C'est la phase actuelle. Elle nécessite
une stratégie pour le maintien des populations en un lieu donné
(ou au contraire leur «déplacement») pour organiser
la vie économique et permettre les activités agricoles et
industrielles. Dans cette phase, c'est la contamination interne qui prédomine
pour l'évaluation de la dose engagée sur 70 ans, par rapport
à l'irradiation externe due aux dépôts. La contamination
interne est surtout liée à l'ingestion d'aliments contaminés.
L'inhalation de poussières radioactives ne doit pas être sous-estimée
surtout en ce qui concerne le plutonium émetteur a
particulièrement radiotoxique. Ces poussières peuvent provenir
des travaux des champs, des transports sur des routes non goudronnées,
des fumées de combustion de bois contaminé, etc...
1. Le critère de «résidence sans danger»:
la norme des 35 rem
2. Evolution de la norme
(suite)
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Tout le monde essaie de nous convaincre du caractère définitif de ce chiffre mais d'une manière concrète personne ne veut en prendre la responsabilité... Si on considère comme nécessaire un déplacement de la population à cause du caractère changeant des prévisions, cela ne suffit pas d'avoir l'aval d'une commission même la plus émérite; il faut une loi, que les députés auront votée». 3. La caution des scientifiques étrangers
4. Maintien dans les lieux ou «déplacement planifié»
LES PROBLÈMES AGRICOLES 1. Quelques généralités
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2. But recherché
La politique agricole suivie consiste à continuer à produire sur les terres contaminées. Il est envisagé de choisir les plantes pour chaque champ, du moins c'est ce qu'escomptent les experts, car la sensibilité des plantes au rayonnement est différente selon les espèces. «Ainsi: - le blé et les céréales peuvent pousser sur des terres contaminées en Césium 137 à moins de 40 Ci/km2 - les pommes de terre: "" 50 Ci/km2 - les betteraves: "" 20 Ci/km2 - le trèfle, la vesce (sur sol humide): "" 10 Ci/km2 - les pâturages naturels (pour le foin): "" 2 Ci/km2» Au-dessus de 80 Ci/km2, on plantera des forêts. Aucune indication n'est fournie sur la «propreté» des productions: pas une seule donnée en Becquerels par kg (ou en mCi/kg puisque les Soviétiques utilisent les curies) sur la moindre céréale, la moindre nourriture produite... Un des responsables de l'agriculture de Biélorussie, Khoussaïnov, qui a fourni les chiffres ci-dessus, affirme «Donc la terre polluée n'est pas stérile. Elle peut nourrir les humains si bien sûr les agriculteurs conduisent la production d'une manière intelligente». Cet optimisme est contredit par les réponses fournies par ce même ministre aux questions telles que «Pourquoi continuer à produire sur des terres contaminées ? C'est beaucoup plus difficile d'obtenir une production réellement propre, c'est pratiquement impossible...» «...Cette production va coûter très cher. Du point de vue économique, il est plus rentable d'utiliser plus de moyens et d'obtenir plus de rendement sur la terre propre». Les réponses nous indiquent que «là où la contamination est très élevée, on ne fait rien pousser. C'est ainsi que dans le district de Gomel la surface ensemencée en sarrazin a diminué de 8.000 hectares. On a limité aussi celle des céréales, des haricots, des pommes de terre et autres légumes. Des élevages de mouton ont été liquidés». Bien sûr, des calculs de rentabilité ont été effectués mais le problème est que «si on autorise les gens à habiter dans ces régions, on ne peut pas les empêcher de faire pousser le blé, de travailler, ramasser le foin, effectuer l'élevage et ce travail-là ne va pas être inutile. Si on suit les recommandations dont je vous ai parlé [adapter les cultures au niveau de contamination du sol], on pourra obtenir une production sans danger». Et il ajoute un peu plus tard «un grand nombre de paysans ne veulent pas quitter leur terre natale et on ne peut pas ne pas tenir compte de leurs désirs». La conclusion est donc qu'on maintient (et qu'on va maintenir) la population sur des terres contaminées. Des méthodes de décontamination et «d'amélioration agrochimiques» sont développées sur ces territoires de façon à permettre des conditions de vie jugées acceptables par les autorités. On peut faire un premier bilan de ces méthodes d'après les articles parus dans Biélorussie Soviétique alors que dans la Pravda le Président du conseil de Biélorussie formule l'espoir qu'on le libèrera de la nécessité de produire du blé contaminé... (suite)
