GAZETTE NUCLEAIRE

TCHERNOBYL ET LA TECHNIQUE
1. RÉSUMÉ INTRODUCTIF

     L'accident de Tchernobyl est donc le plus grave de l'ère nucléaire civile. Il a eu lieu sur un réacteur réputé sûr et en plus quasi-arrêté. Inutile d'épiloguer sur la séquence accidentelle: le fait est que l'accident a eu lieu et que ses conséquences sont beaucoup plus importantes que prévues.
 En effet, si nous prenons la France, les modèles n'envisagent un dépôt radioactif que jusqu'à 10 kms du réacteur. Au-delà, on estime que ce serait négligeable. Ceci explique le papier que nous passons dans la Gazette. D'une part, il est inadmissible de demander à un service de concocter à la fois la sûreté et la sécurité d'une installation. Le fait de «tout» prévoir inhibe pour être à même d'appréhender ce qui peut ne pas marcher. Rappelons une fois de plus que la méthode employée, l'arbre de défaillance, est bien adaptée pour analyser un accident, pas pour prévoir son déroulement. Elle permet cependant de se bâtir des scénarios plausibles mais il faut en connaître les limites. C'est là que le bât blesse: nos chers ingénieurs, à haut niveau bien sûr, ont trop en tête la défense de leur lobby, ici le nucléaire, du coup ils «oublient» toutes les impasses. Dommage qu'ils n'écoutent pas assez leurs spécialistes: nous n'aurions peut-être pas subi la Navette spatiale, Tchernobyl, Bhôpal et les accidents de chemins de fer de 1985. A trop se rassurer, on oublie l'essentiel. Un accident est par essence imprévisible et ses conséquences seront d'autant plus graves qu'on se sera conforté dans l'idée qu'il ne peut arriver.
     L'analyse des retours d'expériences des réacteurs 950 MWe avait été l'occasion de constater combien il est facile de frôler l'accident. Nous vous redonnons donc les conclusions du rapport sur l'incident du Bugey d'avril 1984.
     D'une part parce qu'il est exemplaire en ce qui concerne:
     - la nécessité de hiérarchiser les alarmes
     - de bien analyser les défauts de mode commun.
suite:
     Il a en plus l'avantage de prouver que l'après TMI n'a pas conduit à des miracles contrairement aux affirmations d'EDF et du CEA. Que de nombreux papiers aient été pondus sur la question est une évidence, que ces papiers n'aient pas changé grand chose à la sûreté des réacteurs en est une autre.
     D'autre part, parce que ce rapport n'a pas été fourni à Etudes et Recherches, du moins à ceux qui en avaient besoin pour l'étude de leurs séquences accidentelles.
     Quelles que soient les protestations d'EDF et du CEA après la publication du Canard Enchaîné sur l'incident du Bugey, il fut grave et il démontre le non suivi des incidents précurseurs. Nous n'avons pas eu en France d'accidents ayant entraîné des conséquences immédiates sur la population. Souhaitons que cela continue mais pour cela donnons-nous les moyens de les éviter. Les retours d'expérience du palier 900 MWe doivent être épluchés non pas à la lumière de la satisfaction du travail accompli mais de l'immensité de la tâche pour éviter que des pépins se produisent.
     Nous vous présentons aussi le rapport de l'IPSN sur l'accident de Tchernobyl. Nous leur avons emprunté la partie technique, ainsi que le déroulement éventuel de l'accident et ses conséquences.
     En ce qui concerne la partie technique, rien de spécial à signaler. Quant à l'accident, il est bien clair qu'il s'agit d'hypothèses. Nul ne peut encore maintenant le décrire avec exactitude. Seuls les Russes doivent avoir quelques idées sur la question et encore, ce n'est pas sûr. Il a fallu fort longtemps à TMI pour se faire une idée réelle du déroulement de l'accident. Quant aux dégâts, 4 ans ont été nécessaires pour enfin pouvoir visionner l'intérieur du coeur et découvrir que 80% du combustible avait fondu.
     En ce qui concerne l'environnement, on doit maintenant avoir une idée de ce qui s'est échappé à Tchernobyl puisqu'à 200 kms on a dû évacuer des populations qui se trouvaient sous le panache. On a aussi les mesures faites à Kiev et surtout on a une idée de ce qui s'est passé sur le site même.
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     Quant au reste de l'Europe, il a appris à ses dépens que les nuages radioactifs n'ont pas de frontière. La leçon est rude et personne ne pourra plus parler de son sanctuaire personnel. Ce sanctuaire peut être source de maléfices non seulement pour soi-même mais, plus grave, pour tous les autres.
     Pour le reste, eh bien lisez ce que nous sommes capables de faire nous autres si un accident se passait sur une de nos centrales: il n'est pas sûr qu'on s'y prendrait mieux que les Russes car on n'a pas vraiment prévu les conséquences d'un relâchement au-delà de 10 kms. On n'a d'ailleurs pas vraiment les éléments pour faire les calculs. Donc, on en serait réduit à attendre que soit les allemands, soit les suisses nous préviennent. Cela nous permettra alors d'améliorer les modèles. Mais pas d'illusions, nous paierons nos retards fort cher, nos voisins ne nous rateront pas. Ils n'ont déjà pas raté nos salades. Alors!
 
 
Filière R.B.M.K.

     Filière essentiellement russe. C'est un réacteur à eau bouillante ayant comme modérateur le graphite. L'eau circule dans des tubes de force sous 65 bars. Elle est turbinée directement.
     En 1985, l'importance de cette filière s'établit comme suit:
     En fonctionnement: 15 réacteurs dont 12 de 1'000 MWe (4 à Tchernobyl), 1 de 1'500 MWe. La puissance installée totale est égale à 13'706 MWe.
     En construction: 9 réacteurs dont 6 de 1'000 MWe (2 à Tchernobyl), 3 de 1'500 MWe. La puissance totale en construction est égale à 10'500 MWe.
     En commande: 9 réacteurs dont 3 de 1'000 MWe et 6 de 1'500 MWe. La puissance totale en commande est égale à 12'000 MWe.
     L'ensemble du parc R.B.M.K. représentera 33 réacteurs avec 36'206 MWe Installés.
     On notera que l'accident de Tchernobyl a entraîné la destruction d'un réacteur de 1'000 MWe et l'arrêt pour une durée indéterminée de 5 réacteurs de 1'000 MWe, soit au total 6'000 MWe.

2. EXTRAITS DU RAPPORT
IPSN No 2 (22 MAI 1986)

1. Description des réacteurs R.B.M.K.
1.1. La filière
     Les réacteurs R.B.M.K. constituent une des filières de réacteurs construits en URSS. L'ancêtre de ce type de réacteur a été construit à OBNINSK en 1954, suivi par celui de BELOYARSK. Le premier réacteur de la taille de 1'000 MWe a été couplé en 1973 à la centrale de LENINGRAD.
     Douze réacteurs de 1'000 MWe fonctionnent actuellement à LENINGRAD, KUSRK et TCHERNOBYL; d'autres sont en construction à IGNALINSK et SMOLENSK, certains de taille plus importante (1'500 MWe).
     Le site de TCHERNOBYL est situé en Ukraine sur la rive droite de la rivière Pripyat, à proximité du lac de Kiev, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev. Il comprend quatre réacteurs R.B.M.K. en service TCHERNOBYL 1, 2, 3 et 4, tous d'une puissance nette de 900 MWe, couplés au réseau respectivement en 1977, 1978, 1981 et 1983. Deux tranches supplémentaires sont en construction sur le
site dont la mise en service industrielle était prévue en 1986 et 1988.

suite:
      Ces réacteurs sont de type «bouillant» à tubes de force refroidis par de l'eau ordinaire et modérés au graphite.

