G@ZETTE NUCLÉAIRE

Association Global Chance
Communiqué n° 1 sur les rapports du Comité des sages
du débat national sur les énergies
16 septembre 2003

     En page 35 de leur rapport, Messieurs Castillon et Lesggy nous font part d’une remarquable découverte qui devrait ébranler les bases de notre système énergétique. Analysant la complémentarité de l’énergie éolienne par rapport aux autres sources d’énergie et constatant que l’instabilité des vents impose un complément d’énergie pour maintenir le service d’électricité en toute occasion, les deux auteurs déclarent en effet: 
     “S’il en est ainsi, l’éolien perd sa double étiquette d’énergie “propre” et “renouvelable”. Elle (cette énergie) n’est plus vraiment propre puisque co-émettrice de gaz à effet de serre ; elle n’est pas non plus renouvelable puisque co-consommatrice de combustibles fossiles, en l’occurrence de gaz”.
     En étendant le remarquable raisonnement de ces deux “sages”, on peut également énoncer que l’éolien, comme d’ailleurs l’hydraulique et tous les autres moyens de production d’électricité, sont producteurs de déchets radioactifs puisque, dans l’état actuel du parc français de production d’électricité (80% d’origine nucléaire), la production éolienne (et les autres) sont complémentaire de la production d’origine nucléaire : l’éolien est donc co-émetteur de déchets nucléaires.
     De la même façon, on démontre aisément que le nucléaire est fortement émetteur de CO2 puisqu’il ne répond pas à lui tout seul aux besoins énergétiques français. Chaque fois que le nucléaire est “défaillant” par rapport à une demande d’énergie, soit pour la pointe, soit pour d’autres usages, il faut avoir recours (majoritairement) au pétrole ou au gaz. C’est le cas par exemple pour les transports. Le nucléaire est donc complémentaire de ces énergies et par conséquent, selon le théorème de nos deux “sages”, “co-émetteur” de gaz carbonique et même fossile . Il perd ainsi l’une des rares vertus qu’on lui attribuait.
     Le même raisonnement nous conduit à conclure que le charbon est par contre faiblement émetteur de CO2 dans la production d’électricité puisqu’il est complémentaire du nucléaire, de l’hydraulique et… de l’éolien qui n’en produisent pas, tout au moins jusqu’à la découverte de Castillon et Lesggy.
Carbone 14
André Guillemette
12/05/03


Influence des rejets de carbone 14 sur l’environnement proche et sur l’environnement lointain (qqs dizaines à qqs centaines de km) du site Cogéma de la Hague

     Le carbone 14 est un radionucléide d’origine naturelle ou artificielle, c’est un émetteur bêta pur de faible énergie, sa période radioactive est de 5.730 ans. Son activité est le plus couramment exprimée par rapport au carbone stable (Bq/kg de C).
     Le carbone est l’un des éléments essentiels à toutes les formes de vie et il intervient dans la plupart des phénomènes biologiques et géochimiques. Le corps humain est constitué à 20 % de carbone.
     Le C-14,  les explosions atmosphériques, historique succinct:
     Durant plus de 6 siècles (1.300 à 1.900) le taux de C-14 à varié faiblement entre 224 et 230 Bq/kg de C.
     A partir de 1965, les explosions dans l’atmosphère ont fortement accru le taux ambiant, il aurait culminé à 384 Bq/kg de C en 1965 (explosions massives de 1962) pour redescendre lentement à 266 Bq/kg de C en 1990 [d’après Toggweil et al, EUR15880]. D’autres auteurs donnent une contamination nettement plus élevée, 445 Bq/kg de C en France en 1963 [Labeyrie, 1976], 700 à 800 Bq/kg de C en 1965 [Michelet, 2002]
     Les tirs aériens les plus importants ont eu lieu en 1962, juste avant la signature du traité d’interdiction de ces tirs par les USA et l’URSS en 1963: 217 Mt de TNT pour la seule année 1962 contre 291 Mt de 1945 à 1961 [Beaujard, IPSN, 1997]. La France (12Mt de 1960 à 1974) et la Chine (22Mt de1964 à 1980) ne s’étaient pas associées à ce traité.