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3. Les méthodes de décontamination et d '«amélioration agrochimiques»: la réalité n'est pas conforme aux prévisions Ces méthodes sont appliquées sur des sols contaminés à plus de 15 Ci/km2 [555.000 Bq/m2]. Leur but est d'assurer des productions agricoles «propres». Elles doivent permettre de réaliser «le critère de résidence sans danger» afin que le maintien sur place des habitants n'entraîne pas une dose cumulée sur 70 ans de 35 rems (interne et externe) jugée «acceptable» par les autorités sinon la population est déplacée. Le point de vue officiel est bien résumé par le Pr Izraël (Biélorussie Soviétique, 14 mars 1989): «Nos spécialistes qui travaillent depuis le premier jour dans ce domaine considèrent que dans les zones où le niveau de contamination est inférieur à 15 Ci/km2 les doses d'irradiation ne vont pas dépasser la norme des 35 rem pendant toute la vie... La composante principale de cette dose est due à la contamination interne; on peut la faire baisser sensiblement en excluant de l'alimentation le lait contaminé, la viande et certains autres produits. Nous avons prouvé d une manière expérimentale que si on écarte la contamination interne, la dose de 35 rem ne sera pas dépassée. En conséquence, dans chaque agglomération la question du «déplacement» [évacuation] doit être résolue d'une manière concrète. S'il y a un moyen de recevoir des produits alimentaires «propres», il n'y a pas de problème. Sinon la réponse est formelle, il faut évacuer». «Il faut tenir compte qu'il existe d'autres moyens d'empêcher la pénétration des radionucléides dans l'organisme. Le danger principal est le Césium 137. Il y a différentes propositions et projets à son sujet. Par exemple enlever complètement la partie supérieure du sol et l'enterrer. Pratiquement c'est impossible à effectuer. De plus la couche fertile n'est pas épaisse dans nos régions et on pourrait de ce fait détruire complètement l'agriculture. Lors de la décontamination des agglomérations, cette méthode bien sûr peut être utilisée bien qu'elle ne soit pas suffisamment efficace. Nous avons observé plusieurs fois que par migration des radionucléides, le niveau de contamination reprenait rapidement sa valeur initiale [souligné par nous]. Pour empêcher la pénétration des isotopes de Césium dans la chaine alimentaire, il faut empêcher leur pénétration dans le sol. Il y a des moyens pour cela, l'apport de zéolithes, de minéraux argileux, l'emploi d'engrais de potassium. Nous avons réussi sur des sols contaminés à 40 Ci/km2 [1,48.106 Bq/m2] à obtenir du lait propre. Dernier point: on recommande actuellement de déplacer les habitants de 36 agglomérations dont 20 en Biélorussie. Dans certains cas, sans utiliser de moyens radicaux, on peut obtenir l'amélioration de la situation radiologique uniquement par des mesures du genre dont je vient de parler. Je vous l'assure». Or, au sujet de l'évacuation de ces agglomérations et à une question provenant de la salle: «Comment peut-on expliquer aux kolkhoziens qu'ils ont travaillé dans une zone dont nous leur disons maintenant qu'ils doivent la quitter ?», le Pr Iline répond «qu'après la catastrophe, le plus important était de délimiter la zone sinistrée et de décider ce qu'il convenait d'y faire. Il n'y avait aucune raison d'évacuer la population. p.12
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De plus, on a supposé qu'avec l'aide d'un certain nombre de
mesures, on pouvait abaisser le niveau des doses, ce qui permettait l'existence
dans la zone. Mais nos espoirs concernant la décontamination
ne se sont pas réalisés» [souligné par nous].
L'échec des mesures de décontamination est attesté incidemment par l'intervention du Président de la Commission du Bureau du Comité Central du PC de Biélorussie, membre du Conseil des Ministres de Biélorussie (B.G. Evtoukha). Après avoir rappelé l'ampleur des travaux entrepris dans la zone de contrôle permanent (100.000 personnes), il indique «Nous avons constaté que la désactivation [décontamination] industrielle ne donne pas les résultats escomptés. La migration permanente des radionucléides empêche l'abaissement du niveau de radioactivité et à cause de cela nous sommes amenés à réfléchir sérieusement sur les mesures prioritaires qui permettraient de rendre la décontamination industrielle plus efficace. Les calculs supplémentaires qui ont été effectués après avoir admis le critère «de maintien dans les lieux sans danger» [35 rem de dose engagée sur une vie] ont montré qu'il sera nécessaire dans les années qui viennent de déplacer une partie de la population d'au moins 85 agglomérations. Il faut à nouveau analyser le pour et le contre pour chaque agglomération et chaque village et prendre une décision définitive avant la fin de l'année». «Nons n 'avons pas pu établir de données correctes concernant la diminution du niveau de contamination d'un produit aussi répandu que le lait [souligné par nous]. Ce n'est pas si facile à réaliser. Il faut un système particulier de production de nourriture pour les vaches, un régime spécial d'alimentation, des correctifs à apporter à l'agriculture et toutes ces mesures ne peuvent pas être effectuées en 1 an. Mais les faits sont là: la baisse réelle de contamination par les radionucléides est 2 fois plus faible que celle calculée par les centres scientifiques chargés d'établir les normes» [souligné par nous]. Sous