En page 35 de leur rapport, Messieurs Castillon
et Lesggy nous font part d’une remarquable découverte
qui devrait ébranler les bases de notre système énergétique.
Analysant la complémentarité de l’énergie éolienne
par rapport aux autres sources d’énergie et constatant que l’instabilité
des vents impose un complément d’énergie pour maintenir le
service d’électricité en toute occasion, les deux auteurs
déclarent en effet:
“S’il en est ainsi, l’éolien perd sa double étiquette d’énergie “propre” et “renouvelable”. Elle (cette énergie) n’est plus vraiment propre puisque co-émettrice de gaz à effet de serre ; elle n’est pas non plus renouvelable puisque co-consommatrice de combustibles fossiles, en l’occurrence de gaz”. En étendant le remarquable raisonnement de ces deux “sages”, on peut également énoncer que l’éolien, comme d’ailleurs l’hydraulique et tous les autres moyens de production d’électricité, sont producteurs de déchets radioactifs puisque, dans l’état actuel du parc français de production d’électricité (80% d’origine nucléaire), la production éolienne (et les autres) sont complémentaire de la production d’origine nucléaire : l’éolien est donc co-émetteur de déchets nucléaires. De la même façon, on démontre aisément que le nucléaire est fortement émetteur de CO2 puisqu’il ne répond pas à lui tout seul aux besoins énergétiques français. Chaque fois que le nucléaire est “défaillant” par rapport à une demande d’énergie, soit pour la pointe, soit pour d’autres usages, il faut avoir recours (majoritairement) au pétrole ou au gaz. C’est le cas par exemple pour les transports. Le nucléaire est donc complémentaire de ces énergies et par conséquent, selon le théorème de nos deux “sages”, “co-émetteur” de gaz carbonique et même fossile . Il perd ainsi l’une des rares vertus qu’on lui attribuait. Le même raisonnement nous conduit à conclure que le charbon est par contre faiblement émetteur de CO2 dans la production d’électricité puisqu’il est complémentaire du nucléaire, de l’hydraulique et… de l’éolien qui n’en produisent pas, tout au moins jusqu’à la découverte de Castillon et Lesggy. |
Le carbone 14 est un radionucléide d’origine
naturelle ou artificielle, c’est un émetteur bêta pur de faible
énergie, sa période radioactive est de 5.730 ans. Son activité
est le plus couramment exprimée par rapport au carbone stable (Bq/kg
de C).
Dose efficace du C-14
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La dose efficace due au carbone 14 naturel (226 Bq/kg de C) est d’environ 15 microSv/an [OMS, 1987], [L. Jeanmaire, 1982], [R. Paulin, 1997] et [Beaujard, IPSN, 1997] La part de dose due au C-14 engendré par les armes nucléaires représente 70% de la dose efficace cumulée des différents radionucléides émis par ces tirs aériens [Court, 1997]. Aujourd’hui le C-14 des essais nucléaires représente une dose efficace résiduelle de l’ordre de 2 microSv/an [Flury-Hérard, 2002] Importance des diverses sources
de C-14 [L. Jeanmaire, 1982]
p.25
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Comparaison Sellafield et la Hague Le graphique ci-dessus illustre l’antériorité
des anglais en matière de rejets gazeux de C-14. Les hautes valeurs
de rejets de Sellafield dans les années 1970 /1985 sont dues au
fort potentiel en C-14 des combustibles des réacteurs anglais (uranium
naturel, types AGR et magnox), dont la teneur en impuretés azote
engendrerait 4 à 5 fois plus de C-14 que les combustibles PWR. A
noter que la Hague a aussi retraité des combustibles “naturels”
dits UNGG et qu’aucune recherche sur l’impact des rejets de C-14 dûs
à ces combustibles n’a été effectuée
en France aussi bien à Marcoule qu’à la Hague, contrairement
aux reconstitutions effectuées à Sellafield sur les anneaux
d’arbre.
