1. RÉSUMÉ INTRODUCTIF
Nous ne résistons pas au plaisir de
joindre à l'ensemble des textes, un texte de Pellerin qui fait le
point sur le problème des doses et des normes. Du moins, le point
vu par sa lorgnette et celle d'un certain nombre de personnages qui s'occupent
de doses et de limites aussi bien dans le nucléaire que la chimie.
Il faut reconnaître que le texte est en lui-même fabuleux.
Pellerin fait partie de la catégorie des gens qui ne croient que
ce qu'il voient, d'où sa norme à lui la «HED»
et le titre fabuleux aussi «Au commencement était la HED».
Ça c'est du sûr et du raisonnable, on voit l'effet, la peau
rougit. Puis, en 1925, on a un peu diminué les normes, parce que
quand même quand les Rayons X font rougir, c'est un peu beaucoup.
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Quant à Pellerin, laissons lui le bénéfice du doute et qualifions le simplement de chantre du nucléaire. Il est tellement imprégné de l'idée que le nucléaire est le bien de l'humanité qu'il part en croisade, considérant que ceux qui oeuvrent pour que tout se passe bien et que la sécurité maximum soit mise en place sont des suppôts de satan. C'est d'autant plus dommage que les agents du SCPRI font leur travail. Dommage que Pellerin soit leur directeur. On peut d'ailleurs s'étonner de sa stabilité remarquable. Force est de constater que cela doit arranger tout le monde parmi le lobby qu'il soit là. On peut alors en toutes circonstances se retrancher derrière lui. Mais que l'on sache, le SCPRI est un organisme officiel dépendant de la Santé. Alors impossible de lui donner des directives !! Soyons sérieux, personne n'avait envie de donner de directives, c'était donc plus simple de l'écouter. 2. HISTOIRE DES LIMITES DE LA RADIOPROTECTION (P. PELLERIN) La radioprotection est aujourd'hui imprégnée
de l'état d'esprit de quelques spécialistes certes fort compétents,
mais qui oublient parfois que son but est de protéger l'homme contre
les éventuels effets réels d'une nuisance, mais pas de le
protéger contre des effets qui ont toutes les chances de ne pas
exister. Un retour aux sources est indispensable pour distinguer ce qui
est utile de ce qui ne l'est pas.
La question du seuil d'action biologique des rayonnements
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Beaucoup d'entre elles sont pourtant bien plus dangereuses et ne sont
pas plus perceptibles que les rayonnements ou la radioactivité,
ont des effets cancérogènes, somatiques et génétiques
bien connus, et présentent comme eux un temps de latence dans l'apparition
de leurs effets. Et par rapport à elles, les rayonnements ont le
grand avantage d'être beaucoup plus facilement mesurés et
maintenus à des niveaux des milliers de fois inférieurs à
ceux pour lesquels la moindre nocivité pourrait se manifester, alors
qu'il est courant que les toxiques classiques ne puissent être décelés
qu'à peine aux niveaux où l'on constate déjà
des effets délétères.
