La Gazette a déjà
abordé plusieurs de ces difficultés: les surgénérateurs
(Gazette numéro 1),
l'approvisionnement en uranium (Gazette
numéro 3), le retraitement des combustibles irradiés
(Gazette numéro 4),
la radioprotection (Gazette numéro 5).
Nous reprendrons ces divers points, pour les actualiser nous conseillons au lecteur de se reporter, pour plus d'informations, aux Gazettes elles-mêmes. La liste d'incertitudes qui existent tant en ce qui concerne le matériel classique (alternateur, transformateur...) que le matériel du bâtiment réacteur (générateur de vapeur, robinetterie, câbles, etc.) serait longue. Aussi nous ne donnerons ici que quelques brefs aperçus sur les difficultés techniques rencontrées dans l'exploitation des centrales elles-mêmes. Il ne s'agit pas d'un exposé exhaustif. Il s'agit au contraire de montrer, à partir de quelques faits précis que, contrairement à ce qui était affirmé il y a deux ans, la technologie nucléaire est mal dominée. · Nous rappelons qu'une centrale nucléaire PWR utilise pour combustible de l'uranium enrichi, d'où des problèmes spécifiques tout au long du cycle de ce combustible: forte consommation d'uranium naturel dont les réserves estimées sont très limitées (cf. infra), retraitement éventuel d'un combustible très irradié... Les surgénérateurs «brûleraient» quant à eux du plutonium, fourni par les centres de retraitement (si ceux-ci fonctionnent suffisamment bien pour satisfaire la demande!). Nous abordons donc tout d'abord la question de l'approvisionnement en uranium. On nous dit: «grâce au nucléaire la France va obtenir son indépendance énergétique». Pour juger du peu de sérieux de cette affirmation, signalons deux faits: - les réacteurs PWR brûlent de l'uranium enrichi. Jusqu'au démarrage d'Eurodif (1980, 82, 84?), la France dépendra des Etats-Unis pour son approvisionnement en uranium enrichi. Ceux-ci disposent donc ainsi d'un formidable moyen de pression. - les réserves d'uranium de la France représentent dix ans de consommation qui sera la sienne en 1985 si le programme est maintenu. Au-delà, il faudra aller s'approvisionner à l'étranger. On nous dira, bien sûr, que les surgénérateurs arriveront à ce rnoment-là pour prendre le relais. On verra plus loin que les choses ne sont malheureusement pas si simples. A.a. L'uranium et son approvisionnement
(suite)
|
suite:
Un certain nombre de déclarations et de documents très récents vont nous permettre de montrer que la situation, dans ce domaine de l'approvisionnement, tend à devenir effectivement de plus en plus catastrophique, confirmant en cela notre première analyse. Quelques oracles «dignes de foi»....
(Marcel Boiteux.
L 'accroissement de la demande mondiale en
uranium destiné à alimenter les centrales nucléaires
a appelé l'attention sur l'avenir de l'offre. Les réserves
d'uranium actuellement connues pourront répondre à la demande
jusque vers 1985, mais de graves problèmes d'approvisionnement risquent
de se poser par la suite, à moins que l'on ne parvienne à
découvrir et à exploiter d'importants gisements nouveaux.
Interview de Pétrole Informations janvier 1976) (d'après le Courrier Scientifique de l'AIEA)
Les obstacles essentiels sont d'ordre financier
et relatifs à l'approvisionnement en uranium. La prospection, l'extraction
et la préparation mobiliseront, dans les dix prochaines années
des capitaux considérables, tandis que le comportement de nombreux
fournisseurs d'uranium amène à craindre que l'approvisionnement
des centrales ne sera pas assuré. Les tendances nationalistes qui
se manifestent sur le marché mondial de l'uranium renforcent cette
crainte.
