Préambule
D’une façon
générale le problème des déchets ne peut pas
être sorti de son contexte sans distorsion dans l’approche. Ce qui
oblige de fait à se pencher sur le programme nucléaire et
sa mise en oeuvre de la mine au retraitement ou non en passant par l'enrichissement,
le façonnage, l'entreposage des barreaux irradiés. Chaque
étape crée des déchets et leur traitement dépendra
de leur radiotoxicité, de leur forme physico-chimique et de leur
réemploi éventuel.
Notons que la
loi de 1991 est un bon début mais comme elle ne traite que les déchets
de haute et moyenne activité, à vie longue, sa portée
est réduite. De plus les axes qui ont été définis
dans la loi représentent un moment donné des réflexions
(1991). Il est possible qu’en 2006 on s’aperçoive que d’autres recherches
seront nécessaires et que celles qui avaient été préconisées
s'avèrent des culs de sacs.
Toutes ces considérations
n'empêchent pas qu'il faut se préoccuper des déchets
et éviter de croire ou faire croire que tout n'est qu'affaire de
recherche. Selon les scénarios (nucléaire toujours plus,
stabilisation, décroissance ou même arrêt) la quantité
de déchets et leur traitement différeront mais en tout état
de cause des déchets sont déjà présents et
il faut trouver des solutions pour préserver la santé des
populations et plus généralement l'environnement. La réversibilité
sera d'autant plus facile qu'il y aura moins de déchets (scénarios
réduction ou arrêt).
Quelques questions préalables s’imposent sur ce problème de l’enfouissement des déchets.
1) Y a-t-il urgence à
enfouir ? Pourquoi cette précipitation ? Pourquoi ne pas continuer,
à la lumière des expériences étrangères
et française la caractérisation des milieux et des types
de déchets en petites unités, type MOL ou LEMI de l’IPSN?
Pourquoi faut-il déterminer des sites de stockage en profondeur
définitifs avant 2006? Le bilan des connaissances permet-il de définir
un laboratoire? N’est-il pas préférable de continuer des
recherches sur petits sites pour mieux mesurer l’impact d’une telle installation
: transport, stockage intermédiaire, rejets, impact sur le vivant,.....?
Un calendrier détaillé
et justifié de la gestion des déchets devrait être
fourni.
2) Il est incorrect de définir les déchets uniquement par leur activité (en becquerels, Bq). Si le danger du stockage de ces déchets est dû aux effets biologiques du rayonnement (et de la radioactivité) il serait logique de définir les déchets par leur radiotoxicité. Ceci n'est pas le cas. Il faut donc, pour chaque fût de déchets existant actuellement, définir son niveau de radiotoxicité à partir des radioéléments qu'il contient.
3) Il faudrait assainir
tous les sites connus pour que les populations constatent que la prise
en charge des déchets est une réalité. De plus cela
permettrait de faire l’inventaire de l’accumulation du passé et
des possibilités de reprise.
Si les archives ne permettent
pas d'établir un tel inventaire il est nécessaire de contrôler
chaque container existant en mesurant la radioactivité qu'il contient
et sous quelle forme. Il faut aussi vérifier la reprise des boues
de l’usine COGEMA de la Hague et des autres sites tels Marcoule, Cadarache,
Valduc....
4) Il est nécessaire, avant toute recherche, de définir un cahier des charges précis que devraient respecter les divers blocs de confinement (bitumes, bétons, verres) et les moyens de vérifier le respect de ce cahier des charges pour chaque type de confinement. Ce cahier tiendrait compte du degré de fiabilité nécessaire pour agréer un colis dans le cadre de la notion de réversibilité ou de la non réversibilité.
5) C'est à partir de ce cahier des charges que les divers conteneurs de déchets nucléaires devraient être examinés. Les conteneurs défectueux ou hors normes devraient être repris et les radioéléments qu'ils contiennent devraient être reconditionnés.
6) Une attention particulière
doit être apportée aux déchets vitrifiés.
- quelle est la tenue réelle de ces blocs
de verre ?
- les essais de durée de vie assurant
un confinement correct sont-ils crédibles pour les durées
qui sont envisagées ? Les essais sont-ils valables pour les blocs
contenant des émetteurs alpha et qui sont soumis, outre le rayonnement,
à la pression interne de l'hélium résultant de l'émission
alpha?
- les résultats qui sont donnés
proviennent-ils des premiers blocs vitrifiés élaborés
avec de faibles quantités de radioactivité ? Sont-ils valables
pour les blocs fabriqués actuellement ou ceux qui le seront à
l'avenir ?
Une discussion sur la tenue
de ces verres, point capital pour le stockage en profondeur, devrait être
ouverte largement. Elle n'est possible que si l'accès à toutes
les données scientifiques est garanti.
7) Avant toute recherche de terrain il est nécessaire de définir au préalable les qualités exigées d'un sous-sol pour qu'il soit retenu comme site de stockage en profondeur, elles devraient être caractérisées par des grandeurs physiques mesurables. La définition de ces qualités du sous-sol doit donner lieu à un débat largement ouvert. Il faut aussi opposer le profond et la subsurface sur 2 points capitaux : réversibilité et surveillance.
8) L'étude de sûreté
relative aux sites de stockage doit être faite soigneusement, en
particulier sur les points suivants :
- conditions de transport des déchets
vers le site et les accidents possibles, leur gestion.
- le stockage temporaire en surface sur le site.
- les actes de malveillance sur le site et les
mesures à envisager pour les éviter.
- la situation du site en cas de troubles sociaux
violents, de guerre.
- la sismicité.
9) Les laboratoires d'étude
du stockage en profondeur des déchets nucléaires ne peuvent
être créés sans qu'il soit défini ce qu'on envisage
d'y faire. Une description détaillée des expériences
prévues doit être rendue publique ainsi que les résultats
que l'on attend de ces laboratoires ? Il est inacceptable de créer
ces laboratoires sans que l'on définisse avec précision les
buts recherchés.
Cette liste n'est pas exhaustive
Le critère de base pour le stockage des
déchets nucléaires doit être fondé sur la protection
sanitaire de la population et des générations futures. C'est
donc à la population de définir les critères d'acceptabilité
d'un tel stockage, le prix à payer s'exprimant en cancers, morbidité
et accroissement du fardeau génétique. Une grande prudence
doit être de rigueur vis à vis de ces critères car
il est a priori impossible de connaître les conditions de vie des
générations futures et les critères que ces générations
pourraient considérer comme acceptables.
Le laboratoire, sa nécessité,
son apport aux problèmes des déchets
S'il existe
une nécessité c'est celle qui consiste à développer
des techniques de gestion des déchets qui minimisent le retour des
radioéléments dans la biosphère. Le stockage en couches
géologiques profondes que doit tester le laboratoire est-il suffisamment
bien défini pour pouvoir avoir un apport décisif à
cette gestion ?
Il n'est pas aisé de répondre
à cette question. L'analyse des divers documents montre la complexité
du sujet.
l'IPSN a étudié
différents milieux à l'aide de petites unités dénommées
LEMI (Laboratoires d'Études Méthodologiques et Instrumentales,
nous reviendrons sur ces petites unités). Ces études menées
depuis plus de 15 ans n'ont pas encore permis de disposer de modèles
vraiment fiables permettant d'étudier un terrain. La géologie
nous renseigne bien sur le passé d'une région mais elle a
du mal à nous prédire son futur.
Il n'est toujours pas évident
que le meilleur choix soit celui de l'enfouissement profond. En effet le
suivi des déchets enrobés et installés dans une galerie
dont l'accès n'est plus possible une fois le bouchage du site effectué,
reste un point difficile. Cette solution peut être valable, éventuellement
pour le court terme mais si on décèle une pollution que fera-t-on?
Si on est en cours de remplissage,
l'accès aux galeries sera peut-être encore possible avec des
robots. Si on est en phase terminale, on pourra suivre la pollution mais
comment pourra-t-on encore intervenir sur le site. Le site, une fois fermé
on ne pourra que déplorer la pollution. Il est clair que le droit
à l’erreur n’existe pas mais les exemples ne manquent pas sur l'impossibilité
de la perfection. Par exemple, le site Manche est un raté et le
site Aube (qui a bénéficié de l'expérience
du site Manche) présente déjà des défaillances.
Le choix d’un stockage en profondeur
demande encore des études pour être sûr que cette solution
en est une. En l’absence de réponses fiables l'attitude conforme
au principe de précaution est la limitation stricte des déchets
et des rejets ainsi qu’un entreposage dans des conditions telles qu’une
reprise soit possible.