Ceci ne veut nullement dire qu'on doive considérer le risque potentiel des rayonnements comme négligeable. Cela signifie simplement qu'il est absurde de se préoccuper de ce seul risque jusqu'au dernier photon si, dans le même temps, l'on néglige, ce qui est malheureusement le cas général, les effets de beaucoup d'autres agents bien plus toxiques sous le prétexte que nous aurions pris la mauvaise habitude de tolérer ceux-là: dans le domaine strictement civil, depuis 1945, l'utilisation des rayonnements et de l'énergie atomique n'a pas provoqué dix morts dans le monde entier, alors que, durant la même période, les autres toxiques ont tué des centaines de milliers de gens. Et qu'ils continuent de le faire pendant que nous en parlons... Le rôle déterminant du jugement et du bon sens
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1929 - «Au commencement était la HED» Jusqu'en 1930, les doses de la radiothérapie étaient déterminées par référence à un signe clinique bien précis, l'érythème cutané, véritable «coup de soleil» provoqué par les rayons X. Vers 1920, les Allemands avaient en effet proposé d'appeler HED (Haut Erythem Dosis) la quantité de rayons X capable de faire apparaître en une fois, localement, le début d'un tel érythème. Bien entendu, on précisait la dimension du champ, la tension au tube, l'intensité du courant, la durée d'exposition, la distance foyer-peau. Ensuite, on définissait des fractions ou des multiples de cette «unité». Un même opérateur bien entraîné pouvait parvenir à une précision de 25% dans la pratique de ces évaluations. Dès 1925 aux Etats-Unis MUTSCHELLER, en extrapolant, a évalué les fractions et les multiples de l'unité HED reçus par les opérateurs d'installations de radiothérapie universellement connues comme bien protégées. C'est donc dans le domaine médical qu'on s'est préoccupé pour la première fois de contrôler de façon rationnelle les risques des rayons X pour le personnel qui les employait. MUTSCHELLER a ainsi vérifié sur un grand nombre d'installations qu'une dose limitée à une unité HED (la «dose-érythème») sur tout le corps, étalée sur un an, ne provoquait jamais de manifestation pathologique chez les personnes qui travaillaient dans ces installations. 1925 - 1/10 de HED, première limite annuelle professionnelle
1927- Première expression physique de la HED: 550 Roentgens
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De cette enquête, dont je passe les détails, il conclut
qu'une unité HED correspondait en moyenne à 550 Roentgens.
De toute évidence, cette expression physique ne comporte pas plus de précision que la réaction biologique étalon qu'elle ne fait que traduire. Il est remarquable qu'on n'ait jamais pu, depuis, proposer meilleure référence objective que la HED. 1934 - Première proposition d'une limite quotidienne en Roentgens
1941 - Première définition d'une limite de radioactivité
interne
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La validité de cette limite elle aussi établie de façon arbitraire par un jugement raisonnable fondé sur l'expérience limitée de ces douze malheureuses, puis d'une vingtaine d'autres qui ont par la suite présenté des affections non mortelles, a été confirmée quelques années plus tard par les travaux d'EVANS aux Etats-Unis qui n'a jamais relevé de radiolésions chez les individus dont les charges corporelles étaient restées inférieures à ce dixième de microgramme de radium (qui inflige à l'os une dose de l'ordre de 25 rads par an, limite toujours en vigueur aujourd'hui). 1949 - Première réduction prévisionnelle de
la limite
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1956 - Deuxième réduction prévisionnelle: l'affaire
des mouches
En 1956, l'Académie des Sciences des Etats-Unis, à la suite de nouvelles expériences sur la drosophile, la mouche du fruit, a pensé qu'on voyait peut-être, après des expositions à des doses moyennes de rayonnement (mais beaucoup plus élevées que les faibles doses dont nous parlons), certaines modifications génétiques qui n'étaient d'ailleurs nullement différentes de celles que provoquent certains toxiques chimiques. En foi de quoi elle a recommandé d'abaisser une nouvelle fois la dose limite d'exposition et de la ramener à 5 rads par an. Cette recommandation fut aussitôt reprise par les commissions internationales. Là encore, aucune constatation sur les mammifères ou sur l'homme de dommages génétiques ou somatiques quelconques n'avait été fait avec les doses de cet ordre: on était parti de doses relativement élevées sur des mouches, et on avait extrapolé à la fois à l'homme et à de très faibles doses. Moins de cinq ans plus tard, de meilleures expériences, sur des mammifères cette fois, ont indiscutablement montré qu'il ne se passait rien et ont anéanti les arguments qui étaient à la base des recommandations de l'Académie américaine. Mais il était alors trop tard pour revenir aux normes précédentes et cette recommandation fondée sur une erreur est encore appliquée aujourd'hui. Il est en effet toujours très difficile, politiquement, de réviser en allégement une norme déjà appliquée. 1958 - Troisième réduction: rivalité Est-Ouest
et «Dose-Population»
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En revanche, dit toujours TAYLOR, on dispose d'un nombre considérable de résultats absolument négatifs, notamment en ce qui concerne les opérateurs ayant reçu des doses de 1, 2, et même jusqu'à plus de 20 rads par an. Et ces résultats négatifs sont de la plus haute importance car, en particulier, ils ruinent l'argument de ceux qui prétendent que, s'il est impossible de déceler des effets directs avec les doses beaucoup plus faibles, c'est parce qu'ils seraient couverts par le bruit de fond des faits naturels. Il est bien probable, dit Lauriston TAYLOR, que nous nous surprotégions dans ce domaine en dépensant beaucoup de moyens et en privant l'homme de grands progrès. Mais ce qui est en tous cas certain, c'est que nous ne nous sous-protégeons pas. Quousque tandem
p.5
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Conclusion
Quatre réductions successives sont intervenues
par rapport à la dose limite dérivant de l'unité HED.
