Rapport fourni par Alain Lipietz
Député Vert européen
NOTE SUR LE PAQUET ERIKA 1, SECURITE MARITIME
Rapporteurs:
Watts (contrôles portuaires)
Ortuondo (sociétés de classification)
Hatzidakis (double coque)
Procédure: co-décision, I lecture
Gianluca Solera, 24/11/00
Le Parlement se trouve à la veille d'un vote important sur le soi-disant Paquet Erika 1, que la Commission a formulé pour répondre à l'opinion publique demandant une meilleure sécurité maritime suite à l'accident du navire pétrolier Erika.

Les trois propositions regardent (a) l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans ses eaux des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (modification de la directive 95/21/CE), (b) la réglementation des sociétés de classification, c'est-à-dire les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes (modification de la directive 94/57/CE), et (c) l'introduction accélérée de prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (nouveau règlement).

Suite au dernier accident qui a affecté le bateau de produits chimiques Llevoli Sun, la Présidence française du Conseil et la Présidente du Parlement européen ont appelé à une approbation rapide du premier paquet Erika pour répondre aux attentes des citoyens. Notre Groupe soutient cette ligne. Un report de ce paquet en passant par une deuxième lecture et éventuellement une procédure de conciliation signifierait attendre encore, jusqu'à une année entière, et par ainsi le caractère d'urgence de ces mesures-ci s'affaiblirait, alors qu'on attend déjà le deuxième paquet. Celui-ci est censé introduire (a) un système d'échanges d'information entre les acteurs concernés, (b) une surveillance accrue dans les zones maritimes à plus dense trafic, (c) l'institution d'une agence européenne de sécurité maritime (d) et la définition de la responsabilité financière pour tous les opérateurs concernés en cas d'accident, inclus affréteurs et armateurs.

Il ne faut pas oublier que 8 000 des 90 000 bateaux qui naviguent dans le monde entier sont en dessous des standards de sécurité, d'après le système d'information SIRENAC, et 4000 d'entre eux transportent des marchandises, y compris celles dangereuses. Le danger d'un autre accident est donc toujours bien présent. Notre Groupe a donc travaillé pour atteindre un accord avec le Conseil des Ministres qui puisse nous permettre d'éviter une deuxième lecture sans pourtant renoncer aux revendications fondamentales pour une sécurité de l'environnement maritime accrue.

En ce qui concerne les contrôles portuaires (rapport Watts), il s'agit d'une proposition de révision d'une directive existante, qui malheureusement n'a même pas encore été appliquée correctement par tous les pays de l'Union. Les principales dispositions de la directive actuelle concernent en fait la sélection des navires et des points qui doivent faire l'objet d'une inspection. À l'inverse des inspections effectuées par les sociétés de classification, cette inspection ne consiste pas en une expertise complète de l'état du navire dans la mesure où elle se base essentiellement sur la vérification des documents de bord. Les critères établis pour la sélection et l'inspection des navires ne sont pas obligatoires, même si les Etats membres sont tenus d'inspecter 25 % des navires faisant escale dans leurs ports. Eh bien, 7 pays de l'Union n'ont pas encore atteint ce quota! De l'autre côté, le nombre des inspecteurs portuaires spécialisés dans l'Union est très limité. La nouvelle proposition vise donc à introduire une certaine uniformité, notamment en ce qui concerne la sélection des navires soumis à l'inspection et le champ d'application des différents types d'inspection. Les contrôles seront donc obligatoires pour les navires présentant un risque élevé. Ils ne se limiteront plus à la vérification de documents, mais devront vérifier des équipements de sécurité, une vérification de l'état de corrosion du navire et, dans la cas des pétroliers, une évaluation de l'état de corrosion d'au moins une citerne de ballast. La proposition précise également les conditions en vertu desquelles un navire peut se voir refuser l'accès au port, ce qui représente une disposition totalement nouvelle. Le Parlement, avec le soutien de notre Groupe, exige que les navires dont les propriétaires ont choisi de battre pendant une longue période le pavillon d'un Etat figurant sur la liste noire de l'Organisation Maritime Internationale doivent être tous bannis des ports de l'UE, afin de pousser l'Etat du pavillon de complaisance à changer de politique maritime et finalement respecter les conventions internationales. Aussi les navires qui ne sont pas équipés de "boîtes noires" telles qu'installées dans les avions ne devraient pas avoir accès à nos ports. Les divergences avec le Conseil restent importantes, en ce qui concerne les dernières propositions, mais des rapprochements sont en cours. Notre Groupe soutient cet effort pour atteindre un accord et il est même prêt à retirer les amendements présentés en plénière, concernant notamment la formation d'inspecteurs spécialisés et l'extension du refus d'accès aux eaux territoriales, pour faciliter cet accord.

