Les jugements portés sur les scénarios des événements relatifs aux trois axes de la loi mettent en œuvre des critères fondés sur des normes de santé régies par des textes administratifs nationaux et internationaux. Toutefois cette utilisation n'est pas toujours adaptée, car les scénarios relatifs aux trois axes de la loi ne sont pas tous pris en compte dans ces textes administratifs généraux; en effet, ceux-ci ne sont pas encore tous parvenus au stade de maturité De plus, les connaissances scientifiques sur les problèmes inhérents aux effets des rayonnements ionisants sur la santé, notamment au niveau cellulaire et épidémiologique, sont en cours d'évolution substantielle. Il a donc paru utile à la Commission de contribuer aux réflexions sur ces divers problèmes afin d'éclairer la situation actuelle dans ces domaines. La gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue et notamment leur stockage géologique sont confrontés à des problèmes sanitaires différents de ceux que pose aujourd'hui l'ensemble des installations de l'industrie nucléaire. I1 n'est pas possible de les résoudre en appliquant directement la réglementation actuelle. En effet, celle-ci est basée sur la notion de dose efficace (voir les principales définitions à la fin de cette annexe) qui ne couvre que l'induction des cancers et le risque génétique à condition qu'un petit nombre de générations soient irradiées. Elle est parfaitement adaptée à la situation actuelle dans laquelle la plupart des installations, en dehors du stockage de surface, sont autorisées à fonctionner sur des périodes n'excédant pas 50 ans. En revanche, les déchets de haute activité et à vie longue soulèvent au moins deux problèmes très importants non pris en compte qui sont, d'une part, les expositions portant sur un très grand nombre de générations et, d'autre part, la présence dans ces déchets de grandes quantités d'isotopes stables coexistant avec les radionucléides ainsi que divers composés organiques et minéraux. Le nombre élevé de générations pouvant être impliquées dans le long terme met particulièrement en lumière la difficulté d'appréhender la transmission de tares héréditaires qui a été très étudiée dans les années 1950. La publication n° 1 de la CIPR en 1958 [1], et la première publication de l'O.M.S. en 1959 [2] consacrées aux rayonnements ionisants en ont fait une analyse qui est encore pertinente aujourd'hui. Les isotopes stables, tout comme d'autres composés présents dans les déchets, peuvent être responsables d'intoxications d'origine chimique et cela occasionne des complications nouvelles sur le plan sanitaire. En effet, il faut, d'une part, gérer la présence simultanée de toxiques chimiques ayant des actions biologiques diverses et de radiotoxiques qui ont, eux aussi, une action pathologique non cancéreuse sur les organes qu'ils irradient et, d'autre part, pondérer leurs effets individuels ou synergiques. Avant de rechercher une solution à ces difficultés, il faut faire une analyse critique des diverses recommandations émises par la CIPR depuis sa création en 1928 et examiner les contributions qu'elles peuvent apporter pour surmonter les obstacles rencontrés. Cette analyse critique se situe en outre dans l'esprit des conclusions du Comité interministériel du 9 décembre 1998 qui demande que "le principe de précaution soit respecté à tous les niveaux de prise de décision pour la poursuite et les orientations en matière d'énergie nucléaire ", (suite)
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et donc bien évidemment
pour la gestion des déchets de haute activité et à
vie longue.
En corollaire, l'application de ce principe implique qu'une analyse critique rigoureuse soit réalisée avant toute décision afin que celle-ci soit la plus pertinente possible. 2. LES RISQUES RADIOLOGIQUES ET LES RECOMMANDATIONS DE LA CIPR 2.1 LA SITUATION AVANT 1950
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, cette
Commission a eu pour objectif principal de proposer des règles permettant
de minimiser les dommages causés par l'utilisation médicale
des rayonnements ionisants. A cette époque, on connaissait les quatre
principaux effets sanitaires induits par ces rayonnements:
Avant 1939, la priorité sanitaire, dans tous les pays, était la lutte contre les effets "aigus". Pour les populations, il fallait lutter contre les maladies infectieuses endémiques ou épidémiques qui sévissaient. Pour les travailleurs, on luttait contre les intoxications aiguës, c'est-a-dire les accidents du travail. En France, ce n'est qu'après 1945 qu'a commencé à être prise en compte la notion de maladies professionnelles induisant des effets tardifs. C'est donc tout naturellement que les premières publications de la CIPR étaient dévolues à la lutte contre les effets « aigus » qui étaient, en outre, les seuls pour lesquels on disposait de données quantitatives utilisables en protection radiologique Les limites d'exposition aux nuisances étaient exprimées en dose par unité de temps: jour ou semaine. Pendant la guerre, la limite de dose, utilisée lors des premières périodes du développement de l'énergie nucléaire militaire, était de 0 3 rem (3 mSv) par semaine soit 15 rems (150 mSv) par an. Cette limite s'est révélée parfaitement efficace pour lutter contre les effets aigus chez les travailleurs. 2.2 LA PUBLICATION N° 1 DE 1958 [1]
Durant cette période de guerre froide, les retombées des essais atmosphériques d'armes nucléaires se multipliaient. Pour essayer de mieux appréhender la situation et comprendre les divergences de point de vue, l'ONU avait en 1955, créé un Comité Scientifique spécialisé, 1'UNSCEAR, réunissant les scientifiques des deux camps (Est et Ouest). p.3
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Un autre aspect du conflit était
celui du débat idéologique qui comportait un volet philosophique
portant sur le sens de l'existence de l'humanité. Pour les tenants
du camp de l'Ouest, l'homme avait été créé
avec un patrimoine que l'humanité devait conserver en évitant
d'y induire des tares. Pour les partisans du camp de l'Est, la philosophie
était différente: l'humanité était maîtresse
de son patrimoine génétique et devait l'améliorer
grâce à la transmission de caractères acquis selon
la théorie de "l'homo sovieticus" de Lyssenko et Mitchourine. Comme
les rayonnements ionisants étaient susceptibles de dégrader
le patrimoine génétique de l'humanité, la CIPR a donné
la priorité au risque génétique dans la perspective
des conséquences liées aux retombées des tirs aériens
et aux déchets radioactifs.
A cette même époque, l'espérance de vie était plus faible qu'aujourd'hui et le cancer n'était pas considéré comme une priorité sanitaire. I1 n'existait en outre aucune donnée humaine sur l'accélération des processus de vieillissement. 2.2.2 Les effets génétiques Malgré la présence en son sein d'excellents généticiens dont le docteur H. MULLER, Prix Nobel de médecine en 1946, la Commission consulta les meilleurs généticiens de l'époque présents au Xe Congrès International de Génétique à Montréal en 1958. Ils fournirent à la CIPR le nombre limite maximum de mutations par génération au delà duquel surviendrait un dommage inacceptable pour l'humanité En combinant cette valeur avec des données expérimentales obtenues sur la drosophile par MULLER [15] et sur la souris par RUSSEL [16], la CIPR a alors estimé que la dose maximale admissible aux gonades devait être comprise, selon les radiogénéticiens, entre 6 et 10 rems (60 à 100 mSv) Cette dose par génération devait être délivrée de la conception à l'âge de 30 ans, âge limite pour la fertilité. Par mesure de sécurité, la CIPR a décidé de fixer la limite pour la dose génétiquement significative à 5 rems (50 mSv) par génération. Consciente que la pratique de l'énergie nucléaire
entraînerait une importante disparité de doses entre les individus,
la CIPR a réparti cette limite par génération entre
trois groupes d'individus:
La CIPR estimait qu'il fallait conserver une réserve équivalente à une dose de 1.5 rem (15 mSv). La CIPR a transformé ensuite ces limites par
génération en limites annuelles de dose pour un individu
selon la répartition suivante:
La limite de dose annuelle de 50 mSv qui est celle de la réglementation française actuelle vient de l'estimation du risque génétique retenu dans la publication n° 1 de la CIPR [1]. 2.2.3 Le problème des autres expositions Celles-ci avaient deux origines: l'utilisation médicale des rayonnements et l'irradiation naturelle. (suite)
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La CIPR décida que les
expositions d'origine médicale ne devaient pas être soumises
à la réglementation. Pour l'irradiation naturelle, le problème
était plus complexe.