Elles ont toutes été fondées exclusivement sur des
jugements de valeur allant dans le sens de «plus de sécurité
encore».
UNITÉS DE RADIOACTIVITE
Historique
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1934 : Le NCRP (USA) adopte l'évaluation physique de
KÜSTNER, mais l'arrondit à 600 roentgens. Le NCRP
calcule que la limite annuelle de 1/10 de cette dose, soit 60 roentgens, correspond à 0,16 roentgen par jour, qu'il arrondit encore arbitrairement, dans le sens de la sécurité, à 0,10 roentgen par jour. 1935 : La CIPR, sur les mêmes bases, retient de son côté 0,20 roentgen par jour comme limite professionnelle. 1941 : Le NCRP recommande que la charge en radium d'un travailleur ne dépasse pas 0,1 microcurie (dose correspondante à l'os: 25 rads par an). EVANS (USA) confirme cette limite (qui est toujours en usage). 1949 : Le NCRP énonce : «La dose admissible professionnellement peut être définie comme la dose de rayonnements ionisants qui, en l'état actuel des connaissances, ne devrait causer aucune lésion corporelle appréciable chez une personne à aucun moment de sa vie». Le NCRP, considérant le développement possible de l'énergie nucléaire, recommande de réduire encore la limite d'exposition externe professionnelle de 0,1 rad par jour à 0,30 rad par semaine (soit une réduction d'à peu près moitié). 1956 L'Académie des Sciences Américaine, se fondant sur certaines expériences de radiogénétique sur la drosophile, recommande, pour éliminer un risque éventuel pour la descendance, d'abaisser encore cette limite de 0,30 rad par semaine à 0,01 rad par jour (5 rads par an), soit une nouvelle réduction d'un facteur 5. Mais cinq ans plus tard, la démonstration est faite que ces expériences étaient erronées. La limite nouvelle est cependant maintenue. 1958 : La CIPR recommande, pour la population, de retenir une limite égale au 1/10e de la limite recommandée pour les travailleurs, soit à 0,5 rad par an. En comptant la première réduction de MUTSCHELLER en 1925, au total cinq réductions successives sont intervenues par rapport à la dose limite dérivant de l'unité médicale inititale HED qui demeure la base de tout le système. Quatre ont été fondées exclusivement sur des jugements allant dans le sens de «plus de sécurité encore», arbitraires mais parfaitement légitimes, et une, en 1956, sur une expérimentation erronée. La dose limite est ainsi passée de 60 rads par an pour les travailleurs en 1925 à 0,5 rad par an en 1958 pour la population, soit une réduction arbitraire progressive de plus de 100, sans qu'aucun effet réel n'ait jamais été constaté lorsque les précédentes limites avaient été effectivement respectées. C'est un cas absolument unique dans toute l'histoire de la prévention. p.6
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