LA PILE A COMBISTIBLE
(Magazine Silence, no 263, 11/2000, p. 22)
La pile à combustible suscite beaucoup d'intéret. Si elle n'est pas une source d'énergie, elle modifie sérieusement l'approche de la question énergétique pour les besoins d'énergie isolés: véhicules, maisons, appareils à piles.
    On sait depuis longtemps que l'eau est composée de deux constituants: l'hydrogène et l'oxygène, et qu'un courant électrique permet de les séparer. Cette opération, dénommée «électrolyse» a été étudiée à fond par Faraday [Londres, 1832]. Alors que les deux gaz ainsi produits ont tendance à se recombiner violemment, Grove [Londres, 1839] a montré que, dans certainzs conditions on pouvait faire réagir ces deux corps l'un sur l'autre sans explosion. La combustion de l'hydrogène pouvait alors produire de la chaleur (ce qui est banal pour un combustible), mais aussi permettre de récupérer une partie de l'électricité dépensée précédemment pour l'électrolyse de l'eau. C'est l'idée de base de la pile à combustible dont la simplicité apparente cache en réalite des difficultés techniques considérables. Ce qui explique qu'il aura fallu environ un siècle et demi pour que cette invention devienne utilisable en pratique. Encore est-elle restée longtemps extrêmement coûteuse, ce qui en limitait l'emploi aux applications spatiales, dans lesquelles les considérations financières passent au second plan.
    Or, si l'on en juge par les investissements très lourds actuellement consentis par plusieurs grands groupes industriels, on peut prévoir un développement important de cette technologie dans les dix prochaines années. La pile à combustible, devenue moins chère, ne servira plus seulement aux cosmonautes, mais aussi à Madame et Monsieur Toulemonde, dont elle pourra faire marcher les voitures, les lampes, les télés, les radiateurs...

D'où vient l'hydrogène?

    On peut distinguer les deux types de fonctionnement suivants:
- ou bien on injecte directement dans la pile de l'hydrogène fabriqué ailleurs,
- ou bien, on y injecte un autre combustible dont la pile, alors munie d'un organe supplémentaire appelé «reformeur», saura extraire l'hydrogène au fur et à mesure de ses besoins en énergie.
    Cette seconde solution paraît, à première vue, plus compliquée pour l'utilisateur. Mais ce n'est pas forcément vrai car le combustible à trouver et à stocker peut se présenter sous la forme familière d'un liquide, pour lequel existent déjà des cuves, des pompes, des camions-citernes et des stations-service.
    L’hydrogène, au contraire, est actuellement vendu dans des bouteilles en acier, de sorte que pour contenir un kilo de ce gaz très leger, il faut 250 kg de ferraille. De plus, en cas de fuite, l'hydrogène peut réagir de façon explosive avec l'air (mais certains hydrocarbures aussi).
    Par contre, l'hydrogène a l'indéniable avantage de la propreté d'utilisation: c'est le seul combustible dont l'oxydation ne produit aucun polluant puisque l'oxyde d'hydrogène, c'est l'eau.
    Toutefois un vehicule fonctionnant à l'hydrogène ne sera pas aussi écologique que le pensent la plupart des journalistes qui écrivent sur ce sujet, tant que l'on utilisera la fission nucléaire pour fabriquer cet hydrogène. Les photopiles offrent une alternative particulièrement intéressante car elles produisent du courant continu directement utilisable pour l'électrolyse.

Applications expérimentales

    Depuis 1993, des piles à combustible actionnent des autobus expérimentaux à Vancouver, Chicago et Oslo. Les bouteilles d'hydrogène, stockées sur leur toit, leur assurent une autonomie de 560 km. Les villes qui installent un tramway feraient bien de s'en inspirer, ce qui leur éviterait de poser des rails et des caténaires.
    La voiture individuelle a plus de mal à transporter la matériel nécessaire. Dans le prototype de Renault (120 km/h, 500 km d'autonomie), on utilise une pile de 30 kW alimentée par de l'hydrogène liqtiide à -253o. L’nstallation ne laisse que peu de place à deux personnes sans bagages. Peugeot-Citroën a préféré l’hydrogène comprimé à 700 bars et contenu dans des bouteilles en matériaux composites, mis au point par le Commissariat a l'Energie Atomique, 15 fois moins lourdes que les classiques bouteilles en acier.
    Volkswagen, Daimler Benz, Ford et Mobil sont aussi dans la course et annoncent la commercialisation de leurs voitures pour 2004.

Une possible décentralisation

    Du côte des utilisations domestiques, les piles à combustible pourront assurer la production simultanée d’électricité et de chaleur (cogénération) avec un rendement global de l'ordre dc 90% alors que les centrales thermiques rejettent, dans l'environnement, les deux tiers dc la chaleur qu'elles produisent et qu'il se perd encore un peu d'electricité dans les lignes qui la transportent chez l'usager.
    Par ailleurs, cet excellent rendement ne dépend pas de la grosseur de la pile à combustible qui pourra donc s’adapter aux utilisations de toutes tailles (on prépare même des micro-piles pour les téléphones portables).
    Aux Etats-Unis, Plus Power LCC et General Electric prévoient de mettre sur le marché, en 2002, une pile à combustible de 7 kW pour produire l'électricité et la chaleur nécessaires à une maison individuelle. Cet objet subversif pourrait remettre en question la production centralisée de l'électricité et donc l'utilité des lignes à haute tension. Il pourrait fortement intéresser, en premier lieu, les habitants des chalets de montagne qui, chaque hiver, restent plusieurs jours sans électricité parce que la neige a coupe les fils et tordu les pylônes.
    Puis la pile à combustible pourrait gagner les différentes régions dont elle saurait utiliser les ressources specifiques : ici, le vent, là le soleil, ailleurs les cours d'eau ou les déchets végétaux ou animaux.
    La pile à combustible n'est pas une énergie nouvelle, mais une nouvelle façon de gérer l'énergie, moins gaspilleuse et mieux adaptée aux besoins et aux ressources locales que le mastodonte nucléaire. Toutefois celui-ci risque d'avoir la vie dure dans notre pays où les essais de la pile à combustible appliquée à l'habitat sont conduits par... EDF qui, paraît-il, s'intéresse vivement a elle. Comme le chat à la souris ?

Roger Bernard