L'une des solutions consistait à intégrer l'exposition naturelle dans la limite de dose mais les importantes variations locales auraient alors pu interdire l'implantation d'installations nucléaires susceptibles d'augmenter le niveau des rayonnements. L'autre solution conduisait à ne pas se préoccuper des niveaux de l'irradiation naturelle et à considérer que l'exposition surajoutée par la radioactivité artificielle, restant dans les fluctuations de l'irradiation naturelle, entraînerait un risque du même ordre de grandeur et était donc acceptable. La CIPR laissa le choix de la décision aux autorités gouvernementales. Aujourd'hui, on constate que celles-ci ont préféré la seconde solution, c'est-a-dire ne pas prendre en compte l'irradiation naturelle. 2.2.4 Les autres effets Dans sa publication n° 2 en 1959 [3] consacrée aux expositions d'origine interne, la CIPR privilégie la notion d'organe critique. Il se définit comme celui qui reçoit la dose la plus forte. Si la dose reçue par cet organe est inférieure à la limite de dose on n'a pas à tenir compte de l'exposition des autres organes. Pour la moelle osseuse et le cristallin, la CIPR recommande une limite annuelle de 5 rems (50 mSv) avec un maximum de 3 rems (30 mSv) en un trimestre. Pour la peau et la thyroïde, la limite annuelle est de 30 rems (300 mSv) avec un maximum de 8 rems (80 mSv) par trimestre. Pour tous les autres organes, la limite est de 0.3 rem (3 mSv) par semaine soit 15 rems (150 mSv) par an. A l'exception de la limite pour la moelle osseuse, dont l'objectif est de prévenir les risques de leucémies, toutes les autres limites protègent contre les effets non cancéreux. 2.2.5 Le cas particulier des ostéosarcomes En 1941, le National Bureau of Standards [18] des États-Unis fixe, comme valeur seuil dans le squelette, la limite à 0,1 microCi (3,7 KBq) de radium-226. Le niveau d'activité correspond à un débit de dose hebdomadaire de 0,06 rad (0,6 mGy), soit une dose de 0,6 rem (6 mSv). La publication n° 2 de la CIPR (3) reprend cette valeur et l'utilise pour calculer les concentrations maximales admissibles pour les autres radionucléides ostéotropes émetteurs alpha dont le plutonium et les actinides mineurs. 2.2.6 La protection des populations A l'exception des gonades, pour lesquelles la CIPR recommande une dose limite pour les populations égale au centième de celle pour les travailleurs, les doses recommandées pour les autres organes sont équivalentes à un trentième de celles des travailleurs. 2.3 LA PUBLICATION N° 26 DE 1977 [5] 2.3.1 La situation dans les années 1970 En 1977, la situation sanitaire a considérablement évoluée. On entre dans la société de consommation et le sort de l'individu passe avant celui des générations futures. Les antibiotiques ont fait disparaître la peur des maladies infectieuses et contribuent à l'augmentation de l'espérance de vie des populations. Un autre facteur, qui va dans le même sens, est la croissance de la quantité d'énergie mise à la disposition des individus qu'elle soit d'origine alimentaire (abondance et diversité de la nourriture) ou industrielle (confort). p.4
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L'augmentation de l'espérance
de vie entraîne un accroissement du taux de décès par
cancer qui devient la priorité sanitaire et la préoccupation
majeure de l'époque exprimée, par exemple, dans le Plan Nixon.
L'énergie nucléaire contribue de deux façons à l'augmentation des cancers; elle accroît la quantité d'énergie dont l'homme dispose en allongeant l'espérance de vie et elle induit directement des cancers par les rayonnements ionisants qu'elle produit. La CIPR dans sa publication n° 26 [5] ne s'occupera que de la seconde modalité d'induction des cancers. Le problème auquel est alors confronté la CIPR est double: elle doit conserver la limite de dose de 50 mSv par an car il n'y a aucune justification permettant de la changer et elle doit aussi justifier cette valeur en tant que garantie de la protection des individus contre l'induction des cancers. 2.3.2 Les bases scientifiques de la CIPR n° 26 (5). Dans la CIPR n° 26 [5], le risque cancérigène est dominant. Les effets génétiques et non cancérigènes, aigus ou tardifs, passent au second plan. 2.3.2.1 Le risque cancérigène
La CIPR ne prend en compte que les cancers directement induits par les rayonnements ionisants. Elle les identifie par leur chronologie d'apparition différente de celles des cancers naturels dont la fréquence croit avec la durée de vie. Les cancers radio-induits apparaissent- après un temps de latence de dix ans, de façon aléatoire dans les différentes tranches d'âge. En outre, ils sont induits par un mécanisme spécifique. Dans une unique cellule, un photon ou une particule induisent une mutation de 1'ADN . Celle-ci confère à la cellule un caractère cancéreux qui entraîne le développement d'une tumeur mortelle. Cette théorie à trois conséquences: il ne peut pas y avoir de seuil, la relation dose-effet doit être linéaire aux faibles doses et la chronologie d'apparition est indépendante de l'âge. Le système est ainsi cohérent depuis l'atteinte de la molécule jusqu'à l'épidémiologie. Si on veut limiter le risque d'apparition de cancers radioinduits qui s'exprime en fréquence probable par unité de dose reçue (nombre de cancer/Sievert), l'absence de seuil impose le choix d'un niveau de risque acceptable. Ce choix n'est pas un acte médical, mais un acte social, donc politique. Pour définir les limites de dose garantissant ce choix, la CIPR a combiné une relation dose-effet avec un niveau de risque socialement acceptable. 2.3.2.1.2 La relation dose-effet Celle-ci a été établie à partir de données épidémiologiques combinées avec un modèle de projection du risque sur la vie entière car le temps de suivi des cohortes était court A cette époque, seulement 20 % des survivants des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki au Japon étaient décédés. En cohérence avec sa théorie sur la radioinduction des cancers, la CIPR a choisi le modèle du risque absolu ou additif, compatible à l'époque, avec l'imprécision statistique des données dont on disposait. La CIPR a retenu un risque total sur la vie de 10-2 cancer mortel par Sievert. 2.3.2.1.3 Le niveau de risque socialement acceptable Pour définir ce niveau, la CIPR a choisi une méthode de comparaison. Elle a visé à ce que l'industrie nucléaire soit aussi sûre que les industries considérées à l'époque comme les plus sûres. I1 existe d'une part, les professions considérées comme étant à haut risque: marins pécheurs, mineurs, ouvriers du bâtiment, etc... et d'autre part, des industries plus sûres, comme l'industrie de la chaussure, qui ont des taux de décès de l'ordre de 5.10-5 par an (50 cas par million de travailleurs par an). (suite)
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Elle a donc hiérarchisé
les différentes professions en prenant, comme index de risque, le
taux de décès par accident du travail. Ce choix a été
critiqué, mais il était le seul pour lequel on disposait
des données quantitatives nécessaires.