1.2. Le réacteur
     Le bloc réacteur est constitué d'un empilement de graphite d'environ 12 m de diamètre et de 8 m de haut, traversé verticalement par 1'693 tubes de force contenant le combustible et parcouru par une circulation d'eau ordinaire.
     Le coeur contient 180 tonnes d'uranium enrichi à 1,8 % sous forme d'oxyde.
     La puissance spécifique dans le combustible est très faible. Le taux de combustion est de 18'500 MW/jour par tonne.
     Çe type de réacteur produit environ 3 kg de plutonium par tonne d'uranium brûlé.
     Chaque tube de force contient deux sous-assemblages combustibles placés l'un au-dessus de l'autre et déchargés simultanément. Chaque assemblage est composé de 18 crayons combustibles de 3,5 m de long et de 13,5 m de diamètre. Ces crayons sont gainés avec un alliage de zirconium-niobium. L'épaisseur de la gaine est de 0,9 mm.
     Les tubes de force (diamètre 88 mm, épaisseur 4 mm) sont en alliage zirconium-niobium à 2,5% niobium prolongés dans la partie active du coeur et en acier austénitique dans les parties hautes et basses. Les liaisons acier-zirconium sont réalisées, d'une part par des soudures homogènes, et des jonctions zirconium-inox préfabriquées d'autre part.
     L'empilement de graphite qui constitue le modérateur contient 2'488 colonnes verticales de blocs de graphite parallélépipédiques de 25 cm de côté et de différentes hauteurs. Le graphite a une densité de 1,67.
     Ces blocs de graphite comportent également des trous verticaux pour les barres de contrôle et les systèmes d'instrumentation du coeur.
     Des anneaux de graphite enfilés sur les tubes de force assurent les contacts thermiques entre les blocs de graphite et les tubes de force.
     L'ensemble de l'empilement de graphite est contenu dans une enveloppe rempile d'un mélange d'hélium et d'azote et comporte un circuit d'épuration. Toutefois, l'évacuation de l'énergie dégagée dans le graphite ne se fait que par conduction vers les tubes de force. Ainsi la température moyenne du graphite est d'environ 500o et localement elle peut atteindre 760o.
     Le coeur est entouré par un réflecteur radial de 1 m d'épaisseur et de réflecteurs supérieurs et inférieurs de 0,5 m d'épaisseur.
     Le réflecteur radial est refroidi par 156 canaux verticaux placés en périphérie.
     L'ensemble du bloc réacteur repose sur une structure mécanosoudée sur un plancher de béton et est contenu dans une enceinte en béton de 21,60 m de côté et de 25,50 m de haut.
     Au-dessus du réacteur, une machine permet le déchargement - chargement en marche de chaque tube de force. Elle comporte un circuit de refroidissement particulier. Après amarrage sur la tête d'un canal, l'ensemble des deux assemblages d'un canal est retiré puis, après rotation d'un barillet, deux assemblages neufs sont descendus dans le canal et le canal est refermé. La machine va ensuite déposer les assemblages irradiés dans une piscine de désactivation.

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1.3. Les barres de contrôle
     Le contrôle est assuré par 211 barres absorbantes qui occupent 211 tubes de force analogues aux précédents et réparties dans tout le réseau.
     Les barres de contrôle sont divisées fonctionnellement en groupes pour le contrôle radial de la distribution de puissance, la régulation de la puissance moyenne, la régulation de la distribution axiale de puissance et l'arrêt de la réaction.
     Ces barres sont retirées vers le haut du réacteur. La position des mécanismes actionnant les barres nous est inconnue.
     Ces barres absorbantes sont constituées d'éléments articulés entre eux. Chaque élément est constitué d'anneaux de carbure de bore de 65 mm de diamètre et de 7,5 mm d'épaisseur contenu de façon étanche dans un tube externe de 70 mm de diamètre et de 2 mm d'épaisseur et un tube interne de 50 mm de diamètre et de 2 mm d'épaisseur en alliage d'aluminium.
     Chaque barre est constituée de six éléments articulés. Ces barres sont refroidies par un circuit d'eau à basse température (50o).
     Ces barres sont prolongées par des éléments inertes pour éviter un déplacement d'eau quand elles sont retirées.

1.4. L'instrumentation du coeur
     La distribution tridimensionnelle du flux neutronique est mesurée dans 140 canaux du réacteur.
     La distribution verticale de puissance est mesurée dans 12 canaux de la zône centrale du réacteur.
     Les détecteurs sont constitués de collectrons répartis en 7 positions axiales sur la hauteur du réacteur.
     La distribution radiale de puissance est mesurée dans le tube central de 130 assemblages combustibles.
     Quatre chambres à fission placées dans le réflecteur sont utilisées pour le démarrage du réacteur.
     La température du graphite est mesurée, dans 20 trous verticaux de 45 mm de diamètre percés à la jointure des blocs, par des thermocouples étagés à différentes hauteurs.
     Une détection de rupture de gaine est faite à la sortie de chaque tube de force par des chambres gamma mobiles surveillant en séquence chaque tube de force.

1.5. Refroidissement du coeur
     Le refroidissement du réacteur est effectué par deux boucles évacuant chacune l'énergie produite par la moitié du coeur.
     Chaque boucle comprend deux ballons séparateurs et quatre pompes de recirculation. Le mélange d'eau et de vapeur sortant de chaque tube de force arrive par une tuyauterie dans un de ces ballons séparateurs de 30 m de long et de 2,30 m de diamètre dans lequel l'eau et la vapeur sont séparées.
     L'eau est reprise par les pompes de recirculation qui la ramènent vers la partie basse des tubes de force par un système de collecteurs, de sous-collecteurs et de tuyauteries. Sur chaque boucle, il y a 22 sous-collecteurs de 300 mm de diamètre.

suite:
     L'eau entrant dans le coeur est réchauffée sur 2,50 m de hauteur et bout dans la partie supérieure.
     A la sortie du coeur, le titre est de 14,5%. Le débit global est de il 500 kg par seconde. Le débit de chaque tube de force est ajusté par une vanne de réglage, deux fois au cours du séjour de l'assemblage combustible dans le réacteur.

1.6. Système de production d'énergie
     La vapeur produite à 65 bar dans les quatre ballons séparateurs alimente en parallèle deux turbogénérateurs. L'eau condensée à la sortie des turbines est reprise par quatre pompes d'extraction et renyoyée vers les boucles primaires par quatre pompes d'alimentation.
     La vapeur arrivant aux turbines contient des traces d'hydrogène gazeux dues à la radiolyse et aussi quelques gaz radioactifs. Il est donc nécessaire, avant de rejeter ces gaz, de les faire passer sur un recombineur à flamme et sur un filtre à charbon actif.
     Ces systèmes sont installés à l'aval des éjecteurs et des pompes à vide du condenseur.

1.7. Système de refroidissement de secours
     Le système d'alimentation normale est secouru par un système comprenant une bâche et des pompes amenant l'eau soit au collecteur chaud, soit au collecteur froid. C'est un système d'injection de sécurité à haute pression.
     Par ailleurs, un circuit d'injection à moyenne pression est constitué par un à ccumulateur d'eau sous pression d'azote pouvant débiter dans le collecteur froid. De plus, trois pompes d'injection à basse pression peuvent alimenter les collecteurs froids à partir d'une réserve d'eau. Ces deux derniers systèmes servent en cas de brèche sur le circuit de refroidissement.

1.8. Alimentation électrique de secours
     En cas de perte des réseaux normaux d'alimentation électrique, la centrale peut être alimentée par le générateur d'une centrale hydraulique voisine et des groupes diesels (3 groupes pour deux tranches jumelles).

