioprotection pour imposer la dose-vie de 35 rem.
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"Dans le choix de la dose-limite de 35 rem, la Commission Nationale de Radioprotection a prêté attention au fait que cette valeur de 35 rem inclut la dose déjà reçue au cours des trois dernières années et que dans quelques agglomérations cette dose est sensiblement la moitié de la dose totale recommandée sur la vie (...) "[souligné par moi]. Ils ajoutent que dans certains villages où une dose de 35 rem est déjà atteinte ou en voie de l’être la décision d’évacuer [de "déplacer"] a été prise depuis longtemps mais n’a pas été appliquée " pour des raisons incompréhensibles". "(...) Il faut garder en vue que par irradiation postérieure à l’accident, cette dose de 7-10 rem a déjà été atteinte ou sera atteinte dans un proche avenir pour la plupart des agglomérations des territoires soumis au contrôle permanent". Les auteurs invoquent le stress psychologique profond et le détriment résultant sur la santé qui seraient provoqués par "le déplacement de centaines de milliers (jusqu’à un million ) de personnes (...). En cas d’acceptation de la dose 7-10 rem comme critère d’évacuation ce problème va apparaître pour les habitants de plusieurs grandes villes et centres de districts". Plus loin ils doutent de la qualité des soins médicaux qui ne pourra pas être garantie "dans un plan de déplacement d’un million de personnes". Voilà qui est clair : en septembre 1989 l’adoption d’une dose-vie de 7 à 10 rem aurait entraîné la réimplantation de centaines de milliers et jusqu’à 1 million de personnes. Si l’on compare ces chiffres aux données sur les niveaux de contamination et le nombre d’habitants concernés il ne peut s’agir que de tous les habitants des zones sous contrôle (contamination supérieure à 5 Ci/km2). On verra au fil des années les doses des habitants des zones contaminées diminuer comme peau de chagrin ce qui ressemble fort à un tripatouillage des résultats : on adapte les mesures et les modèles [20]. "Projet international Tchernobyl"
Les rayonnements n’ont eu aucun effet sur la santé de la
population, telle a été la conclusion des experts. Les doses
de rayonnement tant externe qu’interne ont été surestimées
par les autorités soviétiques .
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Quelques points particuliers : On notera que
tous les enfants examinés ont été trouvés en
bonne santé. En ce qui concerne les dysfonctionnements thyroïdiens
chez les enfants : pas d’anomalies de dosages hormonaux. Pas de différence
significative pour les enfants du même âge entre enfants des
localités contaminées et des localités "témoin".
Les nodules thyroïdiens sont très rares.
En ce qui concerne les néoplasmes, " Les données recueillies ne révèlent pas d’augmentation marquée de la leucémie ou des tumeurs de la thyroïde depuis l’accident ; cependant (...) la possibilité d’une augmentation dans l’incidence de ces tumeurs ne peut être exclue. Seules des informations par ouï-dire relatives à de telles tumeurs ont été disponibles ". Ouï-dire ! Or, durant l’année 1990, le Pr. Demidchik a opéré à Minsk 29 enfants de cancers de la thyroïde (59 en 1991). Cela correspondait à une incidence 20 fois plus élevée que celle d’avant Tchernobyl [22]. Rien sur les problèmes immunitaires des enfants, l’augmentation des aberrations chromosomiques. Pas d’augmentation significative des anomalies congénitales ce qui est étonnant lorsqu’on se réfère aux travaux qui seront publiés par G. J. Lazjuk [23][24]. Rien sur les évacués de 1986, les liquidateurs. Il est précisé qu’aucune estimation n’a pu être effectuée sur les doses reçues dans la phase aiguë, lors des premières semaines ayant suivi la catastrophe. Un point particulier : le Pr. Pellerin a fourni 8000 films - dosimètres qui ont été portés pendant deux mois par des habitants de villages contaminés sélectionnés. Le résultat est que 90% des films étaient en dessous de la limite de détection. Or, cette limite correspond en gros à la dose cumulée sur deux mois du rayonnement naturel. Donc il n’y a pas de rayonnement décelable au-dessus du bruit de fond dans les localités contaminées "sélectionnées" ? C’est le SCPRI qui a aussi été chargé des anthropogammamétries et la charge corporelle en césium 137 est très faible, comme s’il n’y avait eu que de la nourriture "propre" exclusivement consommée dans ces villages, ce que contredisent tous les témoignages et informations recueillies sur le terrain. Rappelons que les jours qui ont suivi l’accident de Tchernobyl, d’après les communiqués du Pr. Pellerin la situation en France est redevenue normale au bout de quelques jours sans avoir jamais été anormale auparavant. Le nouveau "concept", avril 1991
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Avec l’adoption de ce nouveau concept la réimplantation de tous les habitants des zones à plus de 15 Ci/km2 n’est plus assurée en Ukraine et en Biélorussie à moins d’être volontaire. L’émergence des Républiques indépendantes va compliquer davantage la situation par la pénurie alimentaire et les problèmes financiers. L’intervention de l’O.M.S. et des instances internationales en apportant leur soutien au pouvoir central soviétique a réduit à néant les efforts des scientifiques biélorusses et ukrainiens dans leur tentative de protéger les populations des zones contaminées. Et de cela nous sommes responsables. Quel bilan ?