La CIPR a fait justement remarquer que si on voulait respecter une limite de dose individuelle, les services de protection prendraient des contre mesures de telle sorte que la dose moyenne des personnes exposées serait inférieure au dixième de la limite considérée Dans ces conditions, une limite de 50 mSv par an permettait de respecter le risque collectif de 5.10-5 décès annuels dus au cancer. 2.3.2.1.4 La notion de dose efficace Alors que la CIPR. n° 1 [1] raisonnait en terme d'organe critique, la CIPR n° 26 [5] a innové en prenant en compte la somme des risques dans tous les organes. Elle a pris comme base la somme des risques lorsque l'organisme entier était exposé de façon homogène Elle a calculé ensuite la part délivrée à chaque organe dans ce risque total Pour maintenir le même niveau de risque, quelle que soit l'hétérogénéité spatiale de l'exposition, elle a admis, qu'un organe irradié seul pouvait recevoir une dose plus élevée, que la fraction résultante de la répartition précédente en cas d'exposition hétérogène de l'organisme. Par exemple, le risque au poumon représente 1/8ème du risque total; s'il est irradié seul, il peut recevoir une dose huit fois plus élevée que dans une exposition homogène tout en maintenant le même niveau de risque; le niveau de risque s'exprimera en dose efficace dont l'unité est le Sievert. Mais cette expression de la dose doit être abandonnée si on veut comparer entre elles les limites fixées par les CIPR n° 1 [1] et n° 26 [5]. 2.3.2.2 Les autres risques
Pour ces effets, la CIPR a choisi une limite de dose de 500 mSv par an qui est donc supérieure à la limite de 150 mSv par an retenue par la CIPR n° 1 [1] Si la CIPR' n° 26 [5] avait conservé la valeur de la CIPR n° 1 [1], la méthode de limitation du risque par l'utilisation de la dose efficace n'aurait pas pu être utilisée car, compte tenu des facteurs de pondération des organes, la dose à un organe aurait toujours dépassé 150 mSv par an. 2.3.2.2.2 Le risque génétique La remarque précédente est aussi valable pour le calcul de la dose d'exposition des gonades, c'est-à-dire la limite génétique. Si la CIPR n° 26 [5] avait conservé les limites de dose de la CIPR n° 1 [1], le risque génétique serait resté prépondérant. Dans la publication n° 26 [5], ce risque a donc été limité aux deux premières générations. Dans ces conditions, la dose aux gonades ne représente plus alors qu'un quart du risque total. 2.3.2.2.3 Les limites de dose pour les populations Pour celles-ci, la CIPR n° 26 [5] recommande
deux valeurs de dose maximale:
2.4. PUBLICATION N° 60 DE 1990 (6)
En 1986, pendant que la CIPR préparait ses nouvelles recommandations, est survenu l'accident de Tchernobyl. p.5
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Celui-ci déclencha une controverse
médiatique et politique basée sur l'idée qu'il fallait
diminuer les limites de dose car le risque nucléaire avait été
sous estimé. Bien qu'elle ait fait justement remarquer que ses limites
de dose étaient basées sur des données scientifiques
indépendantes de Tchernobyl, la CIPR a du se résoudre à
revoir ses limites de dose pour conserver sa crédibilité.
Par ailleurs, l'UNSCEAR. avait entériné la nouvelle dosimétrie
d'Hiroshima et de Nagasaki qui en diminuant les doses d'un facteur de 2,5
par abandon de la composante des neutrons, a augmenté le risque
d'un facteur de 2,5.
Dans sa publication n° 26 [5], la CIPR avait comparé le risque radiologique aux risques conventionnels. Si ceux-ci diminuaient à cause de l'amélioration des conditions de travail, la CIPR allait être amenée à réduire ses limites de dose sans qu'ait été modifiée la relation dose-effet. Des études entreprises au début des années 1980 avaient montré que 20 mSV représentait une dose optimale techniquement acceptable. 2.4.2 Les estimations de risque de la CIPR
n° 60 (6)
Le rapport de l'UNSCEAR en 1988 [8] montrait qu'on observait une augmentation du risque cancérigène par unité de dose pour les population. d'Hiroshima et de Nagasaki au Japon. Cette augmentation avait deux causes:
Ces deux causes auraient pu conduite la CIPR à plus de rigueur encore en raison de la diminution du facteur dosimétrique évoquée au § 2.4.1. Le risque final basé sur ces observations et cette nouvelle modélisation passait à une fréquence de 10-1 cancer par Sievert. La CIPR a ensuite pris en compte un facteur de diminution du risque pour les faibles doses délivrées à faible débit (DDREF). La valeur de ce facteur, choisi de façon assez arbitraire, était de 2. Par ailleurs, l'apparition de nouveaux cancers a surtout conduit à changer le facteur de pondération (WT) pour les différents tissus, à diminuer la part des effets génétiques et celle du cancer du sein. Le risque cancérigène sur la vie retenu finalement par la CIPR n° 60 [6] était donc de 5.10-2 cancer par Sievert. 2.4.2.2. Les autres risques La CIPR n° 60 [6] ne prend plus en compte les risques non cancéreux, estimant qu'ils sont couverts par les nouvelles limites. Elle plafonne par contre les effets mentaux dus à l'irradiation du cerveau (in utero); ils concernent uniquement le retard mental. Le niveau retenu pour le risque génétique représente un cinquième du risque total et couvre toutes les générations. 2.4.2.3 Les conséquences sanitaires des nouvelles limites. Le tableau 1 résume ces conséquences et les compare avec celles de la publication n° 26 [5]. n montre clairement que si la CIPR n° 60 [6] recommande des limites de dose plus faibles que la CIPR n° 26 [5], elle accepte par contre une augmentation du risque au niveau des limites pour les individus exposés. (suite)
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TABLEAU l:
COMPARAISON DES LIMITES DE DOSE RETENUES DANS LES CIPR N° 26 ET N°
60:
2.5 LES CONSÉQUENCES DE CETTE ANALYSE CRITIQUE
POUR LA GESTION DES DÉCHETS DE HAUTE ACTIVITÉ ET A VIE LONGUE
Pour comparer entre elles les valeurs des doses, il faut disposer d'un dénominateur commun. La CIPR n°1 [1] est basée sur la théorie de l'organe critique et ne prend en compte que les doses délivrées aux organes; elles sont exprimées en Sievert c'est-a-dire en doses équivalentes. Les CIPR n° 26 [5] et n° 60 [6] expriment leurs limites en doses efficaces mais leurs facteurs de pondération sont différents. En outre, le facteur de qualité pour la nature des rayonnements est pour les émetteurs alpha de 10 dans la CIPR n° 1 [1] et de 20 dans les CIPR n° 26 [5] et n° 60 (6) Le seul dénominateur commun est donc la dose délivrée aux organes exprimée en Gray. Il sera toujours possible par la suite de combiner ces doses suivant l'objectif choisi. Le tableau 2 regroupe les valeurs calculées pour les populations. Celles en italiques et en gras sont basées sur l'induction des cancers. Toutes ces valeurs sont exprimées en doses reçues (en Gray) et ne font pas intervenir un facteur de dose qui seul permet de les exprimer en risques (en mSv). Elles montrent clairement, que pour les risques génétiques et les autres risques, c'est la CIPR n° 1 [1] qui recommande les valeurs les plus faibles. Pour les effets cancérigènes, la CIPR n° 60 [6] recommande des valeurs inférieures à celles de la CIPR n° 26 [5]. TABLEAU 2: COMPARAISON DES DOSES ANNUELLES MAXIMALES
AUX ORGANES POUR LES POPULATIONS
Les valeurs en gras sont basées sur l'induction des cancers p.6
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2.5.2 les doses maximales aux