1.9. Le confinement
     Le bloc réacteur, ainsi que la majeure partie de ses circuits de refroidissement, est contenu dans un ensemble de locaux qui semble pouvoir tenir une pression de l'ordre de 1,9 bar. D'après certaines informations, ces locaux pourraient supporter des ruptures accidentelles de diamètre 300 mm.
     Ces locaux englobent les ballons séparateurs de diamètre 2'000 mm et longueur 32 m jusqu'aux vannes d'isolement vapeur. Ils englobent également les sous-collecteurs jusqu'à leurs vannes d'isolement.
     Les pompes de recirculation sont en dehors de ces locaux.
     La vapeur produite accidentellement, ainsi que celle provenant des soupapes du circuit, ou de la décharge, est dirigée vers une piscine de suppression de pression située sous le bloc réacteur.

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réacteur RMBK 1000 principe de confinement

EXTRAIT DU RAPPORT IPSN (JUIN 1986)

3. Déroulement possible de l'accident
3.1. Événements antérieurs à l'explosion
     Deux faits ont été rapportés concernant la centrale de Tchernobyl au cours de son fonctionnement avant l'explosion du 25 avril 1986 à 21 h 23 GMT.
     - Ebasco annonce : «Un point chaud est détecté dans un des 1'700 canaux constituant le coeur du réacteur vers 4 h GMT le 25 avril. A cet instant, l'exploitant décide une réduction de charge de 1'000 à 200 MW, afin de résoudre ce qui est considéré comme un petit problème».
     - Lars Erik De Geer du Ministère de la Défense Suédois : «En février dernier, nous détectons des produits de fission dans des retombées que nous savions venir de Tchernobyl. Du zirconium y était relevé, nous laissant penser que quelque chose de grave était survenu, bien que l'Union Soviétique n'en ait jamais parlé».
     Précisons que, pour l'instant, ces événements n'ont reçu aucune confirmation de la part des soviétiques.
     Si le premier événement rapporté peut être utilement exploité pour l'élaboration d'un scénario, le second bien que susceptible d'avoir un caractère précurseur, n'est pas utilisable en raison du peu d'informations dont nous disposons.

3.2. Faits certains
     A 21 h 23 GMT, la partie supérieure du batiment réacteur est soufflée par une explosion. Les personnes présentes, notamment les équipes de pompiers observent des flammes atteignant 30 mètres de haut, qui semblent provenir d'un feu d'hydrogène. D'importants débris issus du réacteur, retrouvés dans l'environnement, montrent la violence de l'explosion.
     Parmi ces projections, des morceaux très actifs tendent à prouver que la partie haute du bloc pile a été emportée. La dalle de chargement, la plaque supérieure coeur ainsi que les tubulures de sortie d'une grande partie des tubes de force ont été détruit. La chute de la machine de chargement et éventuellement du pont roulant a sans doute participé à l'endommagement.
     Compte tenu des conditions météorologiques, les mesures d'activité effectuées en Suède et en Finlande ne peuvent s'expliquer que par une importante élévation du panache (estimée à 1'500 m). Une très forte production d'énergie au sein du réacteur est nécessaire pour provoquer une telle ascension du nuage radioactif.

3.3. Causes plausibles
     A l'heure actuelle, cette explosion ne peut s'expliquer que par l'inflammation d'une poche d'hydrogène située sous la dalle de chargement. A notre connaissance deux modes de production d'hydrogène sont envisageables
     - L'eau, par radiolyse, se décompose en hydrogène et oxygène. L'hydrogène par diffusion à travers les tubulures en inox peut se concentrer entre la plaque supérieure coeur et la dalle de rechargement. Toutefois, le très faible rendement de la réaction de radiolyse, associé au débit de diffusion réduit ne permettent raisonnablement pas d'envisager la formation d'un mélange explosif dans un volume important.

suite:
     - Le zirconium (Zr), porté à une température élevée (~1'000oC) et baigné dans une atmosphère de vapeur d'eau s'oxyde en produisant de l'hydrogène. Théoriquement, l'oxydation complète du Zr contenu dans un tube de force produit 40 m3 d'hydrogène. L'oxydation partielle d'une centaine de canaux produit suffisamment d'hydrogène pour que l'énergie libérée par l'explosion soit suffisante pour provoquer la destruction de la dalle.
     Cette réaction Zr - eau peut être due à une surchauffe du combustible. Plusieurs hypothèses sont aujourd'hui émises pour expliquer cette situation: on peut envisager une défaillance du contrôle neutronique du réacteur ou bien une perte locale de refroidissement, ou une combinaison de ces défaillances: il faudra attendre les renseignements détaillés que doivent fournir les soviétiques en juillet, pour se faire une opinion.

3.4. Conséquences
     L'explosion d'hydrogène en détruisant la partie supérieure des tubes de force provoque la vidange en quelques minutes de la quasi-totalité de l'eau du circuit de refroidissement. De plus, il semble que les systèmes d'injection de sécurité aient été rendus indisponibles soit par dommage direct (rupture de tuyaux, pompes...), soit par perte totale des alimentations électriques. Dans cette situation, le coeur n'est plus refroidissable et commence à s'échauffer de façon quasi-adiabatique.
     La vitesse de montée en température du coeur est directement liée à la puissance générée au sein du bloc pile. Trois sources d'énergie y sont potentiellement présentes:
     - La puissance résiduelle. Cette source d'énergie issue des produits de fission créés lors du fonctionnement de la tranche est proportionnelle, dans un premier temps, au niveau de puissance du coeur avant l'arrêt.
     - La réaction Zr - eau. Cette réaction d'oxydation entre le zirconium des gaines et des tubes de force et la vapeur d'eau est très fortement exothermique. Si cette réaction se généralise, la puissance générée par celle-ci peut atteindre plusieurs fois la puissance résiduelle. Nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour quantifier l'importance de ce terme. Il est toutefois probable que par manque d'eau, cette réaction se soit rapidement étouffée. De plus, l'oxydation du zirconium produit de l'hydrogène susceptible de s'enflammer avec l'air au-dessus du bloc pile.
     - La puissance neutronique. L'explosion initiale, en détruisant les structures situées au-dessus du bloc pile, a endommagé le circuit de refroidissement des barres de contrôles. Ces dernières, privées de refroidissement, perdent leur intégrité et donc de leur efficacité. De ce fait, une partie du coeur, au moins, a été le siège d'une excursion de réactivité. D'autre part, l'effet de vide positif du caloporteur a, par suite de la vidange du circuit de refroidissement, introduit un pic de réactivité dans l'ensemble du coeur. Le cumul de ces deux effets a provoqué un retour en criticité d'une partie, au moins, du coeur. Bien que nous ne soyons pas en mesure de quantifier le niveau de puissance neutronique atteint durant cette phase de l'accident, nous pouvons raisonnablement penser qu'il a été bien supérieur à celui de la puissance résiduelle.
     En l'absence de tout refroidissement, les températures du combustible, des gaines, des tubes de force et de l'empilement de graphite ne cessent de monter. 

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Vers 1'600oC, les gaines commencent à fondre et les assemblages combustible s'effondrent. La perte de la géométrie du coeur rend ce dernier sous-critique éliminant ainsi une importante source d'énergie. Les tubes de force fondent également alors que le graphite atteint la température permettant sa combustion dans l'air ( 1'200oC). La situation n'est alors plus maîtrisable: plus de source de refroidissement, coeur en fusion, perte du confinement suite à l'explosion de 21 h 23 GMT.
     A partir du 29 ou du 30 avril, une noria d'hélicoptères déverse près de 5'000 tonnes de matériaux (sable, plomb, argile, bore) pour étouffer l'incendie et limiter les rejets. Mais la puissance résiduelle qui est alors d'environ 10 MW maintient, faute de refroidissement, le coeur en fusion.

Composition du coeur

Nombre de canaux actifs : 1693
Masse totale de graphite :1700 t
* Volume théorique fourni par la réaction complète Zr + 2H20 Zr02 + 2H2
NB : Les valeurs rapportées dans le tableau concernent uniquement les 7 mètres de coeur actif.