     Dose efficace du C-14
     “On fait l’hypothèse que le milieu terrestre et l’homme se mettent rapidement en équilibre avec l’atmosphère et que l’activité spécifique du carbone dans l’organisme humain est égale à celle de l’atmosphère au point considéré (Schwibach, Killough, EUR15760). Cette hypothèse se base sur le fait que le carbone des végétaux vient essentiellement de l’air (98 %) et que ces derniers sont à la base des chaînes alimentaires.” [Beaujard, IPSN, 1997]

suite:
     La dose efficace due au carbone 14 naturel (226 Bq/kg de C) est d’environ 15 microSv/an [OMS, 1987], [L. Jeanmaire, 1982], [R. Paulin, 1997] et [Beaujard, IPSN, 1997]
La part de dose due au C-14 engendré par les armes nucléaires représente 70% de la dose efficace cumulée des différents radionucléides émis par ces tirs aériens [Court, 1997]. Aujourd’hui le C-14 des essais nucléaires représente une dose efficace résiduelle de l’ordre de 2 microSv/an [Flury-Hérard, 2002]

     Importance des diverses sources de C-14 [L. Jeanmaire, 1982]
     A l’échelle de la planète, la production annuelle naturelle varie de 1.110 à 1.480 TBq, la réserve atmosphérique est de l’ordre de 140.600 TBq et la réserve globale terrestre (atmosphère + biosphère + océans + sédiments) est de l’ordre de 11,1 millions de TBq.
     Les explosions nucléaires dans l’atmosphère ont produit de 1945 à 1970 de l’ordre de 220.000 TBq, ce qui a provoqué selon L. Jeanmaire un accroissement d’activité de 70% en C-14 (maximum en 1965), donc un accroissement de 226 à 384 Bq/kg de C. Soit pour les seules explosions dans l’atmosphère une multiplication par un facteur 2 du C-14 atmosphérique à l’échelle de la planète en 1965, explosions dont on perçoit encore aujourd’hui les effets (de l’ordre de 25 Bq/kg de C).
     Les centrales nucléaires produisent du C-14 lors de leur fonctionnement, 0,62 TBq (1) de rejets atmosphériques par GWe/an pour les réacteurs à eau pressurisée [Beaujard, IPSN, 1997], soit de l’ordre de 1,6 TBq/an pour un site comme Flamanville (2 réacteurs de 1,3 GWe). Si l’on considère les 58 réacteurs français, ils ont un potentiel de rejet de l’ordre de 46 TBq/an, soit un rejet diffus à l’échelle de la France du même ordre de grandeur que celui du centre de retraitement de la Hague (20 TBq/an et 10 TBq/an en rejets liquides en 1996 / 2000).
     Le problème de la Hague est donc un très gros rejet local de carbone 14 tant aérien que liquide, quelle est sa distribution dans le milieu proche, jusqu’où s’étend son influence ?
     Les mesures dans l’environnement imposées par l’OPRI à l’exploitant depuis 1997 et mises en communication à la CSPI donnent un début de réponse.

p.25

Les rejets gazeux de C-14
Comparaison Sellafield et la Hague 


C14, rejets gazeux, Sellafield et la Hague

     Le graphique ci-dessus illustre l’antériorité des anglais en matière de rejets gazeux de C-14. Les hautes valeurs de rejets de Sellafield dans les années 1970 /1985 sont dues au fort potentiel en C-14 des combustibles des réacteurs anglais (uranium naturel, types AGR et magnox), dont la teneur en impuretés azote engendrerait 4 à 5 fois plus de C-14 que les combustibles PWR. A noter que la Hague a aussi retraité des combustibles “naturels” dits UNGG et qu’aucune recherche sur l’impact des rejets de C-14 dûs à  ces combustibles n’a été effectuée en France aussi bien à Marcoule qu’à la Hague, contrairement aux reconstitutions effectuées à Sellafield sur les anneaux d’arbre.
     “A Sellafield, Mac Cartney a réalisé une étude assez complète sur l’impact radiologique des rejets de carbone 14 aux environs de Sellafield. Il a ainsi effectué une campagne de mesure, se basant sur des échantillons d’herbe entre 1983 et 1985. ” [Beaujard, IPSN, 1997]
     Cette étude était basée sur un individu ne se nourrissant que de production locale correspondant à un excès de 848 Bq/kg de C par rapport au bruit de fond, soit un taux de C-14 total voisin de 1.000 Bq/kg de C (ibid).
     La dose calculée par McCartney était de 120 microSv/an,  48,2 microSv/an selon [Beaujard, 1997].
     A la suite de ces études, les autorités anglaises ont imposé à l’exploitant de réduire ces rejets gazeux de C-14 au-dessous de 8 TBq/an et ses rejets liquides au-dessous de 20,8 TBq/an à partir de janvier 1988.
     En janvier 2003, la France autorise la Cogéma à rejeter juqu’à  28 TBq/an sous forme gazeuse et jusqu’à 42 TBq/an sous forme liquide, valeurs identiques à celles demandées par l’exploitant en janvier 2000.