organes exprimées en risque en prenant en compte les effets stochastiques
Le tableau 3 regroupe les valeurs des doses annuelles maximales admissibles définies dans les trois publications de la CIPR. Si l'on prend en compte les risques génétiques, on constate que c'est toujours la publication n° 1 [1] qui fournit les valeurs les plus faibles. Les valeurs retenues pour le risque cancérigène ont été calculées en combinant le risque acceptable de la CIPR n° 26 [5] qui retient un risque de 10-6 décès par an avec les données plus modernes sur les taux de cancers retenus dans la CIPR n° 60. Les valeurs figurant dans ce tableau sont compatibles avec le respect du principe de précaution car elles couvrent les trois domaines de risque et respecte les taux de cancers identifiés par les données modernes. TABLEAU 3: COMPARAISON DES DOSES ANNUELLES MAXIMALES AUX ORGANES RESPECTANT LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION POUR LES POPULATIONS:
CIPR 26 : Excès moyen annuel de cancers : 10-6 CIPR 60 : Données modernes sur les taux de cancers. 2.5.3 Les conséquences
Dans le tableau 4, sont rassemblées les données de la CIPR n° 2 [3] sur les radionucléides capables de délivrer une dose génétique significative. Dans les déchets, seuls les isotopes suivants: 3H, 14C, 36Cl, 79Se, 87Rb, 123Te, 129I et 135Cs sont susceptibles d'être impliqués. Les isotopes stables ayant des effets génétiques sont à prendre en compte au titre de la toxicité chimique. Les autres isotopes importants, notamment les émetteurs alpha ostéotropes interviendront peu car la dose aux gonades est très faible par rapport à celle délivrée au squelette ainsi que le montre les valeurs rassemblées dans le tableau 5 où l'on compare le rapport des doses exprimées en gray et délivrées à l'os et aux gonades pour différents radionucléides. (suite)
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TABLEAU 4:
RADIONUCLÉIDES ET ÉLÉMENTS A CONSIDÉRER POUR
LES ORGANES CRITIQUES AFIN D'ÉVALUER LES RISQUES (CIPR n° 2
[3] )
TABLEAU 5: COMPARAISON DES RAPPORTS
DE DOSE A L'OS ET AUX GONADES POUR LE CÉSIUM ET LES ÉMETTEURS
ALPHA:
2.5.3.2 Vis-à-vis des risques non cancéreux Parmi les effets non cancéreux tardifs, la CIPR a souvent mentionné l'accélération des processus de vieillissement. Aujourd'hui le vieillissement du cerveau (Alzheimer-Like) a remplacé le cancer comme première priorité sanitaire nationale Le tableau 4 montre que seuls les isotopes suivants: 3H, 14C, 36C1, 87Rb et 135Cs, présents dans les déchets de haute activité et à vie longue et qui se retrouvent dans le cerveau, sont à considérer pour évaluer ce risque. 2.6 LA BIOLOGIE DU PLUTONIUM ET DES ACTINIDES MINEURS Pour comprendre l'importance de ces radionucléides dans la gestion sanitaire des déchets de haute activité et à vie longue, il faut également s'intéresser aux publications de la CIPR consacrées aux limites de concentration pour les radionucléides: CIPR n° 2 de 1959 [3], n° 23 de 1975 (4), n° 30 de 1980 [4], et n° 68 de 1994 [1], La CIPR a souvent changé ses modèles biocinétiques ainsi que les principaux paramètres qui les gouvernent, comme l'absorption digestive, la fixation dans le squelette et le territoire de rétention, les périodes biologiques, etc... Pour juger de la validité des modèles qu'elle a utilisés, la méthode la plus simple consiste à comparer les ingestions annuelles et la charge osseuse à l'équilibre à 60 ans. La CIPR. n° 23 [4] ne porte que sur les radionucléides naturels qui ont été très étudiés dans les années 1950 et 1960. Aussi ne donne-t-elle de valeurs que pour le radium-226 et l'uranium-238. Ces valeurs ont une grande importance car elles permettent de tester les modèles radiologiques utilisés dans les publications ultérieures de la CIPR . Dans le tableau 6 on a rassemblé les données comparatives pour les quatre CIPR' précitées. Elles montrent que la modélisation est excellente depuis 1975 pour le radium-226 et l'uranium-238 car dans les années 1950 pour la CIPR n° 2 [3] toutes les données n'étaient pas disponibles. Ces radionucléides naturels dont les concentrations respectives dans la chaîne alimentaire et le corps humain sont accessibles par dosage, permettent d'affiner la modélisation de l'ensemble des ostéotropes et en particulier des actinides. I1 est dès lors vraisemblable que les valeurs indiquées dans le tableau n° 6 ne devraient pas être trop éloignées de la réalité physiologique pour les transuraniens et les terres rares. p.7
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On ne peut que regretter l'absence
actuelle de données humaines valables pour les terres rares qui
sont naturellement présentes dans la géosphère; ces
bilans, lorsqu'ils seront disponibles, légitimeront encore davantage
la modélisation radiologique pour les transuraniens.
TABLEAU 6: COMPARAISON DES RAPPORTS ENTRE L'INGESTION
ANNUELLE ET LA CHARGE OSSEUSE A 60 ANS DANS LES DIFFÉRENTES CIPR:
2.7 LA R.F.S. III.2f
L'objectif fondamental vise la protection des personnes et de l'environnement à court terme et à long terme et se réfère au principe ALARA de la CIPR . Dans son objectif, elle précise également les critères de radioprotection et notamment que les évaluations de sûreté devront comprendre la détermination des expositions individuelles exprimées en équivalents de dose, sur la base d'une constance des caractéristiques de l'homme (habitudes alimentaires, conditions de vie ...). Pour les expositions, la R.F.S. distingue celles résultant d'une évolution normale du stockage et celles consécutives à des événements aléatoires venant perturber le stockage (séismes, intrusion humaine ...). Pour la situation de référence la dose efficace engagée devraient être limités à 0,25 mSv par an (limite annuelle d'exposition du public). D'une part, cette limite est valable pour la période de stabilité géologique de 10 000 ans et, d'autre part, cette limite sera conservée comme référence au-delà de la période de stabilité de la barrière géologique. Pour les situations aléatoires, les expositions individuelles, exprimées en équivalents de dose, associées aux situations hypothétiques retenues, devraient être maintenues suffisamment faibles par rapport aux niveaux susceptibles d'induire des effets déterministes. La R.F.S n'envisage pas d'interventions éventuelles pour limiter les conséquences des événements aléatoires, ni la situation de réversibilité du stockage. Elle mentionne que la toxicité chimique éventuelle des déchets devra être examinée. 2.8 LES DONNÉES RÉCENTES RECUEILLIES AU COURS DE L'AUDITION DU 9 MARS 1999 La réunion de travail du 22 janvier 1999 avec
divers spécialistes en radioprotection, en radiobiologie, en génétique,
en épidémiologie et l'audition à caractère
informatif du 9 mars 1999 ont permis à la Commission de recueillir
les informations les plus récentes concernant les études,
les recherches et les évaluations relatives aux risques sanitaires
liés à la gestion et au stockage des déchets de haute
activité et à vie longue.
(suite)
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Elle rassemble les données
d'inventaire, de caractéristiques de relâchement et des grandeurs
associées aux phénomènes qui gouvernent la migration
dans la géosphère et l'ingestion des radionucléides.
Ces données sont encore à compléter pour certains
radionucléides et d'autres domaines; elles n'existent pas pour les
toxiques chimiques présents dans les déchets.