(Etude de la National Electric Reliability Concil
En ce qui concerne 1'énergie nucléaire,
quelques problèmes non encore résolus ont rendu à
vrai dire assez irréalistes les projets ambitieux initialement envisagés
par certains pays. Je pense que ces problèmes doivent être
pris très au sérieux. Au cas où l'énergie nacléaire
ne pourrait fournir la contribution sur laquelle on comptait pour passer
à l'«ère post-pétrolière», il y
aurait lieu de craindre:
sur la situation aux USA et au Canada. Bureau européen d'informations charbonnières no1 - 1977). 1. que de nouveaux relèvements des prix de l'énergie, et même éventuellement des déficits d 'approvisionnement, ne pèsent à nouveau sur la conjoncture mondiale; 2. que la dépendance des pays de l'AIE à l'égard de l'extérieur ne s'accroisse davantage; 3. et que les difficultés des pays du Tiers-monde pauvres en énergie ne s'aggravent encore, et ne provoquent une détérioration de nos rapports avec eux. (Déclaration du Président de l'AIE
15.3.1977) p.4
|
- l'Australie vient d'annoncer à ses clients qu'elle allait être obligée de différer ses livraisons de trois ans car, pour différentes raisons, elle ne parvient plus à fournir... - la politique australienne en matière d'exportation de son minerai ne paraît pas encore bien claire par suite, notamment, des pressions de l'opinion publique et des syndicats concernant les risques sur l'environnement et surtout les risques de prolifération de l'arme nucléaire. On notera que l'Australie est le 2ème producteur après les EtatsUnis... - les Etats-Unis, qui ont suspendu leurs livraisons d'uranium enrichi à la Communauté européenne, viennent de les reprendre, mais assortis de conditions beaucoup plus draconiennes concernant le contrôle de l'utilisation et le transport. Les livraisons unitaires seraient de l'ordre de 15 kg - les négociations CEE-Canada sur l'uranium sont dans l'impasse: le pessimisme est tel, paraît-il, chez certains, «qu'il se pourrait bien que l'on n'ait plus besoin de se rencontrer». On notera que le Canada est le 3ème producteur d'uranium... On pourrait bien envisager de se tourner vers les victimes habituelles de l'exploitation capitaliste, les pays du Tiers-Monde, mais hélas, la Conférence de Genève sur les matières premières vient de se terminer sur un «échec complet» (Le Monde, avril 77), ce qui constitue par ailleurs une menace sérieuse pour l'ensemble du «dialogue Nord-Sud». Où est donc passée la «sacro-sainte indépendance énergétique française grâce au nucléaire»? Comment va-t-on faire marcher nos belles centrales nucléaires sans uranium? Le nucléaire est décidément bien mal parti!! En tous cas, mis à part la mise en exploitation sur notre territoire, à Sévignon (71), d'une fabuleuse mine qui doit fournir quelques heures d'électricité «nucléaire»pour le parc français de 1985, on n'entend pas beaucoup parler de nouvelles découvertes... Heureusement, il reste la mer, cette source «inépuisable» et qui appartient à tout le monde: on nous apprend (AFP Science du 8.1.1977) que le Japon a décidé de débloquer une provision de 480.000 dollars pour lancer les études d'une usine capable d'extraire de l'eau de mer environ 1.000 tonnes de combustible par an. On remarquera que pour obtenir de quoi charger un réacteur PWR de 900 MW (72,5 tonnes d'uranium enrichi à 3%), il faut (compte tenu de la faible teneur de l'eau de mer en uranium) en pomper et en traiter un débit égal à 6 fois celui de la Seine au Havre, et cela pendant un an et avec un rendement de 100% (pour simplifier)!... Alors bonne chance! A.b. Démantèlement des centrales
(suite)
|
suite:
Mais, hélas, qui croire? Si l'on se tourne du côté des USA, on trouve une étude importante effectuée par un groupe privé américain «Nuclear Energy Services» pour le compte de «l'Atomic Industrial Forum». (Nuclear lndustry, février 77). C'est donc le dernier cri de la technique... et la première étude sérieuse du genre. C'est ainsi que deux solutions possibles sont envisagées: a) la mise sous surveillance (technique et gardiennage de sécurité) pendant cent ans avant démantèlement; b) la construction d'une enceinte de protection en béton pour condamner totalement l'accès pendant également une période de cent ans (cette solution réduit le gardiennage). Pour une centrale PWR, les coûts estimés par cette étude sont les suivants (en millions de dollars 1975): Le démantèlement immédiat
après l'arrêt a été estimé possible également,
et chiffré à environ 27 millions de dollars, mais cette solution
paraît exclue par les auteurs par suite des risques trop élevés
dus à la radioactivité: il faut donc attendre cent ans avant
de pouvoir envisager de réutiliser le site...