Il faut être conscient
que, probablement on parviendra à assurer la sécurité
des populations sur des décennies mais au delà de quelques
centaines d'années les prévisions deviennent très
incertaines.
Le laboratoire est, donc, une
inélégante solution pour éviter de se poser les questions
de fond :
-1 Ayons le courage de nous poser des questions
sur notre consommation d'énergie et ce sera une des façon
de limiter notre production de déchets si nous parvenons à
la réguler. Ces déchets sont d'ailleurs de toute nature,
radioactive, chimique
-2 Au-delà des paroles rassurantes y-a-t-il
un examen de toutes les possibilités de protéger les humains
et leur biosphère. A-t-on analysé la solution d'entreposage
des déchets pour assurer leur surveillance et éviter de polluer
irrémédiablement le sous-sol ?
Il est souvent affirmé
que des laboratoires sont indispensables pour la recherche
- de matrices de déchets présentant
la plus grande résistance possible à l'eau pour réduire
les transferts de produits radioactifs,
- de sur conteneurs résistants à l'eau
et retardant la destruction des colis,
- de la meilleure roche d'accueil - argile, sel,
granite, schistes-,
- de procédés d'obturation des galeries
pour éviter qu'elles ne constituent des failles dans le confinement.
Ces études peuvent être
faites avec les LEMI. Certaines ont d'ailleurs été menées.
On est donc plutôt à l’heure des bilans. On peut modéliser
les résultats et tester ces modèles de LEMI en LEMI, avant
de se lancer sur des échelles plus grandes. Vérifions la
pertinence des hypothèses sur de petites unités d'une part
c'est plus facile et d'autre part cela évite de se trouver dans
une situation irréversible.
Le dernier point est qu'il manque
encore une règle du jeu bien définie pour étudier
un site profond. Le Centre Manche a permis de mettre sur pied une Règle
Fondamentale de Sûreté pour les sites de surface (règle
appliquée seulement dans l'Aube). Cette RFS qui prévoyait
un site sans rejet s’avère dès à présent optimiste,
le site Aube (4 ans de fonctionnement) a besoin d’une autorisation de rejets
et est à l’origine de diverses pollutions dont du tritium.
Celle destinée aux sites
profonds n'existe toujours pas ce qui ne facilite pas la recherche d'une
solution. La publication d'une règle très générale
(RFS III-2-f- 1991) sur le sujet n'a rien clarifié et laisse la
porte ouverte à toutes les interprétations. De plus elle
commence sérieusement à dater et il serait judicieux de l'actualiser
à la lumière de tous les travaux réalisés depuis
1991.
L'IPSN a mené de nombreuses études sur le problème de l'efficacité des barrières géologiques face à la migration des déchets radioactifs. En 1992 une première évaluation de ces études a été présentée au Comité Scientifique de l'IPSN. Depuis il y a eu des revues critiques en 1994 et 1996.
1 ÉVALUATION 1992
La majeure partie
des travaux portaient sur le granite, un seul était sur l'argile
au LEMI de Tournemire.
Les rapporteurs
s'interrogeaient sur l'ensemble des études en notant l'absence de
travail de synthèse, l'absence de comparaison avec des travaux internationaux..
Ils déploraient également que les études se bornent
à accumuler des résultats sans faire apparaître les
acquis et les manques.
Voici l'intégralité
de leurs recommandations:
" L'objectif majeur des travaux
réalisés dans les LEMI semble être de développer
un savoir faire méthodologique et instrumental. Il parait donc essentiel,
qu'à la fin de chaque opération, soient tirées les
leçons de l'expérience de façon à bien souligner
les acquis et les questions laissées en suspens. En outre, une étude
bibliographique devrait être entreprise systématiquement avant
toute étude de terrain de façon à montrer en quoi
le travail proposé est original et comment il fait avancer les connaissances,
La lecture de
l'ensemble de ces travaux donne l'impression qu'un grand effort a été
fait pour élaborer les éléments d'un puzzle mais que
personne ne s'est soucié de l'assemblage des différents morceaux
du puzzle. Certes le rapport 'Goguel " a le mérite d'énoncer
un certain nombre de règles permettant de définir le cadre
d'une étude de stockage profond. Mais qui se soucie de montrer comment
les travaux effectués dans les LEMI permettent effectivement de
répondre aux questions posées par l'application de ces règles?
Il nous semble qu'un document de synthèse sur les résultats
acquis serait nécessaire, ne serait-ce que pour faire le point sur
ce que l'on sait faire aujourd'hui et ce que l'on ne sait pas faire. Ce
travail de synthèse devrait d'ailleurs intégrer les résultats
obtenus sur les autres sites expérimentaux à l'étranger
de façon à préciser la stratégie à suivre
pour le futur.
Un moyen très
efficace, et peut-être le seul, de montrer qu'un travail de recherche
est solide est de le publier dans des revues à comité de
lecture. Les rapporteurs font leur travail, et la qualité des études
s'en trouvent presque toujours nettement accrue. "
2 SYNTHÈSE 1994
Ces recommandations
sévères ont abouti à un travail de synthèse
présenté en février 1994 dont je vais tirer quelques
extraits. L'auteur ( Jean Claude Barescut ) part du principe :
" une solution ne pourra être
acceptable que si l'on peut prouver que son impact radiologique et les
contraintes qu'elle impose aux populations actuelles et futures sont insignifiants."
Il en conclut :
" Une démonstration
à ces échelles de temps et d'espaces [ durée de
vie le million d'années et perte d'efficacité sur quelques
milliers d'années ] ne peut reposer sur des expériences
en vraie grandeur. Le recours à la modélisation est obligatoire
pour faire une synthèse entre les expériences partielles
et pour assurer les nécessaires transpositions d'échelles
d'espace et de temps."
Il ajoute que la
responsabilité de la conception et de la mise en oeuvre des stockages
est du ressort des exploitants et que la mission de l'IPSN est de conseiller
les pouvoirs publics et d'évaluer les arguments des exploitants.
En conséquence
l'IPSN doit développer ses moyens d'expertise et en particulier
maîtriser la modélisation.
Un point important
est le suivant
" Si les travaux
sur la barrière géologique sont privilégiés
actuellement c'est que tous les spécialistes s'accordent pour juger
que c'est l'alternative la plus avancée et le passage obligé
pour tout mode d'élimination.... Les travaux seront réorientés,
si nécessaires, en fonction de l'avancée éventuelle
de solutions nouvelles ou du retour en grâce de solutions examinées
autrefois."[ souligné par le GSIEN]
Modélisations
Les modélisations
ont été établies avec différents résultats
physiques
1 La complexité des couplages
La migration des
produits radioactifs est gouvernée par les mouvements de l'eau dans
le sol. C'est un problème d'hydraulique mais vont intervenir aussi
la dilatation de la roche, les colmatages chimiques, les effets thermiques,
les mouvements tectoniques.
2 la perméabilité
en milieu fracturé
" On arrive
à établir quelques liaisons entre les grands mouvements subis
par les massifs mais on est loin de pouvoir prédire la perméabilité
d'un massif à partir de son histoire."
" Il y a d'ailleurs
un problème de fond pour l'exploration d'un site de stockage potentiel
car on ne peut se permettre de truffer le sol de forages d'exploration."
3 l'effet thermo-hydro-mécanique
" Le principal
problème des milieux fissurés est sans doute le chauffage
par les déchets."
" Il est impossible
de représenter le réseau de fractures réelles mais
les conclusions qualitatives sont sans ambiguïté : de larges
fissures et un soulèvement du sol de quelques dizaines de cm sont
à attendre d'un stockage type. Cela peut conduire à réduire
la charge chauffante ( espacement des colis, refroidissement préliminaire)
ou à le placer plus en profondeur."
4 la chimie
" Le rassemblement
des données existantes est un vaste travail mené à
l'échelle internationale. La mesures des constantes manquantes,
surtout lorsqu'elle doit se faire en laboratoire " chaud " ne progresse
que très lentement."
5 la géoprospective
Pour le stockage
profond on mise sur " Un des critères de choix d'un site est
justement d'éliminer les sites où ces effets [ variation
du niveau des mers, séismes, érosion, etc...] sont envisageables..
"bien qu ' on ne peut se contenter de considérer que les conditions
externes resteront fixes."
Validation des modèles
Après cette
revue des modélisations il aborde un point difficile, la validation
des modèles.