     Le carbone 14 dans l’environnement terrestre du site de la Hague
     L’OPRI ne surveille le C-14 dans l’environnement de la Hague que depuis 1997 et la Cogéma depuis 1998. Le tableau ci-dessous regroupe les moyennes annuelles des analyses de C-14 (en Bq/kg de C) dans l’herbe effectuées par l’OPRI (87 HAG H) et Cogéma (A3, Digulleville et A12, Jobourg/Herqueville):

     Illustration des variations du taux de C-14 dans l’herbe dans l’environnement proche du site de la Hague, exemple du point A3, commune de Digulleville:

C-14 herbe en A3

Données source Cogéma, conversion Bq/kg frais en Bq/kg de C

     Les installations agricoles proches de l’usine ont leurs pâtures polluées à hauteur de 1000 Bq/kg de C, cette pollution s’étend au delà du cercle des 2 km autour du site, en J8 (Vasteville) point situé à 10 km du site, la Cogéma a relevé 487 Bq/kg de C au 1er trimestre 2002 (250 Bq/kg de C au 3ème trimestre 2001). Comme le montre le graphique ci-dessus les retombées de C-14 sont très variables en fonction des rejets et des conditions météorologiques.

suite:
     Contrairement à la situation autour de Sellafield où la contamination était maximale à 300 m du site (850 Bq/kg de C en excès) pour devenir négligeable à 5 km (? 50 Bq/kg de C en excès) [Beaujard, IPSN, 1997], la contamination en C-14 autour du site de la Hague est plus étendue dans la zone proche du site :  1000 Bq/kg de C de 1 à 2 km et peut atteindre ponctuellement  500 Bq/kg de C à 10 km du site.
     Il est donc intéressant d’examiner un autre indicateur mesuré mensuellement par la Cogéma à la fois dans les installations proches comme dans une installation témoin située à 30 km du site : le lait. Quoique les animaux n’aient pas une nourriture exclusivement locale, surtout en période hivernale, le lait est un reflet de la pollution moyenne des pâturages.
     Nous comparons ci-après une installation de Digulleville située sous les vents de nord ouest par rapport au site avec une installation laitière témoin de Tocqueville située à 30 km à l’est du site (sous les vents d’ouest, Val de Saire)

     Sellafield rejetait jusqu’à 30 TBq/an dans les années 1970, la Cogéma déclare des rejets aériens de l’ordre de 20 TBq/an pour les années 1997 à 2000.      L’environnement proche et lointain (30 km) du site de la Hague est plus pollué en C-14 que l’environnement de Sellafield a une époque où celui-ci rejetait 1,5 fois plus de C-14 aérien.

Rejets liquides 
Comparaison Sellafield et la Hague


Données sources NRPB et Cogéma

     Jusqu’en 1985 les rejets liquides de Sellafield s’étaient maintenus autour de 1 à 2 TBq/an ; à partir de 1985, les anglais ont dans un premier temps choisi de dériver les rejets gazeux vers les rejets liquides [Cook et al, 1998]. Le transfert des rejets gazeux a fait progresser les rejets liquides à 8,16 TBq en 1994 et 12,4 TBq en 1995.
     Les effets des rejets liquides de C-14 sur l’écosystème marin peuvent être observés à partir des données fournies par [Simmonds et al, 1995] sur les échantillons de moules à proximité de Sellafield de 1952 à 1992, nous avons ajouté 2 données complémentaires 1995 [Cook et al, 1998]  et 1998 [BNFL, 1998] .
     Dans le graphique ci-après les données C-14 dans les moules à Sellafield sont comparées aux rejets liquides annuels :


