GAZETTE NUCLEAIRE
Centre de stockage Manche

Analyse du compte-rendu des travaux de la commission d'évaluation
de la situation (fin juin 1996) et du communiqué
des Ministres de l'environnement et de l'industrie du 16 juillet 1996.
Didier Anger
Conseiller régional "les Verts" en Basse-Normandie représentant le CRILAN à
la CSPI de la Hague

RAPPEL DES FAITS

     Alors qu'une enquête publique se terminait à la Hague pour mise sous "surveillance", c'est-à-dire pour le fermer à jamais, le 30 novembre 1995, la chambre d'accusation de Caen, en appel d'une décision du juge d'instruction de Cherbourg, décidait de suspendre les travaux de recouvrement du centre de stockage Manche de déchets nucléaires dits de faible et moyenne activité.
     C'était d'abord à la demande de Corinne LEPAGE, encore notre avocate au printemps 1995, puis de Maîtres TEITGEN et de MONTBRIAL, après sa nomination au Ministère de l'environnement, au cours de l'été 1995.
     Le comité de réflexion, d'information et de lutte antinucléaire de Basse-Normandie (CRILAN) et moi-même, en tant que conseiller régional de Basse-Normandie, avions déposé plainte, en janvier 1994, contre X, au pénal, avec constitution de partie civile, devant le Tribunal de grande instance de Cherbourg, pour trois raisons principales :
     1° A ce jour, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) n'avait aucune autorisation de gestion de déchets nucléaires sur le site de la Hague;
     2° Des déchets étrangers sont stockés sur le site de la Hague;
     3° La nappe phréatique, les rivières de la Sainte-Hélène et du grand BEL sont polluées par le tritium, le césium, le strontium, le plutonium et ses dérivés.
     C'est surtout à ce dernier propos que nous demandions l'arrêt du recouvrement du site du C.S.M., selon le principe de précaution : dans le domaine de l'environnement, lorsqu'on constate une pollution, on en détermine la cause pour pouvoir y remédier à la source. Dans ce cas précis, pour éventuellement reprendre ce qui a été mal conditionné, à cru sur la terre, dans des fûts défectueux, en milieu humide, pour le reconditionner sur le site lui-même, ou sur un autre site plus convenable.

suite:
     En décembre 1995, le Ministère décidait de nommer une commission d'évaluation de la situation au centre de stockage Manche. Président : Michel TURPIN, autres membres: Messieurs J.C.ARTUS, F.BARTHÉLÉMY, T. CHAMBOLLE, R. SENÉ.
     Celle-ci devait rendre sa copie au mois de juin 1996.
     Le Tribunal de Caen, le 7 février 1996, est revenu sur sa décision du 30 novembre 1995, sans faits vraiment nouveaux justifiant la fin de la couverture, au contraire, puisque nous lui avions remis un document interne à l'ANDRA 'c.f pièce jointe N°1) prouvant que "la couche bitumineuse", en couverture, laissait passer le tritium, sous forme gazeuse (H3) qui se combine avec l'oxygène de l'air pour faire de l'eau tritiée. Le tritium de la Sainte-Hélène et du Grand-Bel ne provient pas que du dessous mais aussi du dessus. La couverture n'a pas quant au tritium de véritable efficacité de confinement. Quelques jours après, nous apprenions que les Ministres de l'industrie et de l'environnement demandaient à l'ANDRA de ne pas finir la couverture (il restait 3 hectares sur 12 à terminer) tant que la commission n'aurait pas donné son avis.
     C'était une première victoire, à l'arraché.

LA COMMISSION D'ENQUÊTE (ET LE COMMUNIQUÉ DES MINISTRES) N'AVALISE PAS LES DIRES DE L'ANDRA À PROPOS DU C.S.M., QUOI QUE CELLE-CI PRÉTENDE, ET C'EST L'ASPECT POSITIF DE SON TRAVAIL :
     - PAGE 20, on peut lire : "la vision de la commission diffère donc de celle de l'ANDRA"
     et le gouvernement appuie cette déclaration, puisqu'il "souhaite que l'ANDRA constitue un nouveau dossier…"qui "fera l'objet d'une enquête publique, conjointe à celle qui doit être ouverte pour préparer un arrêté d'autorisation de rejets de Centre…"

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     C'est reconnaître que "le centre n'est pas banalisable à 300 ans", c'est dire que l'enquête publique "Pronost" de l'automne 1995 est caduque. C'est enfin démontrer que l'ANDRA n'avait pas d'autorisation de rejets, et qu'en conséquence, tout rejet, jusqu'à ce qu'elle obtienne une autorisation, est une pollution. Il faut se rappeler que suite à notre plainte, Monsieur KALUSZNY, P.D.G. de l'ANDRA et ancien de la sûreté des installations nucléaires (D.S.I.N.), au cours de l'été 1994, demandait à celle-ci de ne pas lui délivrer d'autorisation de rejets, parce que ceci servirait ses opposants..
     Rassembler les enquêtes publiques successives en une seule est plutôt une avancée quant au droit de l'environnement, dont on peut espérer qu'elle sera appliquée sur les autres sites éventuellement concernés à l'avenir.
     Autres aspects positifs :
     - L'intéressement des populations à la surveillance et la demande de création d'une commission spéciale de surveillance, non de simple information comme les C.L.I., représentative et munie d'un budget (pages 21 et 25).
     - La recommandation d'effectuer des études épidémiologiques autour du site (page 2 du communiqué ministériel).
     - La reconnaissance de la dangerosité du site en tritium, radon, (provenant d'au moins 200 tonnes d'uranium stocké), en plutonium stocké anormalement et inégalement réparti sur le site (40% des éléments alpha viennent des sites militaires comme Valduc) et des dérivés du plutonium, américium, neptunium, dont la durée de vie dépasse plusieurs centaines de milliers d'années.
     - L'évaluation du stockage de plomb, de bore, etc., dans une telle quantité qu'il s'agit d'une décharge industrielle de classe 1, non avouée.
     - La reconnaissance de l'existence sur le C.S.M. de déchets étrangers.

MAIS LA COMMISSION, SOUVENT INCOHÉRENTE, REFUSE D'ALLER AU BOUT DE SES CONSTATS ET D'EN TIRER LES CONSÉQUENCES : C'EST L'ASPECT NÉGATIF DE SES TRAVAUX QUI PEUT SATISFAIRE L'ANDRA :
     1° Sur les déchets étrangers :
     La loi du 30 décembre 1991, sur les déchets nucléaires stipule : " le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement."
     Il s'agit de :
     "-produits de fission conditionnés dans une matrice de verre;
     -coques et embouts bétonnés ou compactés;
     -boues de traitement d'effluents bitumées;
     -déchets technologiques bétonnés, compactés et incinérés."
     Normalement, le C.S.M. est concerné par cette dernière catégorie composée surtout de nickel 63 (période 100 ans), de césium 137 (période 30 ans) et des émetteurs alpha, plutonium et radon issu de l'uranium, en principe stockés à raison de moins de 0,1 curie par tonne, ou 3,7 giga becquerels.
     Mais la COGEMA a inventé une unité particulière de mesure, l'unité résidu des déchets technologique (U.R.D.T.) pour ces déchets.
     La commission fait remarquer que les déchets technologiques du retraitement des combustibles étrangers " ne peuvent être distingués de ceux produits par le retraitement des combustibles français." Pour la commission "la quantité à retourner ne peut être définie physiquement mais seulement par une clé de répartition comptable" et "cette clé est relativement complexe et diffère selon les types de déchets concernés". Voilà à quoi sert l'U.R.D.T.! et cela permet de substituer certains types de déchets à d'autres, ce qui est difficilement vérifiable.

suite:
     Il est dit page 43 que "… à ce jour, aucun déchet technologique n'a encore été expédié à l'étranger", "bien que certains de ces déchets ont entre 15 et 20 ans d'existence, ou sur le C.S.M. ou sur le site COGEMA."

et page 44, de façon surprenante : "actuellement ce qui a été fait par la COGEMA pour les déchets technologiques est conforme à la loi de 1991 et au principe de retourner dans les pays d'origine les différentes catégories de déchets."