"Trois voies s'ouvrent à
nous pour valider les modèles. Le travail sur échantillon
en laboratoire, le travail sur site [l'IPSN a appelé ses sites
LEMI mais pour ne pas créer une confusion avec les laboratoires
de l'ANDRA, ils seront dénommés sites d'études ] en
tentant de maîtriser les conditions expérimentales. Et enfin
le travail sur le terrain dans des cas où la maîtrise des
conditions est quasi nulle."
"le laboratoire
est essentiel pour analyser les roches, mesurer les perméabilités,
la conduction thermique.....' en un mot pour mettre en évidence
les paramètres essentiels aux modèles.
En ce qui concerne le travail sur
site citons notre auteur:
" Dès
lors que l'on aborde des phénomènes où joue une variabilité
spatiale, le travail sur le terrain devient indispensable. C'est également
nécessaire pour être sûr qu'il n'y a pas de phénomènes
ayant échappé au travail de laboratoire. Le travail sur terrain
est indispensable pour valider les modèles de circulation.
Il y a une nuance
importante entre deux types de laboratoires. Les premiers servent à
la validation et à la progression des connaissances. On peut mettre
dans cette catégories les études sur sites de l'IPSN.....
Une deuxième catégorie est celle pour laquelle on a tendance
à réserver la dénomination
- laboratoire souterrain - . Ce type de laboratoire, normalement de
dimensions représentatives d'un stockage est avant tout destiné
à
vérifier qu'un site déterminé est apte au stockage.
On élimine donc a priori tout emplacement pour lequel on a un doute
sur son aptitude future. En principe, ne serait-ce que pour des questions
de coûts, on devrait être sûr de disposer de modèles
et techniques nécessaires avant d'entreprendre ce type de construction..
En pratique, la phase d'exploration préliminaire offre encore des
possibilités de validation."
Ainsi il est rappelé
" Du point de vue scientifique la limite est floue. La différence
est dans la finalité : les premiers sont consacrés à
l'avancement des sciences et techniques alors que les seconds, comme le
médiateur le rappelle souvent sont des reconnaissances de sites
et pourront se transformer en stockage s'il se confirme qu'ils sont adaptés."
Toute la question
est là : Sont-ce des véritables reconnaissances de sites
et se retirera-t-on d'un de ces sites s'il s'avère inadéquat.
Une claire réponse à une telle question clarifierait le débat.
Ce rapport nous
présente un bilan sur Fanay et les milieux fissurés dans
le granite. Il reste encore beaucoup de travail avant d'avancer dans la
modélisation, en particulier sur la circulation de l'eau en milieu
fissuré. On a une connaissance au point de forage et on ne sait
pas du tout raccorder les forages entre eux.
Les milieux argileux ( Mol en Belgique
et Tournemire) sont présentés reposant sur le fait que:
"La perméabilité
de l'argile est si basse qu'elle peut être considérée
comme nulle. Le problème est donc comme pour le granite de prouver
que des circulations ne peuvent court-circuiter l'argile saine."
Voici les conclusions
" C'est à l'exploitant de
choisir sa stratégie de protection et il est clair que s'il estime
que sa démonstration peut se passer de faire appel aux propriétés
protectrices de certains sous-systèmes, il a tout intérêt
à cibler ses efforts sur les autres. Plus il arrivera à affiner
ses marges sur les phénomènes qu'il prend en compte, plus
il aura de latitude pour prendre de marge sur les phénomènes
incertains. Par exemple, on a indiqué que la fracturation des milieux
granitiques posait encore quelques problèmes de part la difficulté
de repérer les fissures conductrices et à garantir qu'il
ne s'en ouvrira pas d'autres. Il n'est pas impossible que des études
ultérieures ne montrent que cette crainte est exagérée
mais une façon de tourner la difficulté pourrait être
de se reposer plus sur les qualités du colis de déchets (
c'est l'option suédoise) ou de ses barrières ouvragées.
L'exploitant peut aussi éviter la difficulté en préférant
les milieux sédimentaires multicouches. L'exploitant n'est en
fait soumis qu'à l'obligation de résultats et non de moyens.
Quels que soient ses choix, il devra faire la preuve incontestable de l'efficacité
de sa solution."
" Au stade où
en sont les études il est donc sans doute trop tôt, aussi
bien pour l'exploitant que pour l'IPSN, pour trop restreindre les domaines
d'étude. L'exploitant a des projets importants, en particulier ceux
demandés par la loi. L'IPSN doit optimiser son effort en
se préparant à évaluer les propositions des exploitants
mais aussi en justifiant sa compétence d'expert. Il faut, pour cela
que ses modèles et leurs utilisateurs aient fait la preuve de leur
validité pour les uns, de leur compétence pour les autres.
Toutes ces raisons justifient que ce domaine clé bénéficie
d'une attention soutenue et soit l'occasion de collaborations internationales
autour de la modélisation et des activités de validation
associées."
3 ÉVALUATION 1997
Le dossier qui
a été présenté est celui de Tournemire. Il
s'agit d'un LEMI argile. Les principales conclusions sont :
"Les premières
études ont montré que les fissures constituent la seule possibilité
pratique de transport. Leur contenu sera analysé en vue d'une interprétation
par des modèles couplés chimie-transport.
En effet, à
part la reconnaissance directe par forage, aucune méthode ne peut
garantir qu'une fissure conductrice ne passe pas à proximité
d'un stockage. Même si un maillage suffisamment fin, rendait la chose
possible, de nouvelles fissures conductrices pourraient en tout état
de cause se former, soit sous l'effet de phénomènes naturels
(néotectonique et séisme ), soit sous l'effet du chauffage
par les déchets.
Les fissures
dans les argiles profondes s'expliquent par la dureté et le caractère
cassant de ces matériaux. Il semble bien que leur colmatage naturel
soit suffisant pour que la circulation d'eau reste insignifiante mais des
zones d'ombre subsistent dans ce domaine. Il convient de développer
les moyens de prévision de la formation et du colmatage des fissures.
"
L'IPSN s'est doté d'un certain
nombre d'outils. Il remplit sa mission d'expertise. La découverte
de fissurations en argile comme en granite a été l'apport
de Tournemire. L'étude approfondie est en cours.
Plusieurs points restent en suspend:
-l'influence de la chimie sur le colmatage
ou non des fissures
-la formation ou la réouverture
de fissures après remplissage d'un stockage.
-l'inhomogénéité
de l'argile, bien supérieure à ce qu'on avait estimé.
-L'importance du temps d'ouverture
d'un stockage. Pour éviter des problèmes d'oxydation des
roches, il faut fermer le plus vite possible. Ceci est en contradiction
avec le principe de réversibilité.
En 1997 les incertitudes ont conduit
le rapporteur à émettre cette remarque :
"L'application
brutale du principe de précaution conduirait à accumuler
les protections, une application plus nuancée conduit à vérifier
avant tout qu'une protection supplémentaire ne va pas contrarier
l'efficacité des protections les plus essentielles."(IPSN
-DRN rapport 97/02)
On entre là
dans un domaine difficile. Pour que le stockage soit réversible
on doit prévoir certains types de bouchage et certains types de
conteneurs, ce ne sont pas forcément les plus efficaces pour ne
pas polluer l'environnement. Mais si on recherche l'efficacité de
protection de l'environnement alors le stockage devient irréversible
au moins à l'aune de nos connaissances.
En tout état
de cause il vaut mieux vérifier sur les petits sites les hypothèses
de circulation des eaux, de fracturation, da tenue des emballages et des
ouvrages et comment se gère la réversibilité
Ce rapport n'est
pas un rapport de conclusions mais il tente, à partir des connaissances
actuelles de définir les champs d'études et de pointer le
manque de connaissances. Trois priorités ressortent :
1- l'hydrogéologie explicative
liée aux problème des fissures, celles existant préalablement
aux travaux et celles engendrées par le stockage.
2- la géochimie, les
caractéristiques chimiques gouvernant les phénomènes
en solution et ceux aux interfaces solide-liquide doivent être précisées.
3- la compréhension
des cycles de la biosphère. C'est pour mieux approcher le pouvoir
de dilution ou non de la biosphère. Par exemple le cycle de l'iode
doit être étudié dès maintenant car les roches
n'ont aucun pouvoir de rétention de cet élément. Ce
problème est présent sur le site Manche et sur celui de l'Aube.
COMME QUOI IL Y A ENCORE BIEN DU TRAVAIL
AVANT DE POUVOIR DÉCIDER ET CE TRAVAIL PEUT SE FAIRE EN PETITS LABORATOIRES.
