SOLAR Club
DOSSIER du Bulletin ElectroSuisse 11/99, mai 1999

Chaleur naturelle à grande profondeur
Le potentiel géothermique pour la production d'électricité
    Une énorme quantité de chaleur à la température de 200oC est disponible de manière relativement uniforme pour une exploitation énergétique, dans les roches du sous-sol suisse à une profondeur de 4 à 6 km. Les techniques de forage profond, d'ingéniérie de réservoir et de transformation de l'énergie calorifique en électricité sont déjà connues.
Stromerzeugung mit Erdwärme

    Der Gestteinsuntergrund weist in Tiefen von 4 bis 6 km relativ gleichmässig Temperaturen von etwa 200oC auf. Dieses riesige Wärmereservoir ist nutzbar zur Energiegewinnung. Die nötige Tîefbohrtechnik sowie das Know-how zur Ressourcenbewirtschaftung und zur Umwandlung Von Wärme in elektrische Energie sind vorhanden.
    Forschungsprojekte in verschiedenen Ländern zeigen seit mehr als 20 Jahren, dass es möglich ist, in geklüfteten Graniten Reservoire zu schaffen und die Grundwasserströmung zu stimulieren. Auf diese Weise kann ein unterirdischer Wärmetauscher erzeugt werden. Die Energiegewinnung erfolgt mittels einer zirkulierenden Flüssigkeit, welche die Wärmeenergie auf ihrem Weg von der Injektionsbohrung zur Produktionsbohrung aufnimmt. Diese sogenannte «Hot Dry Rock»-Technologie ist nun auch in der Schweiz, unter Leitung des Bundesamtes für Energie, Gegenstand detaillierter Abklärungen. Das 1996 begonnene «Deep Heat Mining»-Forschungsprogramm befindet sich derzeit in der Phase der Standortwahl für eine erste Pilotanlage. Im Juni 1999 wird eine erste Sondierbohrung in unmittelbarer Nähe der geplanten Pilotanlage niedergebracht, die ab 2007 elektrische Energie und Wärme produzieren soll.
    Diese landesweit vorhandene geothermische Ressource ist vielversprechend. Sie ist insbesondere eine C02-freie Energiequelle, für Bandlast geeignet, aber auch steuerbar.

Dans le secteur de l'énergie, des innovations sont actuellement nécessaires. Des progrès dans la technologie des forages profonds rendent maintenant possible, dans notre pays, l'exploitation de la chaleur de la terre à des températures élevées. L'état actuel de la recherche et de la technique peut conduire à la réalisation d'installations pilotes. Après des études préliminaires scientifiques et techniques importantes, le projet Deep Heat Mining (DHM) a été initié au début de 1996 par l'Office fédéral de l'énergie (Ofen). Dès le début du projet, le concept d'une centrale pilote pour la production conjointe d'électricité et de chaleur en Suisse a été élaboré, ceci sur la base des expériences réalisées à l'étranger depuis plus de 20 ans et de la connaissance des conditions régionales. Les résultats démontrent d'une manière séduisante la faisabilité et le potentiel économique de ce projet. Il a d'ailleurs déjà obtenu une certaine considération dans le milieu spécialisé international.

La géothermie haute énergie dans le monde
La production d'électricité à partir d'aquifères profonds dans des roches perméables très chaudes a pris une place importante dans l'approvisionnement énergétique de nombreuses régions du monde. L'utilisation rentable de ce type de géothermie s'est déjà imposée avec succès dans quelques 20 pays possédant des conditions favorables, notamment aux Etats-Unis, aux Philippines, au Mexique, en Italie et au Japon, pour les principaux d'entre eux. La puissance totale installée de toutes les centrales géothermiques dépasse 5000 MW.

Dans de nombreuses régions on trouve des températures élevées en profondeur, mais les roches sont trop peu perméables pour obtenir des forages suffisamment productifs. Depuis le début des années 1970, plusieurs projets de recherche scientifique aux Etats-Unis en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France ont tenté de créer des réservoirs fissurés artificiels dans des massifs rocheux granitiques imperméables et très chauds, à l'intérieur desquels on fait circuler un fluide: cette technologie a été appelée Hot Dry Rock (HDR), roches chaudes sèches en français. Pendant toutes ces années, une équipe de recherche suisse a collaboré activement à plusieurs de ces programmes HDR. L'application d'une technologie similaire, dans une zone où les roches sont peu perméables et de température moins élevée, est soutenue par l'Union Européenne pour les installations de Soultz-sous-Forêts au nord de l'Alsace, France; d'autres projets font également l'objet d'investigations plus ou moins avancées au Japon et en Australie.
La Suisse, pauvre en ressources naturelles mais avec un important savoir-faire technologique dans le domaine de la production et de la transformation de l'énergie, se doit également de promouvoir de manière active le développement de ce système énergétique du futur. Cela représentera aussi une contribution significative envers les ressources énergétiques indigènes, renouvelables, sans production de CO2 et dans le sens d'une innovation visionnaire, la création d'un savoir-faire exportable.


