L'utilisation accrue des énergies renouvelables entraînera
automatiquement le développement d'activités économiques
nouvelles dans les divers secteurs économiques, primaire, secondaire,
tertiaire, et permettra de développer des branches existantes et
de créer des branches nouvelles.
Cette utilisation accrue des énergies renouvelables aura également
un effet négatif sur certaines branches de l'économie, il
ne faut pas s'en cacher. Ainsi, plusieurs milliers, voire dizaines de milliers
d'emplois liés aux énergies traditionnelles, mazout, gaz,
charbon en particulier, disparaîtront et les pays producteurs de
ces énergies pourront également être touchés.
Il s'agit de ne pas oublier ces effets négatifs et il en sera tenu
compte dans tous les bilans présentés dans la suite de cet
exposé.
Passons rapidement en revue ce qui se passera et se passe déjà dans les divers secteurs de l'économie.
En ce qui concerne le secteur primaire, mentionnons le développement
de la très ancienne énergie tirée du bois (rappelons
que l'industrie du bois emploie près de 100,000 personnes en Suisse>,
de l'énergie tirée de la biomasse, et particulièrement
du biodiesel, un des carburants de l'avenir, et dont la seule unité
de production suisse est située à Etoy, dans le canton de
Vaud. Le développement d'activités dans ce secteur permettra
de soutenir la paysannerie dans sa difficile mutation et ainsi de maintenir,
voire de créer des emplois dans ce secteur.
En ce qui concerne le secteur secondaire on voit maintenant déjà
éclore de multiples PME et industries développant des produits
en relation avec les énergies renouvelables, et la Suisse romande
est relativement bien placée dans ce domaine. Il est clair aussi
que l'utilisation accrue des énergies renouvelables donnera du travail
aux divers métiers du bâtiment; d'ailleurs les grandes associations
professionnelles suisses comme l'ASMFA et ClimaSuisse ne s'y sont pas trompées,
elles qui soutiennent toutes les initiatives politiques actuellement en
cours en vue de favoriser le développement de ces énergies.
Quant au secteur tertiaire, il sera moins touché. Citons néanmoins
pour mémoire un surcroît de travail pour les architectes et
les ingénieurs, ainsi que le besoin accru de nouveaux outils financiers
qui demandent à être développés, en particulier
dans le domaine du ucontractingfl et du "BOT" (build, operate, transfer).
Dans ce secteur, prime donc à l'intelligence!
Un phénomène très intéressant est le fait
que le développement des énergies renouvelables n'est plus
le fait d'idéalistes, de gauchistes, de pionniers, ni même
le fait de petites entreprises occupant de petites niches du marché,
mais que de grandes entreprises multinationales n'hésitent plus
à investir dans ce domaine, que ce soit en tant que producteurs
ou en tant qu'utilisateurs.
Citons en particulier:
- Shell, qui produit du bois sous forme de combustible, de l'électricité
fabriquée àpartir de biomasse ainsi que des cellules photovoltaïques
- BP, qui produit des cellules photovoltaïques
- Nestlé, qui produit et utilise du bois sous forme de combustible
et qui utilise l'énergie solaire
- l'UBS, qui utilise l'énergie solaire
Il est intéressant de noter que de telles entreprises aient
déjà fait le pas, et il n'est pas inutile de rappeler à
ce propose que Shell prévoit qu'à l'horizon 2050 près
des deux tiers de l'énergie consommée dans le monde sera
renouvelable.
Un sacré marché donc, marché pour lequel ces entreprises
ont commencé à se battre!
La question que chacun se pose évidemment est de savoir quel
est le nombre de postes de travail qui pourrait être généré
par un développement accéléré des énergies
renouvelables et quel en est le prix.
Comme précédemment indiqué, ce nombre de postes
de travail doit être le nombre de postes de travail net, c'est-à-dire
qu'il faut également tenir compte des postes de travail perdus dans
certaines branches, et non seulement des postes de travail nouvellement
créés.
Une étude du Prof. U.von Weizsacker doit répondre de
manière circonstanciée à ces questions. Cette étude
sera présentée au public et à la presse dans le courant
du mois d'avril et jusque là ses résultats resteront confidentiels.
Néanmoins des études préliminaires qui ont été
rendues publiques indiquent que pour un prélèvement sur les
énergies non renouvelables de 800 millions de francs par an, montant
réinvesti dans les énergies renouvelables, il sera crée
entre 60'000 et 84'000 postes de travail, net. Certaines indiscrétions
m'ont laissé entendre que, dans un scénario dit "optimiste",
l'étude du Prof. von Weizsàcker prévoyait même
un chiffre qui serait approximativement le double de ce qui est mentionné
plus haut. Même en prenant le chiffre le plus prudent, on constate
immédiatement qu'un poste de travail ainsi créé coûte
moins cher à la communauté que l'entretien d'un chômeur.