Sur la sûreté de la couverture et la mise à l'abri de l'eau :
     Page 6 : "la couverture … apporte un élément essentiel de sûreté pour cette installation." dit la commission. On sait pourtant l'inefficacité de la couche bitumineuse. On sait également que l'argile rapportée n'a pas la même capacité d'étanchéité que l'argile compactée naturellement. Il est dit page 13 : "On ne connaît pas vraiment la longévité de la membrane bitumineuse…il est probable qu'elle ne durera pas trois cents ans et que des interventions lourdes devront être faites pendant la phase de surveillance." Page 23 : "il y aura une contamination au tritium des eaux recueillies sous et sur la couverture ainsi que par le réseau gravitaire enterré."
     Qui plus est, on n'a pas pris en compte le fait que ce site - avant l'installation du C.S.M. - s'appelait le "Haut marais", que c'était une zone humide, en sommet de plateau, comme on en trouve souvent en massif ancien. Même si, elle a modifié les données naturelles, l'industrialisation - urbanisation du site n'a pas éliminé complètement la circulation de l'eau dans les sols. Le niveau des nappes phréatiques monte ou descend, non seulement par l'apport des pluies du dessus mais aussi du fait de l'apport par dessous. On sait que certains fûts à cru sur la terre baignent parfois dans l'eau.
     La commission est si peu sûre de l'étanchéité du C.S.M.,
     a) qu'elle minimise par avance les effets des fuites : "les ruisseaux exutoire sont courts et ne servent qu'à abreuver quelques bestiaux" (on n'oublie d'ailleurs d'ajouter que des grillages maintenant rouillés empêchent l'accès à la Sainte-Hélène sur cinq cents mètres depuis 1981).
     b) Qu'elle compte sur la mer exutoire pour disperser les pollutions : "les baies où se déversent ses ruisseaux sont très ouvertes et très brassées si bien que les polluants se dispersent dans la masse de l'eau de mer." N'est-ce pas un peu archaïque comme méthode antipollution ?
     Enfin, elle s'inquiète de l'instabilité des talus, abrupts, en bordure et de l'éventualité de l'érosion : " elle estime nécessaire d'agrandir le site pour les faire en pentes plus douces."
     3° Sur les risques sanitaires :
     Les ministres insistent sur les propos de la commission qui considère que le centre de stockage "ne présente pas, si les mesures ad hoc sont prises, de risques sanitaires significatifs pour les populations locales."
     Page 13 : " la commission affirme que, pour le tritium notamment, les valeurs relevées dans l'eau des ruisseaux sont - ces dernières années largement (au moins un facteur 10 inférieures aux recommandations les plus récentes de la CIPR et de l'O.M.S. pour les eaux de boissons humaine.". Pourquoi alors, page 16, dire que : si ces zones devaient se repeupler, il faudrait "amener les quantités nécessaires depuis d'autres zones.".? Qu'en est-il de la nappe phréatique où l'on a atteint parfois jusqu'à trois fois plus que les anciennes normes françaises c'est-à-dire plus de 15 fois plus que les nouvelles normes européennes votées en avril 1994, par le Parlement européen, officialisées par le Conseil des Ministres et la Commission exécutive de Bruxelles en mai 1996 ? Qu'en est-il des puits ? Qu'en sera-t-il des normes dans 5, 10, 50 ans etc.? Encore revues à la baisse, comme elles l'ont toujours été jusqu'à maintenant ?

p.16

     On ne peut pas, de façon simpliste, considérer que l'exposition à la radioactivité artificielle ne rajoute, en France qu'un peu plus à la radioactivité naturelle :
     - d'abord, parce que chaque Français ne partage pas également la radioactivité ajoutée; la proximité et l'exposition à l'air et à l'eau contaminés ont des impacts lourds.
     - ensuite, parce que certains éléments radioactifs n'existent pas dans la nature et peuvent être toxiques à très faibles doses : le plutonium par exemple fortement cancérigène au niveau du poumon.
     Par ailleurs, l'ANDRA, considérait que : "l'impact sanitaire actuel du tritium est négligeable" (enquête publique, automne 95). C'est une estimation "française", qui n'a pas forcément valeur internationale : en France, on part du fait que le tritium ne se fixe sur aucun organe particulier du corps humain, que comparable à l'hydrogène, il se dilue dans l'eau, pour affirmer que ces dangers sont quasi-inexistants.
     Des scientifiques qui ne sont pas, en France, en position de pouvoir dominant, et qui en Allemagne ou au Canada ont fait admettre le principe de nécessaire précaution, rappellent que l'eau est la composante la plus importante du corps humain, que l'exposition permanente de l'homme au tritium peut être une cause supplémentaire d'apparition d'effets cancérigènes, génétiques etc.
     Où est la prudence aujourd'hui pour plus de trois siècles ? Dans la controverse et le doute, les mesures de précaution maximales devraient être prises. Si les risques sanitaires ne sont pas significatifs, pourquoi alors déclarer page 19 : "il faut que ce site reste sous le coup de servitudes non aedificandi" ?

POURQUOI LA COMMISSION ET LES MINISTRES NE TIRENT-ILS PAS LES CONSÉQUENCES DES CONSTATS?

1° On sait, les choses, mais on est du même milieu :
     Le Président de la commission est Mr. Turpin, du Corps des Mines, comme MRS KALUSZNY, P.D.G. de l'ANDRA et SYROTA, P.D.G. DE LA COGEMA et depuis 1993, vice-président du Conseil d'administration des Mines, à ce titre, en charge du contrôle des inspecteurs du nucléaire et des DRIRE. Le contrôle est le contrôleur. Que valent les normes dans ces conditions ?
     Le lobby nucléaire est très présent dans les cabinets ministériels.
     Faut-il rappeler que le C.E.A. avait obtenu l'autorisation de gérer le C.S.M. par Robert GALLEY alors secrétaire d'état à la Recherche en 1969, mais son ancien administrateur; il est aujourd'hui Président de l'Agence de l'eau Seine-Normandie et nouveau responsable de l'office parlementaire pour les risques naturels et technologiques majeurs…
2° On a le même langage :
     On ne parle pas de conteneurs ou de fûts de déchets mais de "colis", comme si c'était des cadeaux que l'on nous envoyait. (dès la page 1)
3° La commission admet les fondements idéologiques de l'industrie nucléaire française à travers son histoire :
     Page 5: "c'est sans doute une conséquence de l'histoire de l'industrie nucléaire voulue et décidée par l'État, au début avec une forte composante de défense nationale…" Ceci est le fait historique mais elle ajoute: "puis ensuite de stratégie d'indépendance énergétique". Et ceci est idéologique, sans réalité objective :