Et les autres radionucléides ?
Les "réimplantations"
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En 1993 le ministère ukrainien des affaires de Tchernobyl indiquait
98 000 personnes depuis 1989 [13].
En Belarus le rapport de 1996 émanant du "Ministère des urgences et de la protection de la population contre les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl" indique que les réimplantations sont "fondamentalement terminées" et concerneraient en tout 131 200 habitants, (les 24 700 évacués de 1986 semblent inclus), sans donner la part des départs volontaires. On peut estimer à environ 300 000 les réimplantations obligatoires pour les trois républiques. On voit qu’on est loin d’un programme étendu à toutes les zones sous contrôle avec un million de personnes à réimplanter, ce dont s’effrayaient L. Iline, le responsable de la radioprotection soviétique, et ses collègues lorsqu’ils en référaient à M. Gorbatchev. A Paris S. Belyayev [25] affirmait que la considération des contre-mesures sur la base d’analyses coût-efficacité ou coût-bénéfice conduit à la conclusion que la réimplantation n’est pas efficace dans la plupart des cas. Mais ce sont les décideurs et gestionnaires qui font les analyses. Par ailleurs il reconnaissait que " la réimplantation peut éliminer pratiquement toute exposition future à des doses ". Ces doses qui auraient pu être évitées au million d’habitants des zones contaminées sous contrôle représentent des maladies, des souffrances et des morts pour eux et leur descendance et ce sont nos experts qui ont aidé le pouvoir central soviétique à réduire le nombre effectif des réimplantations. Les contre-mesures préconisées par la CIPR en cas d’urgence
radiologique
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Ainsi elle évalue le coût de l’ homme-sievert[4] (lié au prix de la vie d’un individu) pour trois types de pays : La CIPR ne semble s’intéresser qu’aux limites justifiées des interventions. Pour qu’une intervention soit justifiée il faut que le coût monétaire des doses évitées (cancers etc.) soit supérieur au coût de l’intervention (par exemple le coût de l’évacuation: transport, relogement etc). La CIPR précise les niveaux d’intervention toujours justifiés pour diverses interventions: Quant à la "réimplantation" avec relogement dans une zone non contaminée (ou moins contaminée) elle ne serait justifiée que si la dose engagée sans réimplantation était supérieure à 1 sievert (100 rem). On retrouve là les recommandations de Beninson et Pellerin des 3 fois 35 rem. Cela n’a rien d’étonnant puisque la Commission principale de la CIPR était présidée par Beninson, et Pellerin était membre de la sous-commission 4 qui a fait ces recommandations. Finalement c’est une "chance" qu’ont eue les populations soviétiques qui ont été réimplantées d’avoir été gérées par un pouvoir autoritaire ! Un pouvoir démocratique à l’occidentale aurait imposé des limites bien plus élevées pour éviter les évacuations en laissant vivre les populations sur des territoires notablement contaminés. Quand on examine les interventions des experts
occidentaux dans la gestion des conséquences de la catastrophe de
Tchernobyl, on voit clairement qu’ils ont apporté un soutien sans
réserve au pouvoir central soviétique et à ses experts
scientifiques au détriment de la santé de la population.