Concernant l'approche chimique, la Commission avait invité des chercheurs spécialistes de la paléoanthropologie humaine dans le but de se faire préciser la contribution de cette science pour les analogues anthropogéniques; en effet, les connaissances acquises sur les régimes alimentaires, les facteurs de mortalité, les traces de pathologies ostéotropes de nos ancêtres seront certainement utiles pour réfléchir à la démarche à utiliser dans le cas des approches toxicologiques pour le long terme. L'approche chimique, sous l'angle toxicologique, apparaît encore aujourd'hui comme largement empirique; l'évaluation et la prévention des risques. toxiques traitées "par défaut" sont destinées à compenser l'insuffisance des connaissances ou le manque de données spécifiques; les évaluations des risques cancérogènes et mutagènes restent d'ordre qualitatif. Sur le plan quantitatif, des marges de sécurité sont proposées mais il n'existe pas de consensus pour définir les niveaux d'exposition. Aux États-Unis suite aux recommandations de la NRC, l'EPA propose de construire un nouveau système d'évaluation des données qui intégrera, dans une même approche, les effets cancérigènes et les autres; une large place est réservée à l'identification des besoins d'études toxico-cinétiques ou mécanistiques. En matière de radiotoxicologie, des données expérimentales sur les tumeurs osseuses dues aux actinides ont été présentées; les données expérimentales ont permis de bien définir les inductions, les localisations, les biocinétiques ainsi que les facteurs de transfert après ingestion. La toxicité chimique des éléments (uranium, technétium, sélénium...) n'est pas actuellement prise en compte car les notions de dose, de seuil, de débit sont très différentes en toxicologie et en radiotoxicologie selon l'effet considéré, aléatoire ou déterministe. Les mécanismes impliqués dans la génotoxicité demeurent méconnus sauf pour l'uranium. La toxicité chimique implique aussi de prendre en compte les effets synergiques et potentialisateurs; beaucoup de données de base nécessaires à l'évaluation des effets sont à l'heure actuelle manquantes et ces effets ne sont pas pris en compte pour l'estimation des risques consécutifs simultanément à une irradiation et à une toxicité chimique. L'état des études épidémiologiques a également été présenté à la Commission. Des actions projetées par la COGEMA et l'EDF concernent les populations du site de Mayak (Russie) qui ont été exposées sur une période de 1951 à 1967. La COGEMA s'intéresse plus spécialement au métabolisme et à la dosimétrie des transuraniens. De son côté, l'EDF regarde l'épidémiologie des disthyroïdies et des malformations congénitales. L'épidémiologie dans le cas des faibles expositions à faible débit, cas des déchets à haute activité et à vie longue, a peu de chances de détecter ou quantifier les effets des expositions. Les efforts portent sur la précision de l'estimation du risque pour les faibles doses; des outils sont en cours de développement. Le constat concernant la radiobiologie et la radiopathologie a mis en évidence le désintérêt des chercheurs pour le risque génétique après les années 1950-1960 au profit des études sur le risque cancérigène. Alors que les connaissances sur le génome s'accroissent exponentiellement, les grandes expériences en radiobiologie sont arrêtées. Pourtant beaucoup d'interrogations persistent sur le risque génétique lié à l'exposition aux radiations. Dans le domaine` de la pathologie spontanée, il est probable que la grande majorité des pathologies dues aux mutations récessives reste à identifier. Dans le domaine de la radiobiologie, où l'effet des radiations n'a été évalué qu'à partir des mutations dominantes, les calculs de taux de doublement sont vraisemblablement à revoir. p.8
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Le grand progrès à
réaliser concerne le domaine des mutations récessives qu'il
faut apprendre à identifier chez les porteurs hétérozygotes.
Ce point s'applique particulièrement aux conséquences d'une
augmentation chronique de l'exposition aux radiations, donc au stockage
des déchets, susceptible d'entraîner une accumulation des
mutations récessives de génération en génération.
Le bilan des informations recueillies par la Commission auprès des spécialistes des diverses disciplines de la radiobiologie, de la radiopathologie, de l'épidémiologie, de la toxicologie chimique, de la radiotoxicité... met en évidence la préoccupation actuelle soulevée par le problème de la gestion et du stockage des déchets de haute activité et à vie longue, mais il révèle aussi que le champ d'exploration dans ces différents domaines est vaste et que de nombreuses données sont actuellement manquantes. 3. LES CONCLUSIONS SUR LES RISQUES RADIOLOGIQUES 1. L'analyse critique des recommandations de la CIPR permet de proposer des valeurs de doses maximales aux organes compatibles avec le respect du principe de précaution. L'étude des conséquences radiologiques d'un stockage géologique de déchets de haute activité et à vie longue, devra comporter pour chacun des radionucléides considéré, les valeurs dosimétriques pour chacun des organes des individus du groupe critique retenu; les diverses doses délivrées aux organes seront alors additionnées en utilisant pour les émetteurs alpha un facteur de qualité de 20. Ces doses résultantes seront ensuite pondérées pour estimer le risque radiologique. Le pondération dépendra du mode d'expression retenu: dose efficace, dose efficace engagée, dose équivalente 2. Le point le plus important de cette analyse
critique est la discussion dans la CIPR n° 1 [1], de la façon
de prendre en compte l'exposition d'origine naturelle dans la ;fixation
des limites de dose réglementaire pour la protection sanitaire.
Les valeurs limites d'exposition artificielle proposées étaient
du même ordre de grandeur que celles de l'exposition naturelle. La
CIPR n° 1 [1] propose deux approches pour résoudre le
problème:
La présentation des valeurs maximales de dose à respecter selon trois natures d'effets sanitaires différents (génétique, cancer, autres risques) permet de combiner l'impact de tous les radiotoxiques et de tous les toxiques chimiques en particulier ceux présents initialement dans les déchets de haute activité et à vie longue ou après leur transfert dans la biosphère. Pour permettre cette combinaison, il faudra analyser les données disponibles sur les toxiques chimiques dans le même esprit que celui auquel on a eu recours pour évaluer les risques liés aux radiations ionisantes. La Règle Fondamentale de Sûreté IlI.2f' préconise une dose efficace engagée pour le public de 0,25 mSv par an, et se réfère au principe ALARA de la CIPR. La toxicité chimique éventuelle devra être examinée. La situation de réversibilité, corollaire du principe de précaution, n'est pas envisagée. (suite)
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4. LES TOXIQUES CHIMIQUES
4.1 LES DONNÉES DU PROBLÈME
Tous ces toxiques n'ont pas une toxicité chimique réglementée sous la forme de concentrations admissibles dans l'eau ou dans l'air; beaucoup sont reconnus comme toxiques mais sans posséder des limites réglementaires; enfin d'autres n'ont pas aujourd'hui la réputation d'être toxiques, mais ce n'est pas une raison pour les ignorer car, comme l'ont dit Hippocrate et Paracelse: 'il n'y a pas de poison, tout n'est que dose". La multiplicité des toxiques chimiques présents simultanément dans les déchets pose le problème du grand nombre d'organes susceptibles d'être lésés, avec des modalités d'atteinte différente, sans oublier un éventuel couplage avec les effets dus à la radioactivité. De plue, il ne faudra pas omettre dans cette analyse les différents produits d'altération (dégradations organiques, évolutions des formes chimiques dans la géosphère et la biosphère) ainsi que les effets de synergie liés à la présence d'un grand nombre de composés. En conséquence, la méthodologie de gestion sanitaire devra prendre en compte tous ces facteurs et leurs interactions. 4.2 LA SÉLECTION DES ÉLÉMENTS
TOXIQUES