Données sources NRPB et BNFL

     Jusqu’en 1992, il y a concordance entre le rejet et la pollution du milieu, les 2 points 1995 (4900 Bq/kg de C) et 1998 (2540 Bq/kg de C) suivent la même loi.
     [Cook et al, 1998] donne les résultats d’une étude de l’environnement marin du Royaume Uni à partir d’échantillons prélevés d’août à novembre 1995:


Données en Bq/kg de C, source [Cook et al, 1998]
p.26

     Ces relevés environnementaux et les très hautes valeurs de contamination relevées dès 1995 dans tous les compartiments marins autour de Sellafield ont certainement conduit les autorités de sûreté anglaises et BNFL à trouver un mode de rétention des rejets liquide de C-14, ceux-ci ont été réduits à 4,4 TBq en 1997 et maintenus autour de 4 à 5 TBq/an depuis cette date.
     Il est recommandé (arrêté du 10 janvier 2003) à l’exploitant français de dériver le C-14 gazeux dans les prochaines années vers les rejets liquides (jusqu’à 48 TBq/an).
     Observons les taux actuels de C-14 dans l’environnement marin du site Cogéma avec le palier actuel de rejets en mer : 10 TBq/an depuis 1997.
     Comme pour l’environnement terrestre où les variations de taux de C-14 peuvent être mieux observées à partir d’échantillons prélevés régulièrement sur un site géographiquement pérenne: herbes et laits mensuels en un lieu donné par rapport à des données épisodiques variées (pommes de terre, poireaux, carottes, persil, …) sur des sites aléatoires (Omonville la petite, Jobourg, Herqueville, …), nous prenons le parti d’observer les données régulières en 3 points dans 2 supports : les patelles (Granville, Moulinets, Barfleur) et les fucus serratus (Granville, Moulinets,
C14, patelles

Données source Cogéma, conversion Bq/kg frais en Bq/kg de C

     C-14 dans les fucus serratus par l’OPRI, De Granville à l’anse du Becquet:

C 14 fucus, OPRI

Données source OPRI, conversion Bq/kg sec en Bq/kg de C

     Pour les patelles comme pour les fucus, la tendance actuelle est à l’augmentation de la contamination (400 à 450 Bq/kg de C) à Granville comme à Barfleur, contamination proche de celle des Moulinets (400 à 600 Bq/kg de C) auprès de l’émissaire marin.

suite:     
L’analyse des échantillons marqués par le carbone 14 est une opération complexe, toutes les techniques utilisées jusqu’à maintenant nécessitent d’abord la conversion de l’échantillon en CO2 donc sa destruction, ensuite l’élaboration d’un composé carbone gazeux susceptible d’être introduit à l’intérieur du détecteur : ceci s’explique par la faible énergie des _ du carbone 14 qui sont complétement absorbés par une feuille d’aluminium de 28 mg/cm2 de matière et qui seraient arrêtés par les parois s’ils étaient émis à l’extérieur du détecteur … Actuellement, le méthodes de comptage avec compteur proportionnel  et avec scintillateur liquide sont utilisés par un grand nombre de laboratoires.
     L’OPRI, EDF et Cogéma sont équipés d’appareils à absoption ou “Oxidiser”, dont la chaîne de fonctionnement est schématiquement : combustion, préparation chimique et mesurage par scintillation liquide. La précision de tels appareils est de l’ordre de 10 à 15%.
     Depuis 2000 l’ACRO a effectué de nombreuses démarches auprès du ministère de l’Environnement et du conseil régional de Basse-Normandie pour s’équiper en moyens de mesure du carbone 14, sans succès jusqu’à présent.