suite:
     - jusqu'au milieu des années 80, la France a acheté la totalité de son uranium enrichi aux deux super-puissances, États-Unis et URSS;
     - à partir du millier des années 80, l'usine de Tricastin a enrichi de l'uranium provenant du Gabon, du Niger, et maintenant de l'Australie et du Canada. Les dernières mines d'uranium françaises de Lodève ferment. La COGEMA continue de faire réenrichir de l'uranium appauvri issu du retraitement de la Hague en Sibérie à TOMSK.
     La France est aussi dépendante avec l'uranium qu'elle enrichit qu'avec le pétrole qu'elle raffine ou qu'elle achète raffiné à presque 100%.
     4° C'est la vision "économiste" des choses qui l'emporte sur toutes autres considérations environnementale, sanitaire et humaine :
     - page 9, il est dit : "si pour des raisons de protection des travailleurs aux expositions, il fallait traiter tous les monolithes et toutes les tranchées bétonnées comme des monolithes irradiants, la démolition durerait 70 ans et coûterait 15 milliards de francs (francs 1996)".
     On connaît donc les pollutions, d'où elles proviennent, mais on ne va pas rechercher les fûts défectueux, on ne fait ou ne refait pas des alvéoles étanches sur le site ou ailleurs parce que ça coûte cher.
     Ce calcul est mené sur la base d'une reprise totale, alors que nous avons demandé la dépollution de la nappe phréatique, la reprise des fûts détériorés, l'enlèvement de ce qui reste à cru sur la terre, mis en début d'exploitation, et de ce qui a été mis en vrac et vite fait à la fin.
     Le but de l'opération ne devrait pas être de faire en sorte que le nucléaire soit rentable, en minimisant le coût de la gestion des déchets ou en le transférant sur les générations à venir.
     Faut-il que le coût de la bonne gestion des déchets soit réduit comme E.D.F. a réduit le coût de démantèlement des centrales nucléaires de 100% du coût de l'investissement initial à 15% de celui-ci ? La lecture du document de la commission donne l'impression qu'on ne prend pas toutes les précautions et garanties nécessaires pour l'environnement et la santé des personnes. Il s'agit de ne pas mettre le lobby industriel nucléaire en difficulté. N'est-il pas dit page 24 "qu'il faut prendre des scénarios raisonnables" ?
     5° Ce n'est pas vraiment l'impact sur l'environnement et sur les travailleurs quoi qu'on en dise, qui est la priorité :
     La commission reconnaît, page 14, à propos du radon (et des alpha) que "le risque est réel pour des travailleurs qui auraient à intervenir dans les galeries du réseau gravitaire enterré où le confinement conduit à des teneurs significatives"
     page 9, elle disait déjà qu'elle tenait "à attirer l'attention sur la nécessité qu'il y aurait à prendre des mesures très sévères pour protéger les travailleurs et l'environnement pendant ce très long chantier. L'impact sur l'environnement du chantier risque en effet d'être plus fort que celui du stockage lui-même".
     C'est louable de la part de la commission de s'en préoccuper : c'est peut-être vrai quant au cours terme, quand on connaît les pratiques du passé immédiat de l'ANDRA. Nous avons participé à la défense de Gérard VINCENT devant le tribunal de la sécurité sociale : contaminé au radon dans un puits du C.S.M., atteint d'un cancer du poumon, il s'est vu refuser le classement en maladie professionnelle. 
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L'ANDRA n'a pas brillé jusqu'à maintenant par son comportement social à la Hague :
     -pas de syndicat de travailleurs,
     -appel à des groupements d'entreprises sous-traitantes (Sentribac par exemple) qui à leur tour utilisaient des personnels de boîtes d'intérim (comme MANPOWER), sans aucune stabilité d'emploi et souvent sans formation.
     Mais quel pari sur le moyen et long terme !
     Le gouvernement a proclamé haut et fort l'objectif premier de créer des emplois. Pourquoi l'État ne montre-t-il pas l'exemple en créant des emplois pour effectuer des travaux de reprise et de reconditionnement ? Qu'on ne vienne pas maintenant nous dire que ce serait trop dangereux pour la santé des travailleurs ! Ce sont des emplois ANDRA, service public, (et non des emplois fournis par des boîtes d'intérim), des emplois pour des personnel formés, contrôlés de façon permanente qu'il faut.
     Dans de meilleures conditions de travail que ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, c'est-à-dire dans les nouvelles normes européennes : 2 rems/ans admissible, au lieu de 5 pour les travailleurs et 0,1 au lieu de 0,5 à la clôture pour les populations. Ceci fait, alors devrait pouvoir se poser la question de fermer le C.S.M. Alors seulement.
     Nous sommes responsables non seulement du présent mais aussi de l'avenir.
     6° La commission manque d'imagination quant aux risques socio-politiques du pays :
     Une seule chose semble inquiéter la commission : la communication de la connaissance du site pendant plus de trois cents ans aux génération à venir. C'est un problème réel évidemment mais que ne pense-t-elle aussi aux autres risques, socio-politiques : combien de guerres se sont faites sur notre sol depuis plus de trois cents ans, combien de révolutions, combien de régimes se sont-ils succédé, certains démocratiques, d'autres totalitaires, certains instables, d'autres autoritaires ? Que sera notre pays dans 10 ans, dans 50 ans, dans 100 ans ? L'ANDRA existera-t-elle dans 50 ans et plus ? Si la situation industrielle est mouvante, la situation politique peut l'être aussi. Qui peut assurer de la stabilité de la Démocratie française et de l'état de droit pendant trois cents ans et plus ? L'état apparemment le plus autoritaire, policier, contrôlé du monde, il y a quelques temps l'URSS, ne s'est-il pas écroulé lamentablement en quelques années ? Qu'en est-il aujourd'hui des déchets nucléaires stockés, ici et là, disséminés sur l'ensemble du territoire il y a 30, 20 et même 10 ans ? On en a souvent déjà perdu non seulement la mémoire mais encore le contrôle.
     Tout ceci devrait militer pour qu'on intervienne maintenant et non seulement pour transmettre la connaissance, pour essayer d'évaluer aujourd'hui ce que cela coûterait d'ici quelques dizaines d'années pour intervenir. Aucun économiste sérieux n'oserait faire de tels calculs : même à 20 ans, les économistes ne savent pas faire…
     7° Et la commission avoue cyniquement que l'important est de faire accepter le risque :
     page 22 : il est dit :"notre analyse nous fait conclure à un niveau de risque extrêmement faible et acceptable. Mais tout le monde ne partage pas forcément notre opinion. Or, l'important est que ce risque soit accepté. Ceci implique une transaction sociale." s'agit-il d'une transaction aussi triviale que celle qui consiste à dire aux communes concernées par l'enfouissement profond des déchets de haute activité :"ce n'est pas dangereux" et à leur offrir 60 millions de francs par an pendant 15 ans ?
suite:
CONCLUSIONS : QUELLES SUITES À DONNER ?

     Au delà de la nécessité de suivre comment les quelques engagement positifs des ministres passeront dans les faits, il nous faut mener jusqu'au bout nos recours devant la justice.
     1° À propos de l'absence d'autorisation de gestion du C.S.M pour l'ANDRA :
     - La loi du 31 décembre 1991, dans son article 13 déclare :"il est créé, sous le nom d'Agence nationale des déchets radioactifs, un établissement public industriel et commercial, placé sous la tutelle des ministres de l'industrie, de la recherche et de l'environnement."
     L'ANDRA travaillait sur le site, sous la responsabilité du C.E.A. depuis 1979. C'est seulement après notre plainte de janvier 1994, que l'ANDRA a déposé une demande d'autorisation de gestion du C.S.M., juste avant de le fermer. D'ailleurs comment l'ANDRA aurait-elle pu fermer le C.S.M. si elle n'avait aucune existence de droit ? Cette autorisation est venue par décret le 24 mars 1995. Rien ne peut être valablement dit et par la commission, et par le ministre Corinne LEPAGE (qui avait déposé plainte) pour légaliser l'illégalité passée.
     Quant à la nouvelle légalité du C.S.M., elle est remise en cause devant le Conseil d'État (le dossier est passé des mains de Corinne LEPAGE à celles de Maître CHOUCROY au moment de la nomination de celle-ci au Ministère).
     - sur la forme : tous les ministres concernés ne l'ont pas signée.
     - sur le fond : on ne devait pas, en 1995, dix neuf ans après la loi de la protection de la nature, autoriser l'ANDRA à gérer une installation nucléaire de base sans étude d'impact, sans enquête publique.
     Le décret du 24 mars 1995 devrait être caduc.
     2° Sur la présence de déchets étrangers sur le site de la Hague :
     La plainte a été déposée contre X : l'ANDRA et le C.S.M. n'étaient pas les seuls visés.
     Pour les déchets technologiques issus du retraitement, deux solutions :
     - ou bien ils sont sur le site ANDRA,
     - ou bien, sur le site COGEMA,
     puisqu'aucun d'entre eux n'a encore été retourné, à moins que ce ne soit sur les deux.
     Quant au système d'équivalence (grâce au fameux calcul en Unité Résidu des Déchets Tzechnologiques - U.R.D.T.-), il met en évidence que l'on substituerait certains déchets à d'autres pour les retours à l'étranger. Est-ce ceci qui était prévu dans la loi ?
     Enfin pour les autres déchets, de haute activité et à vie longue, le premier retour vers le Japon s'est opéré en février 1995, le premier retour vers l'Allemagne en mais 1996. Aucun pour les autres pays étrangers sous contrats à ce jour : Belgique, Suisse, Pays-Bas et que fait-on des déchets suédois, du contrat rompu en 1984, dont 1/7 ème environ a été effectué ?
     La direction de la COGEMA évoque à leur propos, non un stockage, puisqu'interdit, mais un entreposage, jouant sur les mots. Pour être clair, il y a , pour le moins, un stockage intérimaire de 15 à 20 ans, après retraitement et non nécessité par le retraitement pour les déchets étrangers (et jusqu'à 2010 pour les déchets français !) et ce, sans autorisation légale.