Dans une première analyse, on est conduit à effectuer une sélection sans prendre en compte a priori la notion de mobilité dans la géosphère et la biosphère. On peut porter d'abord un intérêt à ceux, pour lesquels on dispose des valeurs réglementaires; c est l'approche de l'ANDRA [12]. On peut aussi prendre en compte tous les éléments chimiques dont la toxicité est connue, même s'ils ne figurent pas dans la réglementation: c'est l'approche canadienne de 1'AECL [13]. Enfin, il ne faut pas oublier les radionucléides de longue période dont la masse est suffisante pour que la toxicité chimique, suivant les critères sanitaire choisis, l'emporte, dans certains cas, sur la radiotoxicité. La Commission a sélectionné ceux dont la période est supérieure à 104 ans [14]. Parmi ces radionucléides, la toxicité chimique est prépondérante pour l'uranium naturel, le samarium-147, le rubidium-87 et le béryllium-10. La sélection définitive devra préciser la nature de la toxicité chimique puisque l'effet cancer des radionucléides à vie longue est couvert par l'approche radiologique; il conviendra également, en plus des éléments chimiques, de prendre en compte toutes leurs formes dérivées toxiques, les anions et les polyanions complexes minéraux ou organiques et les composés particulaires. En outre, il faudrait ajouter à cette liste les toxiques organo-métalliques issus des transformations biogéochimiques. Une étude au cas par cas sera à entreprendre pour ces composés présents dans les différents types de déchets et ceux relâchés à l'extérieur d'un stockage. Dans le tableau 7 sont consignés les résultats de ces trois modes de sélection. p.9
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TABLEAU 7 : LISTE DES ÉLÉMENTS
OU RADIONUCLÉIDES A VIE LONGUE CONSIDÉRÉS COMME TOXIQUES:
Les caractères en gras et italique correspondent aux éléments dans le décret du 3 janv 1989 4.3 LES MODALITÉS D'EXPRESSION DES LIMITES EN TOXICOLOGIE CHIMIQUE ET EN RADIOTOXICOLOGIE 4.3.1 Les limites en toxicologie chimique
En revanche, les mesures de surveillance ne différencient
pas la part de l'apport naturel de celle d'origine anthropogénique;
actuellement, en raison du développement industriel, la fraction
des toxiques d'origine anthropogénique à tendance à
augmenter et à se disperser. Si la valeur limite réglementaire
retenue est très supérieure aux concentrations naturelles,
il n'y a pas de problème. Par contre, comme les valeurs limites
ont tendance à diminuer normalement au fur et à mesure que
l'on appréhende mieux le risque, celles-ci se rapprochent progressivement
des concentrations naturelles et même dans certains cas peuvent leur
être inférieures.
(suite)
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On doit alors s'interroger sur la conduite à tenir au cas où la concentration dans les eaux naturelles, provenant d'un site qui a été retenu pour le stockage, franchirait la valeur réglementaire qui ne doit en aucun cas être dépassée. Ce problème risque de se poser de la même façon pour d'autres éléments issus du stockage. Toutefois, les analyses respectives des teneurs dans les eaux et les sols fournissent une première approche sur les notions de solubilité et de transfert dans les conditions naturelles; il faudra donc évaluer, si à terme, on peut assimiler les composés stockés aux éléments naturels. 4.3.2 Les limites en radiotoxicologie Dans ce domaine, les limites sont exprimées en doses efficaces engagées . Il faudra, pour obtenir le même mode d'expression des limites qu'en toxicologie chimique, convertir en doses par le calcul et en utilisant des modèles de transfert les quantités de radioactivité entrant chaque année dans l'organisme par incorporation et inhalation. C'est cette valeur qui peut garantir le respect de la dose limite; mais elle a l'inconvénient d'être calculée et non pas mesurée. Ce sont des concentrations dans l'air et dans l'eau de boisson qui sont mesurés comme en toxicologie chimique: Pour l'inhalation, on peut facilement passer de la limite de concentration dans l'air à une limite d'incorporation. Pour l'ingestion, par contre l'exercice est beaucoup plus difficile, car on ingère à la fois de l'eau et des aliments solides. Or, les éléments toxiques ne se "boivent" pas, le plus souvent, ils se "mangent". Ainsi, si l'on transforme la valeur annuelle d'incorporation de radioactivité par voie orale, en une concentration admissible dans l'eau qui est obtenue en divisant la radioactivité ingérée par l'absorption annuelle d'un m3 d'eau qui est la quantité d'eau absorbée annuellement par l'homme, on aboutit à une sous-estimation de la dose car on ne comptabilise pas l'apport par les aliments. Alors, dans ce cas, la limite de dose ne sera pas respectée. Cela apparaît à l'examen des valeurs rassemblées dans le tableau 8. En effet, pour ces éléments stables, la comparaison des limites réglementaires, obtenues à partir des concentrations admissibles dans l'eau, avec celles consécutives aux ingestions annuelles naturelles mesurées sur la base du régime alimentaire, met en évidence la sous-estimation résultant de cette conversion. Il s'ensuit que l'estimation basée sur le régime alimentaire, aboutira toujours à des incorporations supérieures par rapport au calcul utilisant les concentrations admissibles réglementaires. Les valeurs pour l'ingestion annuelle rassemblées dans le tableau 8 sont celles retenues pour l'homme de référence dans la CIPR. n° 23 [4]. Celles-ci, combinées aux résultats des mesures des quantités naturellement présentes dans tous les organes, ont permis la mise au point des modèles biocinétiques permettant de passer de la limite de dose aux limites d'incorporation. Les résultats pour les principaux éléments chimiques reportés sur la figure l, concernent les teneurs dans l'organisme en fonction des ingestions annuelles. Ils montrent que l'organisme humain vit en équilibre avec la géosphère et que les teneurs de tous les éléments chimiques doivent être maintenues à des niveaux les plus proches possibles des niveaux naturels. p.10
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figure 1:
TENEUR DANS L'ORGANISME DES PRINCIPAUX ELEMENTS CHIMIQUES (cliquer sur l'image pour taille MAXI)
Aujourd'hui ce sont les mesures réalisées dans la chaîne alimentaire qui garantissent le respect des doses limites pour l'incorporation des radionucléides par l'homme. Il est évident que pour les générations futures on ne peut utiliser cette méthode, car on ne connaît ni leurs habitudes alimentaires, ni l'évolution du climat qui les conditionnent. S'agissant des radionucléides à vie longue, on sera dans l'obligation de fixer des valeurs de concentration dans l'eau en y ajoutant un facteur de sécurité équivalent à la part due à l'ingestion et à l'incertitude du futur afin de garantir le respect des limites de dose. Ces études et ces estimations de concentration restent à faire. C'est pour de telles raisons que la CIPR n° 30 de 1979 n'a pas retenu (pour le calcul de la dose limite, les concentrations admissibles dans l'eau, contrairement à la CIPR n°2 de 1959 [3]. Les limites de concentrations dans l'eau prescrites par les directives européennes et reprises dans la réglementation française, n'offrent, dans ce cas de figure, aucune garantie sanitaire. 4.4 LA COMBINAISON DES RISQUES CHIMIQUES ET RADIOLOGIQUES Cette combinaison constitue l'exercice le plus difficile en matière de gestion sanitaire des déchets de haute activité et à vie longue. (suite)
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On peut, compte tenu des données
dont on dispose, aborder le problème de deux façons très
différentes.
La première utilisera les valeurs limites basées sur des données liées à l'action pathologique; la seconde, n'utilisera que des données naturelles et physiologiques. 4.4.1 L'approche pathologique
- pour les éléments chimiques, on utilisera, quand elles existent, les limites réglementaires exprimées en concentrations admissibles telles quelles figurent dans le décret du 3 janvier 1989 (10), dans les guidelines 1998 de l'OMS (11) ou dans la directive européenne 98/83 (19); les valeurs réglementaires précisées dans ces références figurent dans le tableau 9; dans le cas où elles n'existent pas on est désarmé. TABLEAU 9 : LIMITES DES TENEURS PAR m3 D'EAU POTABLE selon le décret de 1989, l'OMS de 1998 et la CEE de 1998
-pour les radionucléides, on partira des limites
de dose réglementaires (doses engagées efficaces ) ou celles
adaptées au principe de précaution décrites précédemment.