3.5. Evénements postérieurs à la fusion du coeur
3.5.1. Interaction «corium-béton»
3.5.1.1. Généralités sur les phénomènes d'interaction coriom-béton pour un Réacteur à Eau sous Pression
     La fusion du coeur et la rupture de la cuve entraînent la chute sur le radier d'un mélange de combustible et de structures métalliques diverses fondues appelé corium dont la température est d'environ 2400oC. Le béton commence immédiatement à fondre (température de fusion 1300oC).
     Après un rapide processus de ségrégation dans le corium, on se trouve en présence de 2 phases distinctes: une phase métallique constituée des structures internes du coeur et de la partie fondue de la cuve, et une phase oxyde composée principalement du combustible fondu (U02 et produits de fission) et d'oxyde de zirconium (Zr02) provenant de la réaction zirconium/vapeur d'eau qui s'est déroulée au cours de la fusion du coeur. A cet instant, la phase oxyde (7470 kg/m3) est légèrement plus dense que la phase métallique (6590 kg/m3).
     Très rapidement une inversion de phase se produit car les oxydes provenant de la décomposition du béton (Si02, Al203, CaO) allègent la phase oxyde qui surnage alors jusqu'à la fin de l'interaction.
     Les échanges d'énergie et de matière entre le corium et le béton ont essentiellement lieu par l'intermédiaire de la phase métallique qui reçoit les gaz C02 et H20 provenant de la décomposition du béton et les réduit en CO et H2.

suite:
     Rapidement les phases se refroidissent en cédant leur chaleur pour dégrader le béton, échauffer les gaz et les oxydes de décomposition, rayonner vers les structures supérieures.
     La première étape à «haute température» de la phase d'interaction corium-béton s'achève par la solidification presque complète de la phase métallique.
     La vitesse d'érosion axiale est en moyenne environ 10 fois plus grande que la vitesse radiale. (Il en découle des profils de cavités analogues à ceux présentés sur la figure 4 (non représentée ici).

3.5.1.2. Particularités du réacteur de Tchernobyl
     Par rapport au cas d'un Réacteur à Eau sous Pressior (REP), il faut signaler, pour le réacteur de Tchernobyl, des différences importantes:
     - le plancher de la cavité du bloc coeur a une surface importante, au moins 300 m2, c'est-à-dire plus de dix fois la surface d'un fond de puits de cuve de Réacteur à Eau sous Pression français: ceci veut dire que le flux de chaleur à évacuer à la surface du corium est inférieur d'environ une décade dans le cas de Tchernobyl.
     - pour une même puissance résiduelle, le volume de corium est plus important: trois fois plus d'oxyde d'uranium, beaucoup plus d'éléments de structures métalliques
     - parmi ces éléments, on peut trouver du zirconiun n'ayant pas été oxydé lors de la fusion du coeur. La masse initiale (150 tonnes) de cet élément dans le réacteur de Tchernobyl est beaucoup plus importante que celle contenue dans le coeur d'un REP (18 tonnes). Lors de l'interaction corium-béton, le zirconium résiduel (nous avons supposé sa masse supérieure à 75 tonnes) est oxydé par l'eau provenant de la décomposition du béton. La réaction dégage une quantité importante d'énergie (~600 kJ/mole) utilisée pour dégrader d'autant plus le béton.
     - sur les plans que nous possédons, l'épaisseur du plancher de la cavité du bloc coeur paraît faible (1,50 m ?)
     - en dessous de la cavité du bloc coeur est située une cavité contenant notamment un dispositif de suppression de pression, comme il est classique pour un Réacteur à Eau Bouillante. L'épaisseur du plancher de cette cavité, qui constitue également le radier du bâtiment du réacteur n'est pas connue, mais on pense qu'elle devrait être au moins de 1,50 m.
     - d'après les dernières informations reçues, il semble se confirmer que le réacteur n'était pas à pleine puissance au moment de l'accident, mais à 7 % de sa puissance nominale. Ceci peut influer sur la puissance résiduelle du corium. Nous ne possédons cependant pas suffisamment d'informations (historique de la baisse de puissanc'e, taux d'irradiation) pour évaluer précisément la puissance résiduelle au moment de l'interaction corium-béton.

3.5.1.3. Etude de l'interaction avec le code WECHSL
     Nous avons effectué une série de calculs avec le code allemand WECHSL (code développé et validé par les expériences du programme BETA à Karlsruhe). Cette étude nous a permis d'évaluer l'influence des paramètres les plus importants (température du graphite, pourcentage de zirconium oxydé avant l'interaction, puissance résiduelle, masse d'acier contenu dans le corium).

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Données utilisées (calcul de référence à partir duquel est effectué l'étude de sensibilité):
· Puissance résiduelle:10 MW
· Température initiale du corium: 2400oC
· Température initiale du graphite: 1200oC (élément vers lequel rayonne le corium)
· Composition du corium:
- 200 t U02
- 75 t de Zr métal
- 100 t de ZrO2 (50 % en masse de zirconium initial étant supposés oxydés)
- 350 t d'acier austénitique (soit 240 t de fer, 70 t de chrome, 40 t de nickel)
· Caractéristiques du béton:
- type siliceux
- composition (% masse) CaC03 = 0,015; Ca(OH)2 = 0,010; SiO2 = 0,818 ; H20 = 0,042; Al203 = 0,115
- température de fusion = 1300oC
- enthalpie de décomposition = 2010 kJ/kg
- masse volumique = 2320 kg/m3
- incorporation de 0,1 kg de fer/kg de béton
· La cavité est supposée cylindrique. Le radier est donc circulaire de rayon 10 m (surface de contact corium/béton: 300 m2 environ).
     Le calcul effectué avec les données explicitées ci-dessus indique que l'érosion est très rapide au tout début de l'interaction (10 premières minutes). Le phénomène débute par une ébullition en film, puis ce film de gaz se déstabilise et la phase métallique vient localement mouiller le béton. L'ébullition nucléée qui en découle augmente encore plus le transfert de chaleur entre le corium et le béton. La vitesse d'érosion atteint alors sa valeur maximale, environ 400 cm/h.
     Les échanges importants qui ont lieu facilitent le refroidissement du corium et rapidement la phase métallique commence à se solidifier. Une croûte perméable aux gaz se forme alors, et entraîne une réduction considérable des échanges d'énergie entre le corium et le béton. La profondeur atteinte à ce moment est de 40 centimètres environ; l'érosion se poursuit avec une vitesse de 12-14 cm/h. La phase dite «à haute température» (la seule actuellement modélisée par le code WECHSL) s'achève au bout de 6300 secondes lorsque la phase métallique est pratiquement gelée; 65 centimètres de béton ont été jusque là érodés.

Influence de la température du graphite
     Ce paramètre est important car il déterminè les échanges par rayonnement entre la surface du corium et les structures périphériques en graphite. Une augmentation de la température de cet élément limite les échanges radiatifs. L'énergie du corium est alors d'autant plus utilisée pour attaquer le béton.
     Une profondeur de 90 cm est obtenue si la température du graphite est de l500oC. Notre étude a montré que l'élévation de température du graphite prolongeait la phase «haute température» de l'interaction corium-béton, la vitesse restant constante après les 10 premièrs minutes d'interaction.

suite:
     Cependant, le graphite est un excellent conducteur de la chaleur, sa température ne peut donc pas s'élever fortement. Notre analyse se limitera donc à une température maximale de 1500oC pour le graphite.

