G@ZETTE NUCLÉAIRE

LA FUSION

    La fusion renaît sans arrêt, soit sous forme chaude: les JET, TOKAMAK et autres gadgets fort chers que concoctent des physiciens rêveurs et que convoitent des firmes mangeuses de dollars, soit sous forme froide: vaste escroquerie destinée aux physiciens moins riches pour créer l'outil mais qui veulent participer au mythe de Prométhée et surtout qui veulent obtenir des dollars des firmes, etc.
    La fusion existe dans les étoiles. Difficile d'affirmer que sur terre nous serons capables de la maîtriser. La fusion est un rêve mais de rêve en rêve l'homme transforme son milieu en un cloaque invivable et surtout introduit une inégalité qui perdure et s'accentue. Il y a toujours eu des inégalités et 1789 est né de cette insouciance des riches. Mais d'efforts en efforts un semblant de prise en compte de tous les êtres humains s'est enfin instaurée. Pourquoi continuer à faire croire que l'énergie peut être abondante pour tous et surtout ne rien coûter?
    La fusion est encore plus gigantesque que l'énergie nucléaire. Sa maîtrise comme celle de l'énergie nucléaire passe par des sociétés hautement hiérarchisées. Mais surtout il faut être assez honnête pour faire les bilans: compte tenu de tous les coûts pour extraire les produits, pour assurer la sûreté et stocker des déchets que reste-il enfin de compte des promesses du début?
    De l'énergie pour toute la planète: voilà un vrai programme, mais pour aller sur cette voie il faut cesser de parler en terme de croissance infinie et enfin faire des économies , des vraies dans les procédés industriels, dans tous les domaines où on sait déjà le faire et inventer les autres.


     La fusion thermonucléaire, nouveau rêve de l'homme; apprivoiser le soleil, quel défi. En fait de soleil, c'est plutôt le miroir aux alouettes, le nouveau bluff des nucléocrates qui poursuivent sur la lancée d'Atom for Peace et de la prophétie d'Eisenhower, à Genève dans les années 50, l'énergie nucléaire qui va fournir à l'humanité de l'énergie gratuite en quantité illimitée.
     Il ne faut pas oublier l'histoire pour comprendre le présent. Il s'agissait à l'époque d'une part de redonner une vertu à l'atome gravement sali par les "expériences scientifiques" d'Hiroshima et Nagasaki sans intérêt militaire à cette phase de la guerre avec le Japon, et d'autre part de rentabiliser sur le plan civil l'effort militaire en matière de propulsion maritime (Shippingport).
     Les bombes à fission, les "bonnes" vieilles bombes A ayant été perfectionnées, donnent naissance et servent d'amorce aux bombes à fusion thermonucléaires, les bombes H. Il allait donc falloir poursuivre les études théoriques et expérimentales sur la fusion et aussi la rentabiliser. D'où l'idée des machines à plasma de deutérium et de tritium confiné magnétiquement donnant naissance aux Tokarnak et autres machines actuelles dont la déclassification "secret militaire" fut faite par Kroutchev au début des années 60.
     Depuis 40 ans, à chaque nouvelle échéance de demande de crédits, la communauté de la fusion thermonucléaire nous annonce que ça marche et qu'une machine produisant plus d'énergie qu'elle n'en consomme sera opérationnelle dans 25, 30, 50 ans... La crédibilité de ces affirmations devrait pouvoir être étayée par une prédiction de Nostradamus...
     Je prendrais pour preuve quelques extraits de la Revue Générale Nucléaire de janvier-février 1991 consacrée à la fusion thermonucléaire contrôlée. Dans son introduction ("Point de vue") le Directeur de la Direction des Sciences de la Matière au Commissariat à l'Energie Atomique (française) écrit:
"Des progrès substantiels ont été réalisés dans les problèmes clés de la physique de la fusion que sont le confinement et le contrôle des impuretés qui régissent les divers processus de perte d'énergie".