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     De plus la COGEMA négocie avec des compagnies d'électricité allemandes de nouveaux contrats pour accueillir des combustibles irradiés allemands en piscine. Il faut savoir que la capacité des piscines d'attente avant retraitement de la Hague a été étendue de 8 000 à 14 000 tonnes de combustibles irradiés. Il faut savoir aussi que l'Allemagne a modifié sa loi sur les déchets nucléaires : le retraitement n'est plus la seule voie possible, le stockage direct sans retraitement en est une autre. Enfin, à Gorleben, on n'en est qu'aux études minières pour le stockage en profondeur en sol salin. Ne prépare-t-on pas le stockage intérimaire allemand à la Hague ? Au cours d'une visite du ministre allemand de l'environnement et des ministres français de l'environnement et de l'industrie, ceci a été démenti mais reste à démontrer la véracité de ce démenti.
     De toute façon, l'usine de la Hague, site COGEMA est déjà un site de stockage intérimaire après retraitement pour l'Europe et le Japon.
     Notre plainte a eu sûrement pour premier effet de susciter et d'accélérer les premiers retours "médiatiques". A nous de faire respecter la loi, non seulement parce qu'elle est la loi, mais essentiellement, parce qu'elle est l'expression de l'idée selon laquelle c'est à chaque région de la planète, à chaque pays de gérer ses "propres" problèmes de déchets.
     3° Quant à la pollution ?
     Plus personne n'oserait sérieusement nier la pollution de la nappe phréatique et des rivières qui prennent leur source sur le C.S.M. : Sainte-Hélène et Grand-Bel. Plus personne n'oserait sérieusement affirmer qu'il y avait autorisation de rejets radioactifs puisqu'une enquête publique va devoir être menée pour ce faire (c.f. communiqué ministériel). Ce qui peut être discuté aujourd'hui, ce n'est pas la pollution, c'est son ampleur.
     La commission et les ministres estiment qu'il n'y a pas de risques sanitaires significatifs immédiats pour les personnes, en se référant notamment aux normes françaises les plus laxistes au monde (270 000 becquerels par litre d'eau) et même par rapport aux normes européennes dans les rivières. Ils oublient la nappe phréatique qui les a souvent amplement dépassées.
     Quant aux eaux de rivières et de boisson, les normes de 600 à 1300 becquerels par litres (en moyenne environ 700) que l'on y constate assez régulièrement, ainsi que dans certaines sources et puits en aval du C.S.M., elles sont très nettement supérieures à ce que l'on peut trouver hors proximité de site nucléaire (environ 1 becquerel par litre) et de ce que proposait en 1994 le comité consultatif sur les normes environnementales du gouvernement de l'Ontario au Canada (20 becquerels par litre).
     Les scientifiques n'ont en fait aucune certitude absolue quant aux limites de doses qui n'auraient aucune incidence sur les personnes. Celles-ci sont mises en oeuvre en fonction des connaissances sur les risques, qui sont évolutives, en fonction des "émotions populaires", de leur "acceptabilité" et des moyens financiers que l'on veut utiliser : elles ont toujours jusqu'à maintenant été revues à la baisse avec des rythmes différents selon la puissance du lobby nucléaire, dans chaque nation, le rôle de l'état (pour la France notamment), l'information puis la mobilisation éventuelle des citoyens.
     Selon un sondage récent publié par le journal Libération, la gestion des déchets nucléaires est - contrairement à ce que dit l'ANDRA - la première inquiétude environnementale des Français.
     Il y a pollution, c'est certain : son ampleur est à venir quant à sa réalité et à son évaluation.
suite:
Nous continuons le combat engagé, il y a plus de 20 ans. Pour notre région. Mais aussi pour les autres que l'on veut nucléariser avec des déchets. Comment pourrait-on leur faire croire que le stockage profond y serait réversible quand on le rend irréversible de fait ici, en presque surface. D'ailleurs, la commission dit page 66 : "Pour un stockage en souterrain, lorsqu'on a remblayé les galeries de stockage et les puits d'accès, le stockage est pratiquement irréversible".
     Nous continuons non seulement, pour nos enfants et nous-mêmes mais encore pour les nombreuses générations à venir. Nous savons aujourd'hui qui aura été responsable du recouvrement même s'il devait être amélioré. Nous devrons, nous aussi, savoir le communiquer aux générations futures.

Document N°1
Note DQCI/CPM/94.0028 du 20 janvier 1994
Bassin d'orage - transfert des eaux vers COGEMA

     Le projet de Couverture Fermeture du Centre de stockage de la Manche prévoit le transfert des eaux pluviales de l'ANDRA vers un bassin d'écrêtage situé sur l'emprise de l'usine de retraitement de COGEMA. Ces eaux seront ensuite mélangées aux déversements d'eau pluviale de COGEMA et, après un contrôle d'activité en continu par Cobenade, rejoindront la rivière de Sainte-Hélène. La qualité de ces eaux est un point essentiel.
     L'activité volumique des eaux pluviales, compte tenu des résultats des mesures qui sont régulièrement pratiquées, est toujours inférieure ou proche du seuil de détection en activité alpha et bêta.
     Par contre, le comportement du tritium est plus complexe. Même si les structures dans lesquelles il est stocké sont en bon état, le tritium s'échappe par diffusion vers réseau séparatif et vers les couches supérieures que sont la couche de forme et la couverture, dont les drains sont les exutoires préférentiels. Dès la mise en place de la couverture, on a mesuré du tritium dans son réseau de drainage sur et sous la membrane bitumineuse. Le réseau des eaux pluviales est ainsi marqué de façon permanente par le tritium. La mise en place de la couverture réduira les entraînements par lixiviation, mais ne suffira pas à confiner le tritium dans le stockage.
     Si on se fonde sur les observations réalisées sur la première tranche de couverture et sur la campagne de mesures réalisées par DEX/CSM en juillet 1993 dans le document en référence, les concentrations en tritium dans le réseau des eaux pluviales sont fortement dépendantes de la pluviométrie. En période sèche les concentrations sont très significatives. Elles ont déjà atteint 1500 Bq/L, mais avec des volumes extrêmement faibles, de l'ordre de la centaine de litres par heure. Ce faible volume d'eau sera ensuite dilué dans l'apport que la COGEMA doit à la rivière en application de l'arrêté préfectoral relatif aux déversements d'eau pluviale dans la rivière de Sainte-Hélène. Cette contribution ne devrait pas dépasser quelques dizaines de becquerels par litre d'eau.

Document N°2

     Le système de transposition décrit pour les eaux de surface peut également être repris pour les effluents, même si on peut s'interroger sur la nécessité qu'il y aurait eu de renouveler l'autorisation dans le cadre du décret n° 74-1181 du 31 décembre 1974.

p.19

Perspectives
     On peut se demander si le passage en phase de surveillance implique une quelconque obligation juridique de renouvellement des autorisations de rejets divers. Les textes en la matières sont beaucoup moins précis que le décret du 11 décembre 1963 lorsque ce dernier aborde le cas de modifications substantielles en matière d'INB.
     Il n'est pas toutefois impensable d'envisager de rénover également les autorisations de rejets compte tenu de leur ancienneté, de leur relative pauvreté, et des modifications apportées tant aux textes au sens strict qu'à leur esprit dans le domaine de l'eau. Telle est donc l'option qui est retenue pour les rejets du C.S.M.
     On notera cependant que les délais nécessaires à l'élaboration du texte d'application au domaine nucléaire du nouveau régime issu de la loi sur l'eau, n'ont pas permis de déposer une demande d'autorisation de rejets en même temps que la demande d'autorisation de création.
     Ceci ne doit en aucun cas conduire à reporter l'enquête publique et l'instruction de l'autorisation de création. En effet, on pourrait alors devoir faire face non plus à une simple contestation sur la seule absence d'autorisation de rejets (déjà présente) mais bien à une double contestation mettant également en jeu la capacité juridique de l'ANDRA à "exploiter" le C.S.M. dans sa phase de surveillance.
     D'autre part, une instruction d'une demande d'autorisation de rejets trop proche de celle du D.A.C pourrait présenter certains inconvénients. En effet, les rejets étant ceux de l'ensemble du C.S.M., il paraîtrait incompréhensible que ce ne soit pas l'étude d'impact de D.A.C. qui remplace la pièce n° 4 du dossier loi sur l'eau.
suite:
Or, dans l'étude d'impact du D.A.C., il est dit que eaux d'infiltration collectées par le RSGE sont évacuées, après contrôle, vers l'établissement COGEMA La Hague.
     Le dépôt rapproché d'une demande d'autorisation de rejets radioactifs pourrait signifier un changement de parti technique, surtout si l'on retenait le traitement dans un établissement spécialisé rendu possible par de faibles quantités d'effluents. Dans la mesure où la percolation des eaux d'infiltration est un des aspects majeurs de l'impact environnemental du C.S.M. en phase de surveillance, un tel changement de parti dans un délai relativement court, pourrait inciter nos opposants à déposer, avec de bonnes chances de succès, un recours en annulation du décret d'autorisation de création fondé sur l'insuffisance de l'étude d'impact.
     Il convient donc que le délai entre les deux procédures soit suffisamment marqué.
     Ce délai sera mis à profit pour analyser le premier retour d'expérience des effets de la couverture. Le dossier de demande d'autorisation qui en sera issu ne pourra qu'en tirer bénéfice en évitant les aspects trop théoriques que pourrait induire à ce jour le caractère innovant du système mis en place.
     Pour ne pas créer de problème pendant cette phase transitoire, il faudra prendre soin que le nouveau décret d'autorisation de création n'abroge pas la totalité du décret du 19 juin 1969 mais laisse subsister ses articles 3-IV et 3-V.
p.20a