A.c. Le retraitement du combustible
Stockage
1. Il nécessite en effet la construction de piscines profondes (14-15 m) permettant d'assurer la protection biologique lorsque l'on extrait le combustible du chateau déposé au fond de la piscine. 2. En cas d'accident de manutention (depuis la sortie du coeur du réacteur) on peut être contraint de retraiter un combustible comportant une rupture franche. 3. Les microfissures du combustible évoluent dans le temps et l'on observe une contamination croissante de l'eau de la piscine dont il faut assurer en permanence la filtration. Au-delà de 10-4 Ci/m3, les problèmes se posent de façon aiguë. Une fissure peut rapidement conduire à des contaminations de l'eau de l'ordre de 1 à quelques dizaines de Ci/m3. p.5
|
L'eau est alors à renouveler
complètement, ce qui exige soit un traitement dans une installation
spécialisée, soit un rejet qui pose des problèmes
non négligeables (mille mètres cubes d'effluents à
raison de quelques Ci par m3).
4. Il est nécessaire de disposer d'installations de décontamination des outils, engins de lavage, château de transport, etc., qui ont été en contact de l'eau contaminée. 5. La piscine doit être «couverte»,car au voisinage de 10-2 Ci/m3, la contamination de l'air (par évaporation, projections, etc.) ne devient plus négligeable. Cette énumération qui n'est pas exhaustive, montre la fragilité de l'argument «stockage» qui est une solution chère car le retraitement devient inéluctable au bout de quelques années, car les gaines se corrodent très rapidement dans la piscine. C'est en définitive reculer pour «moins bien sauter». Le traitement du combustible
Les centres de production du CEA ont mené
une longue grève à la Hague, Marcoule et Miramas. M. Giraud
a pris à sa manière le virage industriel en procédant
tant à la Hague qu'à Marcoule au premier lock-out réalisé
dans le secteur public. Ce «couplage au réseau industriel»,
comme on dit à EDF mérite d'être salué...
SITUATION INTERNATIONALE Politique du retraitement ou
L'industrie du traitement des combustibles irradiés, issus des réacteurs nucléaires est remise en question par les Etats-Unis. (suite)
|
suite:
S'appuyant sur une vue politique de non prolifération (objectif mis en avant) et prenant en compte les sérieuses difficultés techniques rencontrées (motivation inavouée), les USA prennent pour le moment position en faveur du «gel du retraitement». Ce choix politique débouche sur un choix technique: le stockage en piscine des combustibles irradiés. Rappelons en effet que l'usine de la Hague est la seule au monde qui essaie encore de fonctionner. Morris (USA), Windscall (Grande-Bretagne), NOL (Belgique), Wak (RFA) ont toutes été arrêtées en 1974 du fait des difficultés techniques rencontrées, du relèvement des normes de sécurité aux USA, de la sous-estimation générale des coûts (cf. Gazette numéro 4). La France décidait, le 16 déc. 1976, de «ne plus autoriser. jusqu'à nouvel la signature de contrats bilatéraux portant sur la vente à des pays tiers d'installations industrielles de retraitement des combustibles irradiés ». Afin de prendre, pour le moins vertement, ses distances vis-à-vis des USA, le communiqué de l'Elysée précisait: «1 - Le contrat avec la Corée a été annulé par une décision purement française prise par le chef de l'Etat, 2. la politique de non-prolifération définie par la France pour son propre Compte, comme en témoigne l'ensemble des décisions prises et des principes affirmés par le conseil de politique extérieure nucléaire. Si l'objectif visé est la non-prolifération du plutonium militaire, il faut s'interroger sur l'impact réel de telles décisions. L'explosion indienne de 1074 montre à l'évidence que le refus de vendre des installations de retraitement est une option nécessaire pour éviter toute prolifération massive de l'arme nucléaire, mais elle n'est pas suffisante. Depuis une vingtaine d'année, les technologies mises en oeuvre pour le retraitement sont du domaine public. Le retraitement de quelques tonnes de combustible opéré, dans des installations quasi-artisanales (avec risques humains importants) avec l'aide de quelques radio-chimistes, permet d'obtenir les quelques kilos nécessaires à la construction d'une bombe A rudimentaire. IL APPARAîT DONC QUE LA PREMIERE BARRIERE RESIDE EN LA NON-DISSEMINATlON DES CENTRALES NUCLEAlRES.
p.6
|
Les raisons en sont connues: corrosion sous
tension de l'accès ferritique (non inoxydable) des goujons par l'acide
borique s'échappant du circuit primaire par la fuite.
|
est-il une enceinte étanche? Les officiels du nucléaire nous affirment
qu'en cas d'accident, la vapeur et les produits radioactifs sont contenus
à l'intérieur du bâtiment réacteur dont l'enceinte
est étanche précisément dans ce but. On peut en douter:
|