Une maison écologique
pour vivre avec les saisons
 Quotidien LE TEMPS, numéro 765, du lundi 18 septembre 2000
Article extrait du supplément "Habiter"
numérisation assurée par le SOLAR Club
(cliquez sur les images pour taille MAXI)

Ils rêvaient d'une maison solaire, ils ont construit une maison écologique, aussi économe que confortable. Françoise et Olivier Guisan y vivent depuis octobre 1999. Tout fonctionne, ils sont heureux

«Nous voulions surtout démontrer qu'il est possible de construire différemment, aussi bien, sinon mieux», expliquent Françoise et Olivier Guisan, alors que leur maison se dore au soleil d'un bel après-midi. Le Léman en contrebas, les Alpes en face, prairie et arbres fruitiers au premier plan, cela doit ressembler au paradis. Ils nourrissaient depuis longtemps le rêve d'une maison solaire. Physicien nucléaire, Olivier Guisan a constaté l'impasse de cette voie de recherche, et il s'est alors lancé dans la physique solaire. Au bénéfice d'une retraite anticipée, il a concrétisé son rêve. «Nous sommes très attachés à l'idée de développement durable. Nous avons des petits-enfants, nous aimerions qu'ils grandissent sur une planète habitable. L'université est un creuset d'idées, la formation, les connaissances qu'on y acquiert devraient être appliquées pour cela.» Françoise Guisan, qui a été active dans la commune du Grand-Saconnex, voit maintenant seulement certaines de ses idées faire leur chemin. «Les communautés publiques n'encouragent pas assez les particuliers à une réflexion sur l'environnement. En fait, il ne faudrait pas tant de discours mais des actes

Alors, ils se sont mis à l'oeuvre. «Globalement, nous voulions réduire notre recours aux services publics (eau, électricité, etc.) et provoquer le moins de rejets possible. Il est possible de consommer quatre fois moins sans diminuer le confort de l'habitat, c'est une notion connue. Pour le quart restant, nous avons cherché comment utiliser les énergies renouvelables

Le coeur, une serre sur deux étages

Au départ solaire, le projet de maison est devenu écologique. Le couple a cherché toutes les technologies utiilsables allant dans le sens de leur philosophie, afin d'offrir un exemple concret aux personnes intéressées. Ils sont allés bien au-delà des normes minimales fixées pour le label Minergie par exemple. «Cela finit par devenir un jeu. Plusieurs solutions sont souvent possibles, laquelle choisir? Nous avions nos idées de base, une sorte de cahier des charges que nous avons donné à Gilles Bellmann, l'architecte. C'est lui qui nous a proposé une forme ronde pour la maison parce qu'elle évite au maximum la déperdition d'énergie. Cela dit, on ne doit pas forcément adopter ce style

Olivier Guisan devant sa maison
Pour se lancer dans une telle entreprise, il faut savoir ce qu'on veut. Puis trouver un architecte intéressé par le projet. Il dessine ses plans, fait appel aux ingénieurs qui affinent les questions techniques et assument la responsabilité du bon fonctionnement. «Ce n'est pas toujours facile. A notre souci de renoncer aux solutions conventionnelles, certains professionnels ont parfois répondu qu'il n'était pas possible de faire autrement.. Notamment pour installer la thermocirculation naturelle, une technique qui n'est pas vraiment enseignée dans les écoles

C'est pourtant là que se situe en grande partie l'enjeu écologique. Ce système, dont le coeur est une serre sur deux étages, assure la circulation naturelle de la chaleur solaire dans toute la maison par des fenêtres et des volets adéquats. Des panneaux solaires photovoltaïques permettent de produire de l'électricité. Des capteurs thermiques5 complétés par les vitrages de la serre, produisent l'eau chaude pour le chauffage et les sanitaires. Le bois vient en appoint quand le soleil ne suffit plus.
    Indépendante pour l'électricité, la maison l'est aussi pour ses besoins en eau. Sur le toit, des citernes recueillent l'eau de pluie (9'000 litres filtrés par trois systèmes), qui accomplit son cycle dans les radiateurs, la cuisine et les salles de bains. Le stock d'eau chaude atteint 4'000 litres, chauffés par la cuisiniere à bois qui fait office de chauffage principal de la maison. Les toilettes sont sèches, reliées à un composteur qui reçoit également les déchets du jardin. Une aspiration permanente par la cuvette empêche la formation d'odeurs indésirables. Plus de chasse d'eau, il n'y a pas de gaspillage d'eau.

Cuisinière à bois avec gaz en appoint
Installés dans leur maison depuis l'automne dernier, Françoise et Olivier Guisan y sont heureux. Tout fonctionne et même mieux qu'ils ne le pensaient pour certains éléments. «Nous étions un peu inquiets pour ces toilettes, admettent-ils, mais nous avons vite été rassurés. Les eaux sales ne proviennent plus que des lessives, vaisselles, douches, faites avec des produits naturels. L'eau de pluie n'est pas chlorée, elle est agréable à boire. Elle ne contient pas de calcaire et n'abîme pas les machines. Nous étions un peu sceptiques pour la serre, mais elle aussi fonctionne bien et c'est un endroit où nous nous plaisons énormément

Pas plus cher

La maison des Guisan se niche à flanc de colline, sur les hauts de la Tour-de-Peilz. On y arrive par un chemin de gravier perméable à l'eau de pluie. Les garages, complètement en bois, avec une ventilation, se prolongent sur le côté par les caves, le tout appuyé contre la colline. La structure de la maison est en bois aussi, charpente et dalles comprises, il y a trois niveaux. Les façades sont à colombages, recouverts de tavillons à l'extérieur, apparents à l'intérieur avec des briques de terre crue entre les poutres. La pierre de Solnhofen, très belle avec ses traces de végétaux fossiles, a été choisie pour le revêtement des sols. L'isolation thermique est très poussée. La plupart des pièces donnent sur la serre. La maison est raccordée aux réseaux communaux, pour le cas où quelque chose ne fonctionnerait pas, mais elle n'est jamais branchée.

La serre sur deux étages chauffe la maison
Les jardins ont été aménagés avec le matériau excavé. Les pierres dessinent le lit d'un ruisseau, alimenté par une pompe à électricité solaire. Il coule jusque dans les étangs, dernier endroit où sont filtrées les eaux sales. Ces eaux servent à l'arrosage du potager et des bordures de fleurs. La qualité de vie est remarquable assurent les propriétaires: «Nous vivons avec les saisons. Beaucoup de personnes croient qu'une maison de ce genre est trop chère. C'est complètement faux. Nous sommes allés très loin dans la recherche de solutions écologiques à la fois pour nous faire plaisir et dans l'idée de servir d'exemple. Nous n'étions pas obligés d'en faire autant.» Telle qu'elle est là et sans le terrain, la maison revient à 745 francs le m2. Ce n'est pas plus cher qu'une construction traditionnelle moyenne, mais cela demande beaucoup plus de réflexion, de recherche, et surtout plus de courage. Françoise et Olivier Guisan sont loin de le regretter.
Geneviève Praplan
O. Pr.