Après qu'une étude scientifique rigoureuse aura été
réalisée, on calculera les limites de concentration dans
l'eau de boisson,.
p.11
|
Cette approche rigoureuse s'avère
complexe, car on ne dispose pas aujourd'hui de toutes les bases scientifiques
permettant de la mettre en œuvre Mais elle a le mérite d'être
conforme aux réglementations actuelles. Même si on était
capable de la mettre en œuvre, il resterait encore deux problèmes
à résoudre:
-le premier est la fixation des concentrations pour de nombreux composés chimiques pour lesquels on ne dispose pas de valeurs limites, -le second est celui de la prise en compte ou non de l'apport naturel local lorsque les limites de concentration sont très proches des valeurs naturelles. Il s'ajoute à cela, la nécessité d'établir un point zéro dans l'environnement du site de stockage pour les radionucléides et les toxiques chimiques retenus. 4.4.2 L'approche physiologique
Dans ce cas, on utilisera donc comme base de données les valeurs mesurées chez l'homme. La démarche peut, à titre d'exemple, débuter à partir des quantités pondérales des principaux isotopes stables ou radioactifs, présents dans une tonne de métal lourd de combustible irradié. De ces données, on déduira pour chaque élément le nombre équivalent d'ingestions physiologiques annuelles en divisant la masse de l'élément présent dans la tonne de combustible irradié par la masse annuelle ingérée de chaque isotope stable ou radioactif. Cette masse annuelle ingérée est tout à fait comparable à la limite annuelle d'incorporation utilisée pour le calcul de la limite de dose annuelle. Quelques exemples de calcul figurent dans le tableau 10: NOMBRE ÉQUIVALENT D'INGESTION ANNUELLE CALCULE POUR LES MASSES PRÉSENTES DANS 1 TONNE DE COMBUSTIBLE USE AU DÉCHARGEMENT (MLi) Principales données
*résiduel, quantité résiduelle
après retraitement, incorporée dans les verres
(suite)
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Pour les éléments chimiques, on utilisera
les valeurs de la CIPR n° 23 [4]. Pour
les produits de fission et d'activation radioactifs à vie longue
on calculera, avec les meilleurs modèles métaboliques, les
ingestions annuelles, exprimées en masse, qui respectent la dose
de 1 mGy par an, valeur moyenne de l'exposition naturelle. Pour
les transuraniens, on prendra comme base, l'ingestion naturelle annuelle
d'un nanocurie (37 Bq) de radium-226. Sur la base des différents
facteurs d'absorption digestive, on calculera les masses des éléments
ostéotropes susceptibles d'être ingérés chaque
année.
La figure 2 illustre les résultats fournis par cette approche et le tableau 10 précise les principales données. Cette approche permet aussi de hiérarchiser les « risques potentiels » induits par tous les éléments présents dans le combustible irradié que leur action soit d'origine radiologique ou chimique. Elle met en évidence le rôle, bien appréhendé autrefois, de l'uranium en tant que toxique chimique: NOMBRE D'INGESTION ANNUELLE PHYSIOLOGIQUE DE L'HOMME "de référence" de la CIPR No 23 [4] calculé pour les masses d'éléments présents dans une tonne de combustible (MLi): (cliquer sur l'image pour taille MAXI) Une des difficultés de cette méthodologie concerne la transformation des ingestions annuelles en limites de concentration. Mais aussi bien l'approche pathologique que physiologique se heurte à ce même problème. Par contre, l'approche physiologique possède
de nombreux avantages, en particulier:
4.5 LES CONCLUSIONS POUR LES TOXIQUES ET COMPOSES CHIMIQUES La présence des toxiques dans les déchets
de haute activité et à vie longue soulève des difficultés
de gestion du risque sanitaire. Celles-ci sont de deux ordres:
p.12
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Deux approches pour la gestion du risque
sont possibles: l'une est basée sur des données fournies
par les études de pathologie, l'autre, s'appuie sur des valeurs
physiologiques mesurées chez l'homme normal.
La première respecte la philosophie et la démarche actuelle de la protection sanitaire La seconde est plus compatible avec le respect du principe de précaution. 5. LES CONCLUSIONS GÉNÉRALES
l-Pour respecter le principe de précaution dont font état les conclusions du Comité interministériel du 9 décembre 1998, il faudra, sur le plan radiologique, sélectionner les limites de dose les plus faibles parmi celles qui sont publiées dans les CIPR n°1 [1], n° 26 [5] et n° 60 [6]. (suite)
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On retiendra les valeurs les plus faibles à
moins qu'il ait été démontré de façon
indiscutable que des valeurs plus élevées garantissent une
même qualité de radioprotection. En ce qui concerne le risque
génétique, la meilleure approche pourrait être celle
de la publication de la CIPR n° 1 [1] qui raisonnait en terme
de nombreuses générations. Au préalable, il serait
souhaitable de vérifier que les données quantitatives utilisées
sont toujours en accord avec l'état des connaissances actuelles.
Toutefois, la tâche essentielle consiste à établir
des facteurs de conversion pour transposer les ingestions annuelles des
éléments en concentrations admissibles dans l'eau ou dans
l'air et à valider ces facteurs de conversion aussi bien pour les
radiotoxiques que les toxiques chimiques.
C'est lorsque toutes ces difficultés auront reçu des solutions que la gestion sanitaire des déchets de haute activité et à vie longue respectera pleinement le principe de précaution. p.13/1
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(1) Publications CIPR 1, annales de la CIPR, vol 7-1958 Pergamon Press Oxford 1958
(2) Effets génétiques des radiations chez l'homme. Etude des zones à forte radioactivité naturelle. Rapport technique n° 166 - OMS Genève- 1959.
(3) Publication CIPR 2 -1959- Gauthier Villars Ed. Paris 1963.