Figure 1 Schéma de fonctionnement du système Deep Heat Mining

Principe du système Deep Heat Mining (DHM)
Le principe du Deep Heat Mining consiste à créer des connexions hydrauliques dans un massif de roches fissurées, afin de faire circuler de l'eau pour la réchauffer. Dans ce but, on injecte sous forte pression de l'eau froide dans un forage, à une profondeur où la roche atteint une température d'environ 200oC. En Suisse, cela correspond à des profondeurs de l'ordre de 5000 m. Sous l'effet de la pression, l'eau élargit les fissures existantes dans le massif rocheux: celles-ci restent ouvertes et une circulation en continu peut alors être instaurée entre le puits d'injection et le puits de production. Pendant son trajet souterrain, l'eau injectée gagne de la chaleur et se transforme partiellement en vapeur lors de sa remontée dans les forages de production situés à une distance de quelques centaines de mètres. Ce fluide caloporteur remonte donc en surface et transmet son énergie, par le biais d'un échangeur de chaleur, à un deuxième fluide dans un circuit fermé équipé d'une turbine à vapeur couplée à un générateur (figure 1). L'eau du premier circuit fermé, ainsi refroidie, retourne dans le massif rocheux par le forage d'injection et se réchauffe à nouveau.

Concept de la centrale pilote DHM
Le projet DHM prévoit la réalisation en Suisse d'une centrale pilote pour la coproduction d'électricité et de chaleur. Dans un premier temps, après avoir sélectionné le site définitif de cette première centrale pilote, un puits sera foré jusqu'à la profondeur d'environ 5 km dans le massif rocheux. Au moyen de plusieurs opérations d'injection d'eau, ce système fissuré naturel sera stimulé et agrandi. L'éclatement et l'agrandissement des fractures dans le réservoir rocheux engendre des signaux acoustiques extrêmement ténus, qui peuvent être enregistrés par un réseau de détecteurs très sensibles (géophones) placés dans trois forages d'observation moins profonds (environ 2 km). A l'aide de programmes de calcul performants, les sources des signaux acoustiques peuvent être localisées dans l'espace et visualisées en 3-D par un modèle informatique.
Grâce à la connaissance résultant de ces expériences, un deuxième forage sera exécuté dans la zone de plus grande densité de fissures, afin de réaliser une circulation de fluide entre les forages. Pour la phase pilote, seuls un forage d'injection et deux forages de production sont prévus. La zone de forage sera conçue de manière à pouvoir forer des puits supplémentaires à partir du même site, lors de la phase d'agrandissement progressif de la centrale. Pour la production d'électricité et l'utilisation de la chaleur on aura recours aux technologies déjà éprouvées dans les centrales géothermiques de nombreux pays.
La centrale pilote projetée possèdera une puissance électrique nette de 3 MW et une puissance thermique de 20 MW. Cette capacité sera atteinte avec un débit de fluide de 75 l/s à la température de 170oC. Le site de la centrale sera sélectionné à la fin de 1999. Un premier forage d'observation de 2 km sera réalisé en 1999 également, et les premiers kilowatt-heures seront fournis au réseau à partir de 2007.

Sélection d'un site favorable
Certains territoires du nord de la Suisse conviennent plus particulièrement à la réalisation d'une centrale pilote, en raison de leur gradient géothermique élevé. D'autre part, une centrale qui ne produit pas que du courant électrique mais également de la chaleur doit être implantée à proximité d'un réseau de distribution de chaleur à distance, existant ou planifié (Ndlr du SOLAR Club: et si les "nucléocrates" lisaient cette phrase ?!...). Un autre avantage de la région entre Bâle et Zurich est lié à l'abondance des données géologiques de base, ce qui n'exclut d'ailleurs pas d'autres régions de Suisse pour l'installation de telles centrales. Au total, une dizaine de sites ont été sélectionnés sur la base des données existantes du sous-sol et de la distribtition potentielle de chaleur (figure 2). Ensuite, les trois sites les plus favorables ont été retenus: la ville de Bâle, la basse vallée de l'Aar (Argovie) et la vallée de la Glatt/Glattbrugg (Zurich). D'autres sites en Suisse occidentale, tels que Genève et Eclépens (Vaud), sont également soumis à des investigations détaillées.