IL FAUT ENCORE DE LONGUES ÉTUDES AVANT LA MISE EN ROUTE D'UN LABORATOIRE
PRÉLUDE A UN STOCKAGE
THÈMES POUR LA RÉVERSIBILITÉ DES STOCKAGES
La notion de réversibilité
ou de non réversibilité est à évoquer avant
tout autre thème. En effet pour pouvoir reprendre un stockage il
faut avoir prévu de le faire sinon la tâche s'avère
vite inextricable. Prenons un cas d'école le site Manche (CSM).
Sur ce site il a été montré qu’il existait des colis
irradiants et/ou hors normes actuelles. Ceci ne facilite pas sa surveillance
et ne permet pas d’envisager son retour à un terrain sans risque
avant 500, voire 600 ans au lieu des 300 annoncés à la population
(et toujours mis en avant pour les sites de surface). Cependant il n’a
pas été possible d’envisager la reprise de ces colis. Deux
raisons se sont mélangées :
-La première était l'extrême
difficulté à reprendre un colis situé sous trois couches
successives d’autres colis et de béton,
-La deuxième la nécessité
d’avoir un moyen de reprise des déchets extraits au fur et à
mesure de la progression du chantier et un endroit pour les stocker, évidemment
différent du CSM.
Le site devra donc
rester en l'état pendant un temps nettement supérieur à
celui prévu et surtout son impact environnemental est difficile
à estimer à long terme.
Un autre cas est
celui du Bouchet. Il a été stocké en pleine terre
des résidus de traitement de minerais d'uranium très riche.
Ces résidus dont la concentration en alpha est supérieur
aux normes admises pour un site de surface ont dus être laissés
en place d'une part parce que le travail de reprise doit être étudié
avec soin mais aussi parce qu'il n'existe aucun site où transférer
de tels déchets. On devra pourtant reprendre les travaux pour éviter
le transfert de radium dans l'environnement. Le site est juste en bordure
de la Juine...
La notion de réversibilité
s'applique surtout aux déchets à venir car pour ceux existants
on devra se contenter de faire au mieux pour protéger l'homme et
son environnement. C'est pourquoi il ne faut rien engager d'irréversible
et limiter autant que possible les déchets. Entreposer des combustibles
est finalement la voie la plus ouverte pour tenter de trouver des solutions.
Diminuer le recours au nucléaire est une autre approche qui permettra
de limiter les stocks.
En ce qui concerne
la réversibilité ou non la loi de décembre 1991 présente
des incohérences entre son article 2 et son article 3 :
- Art 2 (redéfinition de l'art
3 de 1976) " Le stockage souterrain en couches géologiques profondes
de produits dangereux de quelque nature qu'ils soient, est soumis à
autorisation administrative. Cette autorisation ne peut être accordée
ou prolongée que pour une durée limitée et peut en
conséquence prévoir les conditions de réversibilité
du stockage. Les produits doivent être retirés à l'expiration
de l'autorisation.
Les conditions
et garanties selon lesquelles certaines autorisations peuvent être
accordées ou prolongées pour une durée illimitée,
par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent,
seront définies dans une loi ultérieure."
-Art 3 "Le Gouvernement adresse
chaque année au Parlement un rapport faisant état de l'avancement
des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue et des travaux qui sont menés
simultanément pour :
-la recherche
de solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments
radioactifs à vie longue présents dans ces déchets;
-l'étude
des possibilités de stockage réversible ou irréversible
dans les formations géologiques profondes, grâce notamment
à la réalisation de laboratoires souterrains;
-l'étude
de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue
durée en surface de ces déchets.
.............
A l'issue d'une
période qui ne pourra excéder quinze ans à compter
de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera
au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches accompagné
d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création
d'un centre de stockage de déchets radioactifs à haute activité
et à vie longue ...."
Il y a incohérence
interne dans l'article 2. En effet l'autorisation ne peut être accordée
ou prolongée que pour une durée limitée et peut
en conséquence prévoir les conditions de réversibilité.
Manifestement ce n'est pas "peut" mais "doit" qui s'applique au premier
alinéa. Puis 3 lignes plus loin on trouve une solution, ce peut
être illimité par dérogation, seule nuance cette
dérogation sera définie dans une loi...
L'article 3 précise
réversible ou irréversible mais la future loi aura intérêt
à revoir l'article incriminé où on retombe sur ses
pieds par dérogation....
notion de réversibilité
La réversibilité
reste un point ambiguë. S'agissant d'un laboratoire on peut penser
que ce sera possible.
S'agissant d'un
site de stockage, une fois le site fermé, ce ne sera pas possible,
sinon ce site ne serait pas étanche.
La loi de 1991
et même celle de 1976, ainsi que les décrets de 1992 puis
1993 précise quelques modalités d'installation d'un laboratoire.
En particulier le cahier des charges prévoit la remise en état
du site s'il n'est pas retenu comme stockage.
L'examen de la
notion de réversibilité dans le cas d’un stockage conduit
à la définition suivante :
" c'est la possibilité
de ressortir des colis qui auraient été stockés dans
des galeries en profondeur."
Facile à
définir mais cela implique quoi pour le stockage ? On peut ajouter
que la réglementation en vigueur ne précise actuellement
pas les modalités techniques de la réversibilité.
En particulier, la durée pendant laquelle une reprise est possible
n’est pas du tout évoquée.
Le projet de l'ANDRA
prévoit quant à lui une période de réversibilité
garantie sur 50 à 100 ans.
Le concept de réversibilité
reposera sur :
-le type de soutènement à
adopter pour maintenir l'accessibilité des puits et galeries de
stockage,
-le type de matériaux utilisés
mis en place entre les colis de déchets et la galerie souterraine
pour garantir à la fois une bonne protection contre la corrosion
et une reprise des colis,
-le type de matériel de surveillance.
l'ANDRA a défini
deux niveaux de réversibilité possibles
"- 1 niveau
colis stockés dans une galerie
ouverte dans laquelle ils seraient accessibles, la reprise des colis se
faisant avec les mêmes moyens que pour leur mise en place,
- 2 niveau
galeries remblayées pour
améliorer le confinement à long terme, mais qui pourraient
être déblayées."
En conséquence :
" Pour vérifier
l'efficacité de la réversibilité le projet ANDRA prévoit,
dans la phase future de stockage, de n'introduire qu'une quantité
limitée de déchets pour vérifier, sur quelques dizaines
d'années, le caractère opérationnel du dispositif
de réversibilité. D'après les connaissances actuelles,
il est raisonnable de penser qu'une réversibilité peut être
garantie jusqu'en 2050 voire 2100, c'est à dire durant la durée
d'exploitation industrielle du site. "
un point important est le suivant
:
" Notons que
la notion de réversibilité n'intervient pas dans les projets
de stockages souterrains des autres pays de la communauté internationale.
Il semblerait que cette notion soit spécifiquement introduite dans
la législation française et nécessite des recherches
complémentaires, avant d'être opérationnelle."
études pour garantir la réversibilité
-soutènement,
-remblayage,
-études de mines anciennes.
-maîtrise et contrôle
des températures.
L’ANDRA prévoyait
l’étude du dimensionnement des cavités et leur soutènement
en laboratoire souterrain jusqu’en 2002. Le calendrier paraît compromis
surtout s'il faut le revoir pour tester ce concept de réversibilité
dont répétons-le la décision doit être prise
avant tous travaux.
La réversibilité
impose des contraintes pour manipuler les colis. Il faut aussi étudier
:
-conteneurs et sur conteneurs
L’ANDRA prévoyait
des études jusqu'en 2001, puis des tests de qualification achevés
en 2006.
-comportement à long terme
des conteneurs.
Il s'y ajoute:
-spécification des matériaux
de bouchage,
-analyse de l'évolution des
matériaux,
-conception de la barrière
ouvragée,
-système de confinement multibarrières
-évaluation de sûreté
en situation réversible.
Conclusion
La notion de
réversibilité est valable pour un laboratoire et encore.
L'ANDRA avait
un calendrier qui supposait que le laboratoire serait quasiment construit
en 1995. De fait il faudra compter 3 ans pour la construction qui ne démarrera
pas avant 19xx ou même 20xx. Soit comme nous sommes en 1998 les tests
de conteneurs et autres études (soutènement, hydrogéologie,
fracturation, etc...) ne dureront pas assez longtemps pour dégager
des résultats pour 2006. Il serait plus astucieux d’intensifier
les recherches sur les LEMI ((Laboratoires d'Études Méthodologiques
et Instrumentales) déjà équipés et permettant
des études approfondies sur le comportement des roches hôtes,
sur l’impact de travaux, etc...