Influence de la masse de zirconium oxydé avant l'interaction coriom-béton
     Nous avons étudié plusieurs cas pour lesquels la fraction en masse de zirconium oxydé était comprise entre 50 et 100%.
     Lorsque le zirconium existe à l'état métallique dans le corium, on observe les réactions chimiques suivantes:

Zr + 2H2O => ZrO2 + 2H2 - 600 kJ (1)
Zr + 2CO2 => ZrO2 + 2C0 - 470 kJ (2)
     Ces réactions chimiques constituent un apport important d'énergie au corium. Elles ont lieu dès le début de l'interaction corium-béton et sont entretenues tant qu'il reste du zirconium à oxyder et qu'il existe un courant gazeux (CO2, H20) provenant de la décomposition du béton traversant la phase métallique, le zirconium étant un élément extrêmement actif pour des températures supérieures à 1200oC.
     La puissance induite par ces deux réactions est d'environ 25 MW, 97 % par la réaction (1) et 3 % par la réaction (2).
     Lorsque la quantité initiale de zirconium est plus faible (75% de Zr oxydé), la réaction (2) n'a plus lieu au bout d'une dizaine de minutes, débute alors l'oxydation du chrome:
2 Cr + 3H2O => Cr203 + 3 H2 - 390 kJ (3)
2 Cr + 3 CO2 => Cr202 + 3 CO - 290 kJ (4)
     La réaction (1) s'essoufle aussi rapidement car le zirconium devient plus rare. La puissance due aux réactions chimiques restantes est d'environ seulement 6 MW.
     Si le zirconium a été entièrement oxydé avant le début de l'interaction corium-béton, seules les réactions (3) et (4) fournissent 6 MW pendant toute la phase d'interaction à haute température.
     Une plus grande quantité de zirconiurn prolonge sensiblement la première phase de l'interaction corium-béton. La profondeur de la cavité varie cependant faiblement (47-65 cm).

Influence de la puissance résiduelle
     Notre étude a montré que ce paramètre, difficile à estimer dans le cas de TCHERNOBYL, n'influait en fait que très peu sur la phase à «haute temperature» de l'interaction corium-béton.
     Les résultats obtenus sont les suivants:

     Leur faible variation s'explique par le fait que la puissance résiduelle est une composante moyennement importante de la puissance utilisable par le corium pour dégrader le béton.
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     D'autres composantes, telles les réactions d'oxydation lorsqu'elles interviennent ou les variations d'enthalpie dues à la baisse de température du corium, sont nettement plus fortes.
     La puissance calculée pour décomposer le béton est d'environ 60 MW (puissance résiduelle:10 MW) à partir du moment où la vitesse d'érosion se stabilise à 14 cm/h (après 10 mn d'interaction) et conserve cette valeur jusqu'à la fin de la première phase d'interaction.

Influence de la masse métallique pouvant être contenue dans le corium
     Il nous a été difficile d'évaluer la masse métallique entrant dans la composition du corium. Les plans du réacteur que nous possédons nous ont permis d'estimer cette masse à 350 tonnes d'acier austénique (valeur minimale, supports inférieurs de cuve exclus).
     Nous avons effectué deux calculs d'interaction; l'un mettant en jeu une masse d'acier austénitique double, l'autre prenant en compte les structures inférieures du réacteur (environ 1000 tonnes de fer):
     Les résultats obtenus sont les suivants:

     Ils montrent qu'une masse plus importante de matériaux métalliques incorporés dans le corium accroît la durée d'érosion et la profondeur atteinte à la fin de la phasé d'interaction à «haute température». Ceci s'explique par le fait que l'énergie accumulée pour fondre tous ces matériaux est schématiquement restituée d'un seul coup, au début de l'interaction, pour éroder d'autant plus le béton au cours de la phase à «haute température».

Conclusion sur l'étude de la phase d'interaction à «haute température»
     Les différences observées lors de notre étude de sensibilité sur les paramètres principaux restent peu importantes, exceptées celles dues à l'importance des matériaux métalliques fondus et intégrés au corium, au début de son interaction avec le béton.
     Cette phase est caractérisée par une cinétique rapide des phénomènes d'interaction corium-béton. Le moment de son apparition et sa durée sont difficiles à évaluer dans le cas particulier de l'accident de Tchernobyl car le processus de fusion du coeur et des matériaux qui l'entourent est mal connu.
     Néanmoins nos hypothèses et calculs nous ont conduits à estimer la profondeur atteinte au cours de cette phase (2-3 heures) à environ 90 cm.

suite:
3.5.1.4. Phase d'interaction à basse température
     Pour la phase suivante, à basse température, un calcul de conduction-convection basé sur des bilans thermiques a été effectué par l'Institut de Recherche et de Développement Industriel du Commissariat à l'Energie Atomique, dans les conditions schématisées ci-dessous:
* Echauffement des matériaux (2000 tonnes - Cp = 2000 J/kg.K) de 500oC à 1300oC: 37 MWJ
* Perte par conduction 4,3 MW/jour
* Energie intégrée disponible compte tenu de la puissance résiduelle (produits de fission relâchés) et des pertes par conduction:
     jours     E (MWJ)

     0,5          24,2
     1             33,9
     2             46,5
     5             68,1
    11            89
    15            95
    20          101
    30          103

* 1 MWJ décompose 21,6 m3 de béton (environ 7 cm avec une surface d'interaction de 300 m2).
     Ce calcul conduit à une progression du corium dans le béton de l'ordre du cm/h (25 cm/jour).
     D'autres calculs complémentaires sont bien sûr en cours. Il semble bien cependant, d'après nos premiers résultats ou les informations en provenance d'URSS obtenues, que les Soviétiques aient pu disposer de quelques jours, avant que le corium ne détruise le plancher de la cavité du bloc coeur.
     D'après les informations reçues d'URSS, les Soviétiques ont eu le temps de vider la cavité contenant le dispositif à suppression de pression, située sous le plancher de la cavité du bloc coeur, de toute l'eau qui s'y était accumulée. Si le Corium en fusion était tombé dans cette cavité remplie d'eau, il se serait produit ce que les spécialistes appellent des «explosions vapeur» (interaction très violente entre l'eau et les matériaux en fusion) qui auraient pu achever la destruction du bâtiment du réacteur, disperser le corium dans l'environnement et donc accroître encore l'ampleur de la catastrophe.

p.10

D'informations plus anciennes, on peut comprendre, mais ceci n'est qu'une interprétation, que les Soviétiques ont pu ensuite emplir de béton cet espace situé sous la cavité du bloc coeur, ceci ayant pour objectif, soit de mieux confiner les produits radioactifs, soit de retarder le débouché éventuel du corium dans le sous-sol. Si cette opération a bien été accomplie, il n'est pas impossible que le corium arrête là sa progression.

3.5.2. Interaction coriom-eau
     Le plancher supportant le bloc-réacteur surmonte une cavité contenant une piscine à suppression de pression. Cette eau a pu être évacuée grâce à une intervention humaine. Si tel n'avait pas été le cas, il aurait pu y avoir contact entre le corium et cette eau après destruction du plancher. Ce contact aurait pu conduire à une interaction plus ou moins violente, pouvant entraîner une fragmentation, favorable à un refroidissement ultérieur, et une dispersion du corium. L'intensité de ce phénomène dépend toutefois largement des caractéristiques de géométrie et de cinétique de contact. Il n'est donc pas possible d'estimer l'ampleur des conséquences possibles de ce phénomène.