Cette action de nos experts n’a guère soulevé de critiques
ni dans la communauté scientifique, ni dans les corps intermédiaires
(corps médical, syndicats, associations) ni dans les médias.
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[2] Gazette Nucléaire n°96/97, juillet 1989. Dossier Tchernobyl trois ans après. [3] USSR State Committee on the utilization of nuclear Energy : The accident at the Chernobyl nuclear plant and its consequences. Information compiled for the IAEA Expert’ Meeting, 25-29 August 1986, Vienna. [4] Ce facteur de risque sera multiplié par un facteur 4 en 1990 (publication CIPR 60). La dose collective s’exprime en homme-sievert (ou en homme-rem). C’est le produit de la dose moyenne reçue par un membre du groupe (en sieverts ou en rems) par le nombre d’individus de ce groupe. C’est cette dose qui, multipliée par le facteur de risque correspondant, permet de déterminer le détriment (cancers, effets génétiques, perte de durée de vie). [5] Science, Sept. 12, 1986, vol. 233. [6] Commission des Communautés Européennes. L’accident nucléaire de Tchernobyl et ses conséquences dans le cadre de la communauté européenne, COM (86) 607, oct. 1986. [7] Nucleonics Week, May 10, 1990, p. 3. [8] A. Moïesseev, Analysis of the radiological consequences of the Chernobyl accident for the population in the European part of the USSR. WHO Consultation on Epidemiology related to the Chernobyl Accident, 13-14 May 1987, Copenhaguen. [9] Libération 4 nov. 1987. [10] L. A. Ilyin, O. A. Pavlovskij Radiological consequences of the Chernobyl accident in the Soviet Union and mesures taken to mitigate their impact IAEA Bulletin 4/1987. [11] L. A. IL’IN The Chernobyl experience in the context of current radiation protection problems Proccedings of an international conference, Sydney 18-22 april 1988, Radiation Protection in nuclear energy, vol. 2 p. 363. [12] UNSCEAR Report to the general Assembly 1988 Sources, effects and risks of ionizing radiation. L’équivalent de dose efficace engagée est de 226 000 homme-sievert, p. 369 [13] Bella et Roger Belbéoch Tchernobyl une catastrophe Editions ALLIA, Paris 1993. (suite)
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[14] Sobiecednik, n°17, avril 1989 cité dans la Gazette Nucléaire n°96/97 [15] Gazette Nucléaire n°84/85, janvier 1988, p. 26 [16] Pravda d’Ukraine 5 et 15 juillet 1989 [17] Gazette Nucléaire n°100, mars 1990. Dossier Gestion post-Tchernobyl p. 16. [18] Chernobyl reactor accident. Report of a consultation, 6 may 1986, WHO, Copenhagen. [19] Gazette Nucléaire n°101/102 mai 1990 p. 32 [20] Gazette Nucléaire n°109/110 Dossier Tchernobyl 5 ans après (22 pages). [21] The International Chernobyl Project. An Overview. Assessment of radiological consequences and evaluation of protective peasures. Report by an international Advisory Commitee, may 1991. [22] Données communiquées par le Dr Marie-Hélène Montaigne, Association Avicenne, Ronchain, France. [23] G.I. Lazjuk et al. Radiation Protection Dosimetry vol. 62, n°1/2 (1995)p. 71-74 Frequency of changes of inherited anomalies in the Republic of Belarus after the Chernobyl accident [24] Gazette Nucléaire n°157/158, mai 1997. Dossier Tchernobyl 11 ans après (12 pages). [25] S. T. Belyayev, V. F. Demin Les conséquences à long terme de Tchernobyl, les contre-mesures et leur efficacité. Actes de la conférence internationale les accidents nucléaires et le futur de l’énergie. Leçons tirées de Tchernobyl. 15-16-17 avril 1991, Paris. [26] Scientific Correspondance Thyroïd cancer after Chernobyl, Nature, 3 sept. 1992, vol. 359 V. S. Kazakov, E. P. Demidchik, L. N. Astakhova, p. 21, K. Baverstock, B. Egloff, C. Ruchti, D. Williams, A. Pinchera, p. 21-22 [27] B. Belbéoch, En Biélorussie : cancers de la thyroïde chez les enfants Gazette Nucléaire n° 119/120, août 1992. [28] M. Genesco, communication personnelle, 28/2/1989 p.19 |
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