La gestion des résidus issus de l'extraction et du traitement des minerais d'uranium
Extrait de INFO-URANIUM n° 81 (1996) (p. 155 à 240)
Publication qui disparaît faute de moyens et pourtant que de travail !!!!
     Nous résumons cette partie du Rapport en suivant le plan de son auteur et en donnant plusieurs extraits (sans les notes de bas de page).
     Les titres, les sous-titres et les passages entre guillemets sont de C. Birraux.
     " Les résidus de l'extraction minière et du traitement de l'uranium cumulent 3 handicaps : 1/ ce sont des déchets; 2/ ils sont issus du secteur nucléaire; 3/ leur durée de vie radioactive en fait une menace potentielle pendant plusieurs siècles. Circonstance atténuante cependant : leur radioactivité massique est faible, comparable à celle des déchets très faiblement actifs évoqués ailleurs dans ce rapport."

A - La maîtrise à moyen terme des risques sanitaires semble devoir être convenablement assurée

1/ L'évaluation de l'impact sanitaire des résidus apparaît soulever des difficultés gênantes.

     C. Birraux parle des sites qu'il a visités : Limousin, USA (sites miniers COGEMA au Wyoming, site réhabilité d'Ambrosia Lake au Nouveau-Mexique), ex-RDA (sites WISMUT), Afrique du Sud. Il parle des déchets générés par l'extraction du minerai (stériles, radon…) et des résidus générés par le traitement des minerais (RT) ou par la lixiviation in situ. Il aborde ensuite la question de l'impact sanitaire des RT, en décrivant d'abord le contenu des RT en radionucléides et en activité massique.
     " Dans ses rapports à l'Assemblée générale des Nations Unies, l' United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation (UNSCEAR) établit périodiquement un bilan des sources d'exposition auxquelles sont soumises les populations. 

suite:
Au sein de l'exposition due à l'ensemble des activités occasionnées par la production d'électricité, celle qui est due aux résidus miniers occupe une place privilégiée. Les radioéléments contenus dans les résidus sont susceptibles d'avoir un impact sur la population selon les trois voies d'exposition traditionnelles :
     - exposition externe par rayonnement gamma : elle est due au bismuth 214 (chaîne de l'U 238) à hauteur de 85 %;
     - exposition interne par inhalation : le principal contributeur est le radon 222 ou plus exactement ses descendants à vie courte (Pb 214 et Bi 214 essentiellement); ceux-ci, sous forme solide, se fixent sur les poussières et aérosols et peuvent être déposés avec eux dans les bronches et les poumons; par ailleurs les particules fines composant une partie des résidus peuvent être mises en suspension dans l'air;
     - exposition interne par ingestion: les éléments les plus pertinents pour évaluer le risque radiologique sont les concentrations en uranium et en radium 226 solubles."
     Le rapporteur examine les textes qui s'appliquent aux usines de traitement et aux RT du point de vue de la protection de la population: décret modifié du 20 juin 1996 relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants, circulaire du 29 janvier 1986 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (instruction technique relative aux installations de traitement de minerai d'uranium), décret n° 90.222 du 9 mars 1990 complétant le règlement général des industries extractives (Rayonnements ionisants RI-1R - 2° partie : Protection de l'environnement).
     Il estime que l'existence de ces textes "laisse subsister plusieurs difficultés sérieuses" :
p.20b

     - l'imprécision des moyens de mesure utilisés aujourd'hui
     - la détermination du niveau de l'exposition naturelle, surtout dans le cas de sites ouverts depuis de nombreuses années et avant l'ouverture desquels le niveau de l'exposition naturelle n'avait pas été évalué.
     Le choix des stations de mesure dans l'environnement naturel a suscité des polémiques, particulièrement dans le Limousin, suite à l'Étude radioécologique réalisée par la CRII-RAD.

2/ La maîtrise radiologique des sites réaménagés paraît pouvoir être raisonnablement assurée à moyen terme

2.1 Les travaux de réaménagement doivent prendre en compte dès aujourd'hui les recommandations de la CIPR 60
2.1.1 Les limites de dose au public recommandées par la CIPR 60 s'imposent aujourd'hui comme la référence naturelle des réaménagements
     La question avait pu sembler ouverte pendant quelque temps…elle ne l'est manifestement plus. Lors de l'audition du 16 novembre 1995, M. Henry, directeur-adjoint de la Direction de la Prévention de la Pollution et des Risques (Ministère de l'Environnement) a clairement pris position. Dans les dossiers dont il aura à connaître, le Ministère de l'Environnement, responsable de l'application de la loi de 1976 sur les Installations classées pour la protection de l'environnement, demandera aux services extérieurs placés sous son autorité (DRIRE) d'appliquer les recommandations de la CIPR 60 en matière de limite de dose pour le public.
     Je ne peux qu'approuver cette démarche. Elle est à la fois politiquement incontournable et tactiquement indispensable : les quelques mois (ou éventuellement années) qui nous séparent de l'introduction en droit français de la CIPR 60 sont peu de choses au regard de l'horizon temporel des stockages. COGEMA n'est d'ailleurs pas opposée à ce mouvement - ou n'y est-elle que résignée ?
     La première conséquence concrète doit être la modification du mode de calcul du TAETA, qui ne se résume pas à une simple division par 5 de toutes les limites inscrites aux dénominateurs du TAETA. Les publications déclinant les recommandations de la CIPR 60 (ses décrets d'application, en quelque sorte) ont modifié divers paramètres intéressant les expositions internes. Les valeurs guides opérationnelles évoquées dans les paragraphes précédents sont également à modifier, tout en notant que la valeur guide pour le radium reste inopérante du fait de la limite fixée par ailleurs à 0,37 Bq/l. En revanche, la valeur guide pour l'uranium (1,2 mg/l) devient opératoire sous le régime de la CIPR 60 et de ses textes dérivés.

Limites futures pour les expositions ajoutées
Limite Mode d'exposition
1 mSv exposition interne
40 Bq émetteurs a à vie longue de la chaîne de l'U238 présents dans les poussières en suspension dans l'air et inhalés
0,56 mj énergie a potentielle pour les descendants à vie courte du radon 222 inhalés
1,68 mj énergie a potentielle pour les descendants à vie courte du radon 220 inhalés
4,5 kBq radium 226 ingéré
1 g uranium incorporé
suite:
     Dans son Étude radioécologique sur la division minière de La Crouzille, la CRII-RAD soulève une question intéressante. Étudiant les modes de contamination par voir atmosphérique, l'association critique la fixation de la limite réglementaire concernant les "émetteurs a à vie longue de la chaîne de l'U238 présents dans les poussières en suspension dans l'air". Pour la CRII-RAD l'utilisation des valeurs retenues par la CIPR dans ses publications consacrées à la contamination atmosphérique n'est pas valable dans le cas de la manipulation des résidus. En effet elles ont été définies pour la radioprotection dans les mines, donc fondées sur certaines hypothèses relatives, entres autres, à la forme physico-chimique des radionucléides contenus dans les poussières, à leur granulométrie, à l'équilibre de la chaîne radioactive.