Figure 2 Carte des régions favorables en Suisse pour une opération favorable de DHM

Technologie de forage et ingéniérie de réservoir
L'exploration pétrolière de ces dernières années a conduit à des progrès très significatifs dans le domaine de la prospection géophysique et de la technique des forages profonds. La représentation spatiale en trois dimensions des limites entre les différents horizons géologiques à l'aide des méthodes sismiques est maintenant une réalité. De même, l'exécution de forages inclinés ou même horizontaux dans des directions précises pour atteindre des réservoirs à grande profondeur est du domaine de la routine. Ainsi, les principaux outils pour la mise en valeur de la géothermie profonde sont aujourd'hui disponibles. Des travaux de recherche sont en cours pour optimaliser la stimulation des fractures des systèmes rocheux. Dans un réservoir idéal, la résistance à l'écoulement de l'eau (impédance) dans les roches fissurées ne doit pas être excessive, pour éviter une pression d'injection trop élevée; mais elle ne doit pas non plus être trop faible, afin de  conserver  la  meilleure  capacite d'échange calorifique possible entre la roche et l'eau. Pour ces conditions propres à chaque site, l'industrie pétrolière a déjà développé des techniques très avancées de fracturation: contrôle de la pression et de l'ouverture de fissures dans les réservoirs de pétrole et de gaz.

Economie énergétique
Le développement des énergies renouvelables est une exigence politique actuelle. A court terme, un déficit d'énergie à partir des ressources connues n'est pas prévisible, mais des scénarios à long terme existent déjà, qui demandent une réduction globale de la production de substances polluantes, en particulier du CO2.
Afin de s'assurer une position sur le marché dans le secteur de l'énergie, il ne suffit pas de convaincre sur le seul plan écologique. La capacité de concurrence sur le plan économique doit aussi être garantie. Les énergies solaires et éoliennes sont bien connues, mais toutes deux possèdent malheureusement une disponibilité assez aléatoire. Le fonctionnement à pleine puissance d'une installation solaire ou éolienne se situe généralement autour de mille heures par an. De plus, il n'est pas possible d'influencer sa répartition annuelle, et sa production ne représente que les 12% d'une installation de géothermie. Finalement, le prix du courant électrique produit par une installation solaire photovoltaïque se situe autour de 1 fr. par kWh.
La chaleur de la terre se présente comme seule source d'énergie disponible de manière ininterrompue sans production de C02, qui soit modulable en fonction des besoins. Elle est disponible été comme hiver, de jour comme de nuit, et ne nécessite aucun processus de stockage. Elle peut être utilisée en fonction de la demande pendant les 8760 heures de l'année. Il est possible d'atteindre un coût concurrentiel de production de cette énergie. Pour la seule production de courant, les coûts d'extraction d'une centrale pilote se situent dans l'ordre dc grandeur de 30 ct./kWh, c'est-à-dire moins de deux fois ceux d'une installation photovoltaïque comparable. Si l'on vend également la chaleur produite à un réseau de distribution à distance, le prix de production du courant s'abaissera et atteindra un coût tout à fait concurrentiel. Le projet de la centrale pilote en Suisse prévoit une pmduction annuelle d' électricité de 20'000 MWh, ainsi qu'une production de chaleur de 100'000 MWh.

Les avantages de la techno-logie Deep Heat Mining
Au moins dix bonnes raisons peuvent être énumérées en faveur de la technologie Deep Heat Mining:
- couplage chaleur-force sans production de C02
- source d'énergie autonome par rapport aux cycles journaliers et saisonniers
- potentiel de la ressource presque inépuisable
- installations asservies selon les besoins
- transport réduit des fluides géothermiques en surface
- incidence minimale sur l'environnement
- faible encombrement des installations de surface
- énergie purement indigène
- création d'un savoir-faire susceptible d'être exporté
- impulsion novatrice pour la Suisse

carte en cours
Costs forecast of the renewable energies for centralized power generation, European Union
(The European Renewable Energy Study)