Pourquoi donc hésiter?
Mentionnons tout de meme un problème: il n'y a évidemment
pas actuellement en Suisse 84'000, ni même 60'000 chômeurs
assez qualifiés pour pouvoir travailler dans le domaine des énergies
renouvelables. Il est donc indispensable, dans un premier temps, d'investir
dans la formation afin d'augmenter le niveau de compétence. Investir
dans la formation, mais également dans la recherche: c'est seulement
à cette condition que l'industrie restera compétitive et
que nous pourrons éliminer certains inconvénients freinant
le développement des énergies renouvelables, je pense en
particulier à la toxicité pour le gibier du colza, matière
première à la base du biodiesel.
Après avoir passé en revue les incidences du recours accru
aux énergies renouvelables sur les divers secteurs de l'économie,
penchons-nous sur la relation, parfois conflictuelle, entre économie
et politique. Quel rôle peuvent jouer les énergies renouvelables
dans le conflit latent opposant l'économie de marché à
la politique?
Divers représentant de l'économie considèrent
toute intervention de la politique ou de l'état comme une limitation
inadmissible de leur liberté, limitation ayant des effets néfastes
sur l'ensemble de la société. Or j'affirme qu'un intervention
régulatrice dans l'économie telle qu'elle se présente
aujourdthui permettra au contraire à cette dernière de jouir
de plus de liberté, de se développer plus longtemps!
En effet, le développement économique apporte ses bienfaits
à l'humanité, mais parallèlement engendre des effets
secondaires néfastes. La résultante entre ces bienfaits et
ces effets secondaires peut etre appelés "qualité de vie".
Au fur et àmesure du développement économique, cette
qualité de vie augmente, passe par un maximum, puis diminue avec
l'augmentation en importance de effets secondaires nuisibles.
Ce phénomène est illustré dans la figure ci-dessous,
dans laquelle la courbe i représente le développement économique,
la courbe 2 les effets secondaires néfastes (sans intervention régulatrice
de la "politique") et la courbe 3 (jaune) la qualité de vie résultant
de ces deux éléments.
On peut dès lors définir l'économie de marché comme étant le moteur indispensable au développement, et la politique comme étant le frein permettant d'éviter un déclin.
Dans le cas de l'énergie, l'effet secondaire nuisible le mieux
connu est évidemment le problème du C02, mais il en existe
d'autres, comme p. ex. les maladies pulmonaires liés à la
pollution atmosphérique.
Voyons à présent l'effet d'une intervention politique,
exigeant par exemple un prélèvement sur les énergies
non renouvelables, prélèvement affecté au développement
des énergies renouvelables. L'effet immédiat d'une telle
mesure est de diminuer les effets secondaires négatifs: la courbe
2 sera déplacée vers la droite pour devenir la courbe 4.
Cela affecte évidemment la qualité de vie, et l'on obtient,
par combinaison du développement économique (courbe 1) et
des effets secondaires nuisibles réduits (courbe 4) une qualité
de vie suivant la courbe 5.
On constate plusieurs effets intéressants:
- l'optimum de la qualité de vie est plus élevé
que dans le cas précédent
- cet optimum est plus plat, et promet de ce fait une plus grande stabilité
et moins de risques de crises
- et enfin cet optimum s'est déplacé sur la droite et
correspond à un développement économique plus important
que précédemment.
Dans ce cas de figure, pour maintenir la qualité de vie à son niveau optimal, la "politique" ne devra intervenir que plus tard et pourra le faire de manière moins brusque.
Il est dès lors évident qu'une réduction des effets
secondaires nuisibles, par le biais par exemple d'un prélèvement
sur les énergies non renouvelables et affecté au développement
des énergies renouvelables permettra un développement économique
plus important, donnera plus de liberté à l'économie
de marché et induira une stabilité plus grande du système.
On peut même aller jusqu'à affirmer que le maintien de
l'économie de marché passe forcément par le développement
des énergies renouvelables.
En conclusion, force est de constater que contrairement à bien
des idées reçues, le recours aux énergies renouvelables
est bénéfique à notre économie et à
notre société, même si dans un premier temps il doit
se faire avec le soutien des pouvoirs publics. Il est bénéfique
car il permet un développement économique accru, il induit
plus de liberté et une plus grande stabilité et il coûte
bien moins, tant en argent que socialement, que le maintien du chômage
actuel.