     En guise d’épilogue
     L’environnement terrestre proche du site de la Hague est pollué en C-14 à hauteur de 1.000 Bq/kg de C au moins depuis 1997, valeur de pollution qui a incité les autorités anglaises à réglementer les rejets gazeux de Sellafield à moins de 8 TBq/an pour ce radionucléide depuis 1988. En 2003, les autorités françaises laissent l’exploitant de la Hague rejeter jusqu’à 28 TBq/an.
     Avec un tel environnement pollué à 1.000 Bq/kg de C, les anglais estiment la dose efficace induite pour la population exposée à 120 microSv/an pour le seul carbone 14 [Beaujard, 1997], la Cogéma elle estime l’impact du C-14 à 3 microSv/an, l’impact maximal de tous les radionucléides  rejetés étant inférieur à 30 microSv/an [Cogéma, études d’impact 2000].
     Cherchez l’erreur, sachant que tous les experts estiment l’impact du C-14 naturel voisin de 15 microSv/an avec un dosage à 226 Bq/kg de C: avec un environnement à plus de 1000 Bq/kg de C, obtient-on une dose comprise entre 50 et 120 microSv/an comme l’ont calculé les anglais en 1986 ou 3 microSv/an comme le soutient la Cogéma  en 2000 (2).
     Les rejets liquides sont de l’ordre de 10 TBq/an  entre 1996 et 2000, qu’adviendra-t’il des patelles locales (nationales et multinationales) et autres éléments de la faune marine quand la Cogéma mulipliera ses rejets de C-14 par 3 ou 4 avec la bénédiction de sa tutelle (par ailleurs représentante d’un état signataire de la convention internationale interdisant les rejets de radionucléides artificiels en milieu marin) et alors que les anglais ont montré que les techniques de rétention du C-14 sont disponibles depuis au moins 15 ans pour les rejets gazeux et depuis 8 ans pour les rejets liquides?? (3).

p.27


Références:
1) Dans sa reconstitution des rejets de la centrale EDF de Flamanville, le GRNC a choisi les rejets normalisés proposés par EDF: 0,015 TBq/Gwe.a pour les liquides et 0,22 TBq/Gwe.a pour les gazeux. Il est curieux qu’avec une telle donnée de rejets gazeux (0,22TBq/Gwe.a) une centrale comme St Laurent des Eaux (2 tranches de 900 Mwe) dont les rejets gazeux maximaux théoriques devraient être de 0,22*1,8 = 0,396 TBq/an, ait une autorisation de rejets accordée par l’OPRI de 1,1 TBq/an (valeur plus en accord avec un rejet normalisé de 0,62 TBq/Gwe.a). [SFRP, 2002]
2) Mac Cartney [Beaujard, 1997] a considéré que les individus exposés ne se nourrissaient qu’avec une production locale contaminée à plus de 1000 Bq/kg de C. L’OPRI dans son étude de contamination par le carbone 14 du site de Ganagobie par la société Isotopchim procède dans la même démarche : étude des anneaux d’arbre pour dater et estimer la contamination, et évaluation globale de la dose : 57 microSv/an pour une contamination moyenne de 1300 Bq/kg de C [OPRI, 1995]
     La Cogéma considère que les individus, y compris ceux des groupes dits critiques (ou de référence), ne consomment que très partiellement la production locale : le pêcheur de Goury ne consomme que 51,7% de son poisson et 53,6% de ses crustacés ; sa consommation de produits terrestres locaux varie entre 17,5% (lait) et 57,4% (légumes feuilles). Les taux d’autoconsommation de l’autre groupe de référence (habitant de Digulleville) est à l’avenant (mêmes pourcentages).
3) A Sellafield, la majorité du C-14 est piégée par la solution sodique des colonnes de lavage des gaz de dissolution et est précipitée (par ajout d’hydroxyde de baryum) sous forme de carbonate de baryum, composé insoluble (chimiquement stable) qui est ensuite conditionné par enrobage dans du ciment (très bonne compatibilité chimique). Les colis de déchets sont ensuite entreposés sur le site (communication de Pierre Barbey (ACRO), travaux du GRNC, 6 mai 2003).
Sigles:
BNFL, British nuclear fuels
Cogéma, Compagnie générale des matières nucléaires
CSPI, Commission spéciale et permanente d’information près de l’établissement de la Hague
IPSN, Institut de protection et de sûreté nucléaire
NRPB, National radiological protection board
OMS, Organisation mondiale de la santé
OPRI, Office de protection contre les rayonnements ionisants
SFRP, Société française de radioprotection
Bibliographie:
Beaujard P., Etude bibliographique sur le carbone 14, IPSN, SEGR/SEAR/97 n° 10, février 1997
BNFL, Annual report on disharges and monitoring of the enviromnent, 1998
Cogéma, Surveillance trimestrielle environnement de la Hague, collection 1997 – 2001
Cogéma, dossiers d’enquête publique, INB 116 - 117 – 118, 2000
G.T. Cook, A.B. MacKenzie, P. Naysmith & R. Anderson, Natural and anthropogenic 14C in the UK coastal marine environment, J. Environ. Radioactivity, Vol 40, N° 1, pp 89-111. 1998
Galle P., toxiques nucléaires, Masson 1982
Galle P., toxiques nucléaires, 2ème édition, Masson 1997
Groupe Radioécologie Nord-Cotentin, Inventaire des rejets radioactifs des installations nucléaires, Volume 1, juillet 1999
Labeyrie J., La datation par le carbone 14, La Recherche n° 73, décembre 1976
OPRI, Rapport d’activité 1995
OPRI, bulletins mensuels, collection 1997 – 2001
OMS, critères d’hygiène de l’environnement, 1987
RIFE-6, Radioactivity in food and the environment 2000, Food Standards Agency and Scottish Environment Protection Agency, 2001
SFRP, journée carbone 14, actes du colloque, 18 avril 2002
Simmonds J.R.,  Robinson C.A, Phipps A.W., Muirhead C.R. and Fry F.A., Risks of leukaemia and other cancers in Seascale from all sources of ionising radiation exposure, NRPB, NRPB-R276, 1995
“ EVT7 ”
Station de pompage COGEMA ou problème de Tritium
André Guillemette
8/06/03