     Ce qui peut se traduire par "on est loin d'avoir compris toutes les raisons pour lesquelles on perd le plasma..." et "l'enceinte de confinement continue à se charger de déchets d'origines multiples et variées et on n'est pas prêt d'arriver à juguler le problème 
     "L'objectif à moyen terme est la réalisation d'un dispositif nouveau (vite de l'argent...) ayant pour objectif essentiel d'être capable d'atteindre "l'ignition", régime dans lequel le plasma thermonucléaire est auto-entretenu (au vu de la presse on aurait cru que cela marchait...), de le maintenir pendant une combustion prolongée et de résoudre les problèmes de physique des plasmas et de technologie qui lui sont liés. (c'est bien ma remarque précédente, cela ne marche pas et on ne sait pas pourquoi...). Cet appareil aura nécessairement une taille importante, sa puissance de fusion pourra dépasser 1000MW . (c'est l'enfance de l'art en recherche technologique, quand quelque chose ne marche pas on explique qu'il faut de nouveaux crédits pour faire un appareil encore plus grand et plus cher qui cette fois marchera...)
suite:
Malgré son coût élevé (c'est clair il faudra beaucoup d'argent...), sa réalisation est indispensable pour apporter la preuve scientifique et technique de la disponibilité de la fusion. (extraordinaire: ce qui voudrait dire que les demandes de financement précédentes n'avaient aucun fondement scientifique et technique...). C'est l'aboutissement des recherches des 30 dernières années qui sans cela perdraient leur justification (On a déja dépensé tellement d'argent que nous ne pouvons pas reconnaitre que c'est en pure perte. Donc on doit continuer. En France on est coutumier de ce genre de pratique: les abattoirs géants de La Villette, Concorde, Superphénix...) et ne pourraient raisonnablement pas se poursuivre au même niveau."
     Maintenant faisons un peu de technique en commençant par la fission.
     Certains noyaux d'atomes comme par exemple l'Uranium 235, le Plutonium 239... ont la caractéristique de pouvoir se casser sous l'impact d'un neutron avec deux conséquences: un dégagement d'énergie et l'émission de plusieurs neutrons. On imagine tout de suite la possibilité d'utiliser ces neutrons produits pour casser de nouveaux noyaux et ainsi de suite. Ce sera la réaction en chaîne. Ensuite on fait baigner le tout dans un fluide, eau, gaz carbonique ou sodium liquide pour récupérer et évacuer la chaleur produite et le tour est joué (sur le papier, car dans la réalité c'est beaucoup plus compliqué!!!)
     La fusion consiste à l'inverse à rapprocher suffisamment deux atomes légers pour qu'ils puissent s'interpénétrer et en faire un plus gros. Dans certains cas, ça peut marcher et ça produit de l'énergie (pour les puristes et les curieux on dira que la somme des masses des produits finaux de la réaction étant plus faible que la somme des masses des produits initiaux, la différence est convertie en énergie). Seulement l'opération de rapprochement ne peut se faire que dans des conditions très particulières. Donc on va essayer d'envoyer un grand nombre d'atomes (la densité) l'un contre l'autre, avec la plus grande vitesse possible (la température) et pendant le plus longtemps possible (le temps de confinement). En fonction de ces trois paramètres a été défini un critère, le critère de Lawson, qui doit indiquer à partir de quand c'est censé fonctionner. Mais que signifie fonctionner? Depuis longtemps les physiciens nucléaires savent faire "à l'unité" ces réactions, mais le problème est qu'il faudrait qu'un engin de ce genre produise plus d'énergie qu'il n'en consomme. Alors commence la dialectique. Qu'appelle-t-on énergie produite? L'énergie libérée par réaction multipliée par le nombre de réactions ou l'énergie envoyée sur la ligne électrique l'un ou l'autre étant comparée à ce qui sert à alimenter toute l'installation (sans oublier la cafetière électrique de l'ingénieur de sécurité d'astreinte...).
     Pour répondre regardons un peu où se retrouve l'énergie libérée. Dans un fusil l'énergie produite par la combustion de la poudre se retrouve pour partie convertie en énergie cinétique propulsant la balle vers l'extérieur du fusil et la crosse vers l'épaule du tireur et pour le reste en chaleur dans la culasse.
     Ici, dans la réaction D (deutérium) + T (tritium) donne n (neutron) + Helium 4, le noyau d'hélium emporte 1/5 (3,5 MeV) de l'énergie et le neutron les 4/5 (14,1 MeV).
p.31

Le premier reste dans l'enceinte et le deuxième ne demande qu'à s'échapper, et ce n'est pas le champ magnétique de confmement du plasma qui l'en empêcher. On va donc mettre autour de l'enceinte un matériau qui va récupérer sous forme de chaleur l'énergie cinétique des neutrons, pour en faire quoi me direz vous ? De la vapeur... Parce que tout ce que savent faire nos électriciens c'est d'essayer de passer de chaleur à la température du soleil à celle d'une vapeur tout juste bonne à faire marcher la machine à vapeur de Denis Papin, à quelques centaines de degrés !!