De toute façon
la réversibilité ne peut pas être garantie et demande
encore de raffiner beaucoup de paramètres. Il est étonnant
de vouloir construire à tout prix un grand laboratoire qui sera
difficile à gérer. Des petites unités sont encore
nécessaires pour fixer des paramètres et pour aider à
la compréhension des phénomènes.
Les remblais,
le contenu des colis, la tenue des galeries ne réclament pas des
km pour être testés. En effet les diverses expériences
menées en Allemagne, États Unis, Belgique donnent des indications
qui montrent que la réversibilité est un concept séduisant
mais impossible à mettre en oeuvre avec des produits radioactifs
si on veut garantir l'étanchéité du stockage.
Dans la première
phase du stockage, la sûreté des transports sera un
élément important. Il faudra garantir que les camions n'induiront
pas une nuisance supplémentaire. En particulier la rotation des
camions ne doit pas être insupportable pour les riverains.
Des bâtiments
d’entreposage devront être mis en place pour ne pas contaminer la
surface, une reprise des effluents devra être soigneusement réalisée.
Ces bâtiments devront être conçus en fonction des types
de déchets entreposés, leur sûreté à
court et moyen terme est un élément important pour le site.
Le creusement des
galeries, le soutènement seront effectuées en accord avec
le choix arrêté de réversibilité ou non réversibilité.
Ce choix doit être précisé sur de petites unités
aussi bien pour les emballages que les barrières. A cette occasion
on voit la nécessité du choix de la réversibilité
très avant pour la caractérisation du site.
Le choix des matériaux
des conteneurs et sur conteneurs, le choix de l’enrobage béton ou
bitume sont aussi fonction des options réversibilité ou non.
On sait déjà que ni le béton, ni le bitume ne résisteront
au léchage par l’eau sur les durées envisagées pour
un stockage profond. Si on doit faire un retour sur les colis il faut avoir
étudié des emballages pour cette éventualité.
De même le contenu radioactif des colis doit être étudié
dans l’optique réversibilité ou non.
Même s’il
est certain que les emballages se détérioreront au fil des
siècles et si c’est la roche-hôte qui sera la seule barrière
ultime, il faut garantir que le site restera stable et que la circulation
d'eau sera suffisamment faible pour que le retour des produits radioactifs
se fasse de telle façon que cela ne porte pas atteinte aux populations.
L’analyse de la
sûreté du site doit être conduite en tenant compte de
toutes les possibilités d’intrusion, du retour de la radioactivité
des galeries vers la surface.
Elle doit aussi,
si on adopte la réversibilité prévoir le retour dans
les galeries et l’extraction de produits radioactifs qu’il faudra de nouveau
stocker en surface.
Compte tenu des
inconnues concernant les faibles doses et en l’absence d’enquêtes
épidémiologiques autre que celle d’Hiroshima-Nagasaki (celle
sur le site de la Hague a démarré en 1994 et les premiers
résultats ne seront disponibles qu’en 2004) il convient de limiter
la quantité de produits présents sur un site en étudiant
des scénarios de retour vers les humains et leur environnement.
La pollution sera non seulement radioactive mais aussi chimique et bactériologique.
Il faut se souvenir que le CSM contient 25000 tonnes de plomb, de l’arsenic,
etc.. La composition chimique des déchets et de leurs emballages
doit être un des paramètres des études de sûreté.
LA RÈGLE FONDAMENTALE DE SÛRETÉ (n° III. 2.f) du 10 juin 1991 devrait permettre d’assurer. la sûreté du site. Nous allons donc l’examiner en détail.
L’objet de cette règle est :
«Définition
des objectifs à retenir dans les phases d'études et de travaux
pour le stockage définitif des déchets radioactifs en formation
géologique profonde afin d'assurer la sûreté après
la période d'exploitation du stockage».
Domaine d'application : stockage
définitif de déchets en formation géologique profonde.
Ce texte émane
de Michel Lavérie, ancien directeur de la DSIN (Direction de la
Sûreté des Installations Nucléaires).
Le document comporte
30 pages. Il est censé définir la règle de sûreté
que devront respecter le stockage des déchets radioactifs et les
laboratoires de recherches sur la gestion de ces déchets.
«L'objet
de la présente règle est de définir, pour le stockage
définitif des déchets radioactifs en formation géologique
profonde, les objectifs qui doivent être retenus dès les phases
d'études et de travaux pour permettre d'assurer la sûreté
après la période d'exploitation du stockage» (§
1).
On pourrait comprendre
ce passage de la règle de sûreté comme l'annonce de
l'énumération d'une série de conditions qu'il faudrait
remplir afin que la sûreté soit assurée. Or ce qui
frappe à la lecture du texte c'est l'absence quasi totale de valeurs
numériques pour caractériser les propriétés
requises pour un site de stockage dont l'objectif fondamental est «la
protection des personnes et de l'environnement à court et à
long terme».
Quelques exemples :
«Les caractéristiques
du site retenu, l'implantation du stockage, la conception des barrières
artificielles (colis, barrières ouvragées) et la qualité
de leur réalisation constituent le fondement de la sûreté
du stockage.
Au regard de
la démonstration de la sûreté, il conviendra de s'assurer
de leur adéquation à l'objectif et au principe précités»
(§
3.1).
Comment s'assurer
que les caractéristiques du site et que les emballages sont conformes
à des normes de sûreté qui ne sont pas définies
? D'autre part le «principe précité» est le principe
ALARA énoncé par la Commission Internationale de Protection
Radiologique (CIPR) «limiter l'impact radiologique à des niveaux
aussi faibles qu'on puisse raisonnablement atteindre, compte tenu des facteurs
techniques, économiques et sociaux». Qui va fixer les facteurs
économiques et sociaux à prendre en compte ? La population
sera-t-elle consultée sur ce point ?
«Tout
producteur de colis de déchets destinés à un stockage
en formation géologique profonde devra réaliser, d'une part,
des essais de caractérisation, d'autre part, des mesures ou des
évaluations sur les colis produits et établir un dossier
de spécification par famille de colis (...)»(§ 4.2.1).
Ainsi c'est le
producteur qui rédigera les spécifications à respecter,
après qu'il aura effectué les mesures sur sa production.
L'article se poursuit
par une liste de mesures à effectuer sur les paramètres sensibles
pour la sûreté du stockage. L'intérêt de cette
énumération est de montrer que l'on ignore encore
les caractéristiques essentielles des matrices de confinement et
qu'il faut effectuer sur elles une quantité de mesures pour connaître
l'état de ces matrices. On pouvait penser naïvement que tout
cela était déjà fait puisque ces matrices ont été
adoptées pour le stockage ce qui suppose évidemment qu'on
les ait jugées adéquates suite aux mesures effectuées.
En fait il semble qu'on n'en soit qu'au début du processus.
« Déchets
C [déchets
de haute activité pouvant contenir également des quantités
significatives de radionucléides à vie longue]
(...) Pour ce
qui concerne les déchets vitrifiés, si les caractéristiques
de la matrice placée dans son environnement de stockage étaient
susceptibles d'être altérées de façon importante
pendant la phase d'activité thermique des déchets, il faudrait
protéger cette matrice des effets de cette altération, le
cas échéant, par une barrière efficace résistant
notamment à la corrosion et à la pression pendant cette durée
»(§ 4.2.2).
Ainsi il est clair
qu'on ne sait pas si les blocs vitrifiés vont résister au
stockage même dans la phase initiale. Toutes ces mesures à
effectuer ne nécessitent pas un laboratoire souterrain.
«Hydrogéologie.
L'hydrogéologie
du site devra être caractérisée par une très
faible perméabilité de la formation hôte et un faible
gradient de la charge hydraulique (...)» (§4.4.1)
Là encore
on reste dans le qualitatif.
«Le concept de stockage
:
L'implantation
du stockage dans la formation géologique devra se situer : (...)
- dans les roches sédimentaires, au sein d'un milieu exempt de grandes
hétérogénéités et à une distance
suffisante des aquifères environnants» (§4.5).
Qu'est-ce qu'une
«grande hétérogénéité» ?
A partir de quelle distance est-on à une distance suffisante
des aquifères» ?
«Modélisation
(...) Compte
tenu de l'importance de la modélisation, un soin particulier devra
être porté à la validité des modèles
et des données. Pour cela il sera en particulier nécessaire
de participer à des intercomparaisons de modèles.»(§5.4).