     La CRII-RAD rappelle que : 1/ suite au traitement du minerai, l'uranium a été extrait donc le matériau n'est plus en équilibre séculaire; 2/ les formes physico-chimiques retenues par la CIPR ne sont pas celles que l'on rencontre dans les résidus, pour certains radioéléments dont l'impact devient dominant du fait de l'extraction de l'uranium. Par ailleurs la CRII-RAD critique le fait que l'on ne prenne pas en compte les émetteurs a de la chaîne de l'U235, dont certains, dit-elle, ont un impact radiologique plus fort que ne le laisse supposer leur activité. En revanche la CRII-RAD ne s'étend pas sur la granulométrie des poussières; or la CIPR retient une valeur de 1 mm. Cette valeur est-elle plus faible ou plus forte dans le cas des poussières de résidus ? Quel pourrait en être l'impact radiologique ? Il est dommage que la CRII-RAD n'ait pas répondu à ces questions complémentaires.

     En tout état de cause, et sans que soient pris en compte les effets dus à la granulométrie, la CRII-RAD estime que "dans les cas les plus pénalisants, les limites fixées par le décret 90-222 peuvent conduire à des doses près de 5 fois supérieures aux limites fondamentales fixées par le décret 66-450 modifié. Une fois encore les choix de radioprotection sont fondés sur des hypothèses optimistes qui sont loin de garantir la protection des populations exposées."

     Sans prendre position sur le fond, il me semble que l'ensemble de cette question pourrait être utilement étudié par nos autorités sanitaires à l'occasion de l'introduction prochaine de la CIPR 60 et de sa traduction dans le mode de calcul du TAETA. Je remarque cependant que, si la logique de la CRII-RAD devait être poussée jusqu'au bout, on devrait déterminer des limites d'incorporation pour chacune des étapes du traitement du minerai, puisque à chacune de ces étapes les granulométries, les formes physico-chimiques et les équilibres radiologiques sont susceptibles d'être différents…"

     NB. Par CIPR 60, il faut entendre la Publication 60 de la Commission Internationale de Protection Radiologique de 1990, qui a recommandé une diminution des limites de dose (cette question est traitée dans la 1° partie du Rapport de C. Birraux).

     Le rapporteur discute ensuite de l'application de la CIPR 60 dans le cas des dépôts de résidus de traitement d'uranium (DR) et de leur réaménagement.

     "Le débat s'articule souvent autour de la question : faut-il être réaliste ou maximaliste ?

     Cette question a une acuité particulière dans le cas des stockages de déchets, et plus particulièrement des résidus miniers. Il s'agit en effet de la seule situation où les expositions procurées au public sont susceptibles d'atteindre la valeur fatidique de 1 mSv par an (souligné par C. Birraux), en ordre de grandeur. De plus, par définition, ces expositions sont prolongées : elles pourront être délivrées pendant une portion significative de la vie des individus, sinon leur vie entière.

p.21

     Il y a donc, en matière de stockage de résidus miniers, une possible interférence entre le principe d'optimisation et le principe de limitation. Pour les activités nucléaires traditionnelles (amont du cycle, exploitation des réacteurs, retraitement), les impacts sanitaires sont si faibles que d'une part le principe de limitation n'a pas à intervenir, d'autre part le choix d'hypothèses maximalistes n'aura pas pour conséquence vraisemblable un trop grand gaspillage des ressources disponibles dans la société. Dans le cas des résidus miniers, la contrainte viendrait plutôt du principe de limitation. Le risque est alors que le chois d'hypothèses et de scénarios maximalistes (ou "pessimistes") ne conduise à s'éloigner trop de la solution véritablement optimale et n'implique un gaspillage des ressources."
     C. Birraux termine cette première partie (A) par une examen des méthodes de réaménagement qui ont, selon lui, 'un caractère quasi universel" :
     - remblayage et noyage des travaux miniers souterrains
     - mines à ciel ouvert : transformation en réservoir d'eau ou en plan d'eau, comblement avec des stériles ou des RT (l'auteur donne plusieurs exemples de réaménagement en France, aux USA, au Gabon)
     - dépôts de résidus (DR) : les divers types de DR, le recouvrement des DR par une lame d'eau et leur assèchement en vue du réaménagement final (recouvrement par des matériaux solides), les caractéristiques de la couverture, le stockage des matériaux contaminés issus du démantèlement de l'usine de traitement dans le DR.

B - L'acceptabilité des solutions retenue requiert de plus amples efforts partagés

1/ Des assurances raisonnables doivent être recherchées sur le plus long terme

     - Le confinement des RT n'est pas parfait et une contamination des eaux souterraines peut se produire. C. Birraux donne plusieurs exemples d'insuffisances du confinement (DR de Jouac et de Bellezane notamment).
     Le noyage des mines peut provoquer des pollutions "a priori temporaires". On apprend dans ce chapitre que la lixiviation in situ a été pratiquée dans les travaux miniers souterrains de l'Ecarpière (Loire-Atlantique).
     - Le rapporteur évoque ensuite des études engagées par COGEMA et d'autres organismes ou universités et portant sur le réaménagement des sites miniers, et en particulier sur l'évolution des RT et des DR dans le temps.
     - Il est nécessaire de trouver et de mettre en oeuvre des techniques permettant d'assurer une protection des RT sur le long terme. La stabilité des digues et la pérennité de la couverture sont deux points capitaux. Il paraît difficilement envisageable de reprendre les RT pour les placer dans un DR plus approprié.
     - C. Birraux aborde enfin la question du contrôle institutionnel des DR dans le long terme. Selon lui, "seule la puissance publique peut éventuellement assumer une responsabilité sur plusieurs siècles." Il reprend la proposition faite, en 1992, par J.Y. Le Déaut dans son "Rapport sur la gestion des déchets très faiblement radioactifs" (voir INFO-U n° 57 p. 18/19 et n° 58 p.1 à 7) et, en 1993, par le Rapport Barthélémy-Combes (voir INFO-U n° 68 p. 11 à 14) de confier à l'ANDRA la charge et la surveillance des DR. Dans un premier temps, des servitudes d'utilité publique peuvent être instituées. Quant à la mise en place de dispositifs physiques permettant de signaler pour les générations futures l'emplacement et le danger des DR, le rapporteur n'y croit pas trop.

suite:
2/ L'autorité de l'État devrait ajuster les conditions de son intervention

" 2.1 Un contexte très conflictuel en Limousin»

     J'ai été surpris par le caractère si conflictuel des relations entre les associations de défense de l'environnement, COGEMA et les services extérieurs de l'État lors de ma visite en Limousin. Je regrette de ne pas avoir eu le temps de rencontrer les élus concernés par le dossier du réaménagement de Bessines et ses environs, car on sait que, sur les sujets soumis à mon intérêt, je souhaite profiter des éclairages de toutes origines. Les entretiens que j'ai pu avoir avec la FLEPNA, Fédération limousine pour l'Étude et la Protection de la Nature, se sont pour leur part révélés très fructueux.
     Les informations fournies dans ce paragraphe 2.1 proviennent de l'entretien avec la FLEPNA. J'ai tenu à y porter également les appréciations, griefs et commentaires de toute nature qui ont accompagné la présentation de ces informations. J'ai souhaité traduire le plus fidèlement possible la forme très directe - parfois abrupte - sous laquelle ces arguments m'ont été exposés, car elle est révélatrice de l'état d'esprit de mes interlocuteurs. Afin d'éviter toute confusion, je veux cependant préciser que je ne reprend pas nécessairement à mon, compte tous ces arguments.