5. Evaluation du terme-source et des doses
5.1. Éléments d'évaluation du rejet radioactif, des caractéristiques de l'installation et du scénario supposé de l'accident
     Nous ne disposons pas de connaissances précises sur le fonctionnement neutronique du réacteur, donc sur les quantités de produits de fission présentes dans le coeur au moment de l'accident. Il est cependant possible, en première analyse, de raisonner par analogie avec un réacteur àeau sous pression (REP).
     Le tableau en annexe de ce chapitre présente l'inventaire en ses principaux isotopes radioactifs d'un coeur de REP avec un taux de combustion de 11'000 MWj/t. En effet, le rapport isotopique Cs137/Cs134, observé dans les mesures effectuées en Europe, laisse à penser que le taux de combustion moyen du réacteur accidenté était de l'ordre de 10'000 MWj/t. Il faut cependant souligner que les différences entre les deux types de réacteurs (spectre neutronique, rechargement continu) peuvent induire des écarts notables sur certains isotopes.
     L'activité des isotopes à vie courte dépend de la puissance dans la période précédant l'accident. D'après certaines informations soviétiques, il semblerait que le réacteur ait été à faible puissance (7% de la puissance nominale) au moment de l'accident depuis un temps non déterminé. Il est assez difficile d'après les quelques mesures de rapports isotopiques, faites après au moins deux jours de transfert, de tirer des indications sur la puissance du réacteur durant les derniers jours et les dernières heures. Des mesures faites à Studsvik (Suède) semblent indiquer, d'après le rapport  I 133/I 131, que l'arrêt de la réaction en chaîne a eu lieu le 26 avril vers 18 heures, ce qui ne correspond pas aux renseignements fournis par les Soviétiques, mais cette valeur du rapport isotopique pourrait s'expliquer par un fonctionnement à puissance réduite pendant un certain temps avant l'accident.
      Les connaissances actuelles permettent de penser que dans une situation de fusion de coeur généralisée; les produits de fission les plus volatils (gaz rares, iode, césium, tellure) sont émis en quasi-totalité par le coeur. 

suite:
Les produits de fission moins volatils, tels que le strontium ou le ruthénium, sont émis avec des taux de quelques pour mille ou pour cent de l'inventaire du coeur; enfin, les lanthanides et les actinides avec des taux encore plus faibles, se chiffrant en dix millième de l'inventaire du coeur.

5.2. Situation météorologique les premiers jours de l'accident
     Les renseignements météorologiques et les cartes de trajectoires présentées ci-dessous ont été fournis par la Météorologie Nationale.
     Le 26/4/86, on note la présence de hautes pressions sur le Nord-Ouest de l'URSS, d'une zone de basse pression en Islande et sur le Nord-Ouest de l'Europe d'une part, et le Sud de la Scandinavie d'autre part.
     Autour de Tchernobyl, on retrouve les caractéristiques d'une situation anticyclonique: vent au sol très faible avec forte inversion de température au sol et brouillard pendant la nuit, puis destruction de l'inversion après le lever du soleil laissant place à une atmosphère instable.
     Le radio-sondage de Kiev du 26/4 à 0h GMT montre que l'épaisseur de la couche d'inversion au sol est d'environ 200 m, qu'il existe une nouvelle couche d'inversion à 2000 m et que les vents en altitude (1500 m) sont de 8-10 m/s, soufflant de l'E-S-E. Le radio-sondage de 12 h GMT montre une atmosphère nettement instable jusqu'à 3000 m.
     Au cours de la nuit suivante, le vent tourne à l'Est en faiblissant légèrement (5 m.s-1 à 1500 m). L'inversion au sol est plus épaisse (de l'ordre de 500 m)
     La situation dans la journée du 27/4 est à peu près identique à celle du 26/4.

5.3. Surélévation du panache
     Les mesures de radioactivité faites dans les pays nordiques (Finlande puis Suède) indiquent une arrivée du panache radioactif après un temps de transfert légèrement inférieur à 48 h qui ne paraît pouvoir s'expliquer que par un transport du polluant par les vents en altitude, de vitesse 8-10 m/s, et donc par une montée initiale importante du panache.
     On peut envisager deux raisons à la montée du panache à cette altitude: d'abord l'énergie du panache à la source, ensuite les conditions météorologiques après le lever du soleil (atmosphère instable caractérisée par des mouvements convectifs de grande amplitude).
     L'énergie à la source peut être estimée comme suit:
     a) la puissance résiduelle du réacteur est environ de 20 MW, correspondant à un temps de refroidissement de quelques heures pour un réacteur fonctionnant à pleine puissance
     b) l'oxydation des 150 t de :zircomûm des gaines et des tubes de force engendre la formation dc 6,6 t d'hydrogène. La combustion de la moitié de cet hydrogène en 2h dégage une puissance de 50 MW;
     c) le graphite, supposé brûler à raisonde 20 t par jour, dégage 8 MW.

p.11

     La puissance totale à la source était donc au maximum de 78 MW et au minimum de 28 MW après l'extinction du feu d'hydrogène.
     Pour les premières heures du rejet, en supposant que celui-ci ait eu lieu suffisamment tôt le matin du 26/4 et dans l'hypothèse de la puissance maximale, les calculs faits avec le code MICAR (Référence 1) montrent que cette puissance était juste suffisante pour permettre au panache de traverser la couche d'inversion. Après sa traversée, cette couche d'inversion aurait joué le rôle de couvercle, en empêchant le panache de retomber au sol et protégeant les régions proches du site de la centrale. Pour les heures suivantes, après la disparition de l'inversion et alors que l'hydrogène était entièrement consumé, les calculs montrent qu'avec une puissance de 28 MW et en supposant une atmosphère neutre, le panache pouvait atteindre une altitude de 800 m. Avec l'instabilité se développant en cours de journée, les calculs montrent une forte extension verticale du panache qui expliquerait la montée d'au moins une partie du panache jusqu'à 1500-2000 m, une autre partie touchant le sol.
     Au cours des nuits suivantes (27 et 28/4), l'inversion au sol semble plus épaisse, bloquant le panache à environ 100 m d'altitude. Lorsque l'instabilité s'établit dans la journée, le même scénario que dans la journée du 26/4 se serait reproduit.
     Il apparaît donc que la surélévation du panache est un élément important puisqu'il explique non seulement le transport rapide des produits radioactifs par les courants d'altitude, mais aussi la relative protection dont auraient bénéficié les régions proches du site, au moins durant les premières heures de l'accident.

5.4. Trajectoires avec point de d~part à i 500 m d'altitude
     Les trajectoires présentées ont été établies par la Météorologie Nationale à l'aide d'un modèle implanté au Centre Météorologique Européen à Reading (GB). Elles ont été obtenues à partir des champs de vent observés.
     Elles sont présentées pour une émission au niveau 850 mbar (environ 1500 m) toutes les six heures entre le 26/4 0 h GMT et le 27/4 18 h GMT et finissent toutes le 4/5 0h GMT. Chaque pas de 24 heures est repéré par une croix.
     Les rejets du 26/4 ont atteint les pays nordiques (Suède, Finlande) 48 heures plus tard, les rejets du 27/4 à 0 h ont touché l'Europe de l'Est, l'Allemagne, la France et l'Angleterre et ceux de 6 h et 12 h du même jour ont atteint l'Europe de l'Est, le Nord de l'Italie, l'Est de la France, le Bénélux et le Danemark.
     A partir du 27/4 à 18 h et les jours suivants, le polluant est transporté vers l'Est, n'atteignant plus l'Europe occidentale.
     La concordance entre ces trajectoires et les mesures de radioactivité au sol faites dans différents pays est évaluée ci-dessous au § 5.7.
     Les zones de pluie portées sur les figures (trajectoires en trait épais) sont des prévisions et non des observations. Il semble ainsi qu'il ait plu sur la région de Tchernobyl dans les journées des 26 et 27/4 (probablement pluies à caractère orageux).
     La largeur du panache, dont la demi-valeur est définie comme la distance à l'axe où la concentration est le dixième de la concentration maximale sur l'axe (2,15 sigma y), est donnée dans le tableau ci-dessous en fonction de la durée du transfert. (Les écarts-types de distribution transversale utilisés dans ce calcul sont ceux de DOURY - Référence 2).

suite:
Durée du transfert
(en jours)                  1       2      3      4      5      6
Largeur du panache
(en km)                   170  340   520  690  860  1000

     Ainsi, sur les pays nordiques dans les journées des 27/4 et 28/4, le panache avait environ 300 km de largeur, sur la France les 1 et 2 mai, il avait entre 700 et 900 km de largeur.