On ne dispose toujours
pas actuellement de modèles mathématiques satisfaisants pour
simuler un stockage profond. Les LEMI devaient en principe aboutir à
la conception de modèles fiables, mais cet objectif n'a pas été
atteint et doit être poursuivi. Les laboratoires souterrains sont
encore prématurés compte tenu des inconnues.
La conclusion du
rapport concerne l'assurance de la qualité :
«(...) En particulier il
faudra veiller à :
- se doter de moyens de contrôle
adéquats concernant les colis de déchets ;
- mener, suivant les règles
de l'assurance de la qualité, les études de conception des
barrières ouvragées compte tenu du rôle qui leur sera
assigné dans la sûreté ;
- mener les opérations de
caractérisation de sites suivant les protocoles d'études,
d'analyse et d'essais bien définis.»(§6).
Il apparaît donc que :
1) les «moyens de contrôle
adéquats des colis de déchets» n'existent pas encore
puisqu'il faut veiller à les réaliser.
2) les études de conception
des barrières ouvragées sont encore à faire. Et pourtant,
s'il n'y avait pas eu de protestation des populations, il n'y aurait eu
ni moratoire sur l'enfouissement, ni laboratoire souterrain, ni loi. L'enfouissement
était alors programmé.
Soulignons un point
important de ce rapport sur les barrières ouvragées car il
concerne en fait le problème de la réversibilité
du stockage :
«Les barrières
ouvragées
Après
remplissage des ouvrages, les vides créés lors de la réalisation
du stockage devront être comblés pour rétablir autant
que possible l'étanchéité du milieu et éviter
que les ouvrages ne constituent des drains préférentiels
pour les eaux souterraines et, le cas échéant, pour éviter
des tassements préjudiciables aux couches géologiques surmontant
la formation d'accueil. (...) Les puits d'accès devront faire l'objet
d'un rebouchage assurant une étanchéité d'excellente
qualité»(§4.3).
Ainsi il est clair
que la réversibilité du stockage, c'est à dire la
reprise éventuelle des conteneurs est incompatible avec les conditions
exigées tant pour le confinement que pour la stabilité des
terrains.
«Les critères de
radioprotection (§3.2)
(...).On supposera
la constance des caractéristiques de l'homme (sensibilité
aux rayonnements, habitudes alimentaires, conditions de vie, connaissances
générales sans prise en compte de progrès scientifiques,
notamment dans les domaines techniques et médical).
Comment garantir
que les générations futures ne connaîtront pas des
aggravations de leurs conditions de vie, que leur sensibilité au
rayonnement en serait affectée les rendant plus fragiles, que le
stock de connaissances se transmettra totalement sans perte sur une très
longue période. Les hypothèses adoptées pour la radioprotection
sont loin d'être prudentes.
En ce qui concerne
les limites de dose pour des expositions en «condition
d'évolution normale de référence» [non
accidentelles] :
«Les équivalents
de dose individuels devront être limités à 0,25 mSv/an
pour des expositions prolongées liées à des événements
certains ou très probables.
Cette valeur
correspond à une fraction de la limite annuelle d'exposition du
public en situation normale» (§3.2.1).
Ceci mérite
un commentaire : la limite réglementaire pour l'irradiation du public
par des sources industrielles est actuellement en France de 5mSv/an (500
mrem/an). La CIPR recommande depuis 1985 une limite de 1 mSv/an (100 mrem/an).
Cette limite est maintenant la règle au moins pour les calculs en
attendant son décret d'application, la RFS aurait du être
actualisée.
On envisage
donc de soumettre les générations futures à des irradiations
supérieures à celles que subissent les populations actuelles.
Cette
limite est inacceptable aux termes de l'article 1 de la Loi du 30 décembre
1991.
«Les situations hypothétiques
correspondant à des événements aléatoires.
Certains événements
aléatoires, d'origine naturelle ou associés à des
actions humaines, peuvent perturber l'évolution du stockage et éventuellement
conduire à des expositions individuelles plus élevées
que celles associées à l'évolution de référence
du stockage.
(...) Les expositions
individuelles, exprimées en équivalents de dose, associées
aux situations hypothétiques dont il apparaît qu'elles doivent
être retenues pour la conception du stockage devront être maintenues
suffisamment faibles par rapport aux niveaux susceptibles d'induire des
effets déterministes» (§3.2.2)
Là aussi
on reste dans le vague. Que signifie «suffisamment faibles»,
quels effets déterministes sont pris en compte? Il aurait été
plus simple, mais bien sûr plus contraignant, de fixer une valeur
numérique pour cette limite.
Conclusion
Ce texte n'est
pas une règle de sûreté. Par contre c'est un inventaire
assez complet des questions qu'il faut se poser et auxquelles il faut apporter
des réponses avant de rédiger une véritable règle
de sûreté. Le chemin est encore très long et ardu avant
d'arriver à la règle de sûreté nécessaire
à la conception d'un stockage souterrain. Il pose des critères
pour la protection de l’homme et de son environnement à partir d’une
certaine conception de la sûreté. Simplement ce texte date
de 1991, il faudrait l’actualiser sérieusement.
En partant du principe
que « nous ne n’héritons pas de la terre de nos
ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » il est
évident que nous ne pouvons faire n'importe quoi.
D'une part le temps
est un facteur non maîtrisé dans ce problème des déchets.
100 ans représente déjà au moins 3 générations
et une perte de mémoire qu'on vérifie quand on essaie de
recenser les sites de déchets "oubliés".
D'autre part si
une opération humaine dangereuse doit comporter un bénéfice
pour celui qui l'accepte ou la subit, il se trouve que dans le cas des
déchets la génération actuelle aura les bénéfices
et celles à venir les problèmes.
Nous devons donc
minimiser les problèmes. Le stockage en profondeur apporte-t-il
une solution. Rien n'est moins évident. En effet le risque de perdre
la mémoire est grand et dans ce cas l'intrusion dans le site devient
possible. Par ailleurs un site profond ne pourra bénéficier
d'éventuels progrès que si il est réversible, question
encore en suspend et particulièrement délicate eu égard
à la sûreté du stockage et donc à la protection
des générations futures.
C'est d'ailleurs
la raison pour laquelle loin de laisser croire résoudre les problèmes
par la transmutation ou des réacteurs hybrides, il faut gérer
sans attendre ce qui existe. Rappelons que ni les stériles de mines,
ni les ferrailles, ni les résidus de démantèlement
ne pourront bénéficier de la transmutation si elle pouvait
exister industriellement.
L'histoire de la
radioactivité et des diverses décharges nous montre combien
nous sommes inconscients des problèmes. Le gramme ou le kilo sont
gérables, la tonne beaucoup moins facilement.
L'article premier
de la loi de 1991 stipule que "la gestion des déchets radioactifs
à haute activité et à vie longue doit être assurée
dans le respect de la protection de la nature, de l'environnement et de
la santé, en prenant en considération les droits des générations
futures."
Pour le législateur
la santé des populations actuelles et futures doit donc être
à la base de la réglementation de la gestion des déchets
radioactifs. Cependant la loi ne donne aucune précision sur la façon
dont la santé des population doit être protégée
si ce n'est par référence aux générations futures.
Trois points peuvent être dégagés
:
-quelles atteintes à la santé
doivent être interdites dans la gestion des déchets?
-quelles limites de doses faut-il
obligatoirement respecter pour garantir "cette protection de la santé"?
-comment les droits de générations
futures interviennent ils dans la détermination de ces limites?
En ce qui concerne
les limites de doses la réglementation française se
fonde sur les directives EURATOM et celles-ci font référence
aux textes de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR).
Les dernières directives s'appuient sur la CIPR 60 (1991) :
-Il n'y a pas de seuil de dose en
dessous duquel il n'y a pas d'effet pour la santé (art 21, 62, 68,
69, 100). Toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène
et génétique directement proportionnel à la dose reçue.
-Les limites de doses n'impliquent
pas qu'en dessous de ces limites le rayonnement soit inoffensif. A l'article
124 la CIPR précise "Dans la pratique, plusieurs idées fausses
sont apparues dans la définition et la fonction des limites de doses.
En premier lieu, la limite de dose est largement, mais de manière
erronée, considérée comme une ligne de démarcation
entre l'inoffensif et le dangereux. "
-Les limites de doses recommandées
définissent un domaine acceptable d'exposition au rayonnement.