(4) Report of the task group on reference man -ICRP Publication n° 23 Pergamon Press 1975
(5) ICRP Publication n° 26, annales CIPR -vol 1 n°3- 1977 Pergamon Press Oxford 1977
(6) ICRP Publication n°60, annales CIPR, vol 21, n° 1-3, 1990 Pergamon Press Oxford 1991
(7) Limits for Intakes of radionucleides by workers -ICRP Publication 30 -part 1- Pergamon Press Oxford 1979
(8) Sources, effects and risks of ionizing radiation -1988- UNSCEAR -United Nations- New York 1988
(9) L'aval du cycle nucléaire -Tome 1 -C. Bataille & R. Galley, Officice Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques, Paris 1998
(10) Décret du 3 janvier 1989, J.O. du 4 janvier 1989 page 187
(11) Guidelines for drinking water quality- second edition - OMS 1998
(12) ANDRA in auditions de la CNE -8 décembre 1998-
(13) Rapport AECL (Canada) AECL 10901 - 1994
(14) CNE -rapport N°2, Septembre 1997
(15) MULLER H.J. 1n analysis of structural change in chromosomes of drosophila melanogaster, 1940
(16) RUSSEL X.L. Comparaison of X-ray induced mutations rates in drosophil and mice,. An Nat Suppl 90, 1956
(17) ICPR Publication n° 68 (remplacement de la n° 61) 1994
(18) National Bureau of Standarsd Washington DC 1941 (Handbook H27)
(19) Directives 98/83 du 3 nov 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine J.O. de la CEE du 5-12- 1998
La Commission lors de son audition du 24 mars 1999, a entendu un certain nombre d'experts sur les problèmes posés par les risques de criticité dans les stockages profonds. A part C.D. BOWMAN physicien nucléaire de renom qui a longtemps travaillé à Los Alamos, ces experts n'étaient pas directement impliqués dans de telles études mais s'exprimaient au nom de leurs organismes en charge, à l'étranger, de la gestion des déchets nucléaires. Les experts consultés étaient H. MAXEINER et D.F. Mc GINNES de la NAGRA (Suisse), C. THEGERSTROM de SKB (Suède), J.P MINON de l'ONDRAF (Belgique). P. COUSINOU représentait l'IPSN-. Les membres de la Commission ont pu prendre connaissance d'une communication sur l'analyse de sûreté pour la criticité d'un stockage profond élaboré par la GRS pour le site de Gorleben (B. GMAL, E.F. MOSER, W. WEBER). I1 s'agissait durant cette audition de prendre connaissance de la nature de ce risque et de l'état des réflexions et études éventuelles menées à ce sujet en France et à l'étranger. | 1. PRÉSENTATION DU PROBLÈME
Le risque de criticité dans un entreposage de longue durée ou un stockage de déchets ultimes ou non se pose dès lors que peuvent s'établir à la longue, en un endroit donné, des conditions favorables au développement d'une chaîne divergente de réactions de fission liées à la présence de matières fissiles. Ce phénomène est bien connu et maîtrisé dans les installations du cycle où circulent effectivement des matières fissiles. I1 est en revanche beaucoup moins étudié dans les entreposages ou les stockages de déchets nucléaires qui peuvent également renfermer des matières fissiles dans des situations de longue durée. C'est le cas des combustibles usés de type UOX ou MOX qui contiennent 0.8 % d'uranium-235 ainsi que la totalité du plutonium produit dans les réacteurs électrogènes (la concentration massique de plutonium est de l'ordre de 1% dans les UOX et peut atteindre 7 à 8% dans les MOX), ou des combustibles usés ayant servi dans des réacteurs de recherche ou pour la propulsion navale qui contiennent de l'uranium enrichi voire hautement enrichi. p.13/2
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Le risque de criticité
ne se pose a priori que pour ce type de colis, puisque les concentrations
massiques en plutonium restent très faibles (de l'ordre de quelques
10-5) dans les autres types de déchets, comme les verres
de retraitement ou les déchets B actuellement produits dans l'usine
de La Hague
(1). Le risque de criticité pourrait se poser
en France dans les entreposages de longue durée de combustibles
usés et dans leur stockage éventuel en couches géologiques
profondes.
Le risque de criticité apparaît lorsque le nombre de neutrons présents dans ce milieu (neutrons de fission spontanée ou résultant de réactions nucléaires induites par des rayonnements alpha émis lors de la désintégration de noyaux lourds radioactifs) est multiplié avec un coefficient de multiplication keff supérieur à 1. Cette situation dépend de nombreux paramètres comme la masse, la concentration et la distribution isotopique des noyaux fissiles, le spectre en énergie des neutrons, la composition chimique du milieu dans lequel est imbriquée cette matière fissile (qui influe sur la capture et le spectre en énergie des neutrons), l'importance des fuites de neutrons hors de ce milieu. Le développement d'une réaction en chaîne s'accompagne d'une libération d'énergie avec un certain niveau de puissance, qui peut modifier les propriétés mécaniques du milieu (par exemple détérioration des colis, modification de l'hydrogéologie locale) et mettre en cause les performances attendues de l'entreposage ou du stockage concerné.. Les analyses de criticité dans les stockages suivent la méthodologie générale des analyses de situations accidentelles. Elles suivent une démarche déterministe qui consiste à calculer keff dans tel ou tel scénario normal ou accidentel susceptible d'affecter le niveau de criticité. Le critère conservatif de non-criticité adopté partout est que la valeur de (keff + incertitude) reste toujours inférieure à 0,95, quelles que soient les conséquences et la probabilité d'occurrence du scénario.. De ces analyses peuvent ensuite découler des options techniques que les concepteurs des colis et de l'ensemble du stockage peuvent être amenés à prendre en vue d'étayer solidement leurs dossiers de sûreté vis à vis du risque de criticité. C'est l'approche qui a été présentée à la Commission par l'ensemble des opérateurs lors de leur audition. 2. UN EXEMPLE DE SCÉNARIO DE CRITICITE:
LA DISPERSION SÈCHE DU PLUTONIUM EN PRÉSENCE DE SILICE
Un tel scénario ne concerne pas un stockage de combustibles usés UOX qui contient environ 1,5 % en masse de noyaux fissiles (uranium-235, plutonium-239 et plutonium-241) et qui fait seul l'objet des investigations menées par les organismes entendus (instituts de sûreté et opérateurs des stockages). (suite)
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3. LES ÉTUDES ET
RÉFLEXIONS MENÉES PAR LES ORGANISMES A L'ÉTRANGER
Le niveau de détail atteint par les études de criticité dans les stockages est assez variable d'un opérateur à l'autre. La nécessité d'une prise en compte du risque de criticité est affirmée par tous et les scénarios étudiés font tous appel à la possibilité d'intrusion d'eau dans des conteneurs contenant des assemblages de combustibles usés ou à la possibilité de processus de mobilisation/précipitation de matières fissiles dans un stockage. Les parades visant à maintenir un niveau de sous-criticité acceptable (keff < 0,95) sont mises en œuvre ou envisagées, elles portent sur la géométrie des conteneurs et le nombre d'assemblages par conteneur, l'introduction d'absorbants de neutrons, le blocage des espaces vides par un matériau évitant l'intrusion d'eau ainsi que celui des assemblage pour diminuer les risques de mobilisation/précipitation de matières fissiles. A titre d'exemple, GRS, institut équivalent
de l'IPSN en Allemagne, a procédé à un. analyse déterministe
du risque de criticité d'un stockage dans une formation saline de
combustibles usés UOX et MOX placés dans des conteneurs de
type POLLUX (10 assemblages) ou ELB-3 (3 assemblages). Le scénario
considéré est celui de l'intrusion d'une saumure dans un
tel conteneur qui viendrait à se détériorer. Le niveau
de criticité est mesuré par le coefficient de multiplication
keff, calculé en fonction des paramètres suivants:
L'étude paramétrique associée à ce scénario très conservatif, montre qu'à toute époque du futur, le coefficient keff reste inférieur à 1 (pas de risque de criticité) pour les deux types de conteneurs, pourvu que soient bien dimensionnés le nombre d'assemblages par conteneurs et l'épaisseur de l'enveloppe. La même démarche est adoptée par SKB en Suède et la NAGRA en Suisse, appliquée aux conteneurs choisis et au granite. En Belgique, l'ONDRAF prévoit également une évaluation des risques de criticité, en introduisant cependant une approche probabiliste. Enfin, une équipe de Framatome a développé dans le cadre du projet de Yucca Mountain aux États-Unis une méthodologie générale pour évaluer le risque de criticité à toute époque après la fermeture. Elle prend en compte d'une manière détaillée l'ensemble des paramètres du stockage en situation dégradée (nature, inventaire et forme physico-chimique des colis de déchets, barrières ouvragées, roche hôte). Cette approche sera utilisée dans le cadre de la démonstration de sûreté. La Commission n'a pas recueilli d'informations sur les risques de criticités liés à I'entreposage de longue durée car les pays représentés par les experts auditionnés n'ont pas retenu cette option pour la gestion de leurs déchets. 4. LA SITUATION EN FRANCE
p.14
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