5.5. Mesures radioactives effectuées en Europe et concordance avec les trajectoires
     Les trajectoires avec départ à 1500 m ont été présentées au § 5.4 précédent. Le tableau ne fait que reprendre, pour chaque trajectoire supposée partir de Tchernobyl entre le 26/4 à 0h et le 28/4 0h, les pays ou zones géographiques successivement traversés.
     On dispose, au moins pour l'Europe du Nord et l'Europe occidentale, d'indications assez précises, des dates et lieux où un accroissement très sensible de la radioactivité a été noté (cf. Chapitre 4). La bonne concordance où une concordance approximative (en général décalage inférieur à un jour) sont également notées sur ce tableau.
     Les mesures faites en Suède, Allemagne, Suisse, France, Grande-Bretagne et dans une moindre mesure celles de Hollande et du Danemark coïncident à peu près avec les dates et lieux de passage des trajectoires. Les mesures faites en Finlande ne peuvent, actuellement, être expliquées par les trajectoires météorologiques disponibles et partant du réacteur à compter du 26/4 à 0 h TU. La trajectoire avec départ le 26/4 à 18 h TU ne peut être recoupée avec aucune mesure. Il en est de même pour les trajectoires partant à compter du 27/4 à 18 h et qui se dirigent soit vers la Mer Noire et le Moyen Orient soit vers l'Est de l'Ukraine.

5.6. Coefficients de transfert atmosphérique à longue distance
     Les produits radioactifs relâchés hors du réacteur lors de l'accident sont transportés par le vent qui règne à l'altitude où se trouvent ces produits, ce qui définit la trajectoire du panache. Autour de cette trajectoire du centre de masse des produits radioactifs, qui se trouvent sous forme de particules, de gaz ou de vapeurs, les produits diffusent dans les trois axes (de propagation, transversal et vertical) et peuvent également disparaître du panache par la décroissance radioactive, le dépôt sec au contact du sol et surtout le lavage par les précipitations.
     Les coefficients de transfert atmosphérique (CTA, exprimé en s.m-3) permettent, pour une condition météorologique donnée (stabilité atmosphérique, vitesse du vent...) et un appauvrissement défini, de calculer, à partir de l'activité rejetée (Q en Bq*) l'activité volumique intégrée (AVI en Bq.s.m-3) en un point situé à une certaine distance (ou mieux à un certain temps de transfert) du point de rejet:

AVI (Bq.s.m-3) Q(Bq) x CTA (s.m-3)
* 1 Bq = 2,7.10-11Ci, 1 Ci = 3,7.10+10 Bq
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     Cette AVI est, expérimentalement, l'intégrale des mesures de concentration en fonction du temps et il semble plus correct d'utiliser cette grandeur, qui intègre la totalité du passage du panache que d'autres grandeurs telles que des valeurs moyennes ou des valeurs obtenues sur des temps limités.
     De plus, cette activité volumique intégrée permet de calculer rapidement les doses intégrées (exposition externe et interne) lors du passage du panache.
     Pour pouvoir passer des concentrations mesurées en différents points d'Europe aux rejets initiaux associés, il faut se fixer des valeurs de CTA correspondant aux conditions de la dispersion atmosphérique. Les valeurs suivantes ont été retenues (cf. Références 2, 3) en tenant compte de l'appauvrissement par dépôt sec, mais non par la pluie (difficile à évaluer précisément):
     - à 1000 km : 2,2.10-10s.m-3, incertitude d'un facteur 2
     - à 2000 km : 5.10-11s.m-3, incertitude d'un facteur 4
     - à 3000 km 2.10-11s.m-3, incertitude d'un facteur 4

5.7. Evaluation du rejet durant les deux premiers jours
     Dans un souci de simplification, le rejet total sur les deux premiers jours a été divisé en 8 rejets partant toutes les 6 h, chacune des phases du rejet suivant alors une trajectoire différente établie en fonction des conditions météorologiques.
     Le tableau 2 présente une sélection représentative des résultats de mesure d'activités volumiques intégrées (AVI) pour l'iode 131 et le césium 137 et l'appartenance supposée de chacune de ces mesures à une trajectoire.
     Les deux isotopes précédemment cités ont été choisis parce qu'ils sont les mieux mesurés (ou publiés de façon plus complète) parmi la vingtaine d'isotopes identifiés, qui appartiennent aux principales familles de produits de fission (PF), depuis l'iode jusqu'aux actinides en passant par le césium, le ruthénium, le zirconium, le cérium.
     Comme on peut le voir sur ce tableau, il existe, au niveau des mesures transmises pour l'iode une imprécision quant aux formes d'iode effectivement mesurées. Les instituts qui ont fait des mesures complètes, en plaçant successivement un filtre à particules (à fibres de verre) et un charbon actif imprégné, ont noté que l'iode particulaire ne constituait que de l'ordre de 15 à 25% de l'iode total en Scandinavie et environ 60% en Hollande.
     Le comportement physico-chimique des radioéléments intervient bien entendu au niveau de l'émission hors du combustible (cf. § 5.1.) mais également lors du transfert dans l'installation (ou ce qu'il en reste), lors du transfert atmosphérique, en particulier dans les phénomènes de dépôt sec et de lavage par la pluie et enfin lors de la mesure.
     Le comportement de l'iode étant particulièrement complexe, ce qui était déjà connu mais qui est dans cet accident nettement confirmé, il a semblé préférable de tenter d'évaluer le terme source (activité ou fraction d'activité - par rapport au contenu initial du coeur - libérée dans l'atmosphère) à partir des résultats basés sur le césium et plus particulièrement le Cs 137 de période radioactive égale à 30 ans. 

suite:
Le rapport isotopique Cs 1 37/Cs 134 est, dans l'ensemble des mesures, pratiquement constant et égal à 1,9 ce qui implique un taux de combustion moyen compris entre 9000 et 12000 MWj/t (rapporté à un REP). Pour les calculs de fraction d'activité libérée, l'activité contenue dans le coeur du réacteur RBMK de Tchernobyl a été prise, en première approximation, égale à celle présente dans le coeur d'un REP de même puissance avec un taux de combustion de 11000 MWj/t (extrait de la Référence 4), présenté dans l'annexe au chapitre IV).
     Si l'on passe en revue, à l'aide des tableaux 1 et 2, les trajectoires et les mesures correspondantes, on peut en déduire les évaluations suivantes du rejet, en se basant dans un premier temps, sur le Cs 137:
     - la trajectoire «finlandaise», difficilement expliquée actuellement par les conditions météorologiques, correspond à un rejet compris entre 0,7 et 0,6% du contenu du coeur en Cs 137,
     - les trajectoires suédoises (rejet le 26/04 sauf certainement les toutes premières heures du rejet) correspondent à un rejet compris entre 1,1 et 4,4% du coeur,
     - la trajectoire passant sur l'Europe Centrale (départ le 27/4 à 0 h) avec des points de mesure en Allemagne (Bavière), France (surtout région parisienne) et GrandeBretagne (Sud) correspond à un rejet compris entre 1 et 40 % compte tenu d'une part des différences sur les mesures elles-mêmes (entre 3 et 10,4%) et de l'incertitude sur le CTA utilisé pour remonter au rejet,
     - les trajectoires passant par l'Europe Centrale et le Golfe de Gènes (départ le 27/04 à 6h et 12h TU), avec des points de mesure dans l'Est de la France, en Hollande et au Danemark correspondent à un rejet compris entre 0,25 et 45% compte tenu des incertitudes sur les mesures (entre 1,1 et 11,35%) et sur les CTA.
     - on ne dispose que d'informations très partielles et non directement utilisables sur les trajectoires partant le 26/4 à 18 h (passage en Pologne observé le 27/4 en fin de journée) et sur les trajectoires parties après le 27/4 à 18 h.
     Au total, pour les trajectoires «interprétables», correspondant à une partie des rejets des j6urnées du 26 et 27 avril, la fraction estimée du coeur rejetée en Cs 137, représentatif de l'ensemble des césiums, peut être comprise entre 3 et 92%. L'incertitude est très grande, due à la fois à la dispersion du petit nombre de mesures utilisables et au transfert atmosphérique sur de très longues distances (avec les problèmes de répartition verticale et transversale dans le panache et surtout d'appauvrissement par le lavage par la pluie sur certaines parties des trajectoires et même au moment des mesures). Une estimation moyenne et raisonnable de rejet en Cs sur les deux premiers jours pourrait être de l'ordre de 20 % du coeur, avec un facteur d'incertitude de 4, en plus ou en moins, soit entre 5 et 80 %.
     Pour l'iode, quand la mesure de l'iode total a été faite, on trouve une fraction du coeur sensiblement plus faible que celle trouvée pour le césium. Ceci peut s'expliquer soit par une rétention plus forte de l'iode dans l'installation, soit par un appauvrissement plus fort au cours du transfert.
p.13

