GAZETTE NUCLÉAIRE
191/192, septembre 2001


Communiqué de presse GSIEN
sur l'Uranium appauvri de Bessines
25 juin 2001

     Le GSIEN proteste solennellement contre la décision du Conseil d'État du 23 avril 2001 qui autorise " l’entreposage " par la Cogéma de 199 900 tonnes d’oxyde d’uranium appauvri sur le site de Bessines.
     Cette décision nous atterre pour de nombreuses raisons. En voici quelques-unes :
     1) Le Conseil d'État bafoue les lois de la physique en estimant que dans le calcul de l’activité de l’uranium à " entreposer " on ne doit tenir compte que des " têtes de série " alors que ce stockage est en réalité un stockage d’un mélange d’oxydes d’Uranium 238, de Thorium 234, de Protactinium 234, d’Uranium 235, de Thorium 231 et d’Uranium 234. L’application des lois de la physique transformerait le site d’"entreposage", considéré par Cogéma et le Conseil d'État comme une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE), en une Installation Nucléaire de base (INB) aux règles de sûreté plus strictes.
     D’autre part Cogéma admet la présence d’Uranium 236 comme impureté. Celle-ci ne peut provenir que d’uranium issu du retraitement avec pour conséquence la présence possible de produits hautement radiotoxiques (produits de fission et actinides (américium, plutonium, etc.).
     2) En considérant l’uranium appauvri comme une " matière première " le Conseil d'État ouvre la voie à la prolifération autorisée, dans le domaine public, de déchets industriels toxiques.
     En effet, c’est au moment  même où l’Administrateur Général du C.E.A. annonce l’arrêt des études en recherche et développement de l’enrichissement par laser de l’uranium, car cette méthode " est difficile à mettre en oeuvre et a un avenir commercial incertain " que le Conseil d'État change les définitions antérieures du déchet  ultime alors que la loi du 15 juillet 1995 indiquait clairement pour celui-ci " il n’est plus susceptible d’être traité dans les conditions du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux ". Voilà qui s’applique parfaitement à l’oxyde d’uranium appauvri de Bessines car Cogéma envisageait de réenrichir l’uranium appauvri par laser.
     3) Toutes les estimations de dose de la Cogéma ont été faites sur la base de la limite annuelle de 5 millisievert. Il est pour le moins surprenant, alors que le décret du 8 mars 2001 instaure la limite de 1millisevert, que le Conseil d'État statue après la parution du décret en indiquant que le délai de transposition [de la directive EURATOM du 13 mai 1996] n’était pas encore expiré à la date de l’arrêt attaqué.


Actions de protection de la population en cas d’accident nucléaire
Bella Belbéoch, Secrétaire du GSIEN

A: M. Jean-Luc GODET, Chef du Bureau de la radioprotection 
Fax 0140565412

     Je vous écris à propos de votre article que j’ai relu récemment "Actions de protection de la population en cas d’accident nucléaire" paru dans le numéro 132 de la revue Contrôle (janvier 2000) car j’ai quelques questions à vous poser à ce sujet. 

suite:
     1 - Vos commentaires de la note 2 de la page 53, sur les "Effets aléatoires (ou stochastiques)". 
     Vous écrivez " Pour une dose efficace de 50 mSv, le risque de développer un cancer est, au maximumde 0,25% " [c’est moi qui souligne].
     A partir de quelles recommandations internationales justifiez-vous l’emploi de ce " au maximum " indiquant que le risque est inférieur à 0,25% (voire 0% ?) et pourrait atteindre 0,25 %, ce qui est une restriction par rapport à " un risque de 0,25% pour 50 mSv " ?
     Dans la publication CIPR 60 (1991) le risque de cancer mortel radioinduit est de 5% par sievert et, à ma connaissance, aucun article de cette publication ne comporte la restriction que vous avez formulée. Quant au rapport UNSCEAR de 1993 (art. 107, p. 17) il indique pour les faibles doses de rayonnement une probabilité sur la vie de 5% par Sv de développer un cancer fatal dans une population de tous âges. 
     2 - Parmi les critères de décision : le niveau d’intervention retenu pour l’évacuation "si la dose efficace prévisionnelle dépasse 50 mSv". 
     Pourquoi vous sentez-vous obligé de mettre un bémol en disant que " On se souviendra que pour une dose efficace annuelle de 50 mSv, il n’a pu être mesuré d’effet sur la santé ". Dans le cas d’une évacuation il s’agit d’éviter, non pas une action chronique sur 1 an des rayonnements, mais un effet rapide dû aux rejets. Bien sûr on peut espérer qu’il ne s’agirait pas d’un " flash " comme à Hiroshima mais vous ne pouvez pas garantir que les mécanismes de réparation joueraient à 100%. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’UNSCEAR introduit un critère de débit de dose car il se pourrait que le facteur de risque de cancer mortel ne soit pas de 5% par sievert dans ce cas mais de 10% par sievert. (La publication de 1996 de Pierce et al. concernant la mortalité par cancers des survivants japonais des bombardements atomiques descend désormais à des doses de 0,005 Sv et il n’y a pas de seuil. Radiation Research 146, 1-27, 1996). 
     L’évacuation doit aussi permettre d’éviter les effets déterministes.
     3 – A propos des iodes radioactifs il est dommage que n’ait pas été retenue la décision d’évacuer préventivement les femmes enceintes et les jeunes enfants. Vous dites que pour la valeur d’exposition retenue (100 mSv à la thyroïde) associée à la prise d’iode " il n’a pas été observé d’excès significatif de pathologie de la thyroïde ". En êtes-vous si sûr ? Cela revient à affirmer que les iodes radioactifs sont bien moins efficaces que les rayons X puisque l’étude de Ron et Modan concernant les enfants israéliens soignés par rayons X pour la teigne et ayant développé des cancers de la thyroïde avaient reçu à la thyroïde une dose moyenne de 0,09 Gy -entre 0,043 Gy et 0,186 Gy- (JNCI, vol. 65, 1, 1980).
     En espérant que vous voudrez bien répondre à mes questions, je vous prie de croire, Monsieur, à mes sentiments distingués

Copie à : M. André-Claude Lacoste, Directeur de la DSIN, Directeur de la revue Contrôle, M. Lacronique , Directeur de l’OPRI, M. Pasquier, OPRI, Mme M. Sené, Présidente du GSIEN, Mme A. Sugier, IPSN M. J. Piéchowski, C.E.A.

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