Ces limites doivent s'établir à partir de considérations
sanitaires et de considérations socio-économiques (art 15,
100 et 123). Dans ce cadre une limite de dose représente une frontière
sélectionnée dans la région entre l'inacceptable
et le tolérable (art 150).
-Le domaine de doses tolérables
se définit par un compromis entre le bénéfice que
l'individu ou la société peut tirer de la pratique nucléaire,
et les détriments sanitaires qui en résultent.
-Parmi les principes généraux
concernant la radioprotection la CIPR recommande : "Aucune pratique
impliquant des irradiations ne devrait être adoptée à
moins qu'elle ne produise un bénéfice suffisant aux individus
exposés ou à la société pour compenser le détriment
causé par le rayonnement (art 112a)"
Comment aborder la gestion à très long terme des déchets à partir de ces recommandations?
-Quels facteurs de risques faut-il
prendre pour évaluer le détriment éventuel ?
L'histoire de la
CIPR montre que le facteur de risque a beaucoup évolué depuis
les origines de la radioprotection. Il a considérablement augmenté
et rien ne prouve que cette évolution ait atteint son terme. Les
connaissances sur les effets biologiques du rayonnement sont loin d'être
définitives. L'effet de la contamination interne par l'ensemble
des radioéléments présents dans les déchets
fait l'objet de calculs à l'aide de modèles qui ne se fondent
pas sur des observations expérimentales chez l'homme. Les enquêtes
épidémiologiques qui pourraient peut être éclairer
cette approche sont rares et difficiles à interpréter
Le facteur de risque
cancérigène du rayonnement dépend des individus (et
même de l'état de l'individu à un moment donné).
Il n'est donc pas possible d'affirmer que les générations
futures auront la même sensibilité que nous au rayonnement.
Une grande prudence est de mise dans l'établissement d'un détriment
"tolérable".
En ce qui concerne
le bénéfice que peuvent tirer les générations
futures d'un stockage, on sait que l'optimisation détriment/bénéfice
pour l'établissement de limites "tolérables" pose
problème et conduit à des conflits selon la place que les
individus occupent dans la société.
Si on applique
cette optimisation aux générations futures, la réponse
devient assez simple : Quel bénéfice peuvent-elles retirer
de nos déchets ? Aucun semble-t-il actuellement. Dans ces condition,
d'après la CIPR " la pratique " relative à l'avenir
de nos déchets "ne devrait pas être adoptée."
C'est un point délicat
et il n'est pas certain que les efforts menés par les différents
protagonistes aient convaincus les populations de la volonté de
les écouter et surtout de les entendre.
En effet la loi
fait obligation de concertation dans son article 6 " avec les élus
et les populations des sites concernés, dans des conditions fixées
par décret.". S'il s'agit seulement de celui du 16 juillet 1993,
la concertation étant dans le cadre d'une enquête publique,
on sera vite limité dans le dialogue. Par contre le décret
de décembre 1992 stipule "art 6: tout projet d'installation d'un
laboratoire doit être précis, donner lieu, avant tout engagement
de travaux à une concertation avec les élus et les populations
des sites concernés." Mais en réalité malgré
le mot précis, cela manque de précision sur ce qu'est
la fameuse concertation. En effet s'il y a projet d'installation c'est
que le dossier est déjà bouclé dans les ministères
alors que reste-t-il aux populations. Pas grand chose...
Tout se joue sur
la définition de la concertation. Les populations en ont une certaine
idée mais le législateur en a une autre. La concertation
est un leurre car il faudra bien prendre une décision. Or il n'est
pas toujours aisé de faire une moyenne entre tous les avis et surtout
de savoir prendre en compte les légitimes questions des citoyens.
Il faut donc, avoir
aussi le courage de dire exactement les termes de l'engagement.
Il s'agit d'un
laboratoire ou même de 2, choisis a priori sur des sites favorables
donc au moins un finira en stockage. Il est inutile d'affirmer que un laboratoire
ne sera jamais un site de stockage ou alors choisissons a priori un mauvais
site. Difficile !
A-t-on suffisamment
de paramètres pour effectuer le choix, pour répondre aux
questions de sûreté et de protection de l'homme et de son
environnement ?
On peut demander
plus de recherches, plus d'ardeur dans la prise en compte des différents
paramètres mais il faut aussi faire des bilans et peut être
savoir recommander d'arrêter une voie si elle s'avère sans
espoir. Les bilans sur la transmutation sont finalement peu optimistes
quant au rendement énergétique de l'opération et le
dire conduira peut être à réduire les ambitions françaises
sur le nucléaire. C'est ce langage que souhaitent les populations.
Il ne peut pas
y avoir d'acceptation sans une mise à plat du sujet. Dire que la
concertation est réalisée parce que les élus ont dit
oui, le préfet aussi ne suffit pas à emporter l'adhésion
de tous ou même une reconnaissance que les déchets existent
et qu'il faut bien les gérer. La question qui sort automatiquement
est : Comment avec ce poids, cette absence de conclusions, on peut continuer
ce nucléaire dont on exporte 20 % (seulement les kWh, pas les déchets
ni les rejets...). De plus l'approche de l'ANDRA qui utilise l'argent pour
obtenir l'adhésion des habitants crée de sérieuses
tensions. Que les Commissions locales ou les Instances puissent faire des
auditions, commanditer des études, recevoir des associations tout
cela est correct mais trop d'argent nuit à la concertation.
La réversibilité
et les générations futures sont 2 points qui reviennent dans
les interrogations. Or il s'agit justement de 2 points difficiles et que
chacun traite avec sa sensibilité.
On ne peut les
rejeter loin dans le temps car la réversibilité conditionne
le type de stockage et les générations futures aussi.
Il faut aussi que
la question des déchets étrangers soit réglée.
Ils doivent repartir au terme de l'article 3 et dans des délais
relativement incertains mais tout de même pas dans 100 ans. Ces points,
départ des déchets étrangers (pas seulement quelques
verres et du plutonium) et utilisation des petits LEMI clarifieront la
politique des déchets. Le planning du départ des déchets
étrangers, la mise en oeuvre de règles pour le laboratoire
aiderait aussi.
Lors des réunions
des instances de concertations Meuse, Gard et Vienne il a été
affirmé le laboratoire ne sera jamais un site de stockage. Il faudrait
plus clairement expliciter cette démarche. Les populations locales
n'ont pas été convaincues par cette affirmation.
On sait que a priori
on choisit un site favorable, donc le tunnel du laboratoire ne sera que
l'entrée du site et pas le lieu du stockage mais c'est à
peu près la seule chose exacte dans l'affirmation. Simplement le
stockage se fera dans un autre forage mais sur le même site, puisque
ce qu'on a caractérisé c'est ce site, son milieu et pas un
autre !
Le progrès de la science
L'évolution
des sciences et des techniques est considérée comme synonyme
de progrès. Mais si la science est factuelle, le progrès
est subjectif. Il arrive même que la science ne résiste pas
à l'idéologie, nous l'avons vu à l'époque de
Lyssenko. E=mc2 est une découverte scientifique mais est-ce un progrès
d'avoir su développer des engins qui, en un seul tir, peuvent anéantir
des milliers, voire des millions d'êtres humains.
Sciences et techniques
peuvent nous donner l'illusion de la maîtrise de la matière.
Elles ne sont que les moyens de parvenir à un progrès, mais
elles ne donnent pas les clefs de son contrôle. Il n'est pas évident
que les bonnes intentions dont on les dote restent bonnes ( pour qui d'ailleurs
?) tout au long de leur utilisation. Le don de sang en est un exemple :
on sauvait des hommes grâce à la générosité
d'autres hommes. On avait simplement omis de préciser que seul le
don était gratuit, tout le reste était source de profit !
La science et la
technique ont besoin d'un contrôle car leurs applications ne sont
pas automatiquement sources de progrès si progrès signifie
mieux vivre, voire souvent tout simplement vivre. On ne doit jamais oublier
que tout développement peut apporter un bien et un mal.
Chercheurs, ingénieurs
et décideurs ne sont pas les seuls acteurs pour décider le
bien fondé d'une décision. Le citoyen doit pouvoir intervenir.
Questionnement et doute sont nécessaires pour éviter que
le progrès ne soit un moyen d'asservir les hommes aux idées
de quelques uns. La France est dotée d'un Parlement élu qui
pourrait exercer ce contrôle. Les problèmes du nucléaire,
du sang contaminé, de la vache folle ou encore de l'amiante ont
montré l'incapacité des instances à prendre des décisions.