Electricity production and consumption in Switzerland

Travaux en cours
Débuté en 1996, le projet Deep Heat Mining se trouve en 1999 dans sa phase de sélection définitive d'un site pour la réalisation de la première centrale pilote de production couplée d'électricité et de chaleur. Ces derniers mois, les travaux techniques se sont concentrés sur le choix de quelques sites potentiels dans la région bâloise. Dès le mois de juin 1999, un premier forage de prospection d'environ 2 km sera exécuté sur le site d'Otterbach à Bâle. Simultanément, la réflexion est orientée vers la formation d'un organisme de promotion dont le rôle revêtira une grande importance.
De son côté, la Confédération, par le biais de l'Office fédéral de l'énergie (Ofen), a rempli son rôle en décidant d'initier ce projet tourné vers l'avenir. Depuis 1997, le Fonds pour projets et études de l'économie électrique (Psel) participe au financement du projet DHM. Quant à l'avenir, des moyens financiers sont recherchés auprès des futurs exploitants de telles centrales de production pour le développement et la réalisation de la première centrale pilote DKM en Suisse.

----------
L'auteur remercie l'Office fédéral de l'énergie et le Fonds pour projets et études de l'économie électrique, pour leur appui financier et leur intérêt soutenu au projet Deep Heat Mining. Les figures de cet article ont été dessinées par Häring Geo-Project, Steinmaur.

Encadrés

D'où provient la chaleur de la terre?
Plus de 99% de la masse de la terre est à une température de plus de 1000oC.Seul les 0,1% de la masse de la terre, c'est-à-dire les 3 km  superficiels, sont plus froids que 100 degrés. A la surface de la terre, la chaleur rayonne avec un flux  moyen  de 0,065 W/m2. Pour la seule superficie de la Suisse, cela représente une puissance quasiment inutilisée de 3000 MW, ce qui correspond environ à celle de l'ensemble des centrales nucléaires suisses. A ce flux de chaleur ne correspond pas uniquement un processus de refroidissement, mais aussi un flux de chaleur permanent, qui se maintient grâce à la décroissance radioactive naturelle des isotopes Potassium-40, Uranium et Thorium contenus dans les roches.
La géothermie, un réservoir d'énergie inépuisable
Principe d'une centrale géothermique électrique à fluide binaire

Basée sur le principe d'une centrale géothermique à fluide binaire (Organic Rankine Cycle), la centrale pilote DHM qui produira de l'électricité et de la cha-leur est relativement simple. Le fluide géothermique diphasique sous pression (170-180ºC) est produit par un ou plusieurs forages profonds: il est conduit dans un échangeur de chaleur (vaporisateur) et donne son énergie calorifique à un deuxième fluide organique à bas point de vaporisation. Celui-ci, sous forme de va-peur pressurisée, alimente une turbine, laquelle entraîne un générateur. A la sortie de la turbine, le fluide organique est refroidi par un échangeur de chaleur (condenseur) qui transmet à son tour son pouvoir calorifique à un réseau de distribution de chaleur pour dti chauffage à distance. Quant au fluide géo-thermique refroidi, il est intégralement repompé en profondeur par un forage d'injection.

Documentation
Géothermie. Exploitation de l'énergie géothermique. Guide pour concepteurs, maîtres d'ouvrages, investisseurs et décideurs, 1998. Office fédéral de l'énergie, n 805.016f, OCFIM, 3000 Berne (existe aussi en allemand).
Sites Internet des programmes Rot Dry Rock:
Suisse: www.deep-heat-mining.unine.ch
- Europe (Soultz, Alsace): www.brgm.fr/socominelhdr-soultz.html
- USA: www.ees4.lanl.govlbdr
- Australie: www.petrol.unsw.edu.aulresearch/hdr.html

carte en cours
Schéma synoptique d'une centrale géothermique à fluide binaire (reproduit avec l'autorisation d'Ormat)

Equipe du projet Deep Heat Mining
L'Office fédéral de l'énergie (Ofen) a mandaté le groupe de travail Deep Heat Miuiug (DHM), dirigé par les entreprises Häring Geo-Project à Steinmaur, Polydynamics Engineering à Männedorf et Foralith AG à Gossau, pour mener à bien la gestion de ce projet. Une équipe de spécialistes de bureaux d'ingénieurs réputés et de hautes écoles, notamment l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich et l'Université de Neuchâtel, forme le comité de projet depuis le début. Cette collaboration interdisciplinaire représente la base nécessaire pour pouvoir répondre à l'ensemble des questions concernant les aspects techniques, économiques, politiques et de l'environnement.


La géothermie Bulletin des électriciens suisses