     Dans cette description vous avez vu apparaître deux petits "détails":
     - Le premier, et non le moindre, est qu'il faut non seulement du deutérium, l'isotope de masse 2 de l'hydrogène mais aussi du tritium, l'isotope de masse 3 de l'hydrogène, radioactif.
     - Le second est que les neutrons doivent traverser la structure de la chambre de combustion si on veut espérer récupérer de l'énergie.
     Ces deux détails permettent de faire comprendre les principaux mensonges concernant la fusion: elle utiliserait un combustible quasi illimité qui se trouve dans l'eau de mer et elle serait propre au point de vue radioactif.
     - 1. Le tritium, isotope radioactif de l'hydrogène a une période courte, 12,26 ans (la moitié de la quantité présente à un moment est transformée au bout d'une période), donc se trouve en très faible quantité dans la nature. Il va donc falloir en fabriquer, en grandes quantités en faisant réagir les neutrons avec le fluide caloporteur, du lithium en l'occurrence, l'extraire, le stocker et l'injecter dans l'enceinte. Les estimations donnent pour un réacteur de 1.000 MW une consommation de 15 à 20kg de tritium pour 2 à 3.000 heures de fonctionnement (20kg de tritium représentent une activité de 200 millions de curies, 7,4.1018 Bq, des milliards de milliards de Bq). Donc l'installation va être contaminée par le tritium et comme disent les spécialistes de la radioprotection, elle va "pisser" le tritium de partout car ce radioélément, tout comme l'hydrogène dont il a les mêmes propriétés physico-chimiques, diffuse facilement à travers les métaux. Et le tritium, contrairement au discours traditionnel, n'est pas du tout inoffensif sur le plan santé.
     - 2. Les neutrons, en passant à travers les structures, vont activer tous ces matériaux, créant de très importantes quantités de radioéléments de période plus ou moins longue. Sur le plan de la radioactivité ces réacteurs, si un jour ils fonctionnent, n'auront rien à envier aux réacteurs à fission. Les ingénieurs qui travaillent sur ces projets étudient des alliages constitués d'éléments chimiques qui auraient deux caractéristiques: la plus faible capacité d'absorber les neutrons (très faible section efficace d'activation) et, si ils en absorbent, la formation de radio-isotopes ayant les périodes les plus courtes possibles. Tout cela bien sûr en conservant à ces alliages les propriétés mécaniques et physiques conformes aux conditions extrêmes de fonctionnement de ces engins.
     De plus les rayonnements émis (rayonnement de freinage entre autre) usent très rapide la paroi intérieure de l'enceinte (environ 5 cm par an) ce qui forcera à en changer chaque année une portion qui constituera un volume important de déchets de très haute activité.
     Comme vous pouvez le constater ce type de réacteur, présenté par ses promoteurs comme écologique (!!!), sans déchets radioactifs (pas de "cendres" contenant des produits de fission) va produire une nuisance radioactive au moins égale, si ce n'est plus importante, que les réacteurs actuels, que je ne défends pas pour autant.
     Reste la comparaison sur le plan des accidents. Le lithium liquide, n'est guère plus réjouissant que le sodium liquide sur le plan des risques de combustion (réacteurs à neutrons rapides genre Superphenix). Le "réacteur" (pour 1.000 MW) contiendrait entre 500 et 1.000 tonnes de lithium "contaminé" par quelques kilogrammes de tritium. Vous remarquerez qu'on parle en kilos et non en Becquerels (pour la conversion voir plus haut).
     Une volatilisation de la paroi de l'enceinte, suite à un contact avec le plasma, disséminerait dans l'atmosphère une quantité importante de produits radioactifs.
     Après ce tableau réconfortant regardons un peu quel est l'état d'avancement des recherches sur le sujet. Mais auparavant il faut malheureusement apporter quelques explications techniques supplémentaires pour essayer de s'y retrouver.
suite:
     A chaque fois qu'une équipe annonce à grand renfort médiatique qu'elle a réalisé un nouveau progrès en matière de température du plasma il faut rechercher dans la publication, en vain, de quoi elle parle: température ionique, température électronique... Récemment des spécialistes américains ont jeté un pavé dans la mare en montrant l'incohérence de ces annonces. Mais qu'à cela ne tienne, on continue à raconter n'importe quoi.