Le poids des lobbies et le poids économique à court terme
conduisent à des décisions hâtives (ou des non-décisions)
lourdes de conséquences. Une expertise indépendante menée
par des compétences non liées aux groupes industriels concernés,
encore faut-il en trouver, devrait faire contrepoids pour aider la prise
de décision. Les deux commissions qui ont travaillé sur Superphénix
et sur le centre de stockage de déchets nucléaire de La Hague
(CSM) ont montré les limites de l'exercice.
La notion de progrès
est toute relative. Le nucléaire a été présenté
comme LE progrès décisif en matière d'énergie
propre et bon marché. Les déchets (et Tchernobyl) sont venus
ternir le tableau et ce n'est pas la décision d'utiliser Superphénix
pour soi-disant éviter de léguer aux générations
futures des problèmes qui va le redorer. Le nucléaire a travaillé
quarante ans en se croyant capable de tout résoudre, il en a pour
au moins deux cents ans à faire le ménage. Il est donc urgent
de repenser nos besoins d'énergie et de limiter notre recours au
nucléaire.
Le citoyen berné
ne revient plus sur sa méfiance et refuse de continuer à
cautionner la science qui conduit à des errements de ce genre.
Le progrès
en soi, érigé par certains comme le but de la science et
des réalisations techniques a vécu.
- D'une part il faut savoir stopper
un développement dont on pourra pas maîtriser toutes les étapes.
- D'autre part le progrès n'est
pas source de bien pour tous mais peut n'être qu'une source de profits
pour quelques uns.
L'utopie "progrès
= apport positif pour l'humanité" était une idée généreuse.
Cette idée du progrès est morte. Un contrôle étroit
des applications de nos prouesses technologiques s'impose pour ne pas les
dévoyer de leur but qui devrait être l'amélioration
du devenir des humains. Comment mettre en place ce contrôle? Comment
le réussir? Comment être assuré que le but d'amélioration
sera atteint plutôt que celui de gloire et de puissance pour le réalisateur
?
Avec le progrès
en point de mire, on risque de se lancer dans une surenchère dans
le traitement des déchets qui va nous mener dans une impasse complète.
Traitons déjà avec nos moyens et en essayant de ne pas polluer.
Essayons de ne rien faire d'irréversible et inaccessible car l'expérience
montre qu'il y a toujours un facteur qui nous joue des tours et qui a été
oublié.
En guise de conclusion
La réversibilité
est au coeur des stratégies à développer pour trouver
les meilleures solutions au problème du stockage des déchets
radioactifs.
La décision
doit être prise avant tout puisque cela conditionne l'ensemble
des opérations. Il faut donc en examiner toutes les implications.
Le niveau de réversibilité, la durée sont aussi des
facteurs importants.
Bien évidemment
le stockage restera réversible pendant le temps des travaux, avec
plus ou moins de facilité suivant le type de remplissage entre les
colis. Pour les générations futures ce n'est sûrement
pas suffisant. Il est clair que pour bénéficier des progrès
éventuels, pour récupérer des produits, pour tenir
compte des impondérables (séismes, failles, etc..) il faut
pouvoir accéder au site même après sa fermeture à
l'approvisionnement en colis et même après les derniers travaux
de remplissage et de délaissement.
Réversibilité
ou non cela pèsera lourdement sur les options à mettre en
oeuvre. La reprise ne peut être envisagée que si on la prévoit
et pour la réussir cela suppose beaucoup d'options que l'on doit
tester avec soin. Les rares expériences (CSM, site du Bouchet, site
Saint Aubin, école de Nogent,...) montrent à l'évidence
que les conditions de remplissage, d'abandon, de travaux pèsent
sur les possibilités de reprise, et il ne s'agit que de petits sites.....
La non-réversibilité
n'est pas non plus une option si facile. En effet pour éviter l'intrusion
humaine il faut garder une trace du stockage. Par contre pour la non prolifération
ou l'utilisation malveillante de déchets mieux vaut ne pas pouvoir
y accéder une fois terminé le remplissage. Ceci dit il peut
s'agir d'un faux problème. Quand actuellement on déterre
un glaive romain, on le met dans un musée, on ne l'utilise pas comme
arme.....
Si le site s'avère
un site soumis à des mouvements de terrain, à des circulations
d'eau imprévues il est clair que la réversibilité
pourra aider à pallier les effets d'un tel bouleversement. Mais
ceci repose le problème de choisir l'enfouissement profond alors
qu'on manque de données pour fonder vraiment un tel choix. Il s'agit
plus d'une fausse impression de confiance. Par 600 m de fond la remontée
sera plus lente. C'est vrai mais un tel scénario menace le futur
et pis le futur lointain.
Il y a antinomie
entre la sûreté d'un stockage profond qui exige que
l'on referme au plus vite les galeries pour éviter les mouvement
de la roche hôte, son oxydation, etc..., pour éviter la circulation
d'eau et les principes de réversibilité. C'est identique
si on se penche sur les problème de progrès technique ou
de récupération face à la prolifération. Dans
un cas il faut pouvoir revenir sur le stockage et dans l'autre surtout
pas.
De toute façon
la question de la prolifération nucléaire dépasse
largement le cadre des déchets. Le nucléaire non seulement
exige un niveau technologique élevé mais de surcroît
une stabilité politique suffisante pour éviter les chantages
et surenchères. Nul ne pourra réellement obliger un pays
souverain à renoncer à un développement nucléaire
sans employer la force (la guerre du golfe en est un exemple).
Les aspects
économiques sont sûrement un point clé mais difficiles
à prendre en compte au stade actuel de la réflexion. Les
estimations tournent autour de 1,5 milliard pour un laboratoire, 200 milliards
pour un site profond, face aux 1000 milliards du programme civil (réacteurs,
enrichissement et retraitement). Mais comme la fourchette des coûts
n'est pas toujours évaluée avec précision, les déchets
peuvent grever le budget de 5 à au moins 20 % (et même plus
en raison de poste inconnu tel le démantèlement).
Il semble que le
stockage
en l'état des combustibles serait probablement le procédé
le moins onéreux. En effet il ne serait pas nécessaire de
faire du retraitement poussé, de la réutilisation de plutonium
ni d'étudier de nombreux types d'emballages. Comme il faudra de
toute façon envisager cette option car le retraitement ne pourra
porter que sur deux tiers des stocks on pourrait intensifier un peu les
recherches et réalisations de cette option.
Le nucléaire
pendant 40 ans a parlé des déchets (mais ne les a pas traités),
fait quelques expérimentations en laboratoire, engrangé les
bénéfices liés à sa mise en place. Maintenant
il lui faut payer sa dette à la société.
Au point actuel
du nucléaire prenons activement la voie d'assainissement de tous
les sites connus de déchets ainsi que la mise en sûreté
de tous les déchets accumulés (boues de décantation,
ogives, résidus miniers, etc..). Sur les nouveaux déchets
(résidus de démantèlement, barreaux de combustible,
...) prenons le temps :
- d'abord isoler dans des entreposages
surveillés
- puis réfléchir et
- mener des études réversibles
(pas d'installations énormes où la recherche est impossible
parce qu'il y a trop de paramètres à gérer).
C'est toujours
plus agréable de se lancer dans de belles installations (réacteurs
hybrides, accélérateurs) mais ce qui importe c'est la résorption
du passé.
Il faut aussi avoir
le courage de faire de vrais bilans, d'analyser les options présentées
et arriver à en estimer la faisabilité certes mais aussi
balancer le pour et le contre. Il faut accepter de déclarer son
incompétence et de dire qu'on ne sait pas répondre à
certaines questions.
Dans la présentation
aux populations il faut arrêter de prétendre à la perfection.
Toute solution a son revers mais nous sommes condamnés à
réussir. Le stockage souterrain s'avérera probablement une
des solutions mais il y a encore du travail pour s'en convaincre et convaincre
les citoyens. Il est inutile de précipiter le mouvement et surtout
inutile de prétendre que le laboratoire ou les laboratoires ne seront
pas site de stockage. La vérité est autre et il faut le discuter.
Il faut savoir écouter les questions, accepter d'y répondre
et ne pas faire miroiter des solutions inexistantes ou incertaines.
Si la réversibilité
est l'unique moyen de préserver l'avenir et qu'on ne soit pas capable
de l'envisager alors nous ne pouvons nous permettre d'augmenter les
déchets existants car nous faisons peser sur le monde à venir
une menace sans commune mesure avec le gain qu'il pourra en tirer.
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