CHRONIQUE D'UN PARADIS ANNONCE
«Le défi de l’énergie au 21ème siècle», conférence d'avril 1999 puis «Energy concepts for the 21th century», "academic training" en mars dernier: ces deux communications m'ont d'abord fait penser: «Décidément, quelle énergieau CERN !». Et puis mes impressions qui s'en sont suivies, couplées à des réactions de collègues à mon précédent article, généralement plus étonnées ou questionnantes que négatives ou indignées, ont amené ce préliminaire à ce qui pourrait devenir une chronique de l'énergie.

Le point de départ de la controverse était généralement la phrase: «notre croyance dans un mythe particulièrement tenace et prégnant, même au CERN, d'une production, en toute sécurité, d'énergie propre et presque sans limite, voire quasiment gratuite»[1]. Les italiques indiquant que ce n'est pas moi mais bien le CERN qui le déclare, sur un de ses sites Web [2] , fait que peu de ces personnes savaient…

Trêve de polémiques, le problème n'étant pas qui a dit quoi, mais ce vers quoi nous entraîne ce mythe. En effet, une accélération sans fin, quelle qu'elle soit, à défaut d'un frein, d'une limitation, ne peut se faire qu'au risque de "foncer dans le mur", même si l'échéance ne nous est pas encore connue (quoique pour l'épuisement des réserves naturelles terrestres…). Et les intempéries renouvelées ne seraient-elles pas le résultat de notre… intempérance? Il faudra donc bien revenir sur ce véritable mythe fondateur de la civilisation de type occidentale. Ainsi, n'est-il pas permis et même justifié de se questionner quand nos… fondations reposent sur des ressources que nous supprimons, sur un capital que nous dilapidons puisque non reproductible à échelle humaine? Deux expressions pourraient traduire cela: «Scier la branche sur laquelle nous sommes» et «l'énergie du désespoir»! Accélération et énergie: ne sommes-nous pas exactement dans le lieu approprié pour y réfléchir?!

A toutes ces questions abordées, je rajouterai cette dernière: simplement répondre aux souhaits suicidaires des humains est-il vraiment la bonne réponse? Car chercher à les satisfaire par la simple augmentation de production ressemble à plonger sans voir s'il y a de l'eau! Cela me rappelle une citation fameuse: « Les déserts fleuriront, l'eau de mer deviendra eau douce, les montagnes pourront être déplacées, les rivières détournées, des complexes agro-industriels surgiront autour des centrales électronucléaires, entourées de serres, comme un petit paradis»[3]. Est-ce cela faire le bonheur des hommes, celui-ci ne serait-il pas de transcender nos attentes plutôt que d'y répondre aveuglément?

J'esquisserai enfin un autre aspect qui a une part importante dans la problématique énergétique et qui a bien évidemment été rappelé dans ces deux conférences: l'augmentation de la démographie. On ne parle plus de la "bombe P" (comme Population); mais il a été question de la Chine et de l'Inde en particulier, de leurs 2 milliards et quelque d'habitants. Parlons des 6 milliards de la planète: compte tenu des ressources de la planète, c'est relativement peu, beaucoup ou trop? Souvenons-nous tout de même que cette question était déjà posée lorsque nous n'étions que 3 milliards; l'idée du "trop" dominait les discours sur la population, dans les années 60-70…

Alors pour terminer, une autre citation et une dernière question… éclairantes:

à suivre !
Yves Renaud
Président du SOLAR Club
Notes:
[1] Les derniers mots étant un écho de l'establishment nucléaire qui déclarait dans les années 50 que l'énergie issue du plutonium serait: «too cheep to measure = trop bon marché pour être mesurée» - Wenberg).
[2] http://public.web.cern.ch/Public/TECHNOLOGY/dailylife_fr.html
[3] Glenn Seaborg en 1951, prix Nobel de chimie, mais qui n'avait cessé de militer contre la bombe atomique, dont il était pourtant l’un des pères car découvreur du plutonium.
[4] "Jérémie et Noé. Deux scénarios énergétiques mondiaux à long terme", Benjamin Dessus et François Pharabod, Revue de l'énergie, no 421, Paris, 1990.
[5] Formule trouvée dans Notre empreinte écologique, éd. Ecosociété, 1999, 212 p.
Référence bibliographique:
SEBES (Stratégies Energétiques, Biosphère et Société), Le soleil pour un développement durable, éd. Georg, 1995.