2.1.1 La FLEPNA : un contentieux de 20 ans avec COGEMA
     Créée voici une vingtaine d'années, la FLEPNA rassemble aujourd'hui une soixantaine d'associations locales. Elle est membre de la Fédération nationale de l'Environnement et poursuit trois objectifs essentiels : la conduite d'études naturalistes, la défense du cadre de vie, la formation des personnes aux sciences de l'environnement. Parmi les associations fédérées au sein de la FLEPNA on trouve par exemple : la Commission Uranium-Énergie, déjà ancienne et qui a donc une bonne mémoire du passé; l'association Ceinture verte de Limoges, qui est intervenue sur des dossiers nucléaires depuis le dépôt par COGEMA d'un permis de recherches (retiré depuis) dans les environs proches de Limoges, l'AICIN (Association Intercommunale d'Information sur le Nucléaire); la CLAD (Coordination limousine anti-déchets), très active depuis 20 ans et qui dispose d'une "photothèque" fournie sur les activités de COGEMA.
     La FLEPNA dénonce tout d'abord de multiples libertés que prendrait COGEMA vis-à-vis de la réglementation. Ainsi des photos prouvent que l'ancienne mine à ciel ouvert du Brugeaud a été remplie par des boues liquides, opération "couverte" par la DRIRE et par certains élus; pour l'association ce n'est pas étonnant car on note un désintérêt manifeste pour ces questions et d'ailleurs les élus concernés sont souvent des anciens de COGEMA. Le remodelage très rapide des sites s'explique par le fait que COGEMA veut profiter des "trous" dans la réglementation pour clore certains chapitres douteux de son histoire. Il est anormal que depuis des années des produits radioactifs aient transité par Bessines sans contrôle EURATOM (sont par exemple concernés les travaux de recherche menés par le CRPM sur les effets du radon dans ses installations de Razès). Enfin la FLEPNA dénonce le dépassement fréquent des niveaux normaux de radioactivité : des radioéléments ont été trouvés dans la Gartempe jusqu'à 70 km en aval de Bessines !
     En fait la FLEPNA doit exercer une surveillance permanente et une vigilance de tous les instants sur ce que fait COGEMA, dans tous les domaines : 

p.22

l'exploitation, des mines et des installations de traitement de minerai, le stockage illicite de déchets (révélé par le rapport DESGRAUPES), les projets actuels de COGEMA comme celui concernant un stockage d'uranium appauvri à Bessines, la situation radiologique sur le site de l'usine SIMA de Bessines, etc. Les emprises minières de COGEMA sont immenses : il y a des dossiers à Limoges, en Corrèze…La FLEPNA n'a pas fait un dixième des procès qu'elle souhaitait faire !
     D'ailleurs un grand nombre d'actions contentieuses sont souvent gagnées, au motif que les études d'impact sont insuffisantes ou que les autorisations de l'administration sont abusives ("excès de pouvoir"). Mais la FLEPNA souffre de nombreux vides juridiques et "nos juristes doivent parfois créer le droit ! ".
     Pour la fédération le scandale principal vient d'une collusion entre COGEMA et la DRIRE chargée de la contrôler. Trois exemples parmi d'autres illustrent cet état de fait :
     - l' "affaire" du générateur de radon de Razès : pendant une vingtaine d'années le CRPM a fait des études et expériences sur les effets cancérigènes du radon afin d'améliorer la protection radiologique des mineurs; le générateur de radon utilisait du thorium extrait à Madagascar et transféré à Bessines après avoir été traité à l'usine du Bouchet; quelques plaintes éparses avaient été déposées pour non respect de la réglementation…sans suite; selon la FLEPNA la DRIRE prétend n'avoir jamais remarqué le générateur de radon, qui aurait dû être déclaré (si ce n'est autorisé) au titre de la législation sur les installations classées; d'ailleurs elle se serait fait dire par COGEMA qu'elle n'était pas compétente sur cet appareil, et elle aurait avalisé cette rebuffade ! c'est seulement au moment où COGEMA a souhaiter fermer l'installation qu'elle a demandé une "mise aux normes administratives "; l'action judiciaire de la FLEPNA tendant à contester les conditions de fermeture a été classée par le Procureur de la République mais le dossier a rebondi récemment : la Faculté de Limoges s'est déclarée intéressée par l'installation et une enquête publique doit être organisée sur le dossier de transfert entre COGEMA et la faculté ;
     - les transferts mystérieux de fûts et autres déchets : selon la FLEPNA ces colis arrivaient la nuit du Bouchet 'Essonne); l'association a recueilli de nombreux témoignages dans la population et ce fait a été confirmé par les révélations du rapport DESGRAUPES qui mentionne la présence de 200 000 fûts compactés; la DRIRE a toujours affirmé qu'elle n'en savait rien; de plus COGEMA ne sait pas où sont précisément les fûts et dit que la DRIRE était au courant, alors que la DRIRE nie savoir où sont ces fûts !
     - les entourloupettes autour de la double étude relative à l'impact radiologique de la division minière de La Crouzille : les deux universitaires chargés de comparer les rapports préparés par ALGADE d'un côté, la CRII-RAD de l'autre, ont estimé que ces rapports sont compatibles et que leurs résultats " peuvent constituer la base sur laquelle pourrait s'appuyer une analyse ultérieure " (sur l'exposition des populations); analyse ultérieure " (sur l'exposition des populations); lorsque la DRIRE a demandé aux experts de définir cette analyse complémentaire, ils ont choisi de s'appuyer sur le laboratoire d'ALGADE, en prétextant qu'il était le plus performant, et la DRIRE n'a rien trouvé à redire à cette démarche, incompatible avec la neutralité de l'expertise !
     Pour la FLEPNA cette collusion n'est pas étonnante lorsqu'on sait par exemple que le président de COGEMA, J. SYROTA, est également vice-président du Conseil général des Mines. Il aurait donc la haute main sur la carrière des ingénieurs des mines, y compris ceux qui assurent des fonctions de contrôle dans l'administration centrale ou les DRIRE. La justice a été saisie mais avance trop lentement sur ce dossier au gré de l'association.
suite:
     La FLEPNA nourrit donc une méfiance totale vis-à-vis des initiatives de COGEMA et de l'administration. La DRIRE n'a jamais demandé aucune expertise contradictoire sur les résultats de mesure annoncés par COGEMA; les seuls documents disponibles sont toujours ceux de COGEMA. La DRIRE fait une lecture totalement aseptisée des dossiers présentés par COGEMA : la FLEPNA explique ainsi que les arrêtés préfectoraux soient si " complaisants ". En fait, pour l'association, cette crise de confiance est inscrite dans l'histoire de la région. De toute façon " la DRIRE est complètement dépassée par tous ces dossiers : incompétence ? confort ? esprit de corps ? " s'interroge la FLEPNA.
     C'est donc tout naturellement que l'association nourrit les plus vives inquiétudes sur les objectifs et les moyens des réaménagements de sites entrepris par COGEMA.

2.1.2 Des inquiétudes très vives sur le réaménagement des sites en cours aujourd'hui

     La FLEPNA vilipende tout d'abord les principes douteux du réaménagement. Elle estime que COGEMA veut faire rapide, pas cher, et "beau en surface" :
     - COGEMA aurait utilisé des travailleurs intérimaires pour démonter l'usine SIMO de Bessines et sortir les matériaux du chantier de démolition ;
     - les deux tentatives d'action en référé concernant les opérations menées au Brugeaud et à Lavaugrasse ont échoué car les deux bassins avaient été vidés entre temps dans la Gartempe et les travaux de réaménagement sont aujourd'hui très avancés;
     - COGEMA refuse que la FLEPNA aille faire des investigations au fond de la MCO du Brugeaud; a-t-elle donc vraiment des choses "pas très nettes" à cacher ?
     - COGEMA présente le site de Chanteloube comme un réaménagement "modèle"; en fait ce n'est qu'un trou rempli d'eau !
     - à Montmassacrot le rapport de l'IPSN est très critique sur la stabilité de la digue;
     - l'arrêt des pompages dans les mines entraîne une remontée des eaux ; or il existe déjà de nombreux sites abandonnés (voir le rapport Castaing, 1983-1984) et on peut constater de nombreux problèmes dans les ruisseaux.
     La liste des griefs ne s'arrête pas là. L'association reproche également à COGEMA d'avoir effectué des réaménagements en violation de la réglementation : il y a eu un rejet important de radioactivité dans un petit ruisseau affluent de la Gartempe en décembre 1994 et COGEMA n'a toujours pas fourni d'explication ; certains sables de traitement auraient été réutilisés dans les soubassements d'ouvrages publics (par exemple sous un terrain de sport) sans que le préfet soit au courant (mais la Direction de l'Équipement aurait confirmé l'information) ; la FLEPNA dit savoir que certaines galeries noyées ont été remplies avec des résidus, elle s'attendait à ce genre d'opération car il y a beaucoup de place sous terre et il était tentant de vouloir éliminer de cette façon certains résidus.
     Deux attitudes sont inacceptables aux yeux de l'association. Tout d'abord l'arrogance alléguée de COGEMA, qui ne se priverait pas de travestir la réalité à son profit. En témoigne l'affaire des fûts de thorium et autres multiples déchets enfouis un peu partout sur les sites ; COGEMA profite de ce que l'ANDRA ne se déplace pas. L'association dénonce également le calcul " mensonger " du TAETA :
     1/ l'une des stations de référence est techniquement inadéquate - car positionnée sur un "point chaud" - et politiquement douteuse - puisque implantée sur un terrain appartenant à un directeur d'ALGADE;