     L'annonce de la dernière performance du JET (et le mot dernière est peut être valable dans ses deux sens, c'est la plus récente et il n'y en aura peut-être pas d'autres...) est aussi amusante à analyser. Le "break through" (..???..) annoncé correspond à ce qui aurait peut-être été obtenu dans les conditions où était la machine si on l'avait effectivement chargée avec du tritium. C'est comme ma voiture, quand je roule à 50 km/h en ville, compte tenu de son bon fonctionnement, je me permets d'affirmer qu'elle aurait pu rouler à 400 km/,h sur le circuit deMonza !!!
     De plus les spécialistes reconnaissent que si la machine avait reçu sa pleine charge de tritium ils seraient bien ennuyés, car aujourd'hui elle serait tellement contammée qu'ils ne pourraient plus effectuer la moindre intervention ni à l'intérieur, ni à l'extérieur.
     La fusion est un sujet de recherche, surtout un sujet de recherche de financement.
     * L'option par confinement magnétique (Tokamak, JET, NET et autres Tore-Supra...) nous mène en bateau depuis au moins 30 ans, annonçant à chaque échéance budgétaire que c'est pour dans 10 ou 20 ans et que ce pourrait être pour demain si on donnait encore plus d'argent.
     * La fusion par implosion (compression par onde de choc) utilise des lasers de grosse puissance. L'intérêt que les militaires portent à ces objets relevant de la "guerre des étoiles" en fait un sujet "classified" dans de nombreux pays, en particulier en France. En fait les scientifiques ne sont pas très convaincus du réel intérêt intérêt militaire même si les laboratoires de l'armée (ou travaillant pour l'armée) disposent de budgets considérables pour mettre au point des lasers de plus en plus puissants.
     * Restent la fusion induite par des faisceaux de particules, plus ou moins lourdes et la fusion dite muonique, à l'aide des mesons m. Cette fois c'est le "lobby" des physiciens des particules qui vend sa camelote pour montrer que ses machines aux coûts démentiels (le nouveau SSC américain est estimé à environ 12 milliards de dollars, sans compter les équipements expérimentaux) peuvent servir à autre chose qu'à faire de la recherche fondamentale.
     * On ne pourrait pas finir ce survol sans dire deux mots de la fusion froide.
     Lorsque Fleishrnan et Pons annoncèrent qu'ils avaient réussi à "catalyser" la fusion en éprouvette, il y eut un effet amplificateur considérable dû à ce que pouvait représenter ce genre de découverte. La communauté scientifique fut partagée en deux: ceux qui se dirent il y a beaucoup d'argent à récupérer et les sceptiques. De nombreux groupes essayèrent de reproduire les expériences malgré le flou artistique entretenu par les "découvreurs" sur leurs conditions expérimentales. Le clivage réapparut dès l'annonce des premiers résultats des nouvelles expériences. Certains confirmaient, d'autres infirmaient. Il fallut le congrès de Santa Fé pour qu'un consensus se dégage dans la communauté des physiciens reconnaissant que c'était "bidon". Et pourtant, dès le début, quelques scientifiques avaient fait une analyse très simple. Dans chaque réaction élémentaire de fusion il y a émission d'un neutron et d'une certaine quantité d'énergie. Une simple règle de trois permettait d'estimer le flux de neutrons émis en fonction de la quantité de chaleur mesurée. La plus élémentaire des conclusions était que compte tenu du nombre de neutrons émis, les expérimentateurs auraient du être morts depuis longtemps...
     La conclusion du chercheur en physique:
     La fusion est un phénomène physique qui existe. Son confinement dans le soleil et les étoiles est dû à la gravitation, et pour que cette forme de confinement se maintienne, il faut la dimension du soleil.
     Faire de la recherche fondamentale sur ce sujet, pourquoi pas? Ce n'est ni plus cher, ni plus inutile pour sauver les enfants qui meurent de faim dans le tiers monde que l'astrophysique (avec ses radiotélescopes géants) ou la physique des particules élémentaires (avec ses accélérateurs LEP et LHC au CERN: 27 km de circonférence, SSC aux USA: 67 km).
     Mais de grâce, que l'on cesse de nous mentir sur l'imminence de réalisations pratiques, industrielles, rentables et non polluantes...
Raymond SENÉ
G.S.I.E.N.
p.32

Retour vers la G@zette 119/120