5.8. Comparaison des activités surfaciques calculées et mesurées
     La relation entre les activités volumiques intégrées (AVI) et les activités surfaciques (AS) résultant du dépôt sec s'écrit:
AS(Bq.m-2) = AVI(Bq.s.m-3) x Vd(m.s-1)
     Vd est la vitesse de dépôt sec, qui s'exprime en m.s-1 et dont la valeur peut varier de 1.1-3 (fines particules) et 1.10-2 (grosses particules ou iode moléculaire). En prenant une vitesse moyenne de dépôt sec de 3. 10-3m.s-1, le passage des AVI du tableau 2 aux AS donne les résultats suivants, qui peuvent etre comparés aux valeurs mesurées:
ND : Non Disponible
(P) : Pluie lors du passage du panache
(H) Dépôt sur l'herbe (environ 1/3 du dépôt total)
     On peut constater que l'accord entre les valeurs calculées et les valeurs mesurées est assez bon, si l'on excepte les lieux où il a, de façon sûre, plu assez fortement lors du passage du panache.
     Par ailleurs, un calcul rapide avec un dépôt moyen en I 131 en Scandinavie de 20 kBq.m-2 et de 3 kBq.m-2 en Europe occidentale conduit à une fraction du coeur de l'ordre de 1,5%. En Cs 137 avec 3 kBq.m-2 en Scandinavie et 0,5 kBq.m-2 en Europe occidentale, on obtient 4%. Ceci ne tient pas compte des dépôts en URSS et Pologne, de dépôts importants dûs à la pluie et de la fraction qui est restée en suspension après avoir traversé l'Europe.

5.9. Estimation des rejets pour les autres familles de produits de fission (PF)
     En plus de l'iode et du césium, des isotopes représentatifs de la plupart des grandes familles de produits de fission ont été identifiés et mesurés. En supposant que tous ces isotopes se comportent de la même façon, lors des transferts et des dépôts en particulier, on peut estimer les taux* d'émission, en relatif par rapport à celui du césium:
     Pour les tellures (en se basant sur Te132): de l'ordre de 1/3.
     Pour les ruthéniums et rhodiums (en se basant sur Ru106 et Rh106): entre 1/20 et 1/10.
     Pour les lanthanides (en se basant sur Ce141 ou La140): entre 1/2000 et 1/500.
     Pour les actinides (en se basant sur peu de mesures en Np239): entre 1/2000 et 1/500.
     Pour avoir les taux d'émission de ces familles de PF, il faut multiplier les valeurs relatives données ci-dessus par la valeur absolue de la fraction rejetée en césium soit de l'ordre de 20 %. On obtient ainsi des ordres de grandeur des fractions rejetées des autres familles de produits de fission:

suite:
Tellure:        7%
Ruthénium:  1 à 2%
Lanthanide: 0,01 à 0,04%
Actinides: 0,02 à 0,04%
     Pour les gaz rares, on ne dispose actuellement d'aucune mesure d'activité mais on peut supposer que leur quasi-totalité a été rejetée hors du réacteur.

5.10. Evaluation des doses à courte et moyenne distance
5.10.1. Doses à moyenne distance dues au panache
     Les estimations de doses à moyenne distance obligent à faire un certain nombre d'hypothèses, dont le bien-fondé ne peut entièrement être établi actuellement.
     On a supposé:
     - un rejet comportant 25% des gaz rares et 5% des iodes et césiums** contenus dans le coeur. Ceci constitue le quart du rejet total estimé et est censé représenter la fraction du rejet qui ne s'est pas élevée rapidement à haute altitude et aurait atteint une hauteur de l'ordre de 100 m,
     - un temps de refroidissement moyen du coeur supposé égal à 5 h, ce qui est sûrement pessimiste,
     - une hauteur d'émission de 100 m pour la fraction du rejet qui ne s'est pas élevée très haut (< ou = 1 000 m) initialement,
     - des conditions de diffusion normales, avec un vent de 5 m/s,
     - un effet de réduction de dose lié au battement du vent pendant la durée supposée de la partie la plus importante des rejets; un facteur 5 correspondant à une durée de rejet de quelques heures a été pris en compte.
     Dans ces conditions, les doses par irradiation externe, sur l'axe du vent, dues au passage du panache seraient les suivantes:
Distance (km) Doses (rad)
     1                  12
     2                  30
     5                  14
   10                    5
   30                    0,8
   50                   0,4
   100                  0,12 

5.10.2. Doses et débits de dose dûs an dépôt à moyenne distance
     En prenant les mêmes hypothèses que pour le calcul de la dose due au passage du panache, les produits de fission les plus fortement émis, l'iode et le césium, déposés sur le sol conduiraient aux débits de dose et aux doses intégrées suivants:

* Mis à part Np 239 et Zr 95, qui semblent app&altre en proportion plus importante en Scandinavie qu'en Europe Occidentale, ces taux relatifs ne semblent pas dépendre des trajectoires, donc des différentes phases du rejet.
** En premiére approximation les isotopes (tels Zr 95, Ba-La 140, Np ~39...) des a"tres familles de produits de fissidn ont été négligés.

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5.10.3. Débits de dose à proximité du réacteur dûs au produits de fissiou déposés dans les structures supérieures de l'installation
     En faisant l'hypothèse d'une part que 10 % de l'inventaire en iode et césium se sont déposés sur les structures restantes du bâtiment et d'autre part que ces différentes structures, de par leur épaisseur, conduisent à une atténuation d'un facteur de l'ordre de 10, les débits de dose, à différentes distances du bâtiment réacteur (BR) seraient les suivants:


Références du Chapitre 5
(1) Contribution à l'étude des jets lourds et des jets radioactifs émis en présence d'un courant traversier. A. BADR. Thèse de docteur ingénieur, Institut National Polytechnique de Grenoble, 1981.
(2) Une méthode de calcul pratique et générale pour la prévision numérique des pollutions véhiculées par l'atmosphère, A. DOURY, Rapport CEA R4280 (Rév. 1), 1976.
(3) Modèle IPSN Pour le calcul simplifié de la dispersion atmosphérique des rejets accidentels, J. LEGRAND, D. MANESSE, Rapport CEA-R-5170, 1982.
(4) Activité b, a, neutronique, spectre d'émission g et puissance résiduelle d'un combustible PWR irradié, C. DEVILLERS, J.P. PAYEN, D. MANESSE, rapport DRE/SERMA/S314, 1977.
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