Le carbone 14 dans l’environnement terrestre
du site de la Hague
Illustration des variations du taux de C-14 dans l’herbe dans l’environnement proche du site de la Hague, exemple du point A3, commune de Digulleville: Données source Cogéma, conversion Bq/kg frais en Bq/kg de C Les installations agricoles proches de l’usine ont leurs pâtures polluées à hauteur de 1000 Bq/kg de C, cette pollution s’étend au delà du cercle des 2 km autour du site, en J8 (Vasteville) point situé à 10 km du site, la Cogéma a relevé 487 Bq/kg de C au 1er trimestre 2002 (250 Bq/kg de C au 3ème trimestre 2001). Comme le montre le graphique ci-dessus les retombées de C-14 sont très variables en fonction des rejets et des conditions météorologiques. (suite)
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Contrairement à la situation autour de Sellafield où la contamination était maximale à 300 m du site (850 Bq/kg de C en excès) pour devenir négligeable à 5 km (? 50 Bq/kg de C en excès) [Beaujard, IPSN, 1997], la contamination en C-14 autour du site de la Hague est plus étendue dans la zone proche du site : 1000 Bq/kg de C de 1 à 2 km et peut atteindre ponctuellement 500 Bq/kg de C à 10 km du site. Il est donc intéressant d’examiner un autre indicateur mesuré mensuellement par la Cogéma à la fois dans les installations proches comme dans une installation témoin située à 30 km du site : le lait. Quoique les animaux n’aient pas une nourriture exclusivement locale, surtout en période hivernale, le lait est un reflet de la pollution moyenne des pâturages. Nous comparons ci-après une installation de Digulleville située sous les vents de nord ouest par rapport au site avec une installation laitière témoin de Tocqueville située à 30 km à l’est du site (sous les vents d’ouest, Val de Saire) Sellafield rejetait jusqu’à 30 TBq/an dans les années 1970, la Cogéma déclare des rejets aériens de l’ordre de 20 TBq/an pour les années 1997 à 2000. L’environnement proche et lointain (30 km) du site de la Hague est plus pollué en C-14 que l’environnement de Sellafield a une époque où celui-ci rejetait 1,5 fois plus de C-14 aérien. Rejets liquides
Jusqu’en 1985 les rejets liquides de Sellafield
s’étaient maintenus autour de 1 à 2 TBq/an ; à partir
de 1985, les anglais ont dans un premier temps choisi de dériver
les rejets gazeux vers les rejets liquides [Cook et al, 1998]. Le transfert
des rejets gazeux a fait progresser les rejets liquides à 8,16 TBq
en 1994 et 12,4 TBq en 1995.
Données sources NRPB et BNFL Jusqu’en 1992, il y a concordance entre le
rejet et la pollution du milieu, les 2 points 1995 (4900 Bq/kg de C) et
1998 (2540 Bq/kg de C) suivent la même loi.
Données en Bq/kg de C, source [Cook et al, 1998] p.26
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Ces relevés environnementaux
et les très hautes valeurs de contamination relevées dès
1995 dans tous les compartiments marins autour de Sellafield ont certainement
conduit les autorités de sûreté anglaises et BNFL à
trouver un mode de rétention des rejets liquide de C-14, ceux-ci
ont été réduits à 4,4 TBq en 1997 et maintenus
autour de 4 à 5 TBq/an depuis cette date.
Il est recommandé (arrêté du 10 janvier 2003) à l’exploitant français de dériver le C-14 gazeux dans les prochaines années vers les rejets liquides (jusqu’à 48 TBq/an). Observons les taux actuels de C-14 dans l’environnement marin du site Cogéma avec le palier actuel de rejets en mer : 10 TBq/an depuis 1997. Comme pour l’environnement terrestre où les variations de taux de C-14 peuvent être mieux observées à partir d’échantillons prélevés régulièrement sur un site géographiquement pérenne: herbes et laits mensuels en un lieu donné par rapport à des données épisodiques variées (pommes de terre, poireaux, carottes, persil, …) sur des sites aléatoires (Omonville la petite, Jobourg, Herqueville, …), nous prenons le parti d’observer les données régulières en 3 points dans 2 supports : les patelles (Granville, Moulinets, Barfleur) et les fucus serratus (Granville, Moulinets, Données source Cogéma, conversion Bq/kg frais en Bq/kg de C C-14 dans les fucus serratus par l’OPRI, De Granville à l’anse du Becquet: Données source OPRI, conversion Bq/kg sec en Bq/kg de C Pour les patelles comme pour les fucus, la tendance actuelle est à l’augmentation de la contamination (400 à 450 Bq/kg de C) à Granville comme à Barfleur, contamination proche de celle des Moulinets (400 à 600 Bq/kg de C) auprès de l’émissaire marin. (suite)
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En guise d’épilogue
p.27
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EVT7, ce sigle énigmatique
ne cache pas une abréviation magique pour campagne publicitaire
sur un produit nouveau, mais, pour le Centre de Stockage de la Manche (CSM)
il désigne une tranchée de pompage dans la nappe phréatique
située au sud-ouest du site Andra … sur le site Cogéma.