le titre «il est temps de changer le diagnostic» est publiée l'intervention du Président du Combinat Agronomique de Biélorussie, E.F. Soukhoroukov. Selon lui, les recommandations des spécialistes du Ministère de l'agriculture d'URSS sur les moyens de production agricole sur les territoires contaminés sont périmées et ne parviennent pas à créer les conditions pour obtenir une production «propre». Il se plaint de ce que les quantités d'engrais minéraux disponibles sont insuffisantes et que les engrais composites avec des éléments absorbants pour le Césium [tels que ceux indiqués par le Pr Izraël] qui devraient être produits par les usines d'engrais, manquent. L'expert du Ministère de l'agriculture d'URSS, des laboratoires de recherches expérimentales d'agronomie, A. Povoliaïev affirme, quant à lui, que le niveau de contamination du lait pourrait être divisé par 4 en nourrissant le bétail avec des produits propres et que «c'est au ministère de l'agriculture biélorusse de se remuer un peu». Il fait des propositions assez surprenantes: - «pour les sols contaminés à moins de 15 Ci/km2, on peut améliorer les pâturages naturels et les attribuer à la population, de sorte qu'il soit bien établi que ce sont leurs pâturages pour plusieurs années. [souligné par nous] - pour les sols contaminés de 15 à 40 Ci/km2, il faut transformer les terres labourables en pâturages [c'est-à-dire supprimer la production agricole céréalière, pommes de terre...] dans ce cas la dose de la population sur 70 ans n'atteindra pas 20-25 rem». (suite)
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4. Problèmes posés par la contamination du sol entre 5 et 15 Ci/km2 [111.000 - 555.000 Bq/m2] Ces problèmes ont été soulevés par Kamaï, 1er Secrétaire du PC de Gomel. Il indique que cela concerne beaucoup d'habitants. Dans le district de Gomel, 60.000 personnes vivent dans des zones à 15 Ci/km2 alors que 107.000 personnes vivent dans des zones contaminées à des niveaux de 5 à 15 Ci/km2. La région de Gomel est une région d'élevage, productrice de lait et de viande. Or, dans les zones contaminées entre 5 et 15 Ci/km2, la production laitière est hors normes; près de 60% du lait est contaminé et dans certains secteurs individuels la proportion atteint 70%. La moitié du cheptel a péri. D'après Kamaï, «une mauvaise organisation de l'approvisionnement en aliments propres du bétail, un mauvais contrôle de la radioactivité ont conduit à la perte de 48.000 vaches alors que 40.000 vaches sont entretenues en pure perte puisqu'on ne peut pas consommer le lait». Une des conclusions de la réunion du Conseil des Ministres de Biélorussie attire l'attention sur ces zones contaminées entre 5 et 15 Ci/km2 «dont on a cru pendant longtemps qu'elles ne nécessitaient pas de mesures particulières. Il se pourrait que ce soit une erreur; des recommandations spéciales devraient être élaborées pour chaque ferme afin d'obtenir une production absolument «propre»».. 5. Que devient la production «sale» ? Les normes de contamination
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Il est intéressant de comparer cette
valeur avec celles qui ont été préconisées
par M.M. Jammet et Pellerin au titre d'experts français de l'article
31 du traité Euratom en décembre 1986 et celles qui ont été
finalement adoptées le 22.12.1987. Les négociations entre
partenaires européens ont été particulièrement
âpres concernant la fixation «des niveaux maximaux admissibles
de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les
aliments pour bétail après un accident nucléaire ou
dant toute autre situation radiologique d'urgence». Le tableau suivant
résume l'évolution des négociations:
Lait Autres denrées Cs 137 (Bq/l) alimentaires Cs 137 (Bq/kg) Proposition des experts 20.000 30.000 (viande) du 3.12.1986 Proposition des experts 4.000 5.000 (viande) du 30.4.1987 Rêglement Euratom 1.000 1.250 22.12.1987 L'expérience soviétique montre
qu'au lendemain de Tchernobyl, les laits étaient probablement contaminés
à des niveaux supérieurs aux 20.000 Bq/l en Césium
préconisés par les experts français et qu'il n'est
pas facile de gérer une crise nucléaire avec une norme à
1.000 Bq/l.
(suite)
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suite:
Les niveaux de contamination de la viande sont tenus secrets et sont contrôlés par les dosimétristes affectés à l'usine. «Quand une viande dépasse le niveau «admissible», elle est envoyée dans une unité spéciale qui, par une technologie appropriée, fait diminuer la radioactivité. Les viandes hachées aux normes sont mélangées à d'autres viandes «propres» de façon à ce que les saucisses finales n'aient pas plus de radioactivité que le bruit de fond»... Rappelons encore une fois qu'il faut connaître l'activité par kilo de ces produits finis qui, s'ils sont ingérés par des milliers de personnes, contribueront à augmenter la dose collective. 6. Le problème du matériel agricole
7. Conclusion
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