En ce qui concerne les sociétés de classifications (rapport Ortuondo, député de notre Groupe), le rapport qui sera voté en plénière demande que ces organismes-ci, qui effectuent pour le compte d'un Etat des inspections régulières et pertinentes visant à déterminer si les navires battant le pavillon de cet Etat respectent les normes imposées en matière de sécurité et de protection de l'environnement, soient reconnues au niveau de l'UE, suite à un contrôle au préalable harmonisé et centralisé du respect des critères énoncés dans la directive, et non plus par les Etats individuellement. Contrôles a posteriori centralisés et harmonisés des organismes agréés seront aussi assurés.

Le respect de critères de qualité selon les meilleurs standards internationaux des inspections faites par ces organismes (des 10 organisations regroupés dans IACS, seulement trois ou quatre sont considérés de très bonne qualité), la transparence sur les données concernant les bateaux inspectés ainsi que l'indépendance entre armateurs d'un côté et inspecteurs de l'autre font aussi partie de la proposition du Parlement. Notre Groupe avait demande d'établir normes techniques détaillées de réalisations des inspections ainsi que de fixer des prix publics pour ces inspections, afin de ne faire intervenir dans le choix par l'armateur d'un des organismes agrées que du facteur qualité, mais cette proposition n'a pas été retenue par la commission parlementaire compétente.

Le point le plus controversé reste de toute façon celui de la responsabilité financière de ces organismes-ci en cas d'accidents. D'un côté, la Commission proposait d'établir un plafond à la compensation financière que l'Etat de pavillon pourrait demander à l'organisme agréé (2.5 et 5 million €, selon le type d'accident) , sauf qu'en cas de négligence grave de la part de celui-ci, et dans ce cas la responsabilité serait illimité. De l'autre côte, le Conseil exigeait toujours une responsabilité illimité. Le compromis sur lequel se régit l'accord avec la Présidence française et qui pourrait aboutir à l'adoption immédiate de la proposition de directive, dit que le tribunal qui devra statuer sur l'accident en question aura le dernier mot et pourra limiter le montant de la compensation financière que l'organisme agrée doit à l'état de pavillon condamné à indemniser les parties affectées par l'accident en question.

En ce qui concerne l'introduction du double coque (rapport Hatzidakis), le but du nouveau règlement proposé consiste à minimiser les risques présentés par les navires vétustes en généralisant l'interdiction graduelle des pétroliers à simple coque, qui représentent actuellement la plupart des pétroliers en service. Or, tenant compte du fait que, dans la période 1974-1999, 62% des marées noires ont été provoquées par échouements, collisions et ruptures de coque, on comprend bien l'importance de remplacer le coque simple avec le double coque. Le calendrier proposé par la Commission était similaire à celui qui a été adopté par les Etats-Unis (2005, 2010 et 2015, selon le tonnage). De plus, la Commission avait proposé l'introduction de taxes différenciées pour les redevances portuaires et de pilotage applicable aux navires pétroliers à simple et à double coque, ce qui représente un bon instrument incitant à la reconversion. Sous la pression du Conseil et des armateurs, cet instrument a été totalement effacé du texte du règlement, le calendrier a été rendu plus flexible et les bateaux de tonnage inférieur à 3000 tonnes ont été exclues du "phasing out". L'argument consistant à dire qu'un calendrier de "phasing out" du simple coque trop rapide représenterait un facteur limitant l'approvisionnement de pétrole de l'Union est en réalité un chantage politique que nous ne pouvons pas accepter. Notre Groupe regrette l'élimination de la proposition de taxes différenciées, mais quand même est disponible à soutenir le nouveau calendrier de "phasing out" même s'il n'est pas aussi exigeant que celui des Etats Unis, car on a adopté une clause de révision qui déclare qu'en cas d'insuffisante révision de la Convention internationale MARPOL pour la prévention de la pollution, prévue pour le mois d'avril 2001, l'Union européenne adopterait le calendrier américain.