Le 25 mai 2003 les élus locaux et les associations de défense de l’environnement siégeant à la commission de surveillance du CSM étaient invitées par l’Andra à une réunion d’information sur l’historique du tritium dans les piézomètres du CSM. Cette réunion faisait suite à une demande de l’ACRO en date du 12 octobre 2001. La feuille de chou ACRO de décembre 2002 vous a conté l’histoire et l’état actuel du tritium dans l’environnement du CSM, la plupart des informations données par l’Andra lors de cette réunion étaient déjà connues, c’était pour l’Andra nous faire un point des données tritium avant la remise d’un document exhaustif des relevés tritium dans l’environnement du site, eaux souterraines et de surface. En réponse à une de nos questions sur le rôle du pompage dans la nappe phréatique en limite sud-ouest du CSM au point “ EVT7 ” sur le site Cogéma, l’expert tritium de l’Andra nous a indiqué que ce pompage n’avait pas pour but de faire baisser artificiellement le niveau de la nappe sous le colis dans cette zone du CSM(a), ni de soutirer une partie du tritium piégé dans la nappe depuis 1976 ; non, ce pompage avait uniquement pour but de servir à la réfrigération du stockage intermédiaire en surface des déchets vitrifiés : grâce à cette réfrigération par circulation d’eau, la cheminée d’évacuation de l’air chaud n’avait pas besoin d’une hauteur prohibitive … Dans les documents publics Cogéma, nous n’avons pas trouvé mention de cette utilisation industrielle de pompage dans la nappe, nous avons repris le dossier des enquêtes publiques de janvier 2000(1) , les repères de paragraphes mentionnées ci-dessous sont les désignations des dossiers d’enquêtes publiques Cogéma: - Sur son plan des exutoires (2) l’Andra situe le point EVT7 au droit du bâtiment que la Cogéma appelle sur ses plans d’installations : E/EV/Sud-Est, ou entreposage des déchets vitrifiés Sud-Est. - Les § 4.2B.4b “ Production et distribution d’eau ” et 4.2B.4c “ Fluides de refroidissement ” ne mentionnent pas cette fonction. - Le § 4.2D.11b “ Eaux à risques ” indique : Les eaux à risques sont constituées : des eaux de drainage de certains ateliers, ainsi que celles du CSM (INB 66) et des entreposages de déchets de la zone nord-ouest … Les drainages ont pour rôle de rabattre la nappe phréatique afin d’éviter les infiltrations dans les bâtiments nucléaires. Le débit à extraire a été évalué à 10 m3/h par puits. - Au § 4.2I.3b : … L’eau extraite par ces drains est collectée dans des puisards profonds et relevée vers les eaux gravitaires du site . Le volume annuel ansi prélevé varie en fonction de la pluviomètrie, il peut représenter entre 80000 et 150000 m3 dont une partie contribue aux réserves en eau de l’établissement. - Au § 5.3L.6b il est noté : “ L’entreposage E/EV/Sud-Est est refoidi par tirage naturel ”, le schéma de la figure jointe 3.L.1 indique uniquement un refroidissement par air, tirage forcé ou naturel. La fonction d’EVT7 en réfrigérant des résidus vitrifiés ne semblait donc pas être connue de la Cogéma jusqu’à la publication de ses enquêtes publiques en janvier 2000 ? (suite)
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Avec les gestionnaires du CSM, cela devient une habitude, il vaut mieux connaître la réponse … avant de poser la question. En effet, l’efficacité du pompage dans la nappe au PZ328, puis en EVT7 est bien connue de l’Andra. Ses études hydrauliques du site(3) le soulignaient et l’intégraient dans leur simulation de modélisation de la nappe. Cette étude (3) situe l’arrêt de pompage au PZ 328 en avril 1990 et le début de reprise du pompage au point voisin EVT en juillet 1992, les courbes des pièzomètres 345 (fig 72) et 345 (fig 73) illustrent l’influence du pompage et de son arrêt dans les teneurs en tritium dans les piézomètres situés à proximité : augmentation d’un facteur 100 pour le PZ 345 et 5 pour le PZ 347, toutes les courbes des piézomètres 326 et ses proches vont dans le même sens. Nous avons repris les données Andra (2) en moyennes annuelles pour les pièzomètres 326 et 347, cette infuence du pompage est illustrée par les 2 graphiques ci-joints: source Andra, réf (2) graphique n°1 Non seulement l’Andra savait que le pompage
avait une influence bénéfique pour réduire la pollution
tritium au sud ouest du site , mais elle proposait de faire bénéficier
le nord du site (la zone de Digulleville entre le Hameau-és-Clerges
et le Pont Durand de cette expérience : une note interne datant
de 1994 (4) propose pour le nord et le nord-ouest du site un pompage dans
la nappe “ pour en drainer les eaux vers un exutoire permettant le rejet
des activités contenues dans les conditions organisées et
contrôlées … l’effet est d’obtenir à terme une diminution
sensible des concentrations , notamment dans les prélèvements
extérieurs au site pour nord-est et nord-ouest, et sous le site
au droit des structures sources de tritium. ”
source Andra, réf(2) graphique n°3 p.28
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(a) Un document Andra 610 RP GRG 93-044 (feuille 14/37) montre que le pompage en EVT7 a fait baisser le niveau de la nappe phréatique de 10 m aux piézomètrrees 0032 et 0035