     EVT7, ce sigle énigmatique ne cache pas une abréviation magique pour campagne publicitaire sur un produit nouveau, mais, pour le Centre de Stockage de la Manche (CSM) il désigne une tranchée de pompage dans la nappe phréatique située au sud-ouest du site Andra … sur le site Cogéma.
     Le 25 mai 2003 les élus locaux et les associations de défense de l’environnement siégeant à la commission de surveillance du CSM étaient invitées par l’Andra à une réunion d’information sur l’historique du tritium dans les piézomètres du CSM. Cette réunion faisait suite à une demande de l’ACRO en date du 12 octobre 2001.
     La feuille de chou ACRO de décembre 2002 vous a conté l’histoire et l’état actuel du tritium dans l’environnement du CSM, la plupart des informations données par l’Andra lors de cette réunion étaient déjà connues, c’était pour l’Andra nous faire un point des données tritium avant la remise d’un document exhaustif des relevés tritium dans l’environnement du site, eaux souterraines et de surface.
     En réponse à une de nos questions sur le rôle du pompage dans la nappe phréatique en limite sud-ouest du CSM au point “ EVT7 ” sur le site Cogéma, l’expert tritium de l’Andra nous a indiqué que ce pompage n’avait pas pour but de faire baisser artificiellement le niveau de la nappe sous le colis dans cette zone du CSM(a), ni de soutirer une partie du tritium piégé dans la nappe depuis 1976 ; non, ce pompage avait uniquement pour but de servir à la réfrigération du stockage intermédiaire en surface des déchets vitrifiés : grâce à cette réfrigération par circulation d’eau, la cheminée d’évacuation de l’air chaud n’avait pas besoin d’une hauteur prohibitive …
     Dans les documents publics Cogéma, nous n’avons pas trouvé mention de cette utilisation industrielle de pompage dans la nappe, nous avons repris le dossier des enquêtes publiques de janvier 2000(1) , les repères de paragraphes mentionnées ci-dessous sont les  désignations des dossiers d’enquêtes publiques Cogéma:
     - Sur son plan des exutoires (2) l’Andra situe le point EVT7 au droit du bâtiment que la Cogéma appelle sur ses plans d’installations : E/EV/Sud-Est, ou entreposage des déchets vitrifiés Sud-Est.
     - Les § 4.2B.4b “ Production et distribution d’eau ” et 4.2B.4c “ Fluides de refroidissement ” ne mentionnent pas cette fonction.
     - Le § 4.2D.11b “ Eaux à risques ” indique : Les eaux à risques sont constituées : des eaux de drainage de certains ateliers, ainsi que celles du CSM (INB 66) et des entreposages de déchets de la zone nord-ouest … Les drainages ont pour rôle de rabattre la nappe phréatique afin d’éviter les infiltrations dans les bâtiments nucléaires. Le débit à extraire a été évalué à 10 m3/h par puits.
     - Au § 4.2I.3b : … L’eau extraite par ces drains est collectée dans des puisards profonds et relevée vers les eaux gravitaires du site . Le volume annuel ansi prélevé varie en fonction de la pluviomètrie, il peut représenter entre 80000 et 150000 m3 dont une partie contribue aux réserves en eau de l’établissement.
     - Au § 5.3L.6b il est noté : “ L’entreposage E/EV/Sud-Est est refoidi par tirage naturel ”, le schéma de la figure jointe 3.L.1 indique uniquement un refroidissement par air, tirage forcé ou naturel.
     La fonction d’EVT7 en réfrigérant des résidus vitrifiés ne semblait donc pas être connue de la Cogéma jusqu’à la publication de ses enquêtes publiques en janvier 2000 ?
suite:
     Avec les gestionnaires du CSM, cela devient une habitude, il vaut mieux connaître la réponse … avant de poser la question.
     En effet, l’efficacité du pompage dans la nappe au PZ328, puis en EVT7 est bien connue de l’Andra. Ses études hydrauliques du site(3) le soulignaient et l’intégraient dans leur simulation de modélisation de la nappe.
     Cette étude  (3) situe l’arrêt de pompage au PZ 328 en avril 1990 et le début de reprise du pompage au point  voisin EVT en juillet 1992, les courbes des pièzomètres 345 (fig 72) et 345 (fig 73) illustrent l’influence du pompage et de son arrêt dans les teneurs en tritium dans les piézomètres situés à proximité : augmentation d’un facteur 100 pour le PZ 345 et 5 pour le PZ 347, toutes les courbes des piézomètres 326 et ses proches vont dans le même sens.
     Nous avons repris les données Andra (2) en moyennes annuelles pour les pièzomètres 326 et 347, cette infuence du pompage est illustrée par les 2 graphiques ci-joints:

source Andra, réf (2)
graphique n°1


source Andra, réf(2)
graphique n°2

      Non seulement l’Andra savait que le pompage avait une influence bénéfique pour réduire la pollution tritium au sud ouest du site , mais elle proposait de faire bénéficier le nord du site (la zone de Digulleville entre le Hameau-és-Clerges et le Pont Durand de cette expérience : une note interne datant de 1994 (4) propose pour le nord et le nord-ouest du site un pompage dans la nappe “ pour en drainer les eaux vers un exutoire permettant le rejet des activités contenues dans les conditions organisées et contrôlées … l’effet est d’obtenir à terme une diminution sensible des concentrations , notamment dans les prélèvements extérieurs au site pour nord-est et nord-ouest, et sous le site au droit des structures sources de tritium. ”
     Cette proposition de 1994 n’a jamais eu de suite, le 25 mai 2003 à une de nos dernières questions sur le pompage dans cette zone nord, pouvant avoir pour effet de faire chûter la pollution tritium chez les habitants proches des exutoires, l’Andra nous a répondu qu’il n’en était pas question , “ le tritium est un traceur précieux et la pollution est minime. ”
     C’est dommage, nous aurions pu voir la pollution du Grand Bel suivre la même loi que celle de l’exutoire EVT7, c’est à dire une réduction progressive de la pollution de l’éxutoire externe et de sa nappe alimentaire, mais on comprend mieux pourquoi un exutoire de la Cogéma (EVT7) est mieux traité qu’un exutoire sis chez un particulier (R3) en regardant le graphique n°3 ci-dessous : 7 à 800 Bq/l chez un particulier, même en progression constante,  c’est quand même mieux que chez un exploitant nucléaire où cela ferait désordre.


source Andra, réf(2)
graphique n°3
p.28
(1) Dossier d’enquête publique, INB 116, 117 et 118, Cogéma, 20 septembre 1999
(2) Tritium au Centre de la Manche, données issues de la surveillance des eaux souterraines et des exutoires, SUR NT ACSS 03-050, 22 mai 2003
(3) Document n°610 RP And 93-002
(4) Lettre n° ANDRA/DEX/CSM 94.375 NV du 25 avril 1994

(a) Un document Andra 610 RP GRG 93-044 (feuille 14/37) montre que le pompage en EVT7 a fait baisser le niveau de la nappe phréatique de 10 m aux piézomètrrees 0032 et 0035


Retour vers la G@zette 209/210