p.23

     2/ l'exposition est calculée sur des périodes allant de 2000 à 7000 par an alors qu'une année compte 8760 heures;
     3/ COGEMA utilise une limite de 5 mSv par an alors que les normes internationales sont de 1 mSv par an. " COGEMA était tellement triomphante à certains moments que ses ingénieurs ont révélé le pot aux roses sur la station de référence !"
     Deuxième attitude inacceptable : la volonté de COGEMA de se débarrasser de la responsabilité de gérer les problèmes futurs. La FLEPNA m'indique ainsi que COGEMA a vendu pour le franc symbolique plusieurs terrains à des associations, des municipalités…dans l'objectif de rétrocéder la moitié de son patrimoine. Deux risques sont dénoncés : la banalisation de facto des sites de stockage de déchets TFA, et l'obligation pour les nouveaux propriétaires d'assumer la charge des problèmes futurs qui sont susceptibles d'apparaître.
     La FLEPNA regrette enfin que la mobilisation de la population soit encore trop faible. En 1992 la publication d'un article sur les déchets TFA dans Science et Vie aurait provoqué une forte émotion, qui serait retombée depuis. Les élus eux-mêmes sont très peu sensibilisés, même en aval de la Gartempe. Enfin les défenseurs de l'environnement " ont toujours été traités comme des gamins ": une association avait demandé que le bassin de Lavaugrasse soit transformé en réserve naturelle humide pour les oiseaux migrateurs, mais COGEMA a tout vidé !
     Cette dernière remarque m'amène à souligner la difficulté d'articuler les exigences de protection de la nature et de protection des personnes. Il est en effet reconnu par tous que la stabilité mécanique des stockages de résidus - une composante de la protection à long terme des populations - est grandement améliorée par l'évacuation de leur eau interstitielle. Je ne peux pas supposer que ce fait ait échappé aux scientifiques de la FLEPNA. "
     - C. Birraux examine les procédures relatives à l'arrêt des travaux miniers et des installations de traitement, puis aborde deux points particulièrement importants qui ont fait l'objet de polémiques entre les associations, la COGEMA et les pouvoirs publics (polémiques dont INFO-URANIUM a rendu compte dans les n° 55, 65, 70 et 71 notamment):
     a/ le fait que l'exploitant commence souvent le réaménagement du site AVANT que le préfet prenne un arrêté concernant ce réaménagement : C. Birraux montre que l'exploitant en a le droit mais que cela pose tout de même des problèmes. Aussi fait-il des propositions pour les sites du Limousin et celui du Lodévois.
     b/ le classement des DR dans la catégorie des Installations Nucléaires de Base (INB): le rapporteur fait une analyse intéressante des textes et en conclut que " la réglementation actuelle n'est pas simplement obscure mais bien plutôt inopérante car incohérente."
     - Sans remettre en cause la législation actuelle (Installations classées), il paraît nécessaire d'élaborer une " doctrine " permettant une homogénéisation des traitements administratifs pour le réaménagement des DR. On peut commencer à élaborer cette doctrine dès maintenant.
     - Enfin C. Birraux se demande " comment retrouver une légitimité pour l'action de l'État " et fait quelques propositions:
     o " ouvrir l'expertise de contrôle ", afin de permettre à l'administration et au public de disposer de données et d'analyses qui n'émanent pas seulement de l'exploitant (il fait référence aux expertises des sites de l'Ecarpière et du Limousin, auxquelles a participé la CRII-RAD)
     o " développer et renforcer les lieux de débat ", la meilleure solution consistant à renforcer le rôle des COMMISSIONS LOCALES D'INFORMATION (il évoque longuement le cas de la CLI du Limousin et des difficultés de son fonctionnement)
     o " convaincre qu'il y a un arbitre impartial en dernier recours " : l'État doit apparaître comme " le gardien suprême de l'intérêt public "; il doit être rigoureux dans l'examen des dossiers, la délivrance des autorisations et l'établissement des prescriptions; il doit être vigilant quant au respect de ces prescriptions et exercer un contrôle réel sur les activités de l'exploitant.
suite:
     Comme d'habitude, à la fin du Rapport, C. Birraux fait une synthèse des RECOMMANDATIONS relatives aux différents sujets traités.
     Voici les 14 RECOMMANDATIONS concernant la gestion des résidus de l'extraction et du traitement du minerai d'uranium :
     1/ Les réaménagements des sites de stockage de résidus doivent prendre en compte dès aujourd'hui les recommandations de la CIPR 60.
     2/ Les ambiguïtés du décret 66-450 du 20 juin 1996 relatives au régime des "substances radioactives naturelles" doivent être supprimées, en particulier pour la définition de ces substances et le régime juridique applicable à la radioactivité des "têtes de chaînes";
     3/ L'autorité de radioprotection est invitée à préciser la notion d' "impact radiologique" acceptable, inscrite dans le décret 90-222 du 9 mars 1990.
     4/ L'autorité de radioprotection, avec ses appuis techniques, est invitée à examiner la pertinence de la limite actuellement utilisée pour les "émetteurs alpha à vie longue de la chaîne de l'U 238 présents dans les poussières en suspension dans l'air et inhalés", au cas des résidus miniers.
     5/ Le Ministère de l'Environnement est invité à réfléchir à la mise en place, dans la législation des institutions. classées , d'une évaluation relative à l'état initial du site indépendante de celle pratiquée par l'exploitant, notamment pour les institutions. classées importantes (en particulier le niveau naturel de radioactivité dans l'environnement pour les institutions. classées nucléaires). Le Ministère de l'Industrie est invité à se joindre à cet effort, pour les parties du Règlement général des industries extractives qui concernent la protection radiologique de l'environnement.
     6/ Le Ministère de l'Environnement, avec l'aide des appuis techniques ad hoc, est invité à préciser quels éléments doivent traduire dans les faits les conclusions du Rapport BARTHELEMY, qui avait pour objectif de permettre l'élaboration de prescriptions générales applicables par les préfets aux sites de stockages de résidus, dans le cadre de la législation sur les institutions. classées.
     7/ L'IPSN est invité à développer ses capacités d'expertise et d'évaluation sur les dossiers de réaménagement, en s'appuyant en particulier sur les expériences étrangères et sur les évaluations effectuées par ses homologues.
     8/ Les DRIRE sont invitées à développer leurs échanges et contacts sur les dossiers relatifs aux réaménagements de sites miniers et de traitement d'uranium, pour mettre en oeuvre (avec les appuis techniques adéquats) une approche commune et cogérante des dossiers soumis à leur examen.
     9/ L'OPRI est invité à poursuivre ses actions visant à constituer dans les services extérieurs de santé de l'État un réseau de compétences en expertise radiologique.
     10/ Le Ministère de l'Environnement est invité à contribuer au développement des capacités d'expertise de contrôle, en s'appuyant sur un réseau de laboratoires agréés.
     11/ Il appartient aux administrations concernées de veiller à ce que, dans tous les dossiers soumis à leur approbation, les conséquences inévitables du noyage des mines soient correctement évaluées et surveillées (quelle que soit la nature du minerai extrait), et que les possibilités d'intervention soient préservées pour assurer si nécessaire la protection sanitaire des populations.
     12/ L'ANDRA est invitée à se joindre rapidement aux réflexions entreprises sur l'avenir des stockages de résidus, dans la perspective d'une prise en charge future de ces sites au nom de la puissance publique.
     13/ Les autorités et COGEMA sont invitées, en liaison avec les publics concernés en Limousin et sur financement partagé, à mettre en place quelques sites pilotes "sur-instrumentés" pour l'évaluation in situ des évolutions d'un stockage de résidus, avec le concours de laboratoires agréés.
     14/ COGEMA pourrait utilement déposer auprès du Ministère de l'Environnement un document comparant les pratiques internationales en matière de couverture des résidus, justifiant ainsi dans une perspective très large les options envisagées ou retenues pour les sites français